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1. L ES DIFFICULTÉS “ ORDINAIRES ” D ’ APPRENTISSAGE

1.2 Exploration du construit

1.2.4 Manifestations et conséquences chez l’élève

La recension que nous avons entreprise nous permet d’aborder ce critère dans quatre directions : a) manifestations qui rendent la difficulté ostensible (par l’élève ou l’enseignant), b) conséquences psychoaffectives (blocage, ralentissement, émotions, notamment), c) conséquences cognitives (absence de traces, utilisation d’une procédure personnelle, agencements inventifs, emploi partiel d’une procédure, erreurs, par exemple).

Tableau 4

Le contexte général décliné en indicateurs

Indicateurs Aspect(s) Autres éléments associés

L’étape de l’apprentissage Didactique Le moment de la progression en référence à la logique des savoirs concernée.

La tâche ou l’activité Pédagogique Didactique Et la manière dont elle a été présentée à l’apprenant.

Le moment de la journée Chronobiologique Physiologique Et son rapport avec le degré de fatigue et d’attention de l’apprenant.

Le système relationnel Affectif Social Et la nature des rapports existants dans le groupe classe. Le rapport du savoir entretenu

personnellement par l’apprenant Conatif

Et spécialement au savoir précis à s’approprier à ce moment-là.

La dynamique d’apprentissage existant dans la classe.

Psychologique (théories de l’apprentissage)

Pédagogique

Celle que le maître impulse par ses attitudes, ses comportements quotidiens, ses choix pédagogiques et qui donnent à l’erreur un statut aux conséquences très différentes : bannie (faute),

tolérée (quel rôle lui attribuer ?), acceptée, reconnue, exploitée positivement pour l’analyser, la comprendre et apprendre à la dépasser.

La première dimension concerne les modalités qui rendent les difficultés ostensibles. En s’intéressant aux pratiques de prise en charge des difficultés des élèves, Marcel (2005) définit la difficulté “émergente” comme celle « d’un élève qui apparaît ostensiblement durant une séance, soit parce que l’élève l’a rendue « visible », soit parce que l’enseignant l’a repérée » (Marcel, 2005, p. 22). Il détermine d’ailleurs quatre indicateurs qui discriminent les pratiques de prise en charge des difficultés au cycle 2 et au cycle 3 :

- Les moments de la séance durant lesquels émergent les difficultés ;

- La manifestation de ces difficultés, qui diffère, en fonction du statut scolaire des élèves concernés ;

- Le “déclenchement”, c’est-à-dire la modalité qui rend la difficulté ostensible ; - Le comportement de l’enseignant face à la manifestation de cette difficulté.

Ces quatre indicateurs peuvent s’exprimer différemment selon le cycle. Marcel (2005) précise à cet effet que les difficultés apparaissent plutôt en début de séance en cycle 2 alors qu’en cycle 3, elles se localisent sur la fin. De même, au cycle 2, ces difficultés concernent plutôt des élèves ayant des “résultats moyens” alors qu’au cycle 3 ceux obtenant de “bons résultats” semblent être davantage concernés. Le quatrième indicateur touche davantage l’agir enseignant, nous y reviendrons plus bas.

Les deux dimensions suivantes portent sur les conséquences psychoaffectives et cognitives qui touchent l’élève lorsqu’il est confronté à des difficultés d’apprentissage – La plupart des indicateurs regroupés autour de ce critère ont une consonance plutôt négative chez les auteurs consultés. Ils nous renvoient à l’image d’un élève qui perd ses capacités et qui ressent en lui des émotions douloureuses (conséquences psychoaffectives). Villepontoux (1997) décrit aussi d’autres manifestations significatives sur le plan cognitif. Il parle de bousculement, de deuil conceptuel, de ralentissement ou de baisse d’efficacité cognitive. En ce sens, les erreurs peuvent représenter des signes manifestes des difficultés éprouvées par les élèves. Dans le même ordre d’idées, Perraudeau (2005) définit deux types, « fortement contrastés » de difficulté “ordinaire” : la difficulté procédurale et la difficulté structurale. La difficulté procédurale se traduit chez l’élève par l’emploi inapproprié, voire partiel, des bonnes procédures en dépit de capacités cognitives, logiques ou langagières satisfaisantes. Pour illustrer ce type de difficulté, Perraudeau (2005) donne l’exemple d’un élève qui, dans une situation de résolution de problème, ne maîtrise pas la technique de la multiplication des nombres décimaux alors qu’il identifie la relation multiplicative sous-jacente. Il peut alors choisir d’y répondre par un autre type de procédure (une itération additive par exemple). L’attention de l’enseignant peut, dès lors, se focaliser sur la manière dont l’élève résout le problème plutôt que sur le résultat. Perraudeau (2005) mentionne également l’exemple d’élèves qui s’attachent à résoudre un problème partiellement en négligeant le traitement d’une de ses parties. Dans ce cas de figure, l’élève éprouve des difficultés à gérer son attention sur la totalité du problème tant son énergie cognitive est mobilisée par ce qui lui pose problème. Dans le cas de la difficulté structurale, « les outils cognitifs et logiques, constituant les structures mentales, sont mal

construits ou n’existent pas. Certaines conservations ne sont pas établies, la décentration ne s’effectue pas ou mal. La rigidité du traitement finalisé par la seule production d’un résultat laisse peu de place à la mobilisation de la compréhension, de la planification, du contrôle » (Perraudeau, 2005). Ce chercheur justifie cette classification en référence aux travaux de Botelho, Castro et Mordago (2001) dans le champ des mathématiques. Il dit également s’être appuyé sur ceux d’Inhelder et Cellérier (1992), tous deux, assistants de Piaget. Perraudeau (2005) exemplifie ce type de difficulté en mentionnant le cas d’élèves qui effectuent une opération “au hasard”, qui ne tiennent pas compte du contexte ou qui se réfugient dans une réponse stéréotypée pour satisfaire la demande de l’enseignant. En pratiquant ainsi, les élèves concernés pensent pourtant avoir correctement effectué leur “métier d’élève”. Ce même chercheur identifie un certain nombre de “marqueurs discrets”, révélateurs réels de difficultés, susceptibles d’alerter l’enseignant. Ces marqueurs, qui ne sont pas à considérer au sens strict, peuvent revêtir des facettes bien différentes : l’élève qui utilise des procédures systématiquement incohérentes, celui qui omet son matériel, qui évite de prendre la parole ou qui se fait oublier, l’enfant qui a le sentiment d’être rejeté par son enseignant ou par ses pairs. En prenant toutes les précautions qui s’imposent, ils peuvent s’avérer être des indicateurs « de rapports problématiques à la classe, aux pairs, au maître ou au savoir qu’il convient de prendre en compte » (Perraudeau, 2006, p.119).

Nous noterons que Villepontoux (1997) amorce également une vision plus positive des conséquences liées aux difficultés éprouvées par les élèves. Ainsi, au contact de l’obstacle, l’apprenant est contraint de changer de direction ou d’emprunter un détour. En effet, et si les obstacles pouvaient être la source de développement de nouvelles facultés ? Et si le franchissement d’un obstacle permettait à l’élève de développer sa créativité, son imagination ? Et si l’exposition à l’obstacle permettait de faire naître ou renaître du désir ? Les travaux de Jorro (2000), portant sur l’accueil des productions d’élèves et le statut de l’erreur, ainsi que ceux d’Astolfi (1997/2011), abondent en ce sens. L’enseignant est invité à adopter une posture d’ouverture et à aller au-delà des apparences révélées dans l’erreur afin de saisir la logique de l’apprenant. Nous nous éloignons ainsi d’une vision négative où les difficultés rencontrées par les élèves n’engendreraient qu’inquiétude et blocage. Ces

travaux ne nous paraissent pas si éloignés du thème relatif aux difficultés “ordinaires” d’apprentissage. L’attitude positive de l’enseignant, les mots qu’il emploie seront sans doute déterminants pour aider l’élève à surmonter ses difficultés.

Avant de poursuivre l’exploration des dimensions restantes du construit de difficultés “ordinaires” d’apprentissage, et dans le prolongement des éléments que nous venons d’exposer, arrêtons-nous un instant sur les travaux d’Astolfi (1997/2011) relatifs à la thématique de l’erreur. Ils permettront de nous entendre sur la signification des termes difficulté, obstacle et erreur.

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