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L ’ INFERTILITE PREND LE PAS

6.2 I MAGE DU CORPS ET INFERTILITE

6.1.10.3 DETERMINANTS DES TCA

S’influençant réciproquement, de multiples facteurs semblent déclencher, maintenir et aggraver les TCA. Parmi eux, on peut trouver des facteurs psychologiques tels que le perfectionnisme, l’insatisfaction corporelle, certains traits de personnalité et des troubles de l’estime de soi. Il y a aussi des facteurs biologiques qui « jouent surtout un rôle de facteurs aggravants». Ainsi, la dénutrition a des conséquences psychologiques graves telles que la rigidité des modes de pensée, une stéréotypie des réactions, ou encore la survenue de fringales qui inscrivent les individus dans « cet état [qui] trouve en lui-même sa source de continuité » (Bruch, 1983).

Certains facteurs familiaux peuvent aussi être à l’origine de ces troubles. La personnalité des parents et leurs possibles troubles psychiatriques, de même que les relations qu’ils entretiennent ensemble se révèleraient être un déterminant. Sans toutefois être certain de leur existence avant la maladie et les conflits majeurs qu’elle engendre, ces troubles peuvent symboliser la volonté du sujet d’échapper à l’emprise parentale qui pèse sur ses propres désirs, en refusant de devenir l’idéal renvoyé par les parents.

Interviennent aussi des facteurs socioculturels. En effet, exposés depuis leur enfance aux normes de minceur véhiculée par les media, les individus subissent la pression excessive de l’idéal, notamment corporel.

6.2 I

MAGE DU CORPS ET INFERTILITE

Précédemment, il a été vu que l’infertilité s’apparentait à une crise profonde, où les femmes vivraient cette épreuve comme un affront direct à leur identité alors que les hommes le vivraient indirectement au travers des effets sur leur partenaire (Greil, 1991). Le fait que les hommes se sentiraient menacés vis-à-vis de leur virilité et qu’ils aient aussi ce sentiment d’infériorité fait, clairement, écho à cette question de l’identité. Grâce aux entretiens avec les patients, aux observations cliniques et la revue de la littérature, s’est posée la question d’un lien possible entre infertilité et image de soi et, plus précisément, la perception de son

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apparence corporelle ou de celle de son partenaire. Perception de son propre corps qui peut se trouver d’autant plus perturbée que le corps subit des actes médicaux dans le cadre des traitements d’AMP. Par exemple, chez la femme, il est souvent rapporté que les stimulations ovariennes sont éprouvantes et désagréables à vivre. On peut se poser là la question de la place du corps dans la médicalisation à outrance dont celui-ci peut faire l’objet. Comment le couple infertile se représenterait-il son corps lors de cette épreuve?

Ce lien entre corps et infertilité est à poser dans l’impact de l’un sur l’autre et réciproquement. Les études se sont penchées sur l’influence du surpoids sur la fécondité, surtout chez la femme. Le surpoids chez elle serait fréquemment associé à des troubles du cycle menstruel, une dysovulation (Pasquali, 2007), un taux de grossesse inférieur ou encore un risque accru de fausses couches (Maheshwari, 2007), risques également rencontrés dans les cas de troubles du comportement alimentaire où l’indice de masse corporel aurait un réel impact. Chez l’homme, ces études seraient plus rares, plus récentes et mériteraient d’être renouvelées.

Ainsi, comprendre ce qui, d’un point de vue psychologique, entre en jeu dans la problématique infertile des patients aiderait à mettre au point, de la même manière, des outils d’accompagnement destinés aux couples infertiles. L’objectif de cette étude est donc d’explorer les thématiques de l’image du corps et du projet d’enfant, ainsi que leurs liens entre elles chez les patients et leurs relations avec le problème de l’infertilité.

Ecouter des patients qui se représentent souvent leur corps comme « défaillant », « vide » ou « manquant », voire en manque de sens, de ne pouvoir concevoir naturellement un enfant a amené à se poser la question de son pouvoir et de son vécu. Ce vécu semble d’autant plus important et impliqué dans la problématique infertile que leur corps est, au cours des traitements, régulièrement soumis à des actes médicaux souvent vécus comme intrusifs ou du moins, éprouvants. Il est à noter que la prise de poids due au traitement hormonal puisse être en cause, entre autres, dans la diminution du désir sexuel féminin ; la partenaire se sentant moins attirante. Il peut probablement y avoir des effets sur l’efficacité de la prise en charge et sur le vécu du couple (Bianchi-Demicheli, Medico, Lucas, & Chardonnens, 2003). Chez l’homme, c’est aussi la virilité qui est souvent vécue comme

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« défaillante ». Le corps a, alors, toute son importance et l’accompagnement du patient sur le plan physique mais aussi de sa représentation me semble être un point d’ancrage. De par la nature multidimensionnelle de l’infertilité il n’est certes pas le seul, mais est du moins souvent présent dans le discours des couples.

L’étude de Monique Bydlowski, menée en 2003, s’avère très intéressante concernant les facteurs psychologiques en jeu dans l’infécondité féminine (Bydlowski, 2003). Elle soulève la présence d’un besoin d’enfant davantage qu’un désir d’enfant chez ces femmes. Le paradoxe serait qu’il serait manifestement fort dans leur discours mais refusé inconsciemment. « Sans vouloir attribuer aux facteurs psychologiques une valeur de causalité comme peut l'avoir une obstruction des trompes ou des canaux déférents, on peut classer les facteurs psychologiques en trois groupes ». Elle distingue trois types d’infécondité :

- Les infécondités secondaires : suite, par exemple, à une première grossesse traumatisante ou à la perte d’un enfant suite à sa naissance, la femme aurait peur de la répétition de ce traumatisme et se refuserait inconsciemment à le revivre, en empêchant somatiquement toute conception.

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- Les infécondités par fixation névrotique : dans ce cas de figure, c’est la culpabilité trop forte du désir incestueux d’avoir un « enfant du père », ainsi que la représentation de la mère, qui bloquerait la conception.

- Les infécondités liées à des perturbations de l’image du corps féminin : ce type d’infécondité attire tout particulièrement notre attention dans le cadre de cette étude. Elle serait en œuvre, notamment, dans les cas où les troubles du comportement alimentaire induiraient des aménorrhées. On retrouve fréquemment des femmes qui ont des difficultés avec leur représentation corporelle et la façon dont elles se perçoivent et s’acceptent. La peur des transformations corporelles liées à la grossesse et à l’accouchement, voire l’allaitement, sont souvent évoquées. Elle pose aussi la question de la réclamation de la médicalisation à outrance de leur corps dans le cadre de la prise en charge en centre de PMA, question qui suscite l’intérêt dans le corps médical.

D’après Monique Bydlowski, les infécondités secondaires seraient les plus susceptibles de bénéficier d’un traitement psychothérapeutique simple et efficace.

Cette demande envers le corps médical ainsi que ce lien avec l’image du corps peut faire penser aux propos de C. Maggioni dans Femmes infertiles (Maggioni, 1997). Maternité ou

stérilité, le corps féminin : « Faire un enfant serait un désir, une quête, une promesse... Mais

qu'en est-il lorsque le corps fait silence ? Lorsqu'il se transforme en lieu du vide et de l'absence ? Nombreuses sont celles qui se tournent alors vers la médecine et consultent pour infertilité. […] Propos douloureux, criés ou chuchotés, paroles banales ou secrètes. Face au médecin, la demande d'avoir un enfant se transforme en une demande de savoir le pourquoi de l'infertilité. À partir d'un désir de maternité parfois vague, chacune s'engage dans un parcours qui conduit à un changement total de la perception de soi : la représentation du corps, son vécu, se modifient. Le corps devient un enjeu entre soi et le discours médical. »

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