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CHAPITRE 1: REVUE DE LITTÉRATURE

4 PATHOGENÈSE III : PHASE CLINIQUE

4.3 Manifestations systémiques

L’arthrite rhumatoïde est une maladie systémique comprenant, en plus de l’inflammation articulaire, des manifestations extra-articulaires et des complications systémiques, qui sont

observées chez environ 40% des personnes atteintes, plus fréquemment chez les personnes atteintes d’arthrite rhumatoïde séropositive que séronégative. Ces manifestations sont généralement reliées à des vascularites, reflètent souvent une inflammation de longue date, et comprennent des maladies cardiovasculaires et pulmonaires, des troubles musculo- squelettiques, et des manifestations gastrointestinales, rénales, neurologiques, hématologiques, et hépatiques (Cojocaru et al., 2010, McInnes et al., 2011).

Les maladies cardiovasculaires observées chez les personnes atteintes d’arthrite rhumatoïdes incluent l’athérosclérose, les infarctus du myocarde, les accidents vasculaires cérébraux, l’insuffisance cardiaque, la péricardite, l’endocardite, et la rigidité artérielle. Le taux élevé de maladies cardiovasculaires chez les personnes atteintes d’arthrite rhumatoïde n’est pas expliqué par les facteurs traditionnels de risque de maladie cardiovasculaire, soient l’âge, le statut diabétique, la tabagie, l’hypertension, la dyslipidémie, l’obésité, le manque d’exercice physique, et la tendance familiale vers les maladies coronariennes (del Rincon et al., 2001). Les maladies cardiovasculaires chez les personnes atteintes d’arthrite rhumatoïde seraient plutôt dues à des molécules présentes dans la circulation, soient des cytokines pro-inflammatoires (TNF-α, IL-6), des protéines de phase aigüe, des complexes immuns, des particules lipidiques altérées provenant du foie. Ces molécules mènent à une activation endothéliale élevée, ce qui pourrait rendre instable les plaques athéromateuses (Sattar et al., 2005).

Des maladies pulmonaires inflammatoires et fibrotiques sont également observées chez un grand nombre de personnes atteintes d’arthrite rhumatoïde, spécifiquement l’épanchement pleural, ainsi que la pneumopathie interstitielle. Les manifestations pulmonaires sont fréquentes (observées chez environ 50% des patients atteints), mais rarement cliniquement détectées (environ 10%) car elles sont souvent asymptomatiques (Provenzano, 2002). Les manifestations pulmonaires chez les personnes atteintes d’arthrite rhumatoïde sont généralement liées à la vascularite, ainsi qu’à des nodules dans le parenchyme pulmonaire (Cojocaru et al., 2010). L’arthrite rhumatoïde est également associée à un risque plus élevé de cancer du poumon que dans la population générale, possiblement à cause de l'association avec le tabagisme ou lié à l’inflammation pulmonaire menant au remodelage fibrotique du tissu pulmonaire interstitiel (McInnes et al., 2011)

L’arthrite rhumatoïde est associée à des manifestations musculo-squelettiques, soient la sarcopénie et l’ostéoporose, menant à la faiblesse musculaire et la perte de fonction, ainsi qu’un risque accru de fractures (Guler-Yuksel et al., 2009, Matschke et al., 2010, Rall et al., 2004). Sont également observées des manifestations dans le système tégumentaire,

particulièrement la présence de nodules rhumatoïdes chez environ 20% des patients; ces manifestations sont causées pour la plupart par une vascularite des petits vaisseaux sanguins, particulièrement dans les extrémités, et mènent à de la douleur, ainsi qu’à une difficulté accrue à effectuer des tâches délicates (C. Turesson et al., 2004b). L’arthrite rhumatoïde se manifeste également dans les glandes exocrines, spécifiquement les glandes lacrimales et salivaires; ces manifestations sont principalement causées par des vascularites des petits vaisseaux sanguins. Les personnes atteintes d’arthrite rhumatoïde sont à risque particulier de développer le syndrome de Sjögren secondaire, c’est-à-dire la destruction autoimmune des glandes exocrines par les leucocytes (He et al., 2013).

Quoique l’implication primaire du système gastointestinal est assez rare, une vascularite mésentérique peut mener à un infarctus intestinal, qui est souvent fatal pour les personnes atteintes. D’autres manifestations gastrointestinales sont fréquemment observées chez les personnes atteintes d’arthrite rhumatoïdes, telles que des saignements et des perforations intestinaux, mais ces manifestations sont typiquement iatrogènes, c’est-à-dire qu’elles sont des effets secondaires du traitement prescrit (Cojocaru et al., 2010). Les manifestations gastrointestinales sont souvent accompagnées de manifestations rénales, également iatrogènes.

Les manifestations neurologiques principales sont la polyneuropathie diffuse du système nerveux périphérique, ainsi que la mononévrite multiple, causées par la vascularite des petits vaisseaux sanguins irriguant les nerfs (Ramos-Remus et al., 2012). Les personnes atteintes d’arthrite rhumatoïde ont également un risque accru de désordres psychologiques, spécifiquement l’anxiété et la dépression, associées à la perte de la capacité à effectuer les activités quotidiennes et que la perception de la maladie par le patient (Gettings, 2010).

Les manifestations hématologiques de l’arthrite rhumatoïde incluent l’anémie, généralement causée par l’activité multifactorielle de la maladie, par les saignements gastrointestinaux iatrogènes et dus à la malnutrition, ou par la suppression de la moelle osseuse et l’érythropoïèse inadéquate associés à la nature immunosuppressive des traitements (Cojocaru

et al., 2010). Sont également observées chez un nombre important de patients la neutropénie,

la thrombocytopénie, et l’éosinophilie généralement associées aux traitements immunosuppressifs.

Les personnes atteintes d’arthrite rhumatoïde sont à risque élevé de développer des hématopathies malignes, spécifiquement des lymphomes. Plusieurs mécanismes ont été postulés, notamment des dérangements dans la sélection clonale des lymphocytes B, dans

l’immunosurveillance suite à des facultés affaiblies des lymphocytes T régulateurs, ainsi qu’au malfonctionnement des cellules NK. Les personnes atteintes de syndrome de Sjögren secondaire à l’arthrite rhumatoïde sont à risque accru de développer des lymphomes non- hodgkiniens. Les mécanismes menant à cette association ont trait à la surstimulation chronique des lymphocytes B, menant à l’augmentation de la fréquence des mutations oncogènes et ainsi à un malfonctionnement des checkpoints de l’activation des lymphocytes B, menant éventuellement à la transformation en une lignée maligne.

Pour conclure cette section, les personnes atteintes de manifestations extra-articulaires et de complications systémiques de l’arthrite rhumatoïde ont un risque élevé de morbidité et de mortalité prématurées. Il n’existe présentement pas de prédicteurs fiables indépendants pour les manifestations extra-articulaires, et ces dernières indiquent généralement un pronostic négatif. Par contre, nous observons une diminution de la prévalence des manifestations extra- articulaires au fil du temps; le motif temporel de cette réduction suggère que le traitement

disease-modifying de l’arthrite rhumatoïde exerce également une fonction importante sur les

manifestations extra-articulaires et les complications systémiques.

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