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Chapitre I. Introduction

III. Origines de la variation du méthylome

3. Réponse du méthylome aux conditions environnementales

3.2. Maintien et transmission de la réponse induite

Si l’environnement peut induire une variation de la méthylation de l’ADN chez les plantes, une question majeure pour l’adaptation est son maintien après retour à des conditions standard, et sa transmission à travers la mitose. Ces étapes sont indispensables à la détection de variations épigénétiques (Roudier et al., 2009).

Dans certains cas, la méthylation est réversible une fois que les conditions redeviennent « normales ». Par exemple, des perforations réalisées sur des feuilles de maïs montrent une diminution de la teneur en 5-méthylcytosine mais cet état est réversible, avec un retour à l’état initial quelques heures après arrêt du traitement. Cependant, la démethylation transitoire observée dans le premier exon du gène ZmCPK11 (Calcium-Dependent Protein kinase) codant une protéine impliquée dans les voies de

39 signalisation des stress chez le maïs, est associée à une augmentation dans la transcription de ZmCPK11 quelques heures après (Lewandowska-Gnatowska et al., 2014). Ceci suggère que des changements même transitoires de la méthylation pourraient avoir un effet à plus long terme. A l’inverse, certains changements de méthylation induits par des contraintes abiotiques peuvent se maintenir durant la vie de la plante même après arrêt de la contrainte. Par exemple, Secco et al. (2015) montrent que les changements de méthylation apparus suite à une déficience en phosphate (une hyperméthylation des séquences d’ET proches des gènes) persiste à travers la mitose après l’arrêt du traitement.

Une deuxième question est celle de la transmission sur une ou plusieurs générations des changements induits. Comme je l’ai présenté plus haut, contrairement aux mammifères où la régulation du méthylome dans les gamètes, le zygote et l’embryon est essentielle pour reprogrammer le développement des cellules (Seisenberger et al., 2013), les plantes connaissent moins de reprogrammation au niveau de leur méthylome, et celui-ci est plutôt renforcé que reprogrammé durant la reproduction sexuée (revu dans (Kawashima & Berger, 2014, Quadrana & Colot, 2016)). De plus, chez les plantes, la lignée germinale apparait assez tard dans la vie de la plante et à partir des cellules somatiques différenciées (Baulcombe & Dean, 2014). De ce fait, les cellules à l’origine de la lignée germinale ont un profil de méthylation qui est la somme de toutes les modifications accumulées au long de la vie de la plante, en particulier en réponse à des contraintes environnementales.

Afin de tester la stabilité transgénérationnelle de la méthylation, des populations dédiées ont été construites, les EpiRIL, pour « Epigenetic Recombinant Inbred Lines ». Les parents de ces lignées sont génétiquement identiques sauf à un locus, où l’un des deux parents porte un allèle mutant pour un gène impliqué dans une voie de régulation de la méthylation : met1 (Reinders et al., 2009) ou ddm1 (Johannes et al., 2009). Après croisement avec le parent sauvage et sélection des individus F2 homozygotes sauvages pour ce gène, les plantes sont autofécondées sur six générations pour obtenir les EpiRIL. Les EpiRIL montrent une héritabilité de la méthylation parentale de la méthylation de l’ADN jusqu’à la huitième génération (Johannes et al., 2009), ainsi que des gains progressifs de méthylation à certains locus (Teixeira & Colot, 2009).

Cependant, dans le cas des mutants, la variation de méthylome observée affecte toute la plante. Dans le cas des contraintes abiotiques, une partie seulement de la plante peut être affectée, ce qui change vraisemblablement les chances de transmission à la descendance. Notamment, il est clair que le type de lignée cellulaire affectée peut, en partie, expliquer la transmission ou non des variations du méthylome dans la descendance. Par exemple, dans le cas de la réponse du riz au phosphate, les changements observés affectent essentiellement le niveau de méthylation des racines, un organe qui ne participe pas à la lignée cellulaire produisant les tissus reproducteurs (Secco et al., 2015). De surcroit, la mémoire des modifications induites par le stress peut être transmise à la génération suivante, mais être perdue par la suite si la contrainte n’est pas réappliquée. C’est le cas de l’exposition de la plante A. thaliana à des contraintes osmotiques (Wibowo et al., 2016). Dans ces cas, la transmission est, de plus, différente entre mâle et femelle : la mémoire est transmise par la lignée maternelle, mais dans la lignée germinale paternelle la méthylation de l’ADN est reprogrammée de façon active par l’activité de l’ADN glycosylase (Wibowo et al., 2016).

Pour ces raisons, la méthylation de l’ADN pourrait être transmise à la descendance, et ainsi participer à l’adaptation des populations. Afin de tester le rôle des épiallèles dans la variation phénotypique, des QTL ont été analysés à partir des populations d’epiRIL. Ces analyses ont montré une variation phénotypique héritable pour des traits complexes comme la hauteur de la plante, la longueur des

40 racines et la précocité de floraison (Johannes et al., 2009, Cortijo et al., 2014), illustrant ainsi la contribution des épiallèles à la variation phénotypique.

L’efficacité de cette transmission n’est cependant pas totale, ce qui pourrait induire une variabilité assez élevée dans la descendance (Pecinka & Mittelsten Scheid, 2012) et permettrait une héritabilité qualifiée de « douce » (Boyko & Kovalchuk, 2011). Cette héritabilité semble être plus élevée quand les variations de méthylome induites sont associées à des variations génétiques, comme l’insertion d’éléments transposables (Rey et al., 2016). Par exemple, la déficience en azote chez le riz induit une hyperméthylation au niveau de deux locus d’éléments transposables. Ces altérations sont détectées jusqu’à la troisième génération en absence d’induction de la même contrainte (Kou et al., 2011). Enfin, une partie de la variabilité de méthylation induite pourrait être due à la réponse de gènes impliqués dans le contrôle de la méthylation. Les changements observés seraient alors un effet secondaire de l’impact de la contrainte, et non un effet direct sur plusieurs locus. Ainsi, la culture de 150 accessions suédoises d’Arabidopsis dans deux conditions contrôlées de température (10 ou 16 °C) a montré que l’augmentation de la température induit une augmentation de 14% de la méthylation CHH, essentiellement dans les séquences d’ET. Des analyses GWAS utilisant les profils de méthylation comme phénotype ont permis d’identifier une variation allélique au niveau du locus CMT2 qui corrèle avec les conditions climatiques naturelles des accessions (Dubin et al., 2015).

En conclusion, le méthylome est variable sous influence des contraintes abiotiques de l’environnement, et peut affecter différentes régions génomiques, en particulier des ET. Le lien entre méthylation et expression génique reste corrélatif et ne permettent pas de comprendre la relation de cause à effet entre ces variations. Les variations de la méthylation peuvent sous-tendre une partie de la plasticité phénotypique et de l’adaptation, et la transmission entre générations semble être d’autant plus forte que l’épiallèle est facilité par la présence d’une séquence génomique particulière. Ces séquences sont souvent des éléments transposables, et l’interaction insertion/méthylation au site d’insertion pourrait permettre à la fois une transmission forte (car facilitée) tout en conférant une flexibilité du signal (« spreading » plus ou moins étendu par exemple).

IV. Le maïs, un modèle d’étude pour analyser l’impact de l’environnement sur le

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