• Aucun résultat trouvé

B.A

Lieu : salle d’attente de radiologie RDB. Réalisé le 14/02/03 à 11h12

Entretien retranscrit sans enregistrement, sur la base de notes. V : Question initiale

B : Hé bien…..

V : Vous pouvez peut-être me raconter une journée, le quotidien…

B : Pour le quotidien, ben, c’est le papa qui s’occupe de l’enfant. Moi, je travaille, je conduis les bus, et je me lève très tôt (à 4h00) et je pars. Heureusement son papa est enseignant, et il peut s’occuper de l’enfant le matin et l’emmener au collège.

Le vrai problème, c’est le collège. En fait, maintenant, il est hospitalisé à domicile environ trois fois par an, et cette année au collège, ils ont pas voulu le garder pendant les trois semaines de la cure. Ils ont dit non à cause du cathé et des petits ciseaux qu’il a sur lui… C’est au cas où, pour pouvoir clamper. Mais ils ont pas voulu. Je sais pas ce que ça leur fait, ça fait tâche peut-être, la muco. On n’en veut pas. Le directeur il m’a dit une chose qui m’a fait beaucoup de mal, vous savez, il m’a dit que quand on a un enfant comme ça, on le garde à la maison. Moi, j’ai dit que mon fils, il va aller au collège, et que quand on a un enfant comme ça, il va au collège comme les autres.

Alors après, pour l’autre cure, on a juste dit qu’il devait pas aller en récréation, je voulais pas qu’on le bouscule, parce que à cet âge là, c’est des sauvages, vous savez ? Ils se mettent des coups de poing et tout ça, même mon fils, hein, mais quand il a le cathé, faut faire attention.

Et ben, ils l’ont obligé à rester assis seul dans un couloir à toutes les récrés… Comme s’il était puni ou je sais pas moi. Ils auraient pu le mettre sur les ordinateurs au CDI, ou je sais pas moi, mais non… et mon fils il m’a dit « arrête maman, on rase les murs et on leur dit plus rien, tu me pénalises sinon ».

Alors ben, c’est l’infirmière de l’AFLM qui les a appelés, et qui a un peu arrangé les choses, parce que depuis, le directeur il me parle mieux, il est plus trop méprisant. Mais c’est pas avec les enseignants que ça se passe mal, c’est avec le directeur et les surveillants… L’autre jour… Sylvain a été malade, il a eu de la fièvre pendant une semaine et après ça s’est calmé, alors je lui ai fait un mot pour le collège, comme quoi il avait été malade, et le surveillant, il lui a dit « ça t’arrange bien, hein, d’être malade ! », et mon fils il lui a répondu que non, qu’il préfèrerait pas, parce que ça le pénalise pour sa scolarité…

Mais même avec les copains, il en a moins… Ils sont plus mûrs je crois, vous savez… La maladie… Par exemple, l’enfant, maintenant, des fois, après l’école, il m’appelle pour me dire « t’inquiète pas maman, je rentre un peu plus tard », et ils vont s’acheter des pizzas, se faire servir…Même sa sœur, elle faisait pas ça à son âge…

C’est mignon hein ?….

V. : Vous parliez des associations, vous avez fait appel à elles ?

B : Au début non, je voulais surtout pas, je pensais que c’était un endroit où on va juste pour prendre le thé et pleurer, alors je voulais pas en entendre parler. J’ai juste appelé parce que je voulais des informations sur les nouveaux médicaments et tout ça, et ils m’ont parlé du TOBI. C’est là que je leur ai dit pour le collège, et ils m’ont passé la dame (elle est infirmière, je crois) qui s’occupe que de ça et elle a appelé le collège. Ça, c’est une chose qu’il faudrait dire aussi, que les associations, ça a une utilité, vraiment, pour des choses… Que c’est pas seulement pour parler. Si j’avais su, j’aurais écouté la coordinatrice, Nadia, elle m’en avait parlé, mais je savais pas.

Mais bon, vous savez, ça s’est déjà beaucoup amélioré la prise en charge, l’hôpital, tout… Quand l’enfant il a été en réanimation, à 5 mois, jusqu’à 9 mois, hein ! On voulait pas lui donner le biberon, et on le nourrissait directement par le ventre, et moi, je lui donnais en cachette, et on m’engueulait hein !… C’est à cause de ça, s’il est anorexique.

Et puis avant aussi, je vous parle de ça dans les années 80 hein, quand ma fille elle a été malade, et on m’a dit que c’était la muco, et moi je voulais pas y croire, je disais « elle tousse, c’est tout, la muco… c’est n’importe quoi »…Alors depuis qu’on est à Debré, c’est beaucoup mieux… J’y suis allée pour l’enfant, c’est parce qu’il était trop maigre, mais il avait rien…à part ça… Le pédiatre il m’a envoyé ici, pour faire des analyses pour des compléments… Moi, j’avais dit non ! Pas l’hôpital, j’y vais pas, j’ai déjà vu…Mais il m’a dit « vous allez voir, c’est un hôpital tout neuf, ils font très attention aux parents et aux enfants » alors je lui ai dit qu’ils avaient dû être bien formés, parce qu’avant vous savez, les parents, on était, excusez-moi, mais des emmerdeurs… Et c’est vrai, ça va mieux…Beaucoup mieux…

V. : alors il a des frères et sœurs, Sylvain ?

B : Oui, j’ai eu 5 enfants, et il m’en reste deux… à cause de la maladie… Sa sœur, elle est morte de la maladie… Et puis il y en a eu un, il est mort à trois mois d’un arrêt cardiaque, je crois… Et puis ma fille… Ingrid…d’une occlusion intestinale… je l’ai eu en Algérie, c’est un médecin russe qui m’a accouché là-bas, et elle avait pas fait… Vous savez… La selle du nouveau né… Mais bon, lui il a dit qu’il fallait rien faire, qu’il fallait laisser la nature… Alors je suis retournée à la maison… et elle avait le ventre tout gonflé… Et puis, elle s’est mise à vomir tout marron, tout noir…En fait ce qui pouvait pas sortir d’un côté, ça sortait de l’autre, la pauvre… Et puis ils ont décidé de l’opérer, mais ça faisait 16 jours qu’elle mangeait pas, elle est morte de fatigue…La pauvre…

Je l’ai très mal pris, et pour les autres je voulais rien savoir… Et la maladie, je la refuse hein !

(silence…)

Une infirmière appelle Sylvain qui est déjà entré dans la salle d’examen… V. : vous avez des problèmes parfois, d’organisation, ou …

B : Ben, pas vraiment… Mais vous savez, on a tout organisé pour ça, on a choisi Drancy, parce que c’est en fonction du trajet pour le travail et pour ici… C’est toujours la maman qui vient à l’hôpital, le papa, il s’occupe du quotidien…

Mais y a eu un gros problème vous savez, c’est pour l’aide personnalisée, pour l’enfant… Ici, y a une assistante sociale, et quand l’enfant a été en réanimation, elle m’a dit qu’elle faisait tous les papiers, et je vous parle de ça il y a… Sylvain il a 13 ans, et il avait 12 ans et demi, et ben j’ai reçu une note de dix mille balles ! ! ! il fallait que je paie tous les frais d’hospitalisation, sinon la mairie vendait mon studio ! ! ! vous vous rendez compte ? ? ? J’ai cru qu’on allait me le prendre l’enfant, le mettre à la DASS, et puis nous mettre dehors ! ! ! à cause de cette charogne ! et elle est encore là hein ! les charognes, elles ont la vie dure ! Vous vous rendez compte ? ? ? Tout ça de sa faute ! elle est là pour nous aider, mais elle nous enfonce ! comment je pouvais faire ? ? ? Vous vous rendez compte ? ? ? ? la mairie, elle vous dit « alors voilà, on va vendre ça, et ça… ». Heureusement l’AFLM nous a aidé, ils ont payé 3000 balles, et puis les impôts, ils ont bien voulu répartir le reste sur plusieurs mois… Mais en plus après l’assistante sociale, elle voulait que je lui donne des idées pour les nouveaux parents ! ! ! alors je lui ai dit que moi, elle m’avait pas aidé, qu’elle m’avait enfoncé, et que j’allais pas l’aider… En plus, il fallait les ordonnances et tout, et c’est elle qui les avait… Et elle me disait « ha oui, mais ça marche pas, les médecins ils n’ont pas signé… » Et alors ? C’est à moi d’aller faire signer les papiers, si c’est elle qui les a, hein ?

Heureusement l’AFLM m’a aidé, et après ils ont dit que l’aide maintenant, c’est les parents qui la demandent… C’est mieux… Mais bon, je pensait qu’elle allait prendre sa retraite, et tant mieux, mais même pas, elle est toujours là ! Vous vous rendez compte ? ? ? Faut surtout pas aller la voir…

V. : Si je comprends bien, et surtout, dites-moi si je me trompe, les deux problèmes principaux, c’est l’école et l’assistante sociale… Vous en voyez d’autres ?

B : Oui, c’est ça…L’école surtout… Ben, sinon, les livraisons, c’est pas très bien organisé, parce que c’est eux qui ont l’ordonnance, mais des fois, ils sont en retard. Par exemple, aujourd’hui, je dois commencer le TOBI, et je l’ai pas encore… D’ailleurs y a aussi les masques, vous savez… Pour les aérosols… Et bien, y en a des jetables, c’est bien, mais pour l’autre traitement, il faut… Vous savez, comme pour les biberons…le stériliser ? Et ça, c’est pas du tout pratique, tout passer à passer à l’eau de javel, et c’est pas pris en charge du tout ça… il faudrait aussi qu’ils soient jetables. Bon, et puis y a aussi que les examens, ce serait

mieux pendant les vacances scolaires, sinon moi j’ai que 6 jours enfant malade par mois, et je les perds… En plus l’enfant n’aime pas rater l’école, et ça le pénalise…

V. : Et autour de chez vous, vous avez tout ce qu’il faut ? kiné ? Pharmacie ?

B : La pharmacie, oui, la kiné aussi… Mais vous savez, l’enfant, c’est surtout qu’il en a marre… Par exemple, la kiné il aime pas trop, et puis pour les médicaments aussi… Je les retrouve dans la poubelle… C’est son anorexie, moi j’appelle ça comme ça… Mais c’est dur, c’est très dur… Sylvain, en ce moment il est fatigué, je vois qu’il en a marre, il veut plus ses médicaments… Et puis, l’autre jour, il m’a demandé pour le paradis… Comment c’est… et il est allé sur Internet, voir le site de l’AFLM, et il m’a dit « tu vois maman, le monsieur qui a 77 ans, j’espère que j’aurai autant de chances que lui »… Mais moi, je vois bien, il va mal…Quand on est venu aujourd’hui… On a marché vous savez, et au bout de 300 mètres, il était tout essoufflé, comme s’il avait couru tout le long… Alors ça me fait mal… et puis il parle de la mort…L’autre fois, je savais pas quoi lui répondre…

Mais moi, je me battrai ! ! ! Vous savez, c’est peut-être méchant ce que je dis, mais je compte plus sur la France, moi ! ! ! Et en France, tout est compliqué… Aux Etats-Unis, ils essaient et ça marche, mais en France… faut attendre 10 ans, et tout vérifier… Vous vous rendez compte ? Alors que perdu pour perdu, qu’est-ce que ça peut faire ? Si ça marche ? Si ils peuvent vivre ? Ils sont en train de mourir ! ! !

Alors moi, si y faut… j’m’en fout, je vends tout, l’appartement… tout.. . et je pars là-bas, pour le guérir, je donne tout si il faut…Je le laisserais jamais être transplanté, de toute façon, ça sert à rien, la maladie elle revient ! qu’est-ce qu’ils croient ? ? ?

Pleurs… (quelques instants, puis retour au calme) V. : Vous voulez qu’on arrête l’entretien ?

B : NON ! Je veux des médicaments pour mon fils, qu’on le sauve, je veux qu’on me dise la vérité…je veux tout savoir… Mon mari, lui, il veut les papiers, les dossiers… Pour lui, les examens et tout ça veut rien dire, mais les papiers c’est la vérité…

V. : Vous voudriez être plus informés ?

B : Oui, c’est ça, qu’on nous dise les nouveaux médicaments et tout ça… Mais de toute façon, faut pas se faire d’illusion, y trouvent rien alors…

Oui, mais moi je voulais rien savoir… Je voulais pas tester mes enfants, à chaque fois j’attendais, et je me disais, il tousse pas, il a rien… Je pensais que ça existait pas la muco, que c’était juste une petite toux… Vous voyez quoi…

Mais sa sœur elle a rien, elle a dix-neuf ans et elle a rien, j’ai jamais voulu qu’on la teste, les médecins, ils voulaient, mais moi j’ai dit non. Et puis vers 4 ans, elle avait rien et je me suis dit c’est bon, elle l’a pas… Sylvain, il lui ont fait le test de la sueur, il transpire beaucoup vous savez…

(Silence)

V. : Vous m’avez parlé de l’école qui pose problème, mais pour les vacances, vous faites comment ?

Ben on part pas, même en famille… Vous savez, moi je gère les aérosols, et puis aussi le gavage, toutes les nuits depuis…parce qu’avant il était comme un enfant du Cambodge, tout maigre, alors docteur Docteur elle lui a prescrit les perfusions… Mais bon, il faut que je me lève la nuit, j’ai peur qu’il se coince dans la perf, et puis ça sonne… Lui, il entend rien avec son sommeil profond… Mais moi, je dors pas beaucoup, je me lève trois fois par nuits… Vous voyez quelqu’un d’autre faire ça ? Alors je trouve ça mieux quand il est là… Sa sœur, elle, elle partait en colo pour le ski et tout, dès 5 ans…

Mais pas Sylvain … Enfin, il part quand même l’été, à une colo où ça se passe bien… C’est la psychologue du service qui me l’avait donnée, ils ont déjà eu des enfants muco, alors j’étais rassurée, et puis ça se passe bien, il a des copains…

Et puis aussi, il était parti avant, avec l’école… Sa maîtresse elle était très bien…Elle posait plein de questions, ils devaient partir au ski… Je lui ai appris la kiné et ça s’est très bien passé..

Sylvain arrive, l’examen est fini.

Tu te rappelle Sylvain ? L’institutrice et le ski ?

A : Oui, et y avait aussi un monsieur, qui me faisait la kiné…

B : Oui c’est vrai, c’était l’instituteur… Ca s’est bien passé Sylvain ? On va aller au 5ème, pour voir pour le TOBI ?

V. : On va s’arrêter là…

Je vous remercie beaucoup de votre participation et du temps que vous m’avez consacré… Si vous le souhaitez, on peut se revoir pour un autre entretien, avec le papa ou Sylvain … B : C’est comme vous voulez, il faut m’appeler…