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2. M´ ethodes d’´ etudes

2.1 M´ethodes d’´etudes possibles

Pour ´etudier un syst`eme biologique si complexe, plusieurs approches sont possibles :

• in-vivo: cette approche consiste `a ´etudier la cellule ou son squelette, dans son environ-nement physiologique, soit dans un tissu soit directement sur des organismes entiers. L’int´erˆet de cette approche est qu’elle permet l’observation du comportement cellulaire dans son environnement naturel. Le d´esavantage est qu’il y a in-vivo une grande di-versit´e de comportements possibles, donc il peut ˆetre difficile de tirer des lois g´en´erales `

a partir des observations. De plus, le syst`eme ´etudi´e est souvent trop complexe pour ˆetre sˆur que la r´eponse obtenue s’explique `a partir des seuls param`etres envisag´es.

• in-vitro : dans un syst`eme in-vitro, le syst`eme ´etudi´e est isol´e dans un environne-ment contrˆol´e, g´en´eraleenvironne-ment dans une boˆıte de P´etri ou sur une lamelle. L’avantage de cette m´ethode est de permettre une plus grande modularit´e du syst`eme ´etudi´e (possibilit´e d’observation ou de manipulation) et de pouvoir contrˆoler pr´ecis´ement son environnement. N´eanmoins, le fait que l’objet ´etudi´e soit s´epar´e de son environne-ment physiologique peut changer son comporteenvironne-ment et donc les conclusions obtenues in-vitro peuvent ne plus ˆetre extrapolables in-vivo.

• in-silico : pour expliquer les observations faites lors des ´etudes in-vivo ou in-vitro, il est souvent n´ecessaire d’utiliser des m´ethodes th´eoriques qui peuvent ˆetre des ana-lyses statistiques des donn´ees (anaana-lyses d’images...), des mod`eles analytiques ou des simulations num´eriques. Ces approches permettent de quantifier la probabilit´e des observations, de tester la compr´ehension du syst`eme ou de pr´edire ou d’explorer des comportements exp´erimentaux. Le probl`eme de cette approche est que l’on ne peut pas toujours ˆetre certain de sa validit´e (cf partie 2.1.1). Malgr´e cela, cette approche est un apport tr`es important pour expliquer ou diriger des ´etudes in-vivo ouin-vitro. La combinaison de ces approches peut permettre de comprendre les comportements cellulaires malgr´e leurs complexit´es et les limitations techniques.

Mon travail de th`ese consistant en une approche in-silico, je vais ci-dessous pr´esenter plus particuli`erement les m´ethodes associ´ees.

2.1.1 Etude´ in-silico

L’´etude th´eorique d’un syst`eme biologique est une ´etude compl´ementaire aux observa-tions exp´erimentales qui peuvent avoir ´et´e faites. Il peut s’agir d’analyse math´ematique des r´esultats obtenus exp´erimentalement. Par exemple pour ´evaluer si les observations r´ev`elent un comportement particulier ou pourraient en fait ˆetre dues au hasard ([Falconer et al.(2010), Freida et al.(2013)], voir annexe A.1), ou pour d´eceler des corr´elations entre des param`etres et les observations. Ces approches sont tr`es utiles pour l’´etude de syst`emes g´en´erant une grande quantit´e d’information : les m´ethodes statistiques sont particuli`erement utilis´ees de nos jours dans les approches omiques ou dans le cadre de criblages utilisant des petites mol´ecules chimiques, siRNA... Ces ´etudes ont permis d’identifier des g`enes responsables de dysfonctionnements cellulaires responsables de pathologies, ou d’identifier des cascades

2.1. M´ethodes d’´etudes possibles 43

d’´ev`enements biologiques conduisant `a une r´eponse sp´ecifique. Elles ont aussi permis d’iden-tifier des r´eseaux de r´egulations ou d’interactions.

Outre l’analyse de r´esultats exp´erimentaux, une ´etude th´eorique peut permettre d’ex-pliquer ou pr´edire le comportement d’un syst`eme exp´erimental : pour cela nous pouvons utiliser des approches d´eterministes ou stochastiques.

• M´ethode d´eterministe:

Cette m´ethode consiste `a d´ecrire par une s´erie d’´equations le syst`eme ´etudi´e. Cela n´e-cessite une tr`es bonne connaissance du ph´enom`ene ou des hypoth`eses pr´ecises sur son comportement. On peut ensuite r´esoudre analytiquement (ou num´eriquement lorsque ce n’est pas possible) ce syst`eme d’´equations afin d’avoir le comportement final du syst`eme pour une condition initiale donn´ee. L’avantage de cette m´ethode est que l’on obtient une r´eponse unique pour une condition donn´ee. On peut ensuite faire va-rier les param`etres du mod`ele pour explorer le plus largement possible les diff´erents comportements. Cette m´ethode est aussi g´en´eralement peu exigeante en ressources in-formatiques puisque l’on peut souvent apporter des conclusions g´en´erales par l’´etude th´eorique du syst`eme d’´equations (en analysant les conditions aux limites ou d’´equi-libre), et que les m´ethodes de r´esolution num´erique sont en g´en´eral assez directes. Le syst`eme ´etudi´e est souvent consid´er´e comme un gradient continu (par exemple la concentration d’un prot´eine), dont l’´evolution spatiale et temporelle est calcul´ee `a l’aide d’´equations diff´erentielles (mod`eles dynamiques).

Le probl`eme de cette m´ethode est qu’elle demande une compr´ehension tr`es pouss´ee du syst`eme. De plus lorsque le syst`eme est tr`es complexe, nous allons souvent observer une grande variabilit´e dans sa r´eponse `a partir de conditions identiques (ceci `a cause de la complexit´e qui souvent cache des effets que l’on peut difficilement expliquer). En outre, si les ´ev`enements mod´elis´es sont rares (par exemple si une mol´ecule dont l’effet est important est rare dans le syst`eme), l’approximation de continuit´e ne permet pas d’´etudier ce syst`eme correctement. Dans de nombreux cas, aux m´ethodes d´etermi-nistes, il est n´ecessaire d’ajouter une composante al´eatoire au mod`ele afin d’int´egrer la variabilit´e des syst`emes biologiques [Stewart-Ornstein et El-Samad(2012)].

• M´ethode stochastique:

Les m´ethodes stochastiques int`egrent cette composante al´eatoire. Soit le syst`eme est consid´er´e globalement et un bruit al´eatoire est ajout´e `a la description du syst`eme, soit on consid`ere chaque composant individuellement (souvent appel´e mod`ele bas´e sur agents). L’avantage de ces mod`eles est qu’ils sont souvent plus ”proches” des comporte-ments exp´erimentaux [Mogilner et al.(2012)]. En revanche, ils sont souvent exigeants en ressources informatiques, en particulier lorsque l’´evolution de chaque composant du syst`eme est calcul´e individuellement [Mogilner et Odde(2011), Mogilner et al.(2006)]. L’utilisation de la simulation permet d’explorer l’´evolution du syst`eme complexe lorsque l’on connaˆıt les lois physiques qui r´egissent le comportement d’un individu. Dans ce cas, les simulations (ou exp´eriences num´eriques) permettent de tester diff´erentes hy-poth`eses concernant l’effet de diff´erents param`etres sur le comportement collectif per-mettant `a plusieurs individus de s’organiser en structures ´elabor´ees.

Un mod`ele peut donc rester tr`es conceptuel ou essayer de se rapprocher le plus possible d’un comportement physiologique. Dans ce cas, il est n´ecessaire que la personne en charge d’´elaborer le mod`ele ait elle-mˆeme une bonne connaissance du syst`eme exp´erimental ou soit

44 2. M´ethodes d’´etudes en proche interaction avec des exp´erimentalistes.

Le probl`eme de l’´el´ephant

Lorsque Freeman Dyson a rencontr´e le physicien Enrico Fermi pour lui montrer un mo-d`ele qu’il avait d´evelopp´e afin d’expliquer les observations exp´erimentales de Fermi, celui-ci lui a demand´e combien de param`etres arbitraires ´etaient utilis´es dans son mod`ele. Lorsque Dyson lui a r´epondu 4, Fermi lui a d´eclar´e :”I remember my friend Johnny von Neu-mann used to say, with four parameters I can fit an elephant, and with five

I can make him wiggle his trunk.”[Dyson(2004)]. Cette phrase est rest´ee c´el`ebre en

mod´elisation car elle r´ev`ele le danger de construire des mod`eles reposant sur un trop grand nombre d’hypoth`eses arbitraires : il est tout `a fait possible de reproduire les observations que l’on veut ´etudier `a partir d’un mod`ele totalement erron´e, en calibrant les param`etres pour obtenir ce que l’on veut. Ainsi, si l’on cherche `a mod´eliser un ´el´ephant, on peut en reproduire la forme en utilisant seulement 4 param`etres complexes [Mayer et al.(2010)]. Toutefois, ce mod`ele est totalement arbitraire et n’a rien `a voir avec un ´el´ephant r´eel : il ne permet donc d’apprendre que peu de choses sur l’´el´ephant (seulement que l’on peut abstraitement d´ecrire sa forme), et surtout cela ne permet aucune pr´ediction. Il faut donc ˆetre prudent lorsque l’on construit un mod`ele et v´erifier sa pertinence.

Mˆeme si un mod`ele repose sur plusieurs param`etres arbitraires ou abstraits, il peut n´ean-moins ˆetre tr`es int´eressant, selon les hypoth`eses sur lesquelles il a ´et´e construit : le mod`ele de l’´el´ephant ici ne cherche qu’`a reproduire sa forme, mais un mod`ele pouvant expliquer com-ment les ´el´ephants obtiennent cette morphologie ou pourquoi ils se comportent ainsi pourrait ˆetre instructif mˆeme s’il contient plusieurs param`etres arbitraires [Ditlev et al.(2013)]. Ainsi, si par exemple il explique la dynamique du syst`eme, peut en pr´edire l’´evolution, ou identifier les facteurs importants contrˆolant son ´evolution, le mod`ele peut ˆetre tr`es utile.

Le probl`eme de l’´el´ephant nous montre donc que l’utilisation d’approche th´eorique de-mande de bien r´efl´echir `a ce que l’on veut en obtenir et de ne pas chercher seulement `a ”coller” aux donn´ees exp´erimentales.

R´eflexion et simplicit´e avant tout...

Dans tous les cas, l’important est de d´efinir ce que l’on attend du mod`ele. Il ne faut donc pas juger un mod`ele/des simulations sur leur exactitude (sachant qu’un syst`eme plus simple est souvent pr´ef´erable), mais sur leur apport `a la question pos´ee [Mogilner et al.(2012)], ainsi que l’a sugg´er´e Einstein : ”A scientific theory should be as simple as possible, but not simpler”. S’il est important de v´erifier que le mod`ele colle au syst`eme biologique ´etudi´e, il faut ˆetre attentif `a ne pas chercher `a reproduire le syst`eme biologique dans sa complexit´e, car dans ce cas un mod`ele (ou des simulations) n’apporterait pas grand chose de plus que l’exp´erience elle-mˆeme [Mogilner et al.(2006)]. Ce raisonnement est d’ailleurs transf´erable `a un syst`eme in-vitro : il faut ˆetre attentif `a construire un syst`eme dont le contenu permet d’expliquer des ph´enom`enes in-vivo, tout en cherchant la simplicit´e pour pouvoir y com-prendre le comportement dynamique.

Il faut aussi noter qu’un r´esultat n´egatif (si l’on obtient pas les comportements exp´eri-mentaux avec les hypoth`eses faites pour le mod`ele) est souvent aussi important que si le mo-d`ele colle parfaitement aux exp´eriences. En effet, cela permet de montrer que les hypoth`eses utilis´ees ne sont pas suffisantes pour expliquer les observations [Mogilner et al.(2006)]. La