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Chapitre I. Introduction

II. Organisation et fonctions de l’épigénome

3. Profil de méthylation des différentes composantes génomiques

3.2. Méthylation des éléments transposables

Les éléments transposables (ET) sont les constituants majoritaires des génomes de plantes. Ils sont présents dans les génomes sous forme de séquences répétées, ce qui illustre leur capacité à se dupliquer (revu dans Vitte et al. (2014)). La protection de l’intégrité d’un génome dépend de l’inhibition des ET, afin de minimiser les effets des mutations que pourraient avoir de nouvelles insertions. Le contrôle de la prolifération des éléments transposables est médié par la condensation de la chromatine, qui limite leur transcription. Plusieurs mécanismes ont ainsi été développés, afin d’assurer une grande efficacité. Ces différents mécanismes sont particulièrement efficaces car malgré l’abondance des ET dans les génomes de plantes, les échappements au système sont rares. Les mécanismes en jeu font intervenir les ARN interférents (RNAi), la modification des histones mais surtout la méthylation de l’ADN, qui est un acteur majeur de la répression transcriptionnelle des ET (Underwood et al., 2017, Lisch, 2009, Slotkin & Martienssen, 2007).

Les éléments transposables sont essentiellement localisés dans les régions hétérochromatiques, et même participent à leur définition. Dans les régions denses en éléments transposables, à distance des gènes, le niveau de méthylation est élevé dans les trois contextes, et est lié à la machinerie de

23 maintenance des trois contextes. Les marques H3K27me2 et H2K9me2 sont également enrichies dans ces régions. Dans les régions moins denses en éléments transposables, et plus proches des gènes, la méthylation des éléments transposables est assurée par la voie RdDM. Chez Arabidospis thaliana, elle cible essentiellement les éléments de petite taille et les extrémités des éléments de grande taille (Stroud et al., 2013, Zemach et al., 2013).

Dans certains cas, la régulation chromatinienne des éléments transposable peut déborder en dehors des régions cibles, ce qui modifie l’état chromatinien dans les régions adjacentes. C’est ce que l’on appelle le « spreading ». Ce phénomène a été notamment décrit chez Arabidopsis (Ahmed et al., 2011) et le maïs (Eichten et al., 2012) et est localisé à faible distance (jusqu’à 1kb) des séquences d’éléments transposables. L’analyse de la méthylation autour de 1543 insertions d’ET polymorphes entre 140 accessions d’A. thaliana a révélé 457 cas de spreading a faible ditance (<300pb) et 243 cas de spreading à plus grande distance, pouvant aller jusqu’à 3.5kb du site d’insertion (Quadrana et al., 2016a) (Figure I.16). La comparaison de différentes classes d’éléments transposables chez le maïs a révélé une différence entre types d’éléments. Par exemple, alors que les LINE ne montrent pas de trace de « spreading » de l’hétérochromatine, les rétrotransposons à LTR de type gypsy (RLG) montrent un débordement à la fois de la méthylation de l’ADN et de la marque H3K9me2, et les rétrotransposons de type copia (RLC), débordent uniquement la marque H3K9me2 (Eichten et al., 2012).

Figure I.16 : Méthylation de l’ADN dans les régions flanquantes des sites d’insertion des ET

(d’après Quadrana et al. (2016a))

En haut (bleu) : profil de méthylation observé pour 457 cas, et présentant un « spreading » à courte distance (<300bp). En bas (rouge) : profil de méthylation observé pour 243 insertions, et présentant un « spreading » à plus longue distance (jusqu’à 3.5kb, non représenté ici)

Le contrôle de la méthylation des ET peut induire des modifications d’expression des gènes adjacents. La Figure I.17 présente les cas les plus emblématiques. Chez la tomate, l’augmentation de la méthylation de l’ET localisé en amont du gène Cnr induit une mauvaise maturation du fruit (Figure I.17). Chez Arabidopsis, l’hyperméthylation (induite par la mutation ddm1) du LINE localisé en aval du gène BNS est responsable du phénotype Bonsai (Saze & Kakutani, 2007). Chez le palmier à huile (Elaeis guineensis), l’hypométhylation (induite par culture in vitro) du LINE Karma localisé dans l’intron du gène DEFICIENS engendre des fruits couverts et parthénocarpiques (Ong-Abdullah et al., 2015). Le « spreading » de la méthylation de l’élément Gyno-hAT localisé au niveau du promoteur du gène CmWIP1 induit un changement de sexe chez le melon (Cucumis melo) (Martin et al., 2009).

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Figure I.17 : Cas de méthylation des éléments transposables à côté des gènes résultant dans une variation phénotyique

A. Le « spreading » de l’hyperméthylation à côté du transposon Gyno-hAT engendre le

déterminisme sexuel chez le melon (Adapté de Martin et al. (2009)). B Hyperméthylation du locus

Cnr induisant une déficience de maturation chez la tomate (Adapté de Manning et al. (2006)). C à G (revu dans Hosaka and Kakutani (2018)) C. L’insertion du transposon Mu dans le promoteur du

gène hcf-106 (High chlorophyll fluorescence 106) est associée à une variabilité dans l’expression du gène. Elle dépend de l’activité des copies et de leurs niveaux de méthylation (Martienssen & Baron, 1994). D. En contexte mutant pour DDM1, le « spreading » de la méthylation de l’ADN du LINE en aval du gène BNS chez Arabidopsis engendre un phénotype nain (Saze & Kakutani, 2007). E. La présence d’un élément transposable IAP (Intracisternal A-particle) en amont du locus Agouti viable

yellow (Avy) modifie la couleur du pelage de la souris. Quand le transposon est faiblement méthylé,

la souris a un pelage de couleur jaune, elle est obèse et présente un diabète (Duhl et al., 1994). F. L’hypométhylation de l’élément Karma induit la formation de fruits couverts et parthénocarpiques (Ong-Abdullah et al., 2015). G. La perte de H3K9me2 (induite dans le triple mutant suvh4-suvh5-

suvh6 ou dans le mutant ddm1) au niveau de l’élément Copia situé dans l’intron du gène RPP7

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L’impact de la méthylation de l’ET sur l’expression du gène varie suivant la localisation de l’insertion

de l’ET (intron, exon) (Le et al., 2015). L’insertion d’un ET en amont d’un gène suivie de sa répression transcriptionnelle chromatinienne peut avoir plusieurs conséquences : le « spreading » de l’état chromatinien de l’ET pourrait conduire à l’extinction transcriptionnelle du gène adjacent, et une perte de la méthylation (totale ou partielle) de l’élément pourrait révéler un nouveau promoteur dans la séquence de l’ET , ou révéler de nouveaux éléments régulateurs (Figure I.18) (Barkan & Martienssen, 1991, Springer et al., 2016, Hirsch & Springer, 2017, Lisch, 2013).

Figure I.18 : Différent scénarios suite à une nouvelle insertion de ET (Springer et al., 2016) A. En l’absence d’élément transposable, la transcription du gène est régulée par une séquence

régulatrice localisée en amont du TSS du gène (oval bleu). B. Insertion d’un élément transposable en amont du site régulateur, régulée par l’ajout de méthylation (cercles noirs) C. La méthylation de l’ADN (ou autre marque de la chromatine) s’étale dans les régions à côté de l’ET (« spreading ») et empêche ainsi l’accessibilité de l’élément régulateur en cis. D. perte des modifications de la chromatine dans les bords de l’ET induisant la création d’un nouveau TSS issu de la séquence de l’ET E. perte des modifications de la chromatine le long de l’ET révélant un nouveau site d’accrochage pour l’élément régulateur en cis. La suppression des marques de la chromatine dans l’ET peut se faire de manière stochastique ou peut avoir lieu suite au « spreading » de l’euchromatine après activité importante de l’expression du gène à côté de l’ET.

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