CHAPITRE 3 : CARACTERISATION CHIMIQUE DES EMISSIONS DE SOURCES DE
B. Combustion de biomasse
I. Composition globale des particules ...88 II. Spéciation de la fraction organique ...91
1. Les traceurs de la combustion de biomasse ...91 2. Les empreintes chimiques des hydrocarbures ...95
III. Analyse isotopique du carbone ...99 IV. Synthèse des émissions de combustion de biomasse ...100
C. COMBUSTION DE FIOUL EN CHAUDIERE INDIVIDUELLE ... 101
I. Composition globale des particules ...102 II. Spéciation de la fraction organique ...103
1. Etude de l’empreinte chimique des alcanes ...103 2. Etude de l’empreinte chimique des HAP...105
A. Introduction
L’étude de l’origine des PM en atmosphère ambiante à partir de leur caractérisation
chimique nécessite une connaissance préalable de la composition chimique des particules
issues des principales sources d’émissions. Cette composition chimique présente des
spécificités en fonction de sources et constitue donc le profil chimique de sources appelé
également « carte d’identité » chimique.
Parmi les sources de particules présentes en milieux anthropisés, le chauffage résidentiel
par combustion de combustible représente l’une des sources potentielles fortement émettrices
de PM, comme déjà évoqué dans le chapitre 1. Dans la littérature, de nombreux profils
chimiques de sources d’émissions de PM par le chauffage existent, plus particulièrement pour
la combustion de biomasse, les profils chimiques étant différents selon le type de combustion
(à l’air libre, en chaudière, en insert etc…), le type de biomasse (feuilles, bûches,…), le taux
d’humidité de la biomasse et les essences (hêtre, pin,…) (Simoneit, 2000). Ces profils ont été
réalisés en grande partie aux Etats-Unis et sont donc très spécifiques aux appareils de
chauffage et aux essences de bois utilisés en Amérique du Nord, qui peuvent être différents de
ceux utilisés en Europe. De plus, la caractérisation chimique réalisée est plus ou moins
détaillée selon les profils et se focalise parfois sur une seule famille de composés (les métaux
par exemple), la spéciation de la fraction organique des PM n’étant pas toujours réalisée. De
manière générale, seule la phase particulaire des aérosols est échantillonnée. Les principaux
profils de combustion de biomasse pour lesquels la spéciation organique a été réalisée dans la
littérature sont présentés sur le tableau 18. Ce tableau, non exhaustif, donne un aperçu de la
multiplicité des essences de bois brûlées dont les émissions ont été caractérisées
chimiquement. Mais dans la majorité des cas, la combustion de biomasse pour le chauffage a
été étudiée en foyer. Concernant les émissions de combustion de fioul domestique, seul un
profil contenant une spéciation organique est disponible dans la littérature et a été réalisé pour
la combustion en chaudière industrielle (Rogge et al., 1997). La spéciation organique des
émissions de combustion de gaz naturel pour le chauffage est disponible également dans un
seul profil de la littérature : le profil réalisé par Rogge et al. (1993d).
Devant l’inexistence de profils chimiques détaillés de la combustion de fioul en
chaudière individuelle et de la combustion de biomasse ou énergie mixte telle qu’elle est
pratiquée en France, et compte tenu du fort développement du bois énergie en France et en
Europe, il nous a semblé nécessaire de disposer de profils les plus représentatifs des modes de
chauffage utilisés, et plus particulièrement ceux utilisant la biomasse. Dans notre étude, la
caractérisation chimique des émissions et plus spécifiquement celle de la matière organique
contenue dans les aérosols a donc été réalisée sur des dispositifs de chauffage résidentiel au
bois et au fioul sur des appareils de chauffage individuel (en foyer, chaudière à bûche ou à
granulés) mais également sur une grosse chaufferie industrielle fonctionnant à l’aide de
combustible au bois ou combustible mixte bois/charbon. Cette caractérisation chimique des
émissions issues de la combustion des différents combustibles employés dans ce secteur en
Europe peut permettre ainsi de mieux évaluer les contributions des sources liées au chauffage
résidentiel sur les taux de PM.
Une autre pratique fortement émettrice de particules et très répandue en France concerne
les feux de déchets verts. Atmo-RhôneAlpes a estimé qu’un feu de 50 kg de végétaux émet
autant de particules qu’une voiture essence récente qui parcourt 8500 km (3500 km pour une
voiture diesel), ou que 4 mois et demi de chauffage d'un pavillon avec une chaudière fioul, ou
encore qu’une demi-journée de feu de bois d'une cheminée ouvert et, finalement que 16 jours
de chauffage d'un pavillon avec une chaudière bois récente
18. Cette pratique d’élimination des
déchets verts par combustion, bien qu’interdite par la législation et soumise à autorisation
préfectorale, est particulièrement développée en Rhône-Alpes (11% des résidents en maison
individuelle ont recours à cette pratique d’après l’ADEME) où elle fait partie des habitudes
ancestrales d’éliminations de ces déchets dans les jardins communaux ou de particuliers, ainsi
qu‘en agriculture. Aucun profil chimique de cette source d’émissions de particules n’ayant été
réalisé à ce jour avec un mélange de végétaux européens (tableau 18), elle a donc également
fait l’objet de notre étude afin de connaître la composition chimique globale des PM émises
par ce procédé.
Pour l’ensemble des sources citées ci-dessus, une caractérisation chimique la plus large a
été effectuée afin de connaître la composition globale de l’aérosol (carbone organique,
élémentaire, espèces majeures ioniques) ainsi que la spéciation fine de la fraction organique
de l’aérosol focalisée sur la recherche de traceurs de sources et d’empreintes de grandes
familles chimiques (hydrocarbures, HAPs, acides organiques,….). Les profils chimiques
obtenus seront comparés le cas échéant à ceux disponibles dans la littérature, et cette étude se
focalise sur l’identification de différences d’empreinte chimique entre les sources. Des
mesures isotopiques du carbone ont également été réalisées pour les émissions de combustion
de biomasse. Ces mesures ont été effectuées afin d’étudier les différences de signature
isotopique entre la combustion de biomasse récente (feux de déchets verts de jardin) et la
combustion de biomasse plus ancienne (bois), très peu de mesures isotopiques de sources
d’émissions étant disponibles dans la littérature. Elles n’ont pu être entreprises sur les
émissions de combustion de fioul en raison des teneurs en carbone trop faibles dans les
échantillons. Des mesures de métaux et éléments traces complètent également la spéciation
chimique réalisée sur les émissions de combustion de biomasse et de fioul domestique, mais
nous n’avons pas encore tous les résultats à ce jour, les mesures étant réalisées par une
prestation extérieure à nos laboratoires dont les délais d’analyses peuvent parfois être très
longs.
18
D’après le communiqué d’information d’Atmo-RhôneAlpes « Impact du brûlage à l’air libre de végétaux », paru en août 2010 et téléchargeable sur www.atmo-rhonealpes.org
B. Combustion de biomasse
Sous le terme combustion de biomasse sont rassemblés différents types de combustion et
de biomasse. En effet, ce terme regroupe à la fois les feux de forêts, de broussailles, de
déchets verts mais également les combustions de bois-énergie pour le chauffage domestique
ou industriel, la production d’électricité ou d’eau chaude sanitaire. Les formes sous lesquelles
se trouvent la biomasse sont donc différentes (bois vivant, sec, transformé sous forme de
sciures, de briquettes etc.), appartenant à différentes essences de bois. Les types de
combustion sont également très variés, allant de la combustion à l’air libre à la combustion
plus contrôlée en foyer ou en chaudière. Ces différents paramètres influencent fortement la
quantité d’aérosols émis et leur composition chimique.
Le bois a été la première énergie utilisée par l’Homme pour le chauffage. Jusqu’à la
révolution industrielle, il représentait l’unique combustible et l’habitat était construit autour
du foyer à bois. En 2007, six millions de ménages français étaient équipés d’un système de
chauffage au bois essentiellement en habitat individuel. Ainsi, c’est près de 45% des ménages
français en maison individuelle qui possèdent un appareil de chauffage au bois dont 45%
d'inserts et de foyers fermés, 27% de foyers ouverts, 13% de poêles, 9% de cuisinières, et 6%
de chaudières individuelles (Source : ADEME
19). Ces chiffres sont en augmentation chaque
année en raison essentiellement de l’augmentation du prix des autres combustibles et du
développement des énergies renouvelables accompagné de mesures incitatives de l’Etat pour
l’acquisition d’équipements utilisant cette énergie. Le bois le plus vendu en France est sous
forme de bûches de hêtre (bois dur). Cependant, 60% du bois de chauffage consommé
correspond à une autoconsommation ou provient d’un approvisionnement en dehors des
circuits de vente de la filière bois (Source : ADEME
19). Cette autoconsommation n’est pas
prise en compte dans les estimations des émissions réalisées par le CITEPA.
Dans le cadre d’une étude menée en partenariat avec l’AGEDEN, l’ASCOPARG, le
LERMAB (et financée par la Région Rhône-Alpes), les émissions de différents type de
combustion de biomasse on été étudiées. Cette étude comprenait la caractérisation des
émissions issues de 4 types d’appareil de chauffage domestique au bois-énergie utilisés en
France :
- foyer ouvert à bûches (essence de chêne) (5 échantillons),
- foyer fermé à bûches (essence de hêtre) (5 échantillons),
- chaudière à bûches (essence de chêne) (5 échantillons),
- chaudière à granulés (6 échantillons).
De plus les émissions d’une chaufferie industrielle alimentant un réseau collectif de
chauffage urbain ont fait également l’objet d’une caractérisation chimique (25 échantillons et
3 blancs). Les prélèvement ont été effectués par le Bureau Véritas selon des protocoles
normalisés dans le cadre d’une vérification réglementaire des émissions, et réalisés en
fonctionnement à différentes puissances (de 15,7 à 62,7 MW) à partir des combustibles bois,
charbon ou mixte. Entre 1 et 3 échantillons ont été prélevés pour les différentes puissances
étudiées et types de combustibles.
Enfin, cette étude comportait également la caractérisation des émissions de combustion
de déchets verts à l’air libre contenant des branches et feuilles mortes de diverses essences (32
échantillons)
20.
19 Rapport du programme ADEME « Le bois-énergie » réalisé de 2000 à 2006 et téléchargeable sur www2.ademe.fr
20 « Programme de connaissance de l’origine des émissions dues à la combustion de la biomasse sur le secteur grenoblois », étude LGGE-LCME-ASCOPARG-AGEDEN-LERMAB,
Les prélèvements pour l’étude de émissions des appareils de chauffage et en chaufferie
industrielle ont été réalisés par d’autres laboratoires ou des bureaux d’études selon la norme
française de prélèvements de rejets atmosphériques (Norme NF X 44-052), correspondant à
l’échantillonnage des particules totales directement dans le conduit d’émissions grâce à une
veine et un porte-filtre chauffés à une température inférieure ou égale à 160°C. Les conditions
de prélèvements étaient donc totalement dépendantes de cette norme et aucune modification
ne pouvait être apportée. Les prélèvements d’émissions de combustion de déchets verts ont
été réalisés par l’ASCOPARG (AASQA de la région grenobloise) à l’aide de tête de
prélèvements en PM
2.5et PM
10. Seule la phase particulaire des aérosols a été échantillonnée
pour l’ensemble des prélèvements réalisés. Les conditions opératoires n’ont pas permis ni de
mesurer des flux d’émission, ni les masses totales des PM, mais essentiellement de déterminer
les profils chimiques.
I. Composition globale des particules
La détermination de la fraction carbonée des particules (OC et EC) et de la fraction
ionique permet de réaliser un profil chimique de la composition globale des constituants
massiques principaux des aérosols. Les profils chimiques moyens obtenus pour différents
types de combustion de biomasse sont représentés sur la figure 38. L’analyse de plusieurs
échantillons par type de combustion (environ 5 ou 6 échantillons par type de combustion)
permet de montrer que ces profils moyens sont plutôt stables : les écart-types des fractions
que représentent chaque espèce à la composition globale sont inférieurs à 9% pour l’OC, à 3%
pour l’EC et à 1% pour les composés ioniques. De part ces faibles écart-types, seuls les profils
moyens seront présentés. Les profils moyens des différents types de combustion se
différencient nettement les uns des autres. Ainsi, des variations très importantes sont
observées dans les parts relatives de chacun des composés suivant le procédé de combustion
étudié. Mais, la taille des aérosols (PM
10ou PM
2.5) ne semble pas influencer le profil
chimique des émissions de combustion de déchets verts.
La part de l’OC est particulièrement élevée dans le cas des combustions de type «
déchets verts » ou « combustion de bois bûche en foyers ouverts et fermés », avec des
fractions représentant respectivement 96, 81 et 66% de la masse déterminée. Cette fraction
organique est beaucoup plus faible lors de la caractérisation des émissions issues de
chaudières individuelles ou de chaudières industrielles. Les fortes proportions d’OC obtenues
sur les combustions de déchets verts et les combustions de bois en foyer fermé sont en accord
avec les résultats rapportés dans la littérature pour les émissions les plus proches de celles
étudiées (Figure 39). La diminution de la proportion d’OC émis semble être liée au type de
combustion : en chaudière, la combustion est probablement plus complète qu’en foyer et qu’à
l’air libre pour la combustion de déchets verts. Cependant, les différences observées entre les
profils de différents types de combustion peuvent être dues aux conditions de prélèvements
des particules différents selon les combustions. Les émissions de combustion de déchets verts
ont été prélevés dans le panache de fumée à l’air libre (proches d’une température ambiante)
alors que les émissions de combustion de chauffage individuel l’ont été en conduit de
cheminée (à températures plus élevées) et celles de combustion en chaudière industrielle ont
été échantillonnées après les systèmes de traitement des émissions (température de l’ordre de
Figure 38 : Profils chimiques des espèces majeures pour différents types
de combustion de biomasse (en proportions relatives).
Figure 39 : Profils chimiques des espèces majeures issus de la littérature.
De plus, la part de l’EC reste relativement faible avec des valeurs s’étendant de 2 à 18%
pour les combustions de bois dans des appareils de chauffage individuel, en chaudière
industrielle et pour la combustion de déchets verts (figure 38). Ceci distingue nettement les
profils « combustion de biomasse » de ceux des émissions de combustibles fossiles. Ainsi,
l’utilisation de combustible mixte bois et charbon en chaudière industrielle se traduit par une
augmentation majeure de la part de l’EC sur le profil des espèces majeures (figure 38),
pouvant représenter jusqu’à 61% de la masse déterminée. Cette proportion se rapproche de
celle observée pour les émissions véhiculaires du parc automobile français mesurées en tunnel
(figure 39).
Ce comportement différent vis à vis des émissions de matière organique peut être abordé
par l’étude du rapport EC/OC. Ce rapport déterminé pour les profils d’émissions réalisés est
proche de 0,1 pour la combustion de biomasse en foyer ouvert et fermé et de 0,04 pour la
combustion de déchets verts (Erreur ! Source du renvoi introuvable.). Si ces valeurs
emeurent inférieures à 0,2 comme pour les profils de la littérature, des différences notables
sont cependant observées. En effet, pour la combustion de bois dur en foyer (Fine et al.,
2002), le rapport EC/OC rapporté est seulement de l’ordre de 0,04 alors que celui pour la
combustion de feuilles (Schmidl et al., 2008a) est de l’ordre de 0,1 (figure 40). Le ratio est
plus élevé pour les combustions de bois en chaudière : entre 0,6 pour les granulés et 1,4 pour
les bûches. De plus, l’utilisation de combustible mixte bois et charbon entraîne une forte
augmentation du ratio EC/OC qui est alors de l’ordre de 3,0. Ce résultat est en accord avec les
ratios EC/OC proposés dans la littérature pour la combustion d’autres combustibles fossiles
tels que les combustions de fioul et de carburants par les véhicules, mais est plus élevé que les
ratios mesurés pour la combustion de charbon (figure 40).
* moyenne des résultats de Chen et al. (2005) ; Oros et Simoneit (2000) ; Zhi et al. (2008)