CHAPITRE 3 : CARACTERISATION CHIMIQUE DES EMISSIONS DE SOURCES DE
C. Combustion de fioul en chaudière individuelle
Le fioul est un combustible issu du raffinage du pétrole. Le fioul utilisé pour le chauffage
résidentiel est appelé fioul domestique ou mazout. Sa composition est très proche de celle du
gazole. En France en 2005, cette énergie était utilisée pour le chauffage et/ou l’eau chaude
sanitaire dans 19% des résidences principales. C’est la troisième énergie utilisée après le gaz
naturel (44%) et l’électricité (29%). Le parc des chaudières au fioul françaises est ancien :
25% des chaudières ont plus de 25 ans surconsommant de l’énergie et très mal équipées en
système de traitement des rejets atmosphériques gazeux et particulaires (Source :
ADEME/CEREN d’après les enquêtes INSEE).
Cette énergie étant très utilisée en France pour le chauffage résidentiel et bien qu’elle
émette moins de particules que le bois-énergie (cf. chapitre 1), il est nécessaire de connaître la
composition chimique des particules émises par ce type de combustion afin de pouvoir
espérer quantifier la contribution de cette source aux particules mesurées en air ambiant. Dans
la littérature, une seule étude présente la composition chimique et en particulier la spéciation
organique des émissions de particules par la combustion de fioul : c’est l’étude réalisée aux
Etats-Unis par Rogge et al. (1997) reportant la caractérisation des aérosols organiques émis
par la combustion de fioul en chaudière industrielle.
Face au manque de données dans la littérature pour les émissions de combustion de fioul
en chauffage résidentiel, une étude a été réalisée en collaboration entre le LCME, le LGGE et
Air-APS sur les émissions de particules par la combustion de fioul en chaudière individuelle.
La chaudière individuelle instrumentée lors de cette étude date du début des années 2000 et
émet en moyenne selon le constructeur 6 g.GJ
-1de particules totales en suspension. Des
prélèvements de la phase particulaire des aérosols ainsi que des mesures des PM
2.5et de la
température des émissions ont été réalisés à l’aide d’un dispositif de prélèvement dans le
conduit d’émissions en sortie de chaudière, en respectant les conditions isocinétiques, et
équipé d’un système de refroidissement des émissions (cf. chapitre 2). La concentration en
PM
2.5mesurée en moyenne pendant le fonctionnement de la chaudière était de 531 µg.m
-3et
la température des émissions comprise entre 110 et 120°C. La chaudière était en
fonctionnement pendant 10 min toutes les 30 minutes. Chaque prélèvement a été réalisé
pendant les 10 min de fonctionnement de la chaudière.
La caractérisation chimique globale des particules ainsi qu’une spéciation fine de la
matière organique ont été réalisées sur quatre composites de filtres échantillonnés en PM
2.5et
un composite de filtres échantillonnés en PM
10, chaque composite rassemblant deux filtres
échantillonnés. Des analyses de métaux et éléments traces complètent également cette
spéciation. Cependant, la quantité de carbone contenue dans les particules de ce type
d’émissions n’a pas permis pas de réaliser des analyses des isotopes du carbone sur ces
échantillons. Ces mesures doivent permettre ainsi de réaliser un profil chimique indicatif des
émissions de combustion de fioul en chaudière individuelle. Cependant, l’étude n’ayant été
réalisée que sur une seule chaudière, les résultats obtenus peuvent être spécifiques à cette
chaudière, mais ils permettent néanmoins d’avoir une première approche des émissions de ce
type de source. Cette étude est une première étude exploratoire sur les émissions de
combustion de fioul en chaudière individuelle. Certaines difficultés ont été rencontrées au
cours de cette étude, notamment une contamination importante des blancs de prélèvements
que nous n’avions pas rencontré ailleurs, et dont nous n’avons finalement pas tenu compte.
De plus, dans la littérature les émissions de combustion de fioul sont caractérisées par une
spéciation métallique. Or n’ayant actuellement pas encore les résultats d’analyse des métaux
fioul échantillonnées lors de notre étude n’a pu être évaluée vis-à-vis de la littérature pour la
signature chimique en métaux.
I. Composition globale des particules
La composition globale (comprenant la fraction carbonée et la fraction ionique) des
particules émises par la combustion de fioul en chaudière individuelle est très ? différente de
celle des émissions de combustion de biomasse étudiée précédemment. Elle est marquée par
une forte proportion de carbone élémentaire, représentant 45% de la masse identifiée autant
pour les PM
2 ,5que pour lesPM
10.Le carbone organique représente 18 à 21% de la masse de
PM (figure 46) alors qu’il représente 33% de la masse de PM identifiée pour les émissions de
combustions de carburants par les véhicules mesurées en tunnel (El Haddad et al., 2009).
La fraction ionique est largement dominées par les sulfates, représentant 31 et 33% de la
masse identifiée de PM pour les PM
10et PM
2.5, respectivement. Ces résultats sont similaires à
ceux de la littérature pour le même type de combustion en chaudière industrielle (figure 46)
(Rogge et al., 1997). Les composés ioniques analysés autres que les sulfates sont en très
faibles concentrations et ne représentent que moins de 4% de la masse totale identifiée de PM.
Figure 46 : Profils chimiques des espèces majeures pour la combustion de fioul en
chaudières individuelle dans les PM
2.5et PM
10et industrielle issue de la littérature
(en proportions relatives).
Le ratio EC/OC a donc été calculé pour les différentes émissions de combustibles
fossiles : fioul en chaudières individuelle et industrielle, et carburants par les véhicules légers.
Ce ratio est de 2,49 ± 0,68 dans les PM
2.5émises par la combustion de fioul en chaudière
individuelle. En comparaison avec les données de la littérature pour d’autres combustions de
combustibles fossiles (Rogge et al., 1997 ; El Haddad et al., 2009), il est supérieur à celui des
émissions véhiculaires en tunnel qui est de 1,89 et inférieur à celui des émissions de
combustion de fioul en chaudière industrielle qui est de 6,02 (figure 47). Les différences
observées entre la combustion de fioul en chaudière individuelle et industrielle sont peut être
dues aux températures de fonctionnement des chaudières qui peuvent être différentes mais
Figure 47 : Ratios EC/OC mesurés pour la combustion de fioul en chaudière individuelle
(cette étude), pour la combustion de fioul en chaudière industrielle étudiés (littérature) et
pour les émissions véhiculaires en tunnel (littérature).
II. Spéciation de la fraction organique
Le fioul étant un combustible fossile, la spéciation de la fraction organique des émissions
particulaires de ce combustible s’est focalisée sur l’étude des hydrocarbures, composés
organiques dont les empreintes chimiques sont spécifiques à ces émissions. Néanmoins, la
spéciation organique réalisée comporte l’analyse d’une centaine de composés non présentée
de manière exhaustive dans ce document, seules les spécificités des émissions de combustion
de fioul étant détaillées.
1. Etude de l’empreinte chimique des alcanes
La signature chimique des n-alcanes a été étudiée dans les émissions de combustion au
fioul pour les alcanes contenant 19 à 40 carbones (du nonadecane au tétracontane),
n-alcanes les plus présents dans la phase particulaire des aérosols (figure 48). Les émissions de
combustion de fioul en chaudière individuelle (cette étude) ou industrielle (données issues de
la littérature : Rogge et al., 1997) sont caractérisées par une prédominance des n-alcanes
contenant 19 à 26 carbones avec une concentration relative maximale observée pour le
n-docosane (22 carbones). Le CPI calculé est de 1,1 ne traduisant aucune prédominance
marquée des alcanes pairs ou impairs et caractéristique des émissions de combustion
d’énergie fossile. Cette signature chimique se différencie de celle des émissions véhiculaires
(profil réalisé en tunnel par El Haddad et al., 2009) par de très faibles concentrations en
n-alcanes plus lourds que le n-heptacosane (C27). En effet, le profil en n-n-alcanes des émissions
véhiculaires directes se caractérise par une distribution bimodale alors que celui des émissions
de combustion de fioul ne comporte qu’un mode.
Figure 48 : Profils en n-alcanes des émissions de PM
2.5et PM
10de combustion de fioul en
chaudière individuelle et issus de la littérature pour la combustion de fioul en chaudière
industrielle et pour les émissions véhiculaires en tunnel.
La spéciation organique réalisée a permis également d’identifier la présence d’alcanes
ramifiés (pristane et phytane) dans les émissions de combustion de fioul, non présents dans
les émissions de combustion de biomasse. Leur proportion au sein du carbone organique a
donc été calculée. Les ratios de ces deux composés avec le carbone organique (Pri/OC et
Phy/OC) pour les émissions de combustion de fioul sont élevés, avec des valeurs moyennes
de 3.10
-2pour Pri/OC et 7.10
-3pour Phy/OC, alors que ces ratios sont de 7.10
-4et 6.10
-4respectivement pour les émissions véhiculaires en tunnel (tableau 23). Le ratio Pri/OC dans
les PM
2.5est légèrement supérieur à celui calculé dans les PM
10. Les ratios obtenus pour les
émissions de combustion de fioul en chaudière individuelle n’ont pu être comparés aux
émissions du même combustible en chaudière industrielle, ces composés n’ayant pas été
quantifiés lors de l’étude reportant ce type d’émissions (Rogge et al., 1993). Les émissions de
combustion de fioul sont donc caractérisées par de fortes proportions en alcanes ramifiés au
sein du carbone organique contenu dans les particules et cette spécificité pourra être utilisée
pour l’identification de cette source d’émissions en atmosphère ambiante.
Tableau 23 : Ratios Pristane/OC (Pri/OC) et Phytane/OC (Phy/OC) calculés pour les
émissions de combustion de fioul en chaudière individuelle et issus de la littérature pour les
2. Etude de l’empreinte chimique des HAP
Tout comme pour les alcanes, les signatures chimiques en HAP des émissions de
combustion peuvent être caractéristiques du type de combustible. Elles ont donc été étudiées à
partir de l’identification de quatorze HAP
22, le chrysène et le triphénylène étant reportés
ensemble du fait de leur quantification commune dans les profils de la littérature où ils sont
analysés en GC-MS, alors qu’ils ont été quantifiés séparément dans nos études grâce aux
analyses effectuées en HPLC-Fluorescence (figure 49).
Figure 49 : Profils en HAP des émissions de PM
2.5et PM
10de combustion de fioul en
chaudière individuelle et issus de la littérature pour la combustion de fioul en chaudière
industrielle et pour les émissions véhiculaires en tunnel.
Contrairement aux émissions de combustion de biomasse étudiée précédemment, les
émissions de combustion de combustibles fossiles sont caractérisées par une signature
chimique en HAP où prédominent les HAP plus légers que le benzo[e]pyrène. Pour les
émissions de combustion de fioul en chaudières individuelle et industrielle, les HAP
majoritairement présents sont le phénanthrène et la somme du chrysène et du triphénylène. Le
profil en HAP de combustion de fioul en chaudière industrielle issu de la littérature (Rogge et
al., 1997) se distingue de celui de la combustion en chaudière individuelle par la présence de
HAP plus lourds que le BeP, notamment le benzo[b]fluoranthène et le benzo[k]fluoranthène.
Pour les combustions de carburants (El Haddad et al., 2009), ce sont le fluoranthène, le
pyrène ainsi que la somme du chrysène et du triphénylène qui prédominent dans la signature
en HAP.
Les profils en HAP des combustions de fioul et de carburants par les véhicules sont donc
différents et cette différence peut ainsi potentiellement permettre de distinguer les émissions
de ces deux types de sources. Cependant, les HAP majoritaires de ces deux sources étant des
HAP fortement présents dans la phase gazeuse des aérosols, leur étude dans la phase
particulaire sans prélèvement simultané de la phase gazeuse sera à considérer avec précaution.
Leurs concentrations peuvent être fortement influencées par les répartitions entre les phases
gazeuses et particulaires lors du prélèvement.
22 Phénanthrène (Phe), Anthracène (Ant), Fluoranthène (Fla), Pyrène (Pyr), Benzo[a]anthracène (BaA), Chrysène (CHR), Triphénylène (Tri), Benzo[e]pyrène (BeP), Benzo[b]fluoranthene (BbF), Benzo[k]fluoranthène (BkF), Benzo[a]pyrène (BaP), Benzo[ghi]pérylène (BghiP), Indéno[1,2,3-cd]pyrène (IP) et Coronène (COR).
Dans le document
Polluants atmosphériques organiques particulaires en Rhône-Alpes : caractérisation chimique et sources d'émissions
(Page 109-114)