CHAPITRE 2 : METHODOLOGIES
A. Méthodologies de prélèvements
1. Localisation des sites de prélèvements
Les sites de prélèvements utilisés dans le cadre de ce travail sont essentiellement
localisés en France et en Suisse (figure 29). Ces sites peuvent être classés en cinq catégories :
- sites ruraux : Sarzeau, Guipry, La Coulonche, Nanteuil en Vallée, Eymoutiers,
Verneuil, Les Martres-de-Veyre, Maîche, Lescheraines, et Magadino (en Suisse), les
deux derniers étant également situés en vallées alpines ;
- sites de vallées alpines : Passy, Chamonix et Lanslebourg ;
- sites de fond urbain de grandes agglomérations : Lyon, Marseille, Grenoble, et
Zurich (Grenoble et Zurich étant également des sites de vallées alpines) ;
- sites de fond urbain de villes de tailles moyennes : Saint-Etienne, Valence, La Côte
St-André, Dieulefit, et Roanne ;
- sites de proximité de chaudière industrielle au bois-énergie : Vénissieux près de
Lyon, Montreynaud à Saint-Etienne et La Villeneuve à Grenoble.
Les caractéristiques des agglomérations et communes étudiées dans le cadre de ces travaux de
thèse sont présentées sur le tableau 10.
Figure 29 : Localisation des sites de prélèvements en France et Suisse
(Source : Google modifié).
Tableau 10 : Caractéristiques des communes et agglomérations étudiées.
2. Collecte de la phase particulaire de l’aérosol en atmosphère
ambiante
Ce travail a été réalisé très majoritairement dans le cadre de collaborations avec
plusieurs Association Agréées de Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA). Ainsi, la
plupart des prélèvements d’aérosols ont été effectués directement par les AASQA à l’aide de
leurs outils de collecte et suivant un protocole de gestion des échantillons défini en commun.
L’échantillonnage par les AASQA est effectué selon la norme PR EN 15549. Au final, ces
collaborations ont permis de prélever un nombre d’échantillons important et l’étude d’une
grande diversité de sites.
Les particules atmosphériques ont été collectées à l’aide d’échantillonneurs
gravimétriques de type DIGITEL DA-80 (figure 30) (ou de l’équivalent HiVol JSLCME)
pour les prélèvements à grand débit. L’étude liée à la cartographie des PM en région Rhône
-Alpes
12a fait l’objet quant à elle de prélèvements bas débits de type Partisol Plus. Les
échantillonneurs sont équipés d’un séparateur PM10 permettant de prélever les particules
ayant un diamètre aérodynamique inférieur ou égal à 10 µm ou d’un séparateur PM
2.5permettant de prélever les particules ayant un diamètre aérodynamique inférieur ou égal à 2,5
µm. Certains échantillonneurs permettent un prélèvement autonome et en continu de plusieurs
filtres : les filtres sont disposés dans l’instrument et le changement de filtres est effectué de
manière automatique. Ce type d’instrument très pratique puisqu’il est autonome comporte
néanmoins un certain désavantage : les filtres sont stockés avant et après prélèvements dans
les conditions de température de l’instrument pouvant entraîner des phénomènes de
volatilisation.
12 « Cartographie des concentrations de particules fines dans l’air de la région Rhône-Alpes 2008-2009 », Atmo-RhôneAlpes, rapport final édité en janvier 2011 et téléchargeable sur www.atmo-rhonealpes.org,
Figure 30 : Schéma d’un échantillonneur gravimétrique des aérosols
de type Digitel DA-80.
Pour les échantillonneurs haut débit, le débit de prélèvement est de 30 m
3.h
-1avec un
pas de temps d’échantillonnage de 12 heures (prélèvements bi-journaliers) ou 24 heures
(prélèvements journaliers), selon les campagnes. Les échantillonneurs bas débit prélèvent les
particules à un débit de 1 m
3.h
-1avec un pas de temps d’échantillonnage de l’ordre de 168
heures (prélèvements hebdomadaires).
Les prélèvements sont effectués sur des filtres en quartz de 150 mm de diamètre pour les
prélèvements haut débit (modèle Whatman QMA ou modèle PALL Tissu-quartz) ayant une
surface impactée de 153,9 cm
2; les prélèvements bas débit sont réalisés sur des filtres de 47
mm de diamètre de modèle PALL Tissu-quartz, ayant une surface impactée de 11,95 cm
2.
De plus, dans le cadre du projet FORMES, des échantillons journaliers ont été prélevés
à l’aide d’un impacteur en cascade à 13 étages (LPI : Low Pressure Impactor) de type Dekati
à un débit de 30 L.min
-1permettant ainsi de mesurer la composition chimique des particules
en fonction de leur distribution en taille. Les diamètres moyens de coupure de l’impacteur
varient entre 44 nm et 12,9 µm.
3. Collecte de la phase gazeuse de l’aérosol
La phase gazeuse de l’aérosol a été collectée pour quelques campagnes de mesures en
simultanée des prélèvements de la phase particulaire à l’aide d’échantillonneurs haut-débit. La
phase gazeuse est piégée lors du prélèvement sur une mousse de polyuréthane appelée PUF
placée en aval du filtre.
4. Mesures des polluants réglementés
Des mesures de polluants dits classiques ont également été réalisées par les AASQA, en
parallèle des prélèvements des aérosols, à l’aide d’analyseurs en ligne (Environnement S.A) :
dioxyde de souffre (SO
2), monoxyde d’azote (NO), dioxyde d’azote (NO2), ozone (O
3). Sur
les sites ou cela était possible, ces données ont été complétées de mesures des principaux
paramètres météorologiques : température, vent, humidité.
Les mesures de masse des PM
10et PM
2.5sont effectuées par mesure gravimétrique par
micro-balance (modèle Ecomesure-TEOM). Avec des TEOM 50, la méthode de mesure
sous-estime les concentrations en particules en ne prenant pas en compte la part volatile des
aérosols. Dans certains cas, une correction peut être réalisée à l’aide d’un module FDMS
placé sur l’appareil qui arrête cycliquement de collecter les particules et mesure pendant cet
arrêt la variation de la masse collectée représentant la volatilisation des particules volatiles et
semi-volatiles échantillonnées
13. Lorsque la mesure des PM est réalisée sans module FDMS,
les concentrations mesurées sont corrigées par le facteur de correction obtenu sur les stations
de mesures de référence des AASQA équipées de module FDMS, la station de référence
devant appartenir à la même zone de représentativité que celle sur laquelle se situe le site où
sont corrigées les PM (préconisation du LCSQA
14).
5. Prélèvements et mesures des émissions de particules d’une
chaudière individuelle au fioul
Une chaudière individuelle au fioul a été instrumentée afin de prélever la phase
particulaire des PM
2.5et PM
10émises par la combustion de fioul en chaudière individuelle.
Les concentrations en PM
2.5et la température des émissions ont également été mesurées en
parallèle.
Pour cette étude, il a été nécessaire d’adapter nos dispositifs de prélèvement ainsi que le
conduit de rejet de la chaudière étudiée de manière à pouvoir réaliser les prélèvements en
respectant les conditions d’isocinétisme. Un dispositif de prélèvement a donc été développé
au LCME par Joël Suptil permettant des prélèvements des émissions dans le conduit situé en
sortie de chaudière. Un dispositif de refroidissement permet de refroidir les émissions avant
prélèvement à une température comprise entre 110 et 120°C. Le diamètre du tube utilisé pour
réaliser le prélèvement dans le conduit a été choisi de manière à diminuer le débit d’air
prélevé afin qu’il soit en adéquation avec celui des préleveurs situés en aval. Le schéma du
dispositif est présenté en figure 31.
13 Rapport du LCSQA « Suivi et optimisation de l’utilisation des TEOM-FDMS : guide pour l’utilisation du TEOM-FDMS (version 2010) », édité en décembre 2010, téléchargeable sur www.lcsqa.org
14 Rapport du LCSQA « Intégration des modules FDMS et RST », édité en décembre 2007, téléchargeable sur www.lcsqa.org
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6. Prélèvements des émissions de particules émises par la combustion
de déchets verts de jardin
Les prélèvements des émissions de particules émises par la combustion de déchets verts
de jardin à l’air libre ont été effectués par l’ASCOPARG (AASQA de la région Grenobloise).
Les particules atmosphériques ont été prélevées à l’aide d’échantillonneurs bas-volume
équipés de têtes de prélèvements PM
2.5et PM
10. Les prélèvements ont donc été réalisés sur
des filtres en quartz dont le diamètre est de 47 mm. Les préleveurs ont été placés directement
dans le panache d’émissions. Le volume de prélèvements par échantillon était de 0,003 m
3.
Les déchets verts de jardin brulés lors de cette expérience étaient des branches et des feuilles
issues de différentes espèces de végétaux de l’année.
7. Traitements des échantillons
En amont des prélèvements, les filtres sont conditionnés afin d’éliminer toutes traces de
composés qui pourraient déjà être présents sur le filtre, en particulier la matière organique.
Pour cela, ils sont calcinés à 500°C pendant plusieurs heures. Ils sont ensuite stockés dans du
papier d’aluminium à l’air ambiant jusqu’à leur installation pour prélèvement.
Après avoir été collectés, les échantillons sont emballés dans du papier d’aluminium,
placés dans des sacs plastiques hermétiquement fermés et conservés à une température de
-20°C afin de prévenir les réactions chimiques et photochimiques. Toutes les manipulations de
filtres sont effectuées avec les précautions usuelles et si possible sous hotte à flux laminaire,
afin de limiter les contaminations.
8. Artéfacts de prélèvements
D’une façon générale, les concentrations atmosphériques mesurées pour la phase aérosol
sont influencées par les sources d’émissions ayant contribuées à la charge des masses d’air
considérées et par les conditions météorologiques durant l’échantillonnage. Mais elles sont
aussi influencées par des processus prenant place lors de cet échantillonnage, et il est
nécessaire de garder à l’esprit le fort impact potentiel des artéfacts de prélèvements qui
peuvent exister pour certaines espèces chimiques. Ainsi, le chlore, le nitrate, le sulfate (dans
une moindre mesure), le carbone organique, les HAP (pour ne citer que quelques unes parmi
les principales composantes concernées de la matière particulaire) sont des espèces pouvant se
retrouver sous des formes semi-volatiles et pour lesquelles des changements de phase ainsi
que des phénomènes d’évolution chimique et d’oxydation peuvent se produire lors des
prélèvements. La quantification de ces artéfacts est encore à ce jour difficile et leur prise en
compte dans les résultats des travaux effectués sera donc par la suite qualitative.
Les artéfacts de collecte sont dits positifs lorsque des espèces gazeuses (HNO
3ou HCl
par exemple) se fixent sur le filtre à des cations tels que Ca
2+ou NH
4+, deviennent non
volatiles, et sont donc comptabilisées sous cette forme lors des analyses. Les artéfacts sont
négatifs lorsqu’une espèce initialement sous forme particulaire dans l’atmosphère devient
gazeuse, par exemple par différence de pressions entre l’air et le filtre (c’est le cas notamment
de NH
4NO
3). La variabilité de ces artéfacts liée à la variabilité des conditions
d’échantillonnage intersites et inter-périodes entre sans doute en ligne de compte dans les
concentrations en espèces ioniques mesurées. Notamment, les concentrations en nitrates,
ammonium et chlorures observées peuvent être influencées par des problèmes de
quantification de la fraction réellement particulaire en phase atmosphérique (Pathak et al.,
2003)
Plus particulièrement, les prélèvements des HAP sont soumis à d’importants artéfacts de
prélèvements. Pour exemple, la perte du Benzo(a)pyrene (BaP), qui est le HAP réglementé en
France à l’heure actuelle, est estimée à 70% par Miguel et al. (1986) lors du prélèvement sur
filtre, cette perte étant due à des réactions de réactivité et désorption (cf. Chapitre 1). Mais
Goriaux et al. (2006) ont observé une faible perte en BaP par volatilisation lors de
prélèvements réalisés en été à Marseille, alors que les conditions météorologiques semblaient
favorables à ce phénomène. La dégradation des composés peut avoir eu lieu avant le
prélèvement. De plus, la présence d’ozone lors du prélèvement des HAP (et d’autres espèces
suceptibles d’être oxydées) peut avoir un effet considérable sur les concentrations mesurées.
L’ozone réagit avec les HAP et peut entraîner une substitution d’atome dans la structure
moléculaire de ces composés ou une ouverture de cycle aromatique (Yao et al., 1998). Pour
exemple, Schauer et al. (2003) ont mesuré une perte de 30% du BaP pour des concentrations
en O
3comprises entre 30 et 50 ppb. Ces mêmes auteurs préconisent l’utilisation de dénudeur
à charbon actif piégeant l’ozone lors du prélèvement afin de réduire ce type d’artéfacts de
prélèvements. Lors des campagnes de Marseille et Grenoble du programme FORMES, un
dénudeur à charbon actif a été utilisé
15afin d’évaluer les performances d’un tel dispositif sur
les prélèvements en HAP sur filtres. Ainsi, les ratios entre les concentrations en HAP
mesurées avec et sans dénudeur ont pu être calculés. A Grenoble en hiver (concentration en
O
3moyenne : 17,1 µg.m
-3), il est en moyenne de 88±30% pour le BaP. A Marseille en été
lorsque les conditions photochimiques et la concentration en O
3sont importantes
(concentration en O
3moyenne : 65,3 µg.m
-3), le ratio est en moyenne de 105±27%.
L’utilisation d’un dénudeur n’étant pas obligatoire dans les normes de prélèvements des
aérosols, lorsque les prélèvements ont été réalisées par les AASQA, ils l’ont été avec des
préleveurs non équipés de dénudeur.
9. Prise en compte des contaminations des prélèvements
Au moins un prélèvement témoin (« blanc de terrain ou blanc de manipulation ») a été
réalisé pour chaque campagne afin d’évaluer la qualité et la propreté des prélèvements.
Généralement, le nombre de ces blancs réalisé est plus élevé et est de l’ordre de 10% du
nombre d’échantillons. Un filtre est placé dans le préleveur sans être mis en contact avec la
ligne de prélèvement. Il demeure à l’intérieur du préleveur le temps correspondant au délai de
récupération des échantillons. Ce filtre est retiré du préleveur en même temps que les autres
échantillons et il subit ensuite le même traitement qu’un échantillon pour la conservation et
l’analyse. La masse de composés mesurée sur le filtre « blanc » est ensuite soustraite à la
masse de composé mesurée sur les échantillons. Selon la durée de la campagne concernée, la
valeur spécifique ou une valeur moyenne des blancs est utilisée pour cette correction.
Selon les opérateurs, les conditions de prélèvements et la durée de stockage des filtres
dans le préleveur, les blancs représentent en moyenne au plus 10% du carbone organique
mesuré, 5% des concentrations moyennes en espèces ioniques, 10% pour celles des HAP
essentiellement les plus légers (aucune contamination observée pour les lourds), 28% des
alcanes (C20 à C31), 2% des concentrations en traceurs de la combustion de biomasse et sont
en dessous des limites de détection pour les autres espèces organiques analysées. Par contre,
les blancs peuvent représenter une fraction très importante des concentrations en métaux et
éléments traces mesurées, pour exemples : 95% pour le thorium et 99% pour l’uranium
(données mesurées dans le cadre du programme Particul’Air). Ces éléments ne peuvent donc
pas être mesurés à partir de prélèvements sur filtre quartz. Ces résultats sont détaillés pour
chaque espèce en annexe II-1.
Dans le document
Polluants atmosphériques organiques particulaires en Rhône-Alpes : caractérisation chimique et sources d'émissions
(Page 66-74)