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Section I- L’application de la LAMTP aux situations de harcèlement psychologique

I.2 La reconnaissance d’une lésion professionnelle découlant du harcèlement

I.2.2 La « maladie professionnelle »

Les situations de harcèlement psychologique peuvent également être analysées sous l’angle de la « maladie professionnelle ». L’article 29 LAMTP établit une présomption, mais encore une fois, la victime de harcèlement psychologique ne peut en bénéficier puisqu’aucune maladie psychique ne figure à l’annexe I320. La victime doit alors démontrer les éléments constitutifs de la maladie professionnelle. En ce sens, l’article 30 LATMP prévoit que :

Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

Deux options s’offrent donc à la victime, elle peut soit tenter de démontrer que sa maladie est caractéristique du travail qu’elle exerce ou que sa maladie est directement reliée aux risques particuliers de son travail.

Pour établir qu’une maladie est caractéristique d’un travail, les tribunaux exigent une preuve prépondérante que d’autres salariés exerçant le même travail ont été atteints de la même maladie321. Il est donc essentiel de mettre en preuve des « cas similaires » pour démontrer que la maladie est répandue chez les salariés exerçant le même métier que la victime. Dans l’affaire Société Canadienne des Postes et Lauzon322 la CLP souligne que la

victime peut à cette fin :

[…] soumettre des études épidémiologiques ou scientifiques effectuées auprès de salariés exerçant le même genre emploi ou, à tout le moins, démontrer, décisions à l’appui, qu’un très grand nombre de ses collègues souffrent ou ont déjà été atteints de la même maladie et que l’origine professionnelle de celle-ci, dans leur cas, est définitivement établie.323

320 Pour bénéficier de la présomption, il faut être victime d’une maladie énumérée à l’annexe I et avoir exercé

le travail correspondant à cette maladie. Les lésions psychologiques ne font pas partie des maladies énumérées à l’annexe I de la LATMP.

321 Cliche et al., supra note 129 à la p. 60.

322 Société canadienne des Postes et Lauzon, 2007 QCCLP 5595, [2007] C.L.P. 921. 323 Ibid. au para. 32.

65 En réalité, cette notion « trouve rarement application puisqu’à tout escient il faudrait détenir une preuve, de nature épidémiologique, démontrant une incidence statistiquement significative quant à l’apparition de lésion psychologique dans un milieu de travail particulier »324.

Dans le but de démontrer qu’une maladie est reliée directement aux risques particuliers de son travail, la victime doit établir qu’il existe une relation entre son milieu de travail et sa maladie325. Elle doit prouver que sa maladie est causée par les risques présents dans son milieu de travail326. Par exemple, dans l’affaire Bisson et Poissonerie Bari Ltée327, la CLP a considéré que les problèmes anormaux au travail découlant d’un manque de support de la part de l’employeur et des comportements désobligeants de celui-ci étaient une maladie « reliée directement aux risques particuliers du travail » de la victime. Au soutien de sa conclusion, la CLP souligne ce qui suit :

Il apparaît évident pour la Commission des lésions professionnelles que dans un tel contexte, la travailleuse n'avait d'autres choix que de gérer une foule de problèmes qui ne devaient pas normalement lui incomber, l'obligeant ainsi à rechercher constamment des solutions sans le support nécessaire de son employeur.

Comme si ces conditions n'étaient pas suffisantes, la travailleuse se voit exposée à une situation de harcèlement de la part de l’employeur, qui va même jusqu'à poser des actes incompréhensibles en prenant la travailleuse dans ses bras pour lui placer le derrière dans le vivier de homards, ce qui frise la lâcheté pour un homme qui agit ainsi envers une femme.

Il est peut-être normal de vivre une période difficile dans une entreprise et les responsabilités d'une directrice deviennent ainsi plus grandes, mais lorsque l’employeur en jette la responsabilité sur les épaules de cette directrice, alors que c'est lui qui a créé la tension par sa négligence, sans pour autant apporter le support nécessaire à la travailleuse, comme c'est le cas en l'instance, cela a comme conséquence de créer une situation conflictuelle et anormale qui ne fait pas partie des responsabilités habituelles d'une directrice des ventes.

[…]

La Commission des lésions professionnelles se rallie donc à l'analyse du Dr Duguay qui confirme celle du médecin traitant et de la psychologue et qui a pris soin de bien prendre en considération tous les éléments de la condition vécue par la travailleuse, dans sa vie privée comme au travail, pour conclure que les facteurs responsables de la condition dépressive

324 M.P. et Compagnie A, 2010 QCCLP 4129, au para. 36. 325 Cliche et al., supra note 129 à la p. 63.

326 Voir : Bisson et Poissonnerie Bari Ltée (1er mai 1998), Montréal 90281-60B-9707 (C.L.P.) [Bisson];

Lavoie c. Récupération Grand-Portage inc., 1998 CanLII 18199 (C.L.P.).

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manifestée le 9 octobre 1996 sont, de façon prépondérante, ceux vécus au travail par opposition aux autres situations, ce qui a fait sauter la barrière de tolérance psychique de la travailleuse.

Finalement, le salarié qui se voit reconnaître une lésion psychologique peut s’absenter pour une certaine période de temps pendant laquelle il bénéficie de réparations de nature pécuniaire, à savoir : l’indemnité de remplacement du revenu328, l’indemnité pour préjudice corporel329 et le remboursement des frais liés aux soins ou traitements nécessaires à la consolidation de la lésion330. Il bénéficie également de réparations de nature non pécuniaire, telles le droit à la réadaptation331 et le droit de retour au travail332 .

Section II- La réparation des lésions professionnelles découlant du harcèlement