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CHAPITRE I: REVUE DE LA LITTERATURE. INTRODUCTION

de 09 schémas régionaux d'aménagement du territoire (SRAT) qui

I.2. LA QUESTION DU FONCIER RURAL PAR LA VOIX DES UNIVERSITATIRES. VOIX DES UNIVERSITATIRES

I.2.1. L’approche des géographes

I.2.1.3. Marc Côte et l’Algérie rurale

Marc Côte, qui nous a beaucoup inspiré, à la fois universitaire et homme de terrain, est une source incontestable d’informations sur le monde rural en Algérie, considéré comme un spécialiste et un connaisseur de la question pour y avoir séjourner pendant vingt ans autant qu’enseignant chercheur en géographie à l’université de Constantine.

Le retournement de l’espace en Algérie.

Dans son livre "L’Algérie ou l’espace retourné", (1988), édition Flammarion, 362 pages, l’auteur apporte des réflexions sur les permanences et les mutations de la société algérienne, saisies à travers l’histoire. Ce livre centré sur l’évolution spatio-temporelle, est caractérisé par quatre moments chronologiques essentiels.

Dans un premier temps les racines ou le temps de l’espace intériorisé, Marc Côte rappelle que la terre algérienne a longtemps été le lieu d’une société agraire bien cohérente, en utilisant un support spatial bien structuré et surtout tourné vers l’intérieur du pays. L’homme algérien a fait de la montagne sont lieu de vie principale et de la plaine son annexe, « l’habitat traditionnel privilégie les massifs montagneux aux dépens des plaines et, à l’intérieur des massifs, les crêtes et versants au détriment des bassins et fonds de vallée ». (CÔTE, 1988, p40).

En pratiquant un système de complémentarité sur le territoire algérien, deux sociétés s’y présentent, l’une paysanne de statut melk, (propriété privée) non écris mais reconnus par le groupe, aliénable de droit. Caractérisée par

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son attachement à la terre, par des mises en valeurs intensives et par une forte cohésion sociale. L’autre est agropastoral de statut arch, (propriété collective) n’est pas fondé sur la terre, d’une mise en valeur extensive et de caractère inaliénable.

Il faut signaler aussi la pratique de complémentarité sur de longue distance avec le mouvement de transhumance nommée l’Achaba, qui est un accord conclus entre les tribus pour la pratique du pacage des troupeaux durant la saison difficile, entre la steppe et le tell au Nord du pays.

La logique agraire nous laisse comprendre la logique sociale appuyée sur la force de la communauté qui est la tribu. « La cellule fondamentale de la société algérienne est la communauté ». (CÔTE, 1988, p 71). Côte décrit la tribu come une microsociété en elle-même, qui constitue une unité territoriale, économique et sociale de base : « la tribu est l’entité politique, face à l’extérieure ; la fraction est la communauté sociale, face à l’intérieure » (CÔTE, 1988, p 79).

Dans un deuxième temps, la greffe coloniale ou le temps de l’espace retourné, durant la colonisation, Côte raconte la création d’une économie nouvelle et d’un espace nouveau, suite à l’arrivée d’une nouvelle société européenne avec une logique complètement différente, qui se superpose sur la première autochtone et qui l’amène a retourné l’espace en place et la décrit « tel on retourne un gant » (CÔTE, 1988).

La colonisation officielle avait introduit dans le pays le modèle économique capitaliste basé sur l’économie de marché, l’ouverture sur le monde extérieur, la monétarisation et la spécialisation. Les terres et les logements étaient attribuées aux colons presque gratuitement : « le binôme village-périmètre de colonisation constitue l’instrument par excellence de la colonisation » (CÔTE, 1988, p119). « La terre a été le vrai champ de bataille du fellah algérien. La lutte armée a durée quarante ans (1830-1871), la lutte agraire n’a pas cessé jusqu’à 1962 » (CÔTE, 1988, p126).

Dans un troisième temps, la revanche sur l’histoire -l’espace forcé-, après l’indépendance, un important développement économique s’effectue qui modifie l’espace hérité de la colonisation. Avec l’adoption du modèle économique socialiste, la nationalisation des hydrocarbures, l’implantation de la révolution agraire, l’industrialisation, le maillage territorial, la mise en place de réseaux de communications et la poussée urbaine, ont incité à la croissance démographique rapide, d’où la nécessité de construction d’un État moderne.

Dans un dernier temps, la recherche d’identité -l’espace réapproprié-, l’auteur analyse la crise d’identité que connait la société algérienne suite aux retombées de la période coloniale et qui la conduit, afin de se retrouver elle-même, à chercher à réapproprier son espace. « L’avenir de l’Algérie passe par une "récupération" d’elle-même, de son passé, de son identité, de son espace » (CÔTE, 1988, p253). Pour terminer, on ne saurait comprendre la

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production spatiale de la société algérienne actuelle et les transformations qu’a subi son territoire sans remonter à son passé coloniale et précoloniale.

L’Algérie des campagnes.

Dans son ouvrage "L’Algérie, espace et société", édition Masson 1996 et Médias-plus en 2005, 253 p, Côte raconte que « l’Algérie a été marquée au fer rouge par l’épisode colonial. Elle n’a pas fini d’en payer le prix » (CÔTE, 2005).

L’auteur explique la réalité algérienne à travers le cadre société-espace, en se basant sur quatre approches sectorielles : la première sur les

fondements de la société algérienne, d’où son insertion par des racines

profondes liées aux pays du Maghreb, aux aires méditerranéennes et arabo-musulmane.

La deuxième, sur l’Algérie des campagnes, où il expose les mutations de l’espace agraires qui ont constitué une nouvelle ruralité, appuyée sur un important équipement. La troisième représente l’Algérie des villes, entre une évolution démographique due à une croissance économique, opposée à un déséquilibre générale de la cohérence urbaine.

Une quatrième partie analyse la question de l’Algérie entre

sous-développement et sous-développement en mettant en relief ses fragilités

structurelles et les dérives qui en ont résulté au début des années 90. Il termine par une cinquième partie consacré aux grands ensembles régionaux, qui s'appuient sur un découpage particulièrement intéressant en mettant en évidence les transformations géographiques de la période postcoloniale (régions sahariennes, les aires métropolitaines, etc.).

Dans l’Algérie des campagnes, l’auteur parle des sociétés agraires et leurs espaces traditionnels, il analyse en premier lieu la logique de la distribution de la population algérienne dans l’espace selon la disposition du relief, de la topographie et de la pluviométrie.

Dans un deuxième temps, il raconte que la colonisation en Algérie a été fondamentalement, agraire « l’espace agraire agro-pastoral a été beaucoup plus désarticulé, car il a été pénétré largement par la colonisation ». (CÔTE, 2005, p50). Elle a été au départ par voie officielle, c’est-à-dire par nationalisation des terres beylik (terres appartenant à l’État turc) et habous (terres religieuses), ou par séquestre des terres des tribus révoltées.

Quant à la colonisation privée a commencé avec les grandes lois agraires, notamment la loi Warnier (1875) destinée à lever inaliénabilité des terres, d’où on a commencé à voire les transactions foncières entre Européens et Algériens. « L’histoire des fellahs des XIXe et XXe siècle a ainsi été celle d’une grande dépossession foncière ». (CÔTE, 2005, p55).

Durant l’indépendance il y’a eu la naissance des domaines socialistes autogérés, survenus de la nationalisation des domaines des colons, portant sur

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les meilleures terres du pays, avec un patrimoine de l’ordre de 3 millions d’ha. Le secteur public s’est élargi vers les années 70 par la Révolution agraire qui a attribué des terres aux paysans sans terre, organisés en coopératives agricoles.

Une réorganisation foncière est venue à partir de 1982, fusionnant les deux secteurs socialistes (autogérés et Révolution agraire) en donnant création aux domaines agricoles socialistes (D.A.S). En 1987, le phénomène du morcellement s’est accentué avec la création de petites unités plus autonomes, les exploitations agricoles communes (E.A.C) et individuelles (E.A.I) et en 1990, se voit le début de la restitution des terres nationalisées à leurs anciens propriétaires.

Ainsi, ces réformes ont amenées les terres à changer de statuts plusieurs fois et bien souvent de mains aussi, avec le morcellement du secteur public d’un côté et le remembrement progressif au sein du secteur privé d’un autre, le secteur agricole tendait à se reconstituer. « Quelles que soient les formules adaptées dans l’avenir, il apparaît que quelque chose a été cassé en Algérie dans les rapports entre les hommes et la terre ». (CÔTE, 2005, p 61).

En finalité, une nouvelle ruralité s’est installée dans les campagnes algériennes qui ont vues leurs cadres de vie se changer d’une manière évolutive. « L’Algérie a raté son agriculture. Elle a relativement réussie ses campagnes. Des formes d’une ruralité nouvelles y émergent ». (CÔTE, 2005, p 79).

Les différents paysages ruraux en Algérie.

Dans son livre "Pays, paysages, paysans d’Algérie", édité une première fois à Paris par CNRS Éditions, 1996, rééditer pour diffusion en Algérie par Médias-plus en 2008, 282 p. Côte souligne que ces dernières années les villes ont pris de l’ampleur, la montée de l’urbanisation rapide marque tellement le paysage, les problèmes des citadins sont devenus tellement prégnants que le monde rural passe au second plan.

Une première partie nous fait rappeler l’identité des fellahs algériens, en pénétrant dans leurs quotidiens et leurs univers internes à travers des personnages de paysans, en décrivant leurs relations avec l’habitat, la terre, l’eau, l’espace et le temps.

Avec l’exemple de Si Mohand de la grande tribu des Ouled Abdi de la région d'Amentane dans le fond des Aurès, l’auteur nous décris la vie de relations, les collectivités humaines, les jardins irrigués, les cultures de céréales et les parcours sur les versants.

Autour de l’habitat rural très diversifiés, l’auteur nous décrit l'organisation dans une chaîne montagneuse du Tell dans le massif de Ferdjioua, autour d'une cour centrale dans une maison en pierre de Si Allaoua

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dans la mechta des Maharez (c’est-à-dire un groupement de maison et de familles dans un même espace).

Avec Si Bachir, il expose l’attachement à la terre des petites exploitations familiales destinée à l’autosuffisance domestique dans la plaine d’Ain Fakroun où le parcellaire est le résultat d’un travail par attelage avec cheval, qui est devenu mécanisé de nos jours.

Ou encore avec Si Ahmed et l'obsession de l'eau dont le partage reste une contrainte permanente, sur le flanc Nord du bassin de Hodna, en contrebas du massif de Boutaleb, où Magra se présente comme un espace de verdure bien occupé par les hommes.

Un autre paysan, Si Lakhdar, dans le pays Nememcha, qui a su pallier aux contrastes climatiques avec un système de compensation spatiale temporelle qui a été prévu par la collectivité: la redistribution périodique de la terre entre les membres de la communauté, organisée selon les places de cultures ou de l'élevage.

Le dernier exemple est celui de Si Laid, habitant un hameau, près de Merouana, qui mène une vie très rythmée, mais à des échelles de temps différentes. Avec un rythme hebdomadaire et un rythme saisonnier, le marché rural constitue un moyen véritable d’échange économique dans le monde rural.

Un autre exemple cité pour les campagnes d'émigration dans le pays des Ait Oughlis, dans la vallée de la Soummam, où l’on trouve un village traditionnelle et des constructions modernes, paysage rural et non agricole, des montagnards qui ne vivent plus de leur montagne mais de l’extérieur.

Pour les campagnes désarticulées et bousculées avec la réforme agraire et la création des villages socialistes, il a donné l’exemple du cas de la plaine de Remila, au Nord de Batna et Khenchela dans les hautes plaines, où l’on trouve une production de céréale et d’élevage ; qui constitue la base de l’alimentation et du revenu de la région.

Les campagnes réappropriées du Sud sétifois, semi-aride est céréalier, marqué par la petite hydraulique paysanne et l’irrigation des cultures maraîchères, le rapport de l’eau détermine toute l’organisation spatiale de cette économie.

Un autre exemple de la plaine littorale de Bounamoussa qui constitue une partie de la vaste plaine d’Annaba. Caractérisé par les grands aménagements hydro-agricoles où l’unité de base est l’îlot technique. Les grands domaines de colonisation, ont été transférés à l’autogestion en 1963, devenue aujourd’hui des exploitations collectives et des fermes pilotes.

L’exemple de la plaine de la Mitidja représentant les campagnes périurbaines dans la frange du grand Alger, dévoile la problématique de l’extension urbaine sur les terrains agricoles.

Il cite l’exemple de dualisme agraire dans les hautes plaines orientales où deux plaines sœurs entre Constantine et Batna ont eu deux sorts différents à

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cause des statuts juridiques légués. Que ce soit pour le secteur socialiste dans la plaine de Bir Chouhada à l’Ouest ou pour le secteur privé de la petite paysannerie à Souk Naamane à l’Est.

Il essaye de nous faire comprendre les systèmes de fonctionnement de la société rurale, à travers le premier cas de l’exemple de la montagne d’Oued Zénati, où l’on rencontre une société agro-pastorale, avec un système de production extensif, une déstructuration de la société produite par la colonisation donnant comme résultat l’exode rural définitif.

Un deuxième cas de la montagne de Collo, la société y est paysanne, bien liée à la terre, dotée d’un système agricole en symbiose avec la forêt, avec une densité de la population et de l’habitat sur la montagne et une émigration temporaire de travail qui a assuré des revenus pour la région.

En dernier, l’auteur s’interroge sur le devenir du pays, une agriculture en crise, placée au rang d’une parente pauvre, une société rurale en crise également, le monde rural tout entier est en crise. « Dans sa recherche ardente de modernité, l’Algérie a négligé ses racines, […] la désaffectation vis-à-vis de tous ce qui est rural est le problème majeur des campagnes algériennes ». (CÔTE, 2008, p 222). (Figure 12).

Figure 12: Les mutations des espaces agraires algériens.

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Il termine avec l’idée que pour pouvoir émerger une paysannerie moderne et efficace, il faudrait assurer trois éléments essentiel : une sécurité des statuts agricoles, une valorisation des initiatives et une prise en charge par un encadrement agricole. « On a trop souvent réduit le rural à l’agricole ; et trop vite défini une "vocation agricole" pour telle région. La pluriactivité, tant au sein des budgets familiaux que des activités économiques locales, est devenue une réalité importante des campagnes » (CHAULET, 1990, cité par CÔTE, 2005, p 272).