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D – Maladies cardiovasculaires

1–Physiopathologie et effets hémodynamiques de l’obésité sur la fonction cardiaque :

L’adipocyte agit comme un organe endocrine et joue un rôle majeur dans les complications de l’obésité. Beaucoup d’adipokines et d’autres médiateurs chimiques, comme le TNF alpha, l’interleukine 6, la leptine, l’inhibiteur de l’activation du plasminogene, le facteur de croissance insuline-like, ont des concentrations plasmatiques augmentées chez l’obèse. Ils exercent des effets délétères divers sur le système cardiovasculaire créant un état pro-inflammatoire, prédisposant aux thromboses, causant des lésions endothéliales. (43,44) Les taux plasmatiques élevés de leptine, hormone qui contrôle l’appétit et le métabolisme énergétique, sont impliqués dans les atteintes cardio-vasculaires. Des taux élevés de leptine et de CRP sont associés à un pourcentage élevé d’évènements vasculaires. (44)

Au plan cardiaque, l’obésité exerce des effets hémodynamiques délétères : elle entraîne une élévation du débit cardiaque et du volume sanguin total, augmentant le travail cardiaque. La majoration du débit cardiaque est due à une augmentation du volume systolique et elle est proportionnelle à l’augmentation de la surface corporelle alors que les résistances vasculaires sont diminuées. L’augmentation du volume sanguin total réalise une surcharge volumétrique

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associée à une augmentation de la pression télédiastolique du ventricule gauche, donc de la pré charge. Le cœur s’adapte progressivement par une hypertrophie ventriculaire gauche, davantage liée à l’ancienneté de l’obésité qu’au degré de la surcharge pondérale. (43–49)

La survenue d’une hypertension artérielle contribue à l’aggravation de l’hypertrophie myocardique et augmentant la post charge, favorise alors le remodelage du ventricule. Une étude évaluant à l’échocardiographie une série de 67 patients présentant une obésité majeure a constaté dans 35 % des cas une hypertrophie ventriculaire gauche. (50,51)

De multiples facteurs déterminent le degré de l’hypertrophie ventriculaire gauche ; l’âge, le sexe, les facteurs génétiques et comportementaux, l’activation sympathique, les propriétés structurales des artères. L’hypertrophie ventriculaire gauche, associée à une fibrose interstitielle, s’accompagne d’anomalies de la relaxation et de la compliance ventriculaire et d’altérations du remplissage retrouvées chez plus de 50 % d’obèses asymptomatiques. (49)

Le plus souvent l’obésité morbide est associée à une dysfonction diastolique alors que la fonction systolique du ventricule gauche est longtemps conservée en l’absence d’ischémie myocardique. La défaillance systolique du ventricule gauche ne survient que tardivement quand l’hypertrophie du ventricule ne permet pas l’adaptation à l’élévation de la précharge. Il s’y associe une dilatation et une hypertrophie auriculaire gauche prédisposant à la fibrillation auriculaire. Les anomalies structurales ventriculaires prédisposent aux arythmies ventriculaires et à la mort subite. Avec le vieillissement et l’hypertension artérielle, l’obésité est une des principales causes d’insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée qui est à l’origine de 45 % des défaillances cardiaques des sujets obèses ou en surpoids. (35,44,49,50,52)

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Toutefois on voit apparaître des IC par dysfonction systolique, en l’absence d’une insuffisance coronaire et d’une hypertension artérielle. Une véritable cardiomyopathie de l’obèse avec dilatation cavitaire et altération de la performance systolique du cœur peut survenir dans les obésités évoluant depuis de nombreuses années avec une fibrose myocardique et hypertrophie ventriculaire gauche inadaptée. Mais le plus souvent chez un obèse âgé, on est en présence d’une insuffisance cardiaque congestive liée une authentique cardiomyopathie avec atteinte conjointe des deux fonctions, systoliques et diastoliques du cœur. (44,49,52)

Cette dysfonction ventriculaire est indépendante des lésions coronaires athéroscléreuses. Les mécanismes les plus importants de la physiopathologie de la cardiomyopathie spécifique, sont les troubles métaboliques (taux élevés d’adipokines, d’acides gras libres, insulino-résistance), une surcharge adipeuse myocytaire ou péri-myocytaire, une microangiopathie et la dysfonction endothéliale. (50,53,54)

2 – Complications cardiovasculaires :

L’excès pondéral est le 6eme plus important facteur de risque contribuant à la survenue de pathologies dans le monde. L’obésité est un indépendant facteur de risque de maladie cardiovasculaire. Ce risque est d’autant plus important s’il est associé à d’autres facteurs de risques cardiovasculaires. (55)

En plus d’un profil métabolique modifié chez le sujet obèse, un ensemble de modifications de la structure et de la fonction cardiaque sont observées suite à une accumulation d’une quantité excessive de tissu adipeux. Par conséquent l’obésité peut affecter le cœur par son influence sur les facteurs de risques

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connus tel la dyslipidémie, l’hypertension artérielle, les marqueurs inflammatoires, l’apnée du sommeil. (4,45)

Des études récentes ont par contre soulevé la possibilité que l'IMC ne serait pas l'indice idéal pour prédire le risque cardiovasculaire, tant en ce qui a trait au risque d’infarctus du myocarde et d’accidents vasculaires cérébraux. Le tour de taille et le ratio taille-hanche seraient supérieurs à l'IMC pour prédire les événements cardio-vasculaires.(56,57) La distribution abdominale de la graisse serait un facteur prédicateur plus fiable de complications cardiovasculaires que la quantité totale de graisse, imparfaitement reflétée par l’IMC.(45)

Plusieurs perturbations hémodynamiques touchent le corps du patient obèse. Tout d'abord, l'excès de matière adipeuse métaboliquement très active entraîne une augmentation de la demande métabolique corporelle et incidemment du travail cardiaque. (45,58) L'augmentation du volume sanguin en proportion de la masse maigre entraîne par ailleurs une augmentation de la pré-charge ventriculaire gauche au repos. (58)

L'augmentation du débit cardiaque entraîné par ces perturbations nécessite une augmentation des pressions de remplissage diastoliques. Éventuellement, la cavité ventriculaire gauche augmente de volume et le stress sur la paroi ventriculaire est plus important. C'est alors qu'une hypertrophie excentrique peut survenir. (45,58)

De façon globale, l’obésité est une cause majeure d’atteintes cardiovasculaires : maladie coronaire, insuffisance cardiaque, fibrillation auriculaire, arythmies ventriculaires et mort subite. (45)

L’obésité seule est la cause de 11 % des cas d’insuffisance cardiaque (IC) chez l’homme et de 14 % des cas chez la femme. (52)

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L’étude de Framingham a montré que chaque point d’augmentation de l’index de masse corporelle entraîne une majoration du risque de développer une IC de 5 % chez l’homme et de 7 % chez la femme. L’obésité augmente le travail cardiaque et altère les fonctions systoliques et diastoliques du cœur.

Le risque relatif de développer de l'insuffisance cardiaque chez le patient obèse varie selon les études de 1,3 à 2,12. Selon une série de 5881 patients publiée en 2002, le taux d'insuffisance cardiaque relié à l'obésité chez cette population était de 13,9% chez les femmes et de 10,9% chez les hommes. (52)

Les patients avec une obésité de classe III semblent les plus à risque de devenir symptomatiques de leur cardiomyopathie. Chez ces patients, le risque de développer cette dysfonction cardiaque augmente rapidement après dix ans d'obésité sévère. (59)

L’obésité est aussi associée à des arythmies cardiaques diverses. Le risque de mort subite par arythmie maligne est augmenté chez le patient obèse. Certes, l'insuffisance cardiaque est en soi un facteur de risque d'arythmies malignes. Ce risque semble toutefois augmenté chez le patient obèse même en l'absence d'insuffisance cardiaque. L'augmentation de la masse cardiaque, retirement des fibres myocardiques, l'augmentation du travail cardiaque, l'infiltration graisseuse et fibreuse du nœud sinusal et des myocytes et l'augmentation de l'intervalle QTc sont des mécanismes ayant été mis en cause dans cette augmentation du risque d'arythmie maligne. (60)

L'augmentation des pressions de remplissages diastoliques du ventricule gauche, l'augmentation du volume sanguin total de même que l'activation neurohormonale systémique du patient obèse ont aussi été associés à la dilatation auriculaire gauche. (45,61)Cette dilatation auriculaire prédispose le patient obèse à développer de la fibrillation auriculaire :

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Risque relatif de 1,52 chez l’homme et de 1,46 chez la femme. (61)

Lorsque ces complications ne peuvent être expliquées par le diabète, l'hypertension artérielle ou la maladie coronarienne. Cette entité est appelée la cardiomyopathie de l'obésité. (53)

Au niveau valvulaire, l'association entre l'obésité et les maladies valvulaires est méconnue. Une évaluation rétrospective d'une petite cohorte de 87 patients âgés en moyenne de 70 ans associant l'évolution de la sténose aortique à l'IMC, lui conférant un risque relatif de 1,16. (62)

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