• Aucun résultat trouvé

Ce chapitre présente notre démarche méthodologique qui pour être en cohérence avec notre cadre d’analyse se base sur les approches féministes retenues. Il indique donc comment nous avons procédé et en utilisant quels outils. La section 3.1 aborde l’approche de la théorie de la connaissance située (aussi appelée théorie du positionnement situé ou encore Standing Point Theory). Cette théorie découle de l’épistémologie féministe expliquée à la sous-section 3.1.1. Elle est aussi à mettre en relation avec l’empirisme féministe présenté dans la sous-section 3.1.2. La sous-section 3.1.3 détaille cette approche et justifie notre choix méthodologique. Par ailleurs, la sous-section 3.1.4 explique l’alignement de cette théorie sur l’approche qualitative. Par la suite, la section 3.2 précise la population à l’étude et comment elle a été sélectionnée. Ainsi, la section 3.2.1 justifie théoriquement notre choix de méthode d’échantillonnage. La sous-section 3.2.2 montre la population à l’étude et les critères de l’échantillonnage relatifs à notre contexte. Une fois notre échantillon sélectionné, la section 3.3 nous décrit les types de données et les instruments utilisés pour collecter les données. La sous-section 3.3.1 discute des données primaires et la sous-section 3.3.2 des données secondaires. Le déroulement de la collecte de données et l’approche éthique adoptée sont exposés à la section 3.4. Le contexte dans lequel nous avons réalisé l’étude est indiqué dans la sous-section 3.4.1. Le processus de recrutement quant à lui est indiqué dans la sous-section 3.4.2. Par la suite, nous expliquons comment se sont déroulés les entretiens en groupe à la sous-section 3.4.3 et les entretiens individuels à la sous-section 3.4.4. Enfin, la section 3.5 informe sur la stratégie de traitement des données utilisée.

3.1) Théorie de la connaissance située

La théorie de la connaissance située a été développée dans les années 1980 par les auteures et auteurs des courants féministes. L’idée principale est que toutes les connaissances de tous et toutes sont situées et construites. Ainsi, ce sont les connaissances d’hommes d’une certaine classe sociale et d’une certaine appartenance ethnique qui ont été diffusées et valorisées dans la société (Allen, 1996 p.258). La volonté de cette méthodologie est de mieux comprendre les structures d’oppression dans lesquelles les personnes notamment les femmes marginalisées évoluent. Cependant, comprendre cette approche nécessite tout d’abord d’exposer l’épistémologie et l’empirisme féministe.

45 3.1.1) L’épistémologie féministe

L’épistémologie est une branche de la méthodologie dont les objectifs sont de répondre à diverses questions autour de la connaissance générée telles que : qu’est-ce que la connaissance ? Comment justifier cette connaissance ? Comment cette connaissance s’opérationnalise-t-elle ? Qui peut connaitre ? Par quel moyen peut-on amener les individus à savoir? Comment considérer comme valide et évaluer cette connaissance ? (Fonow et Hook, 2005 p.2212; Rubio 2011 p. 22). En résumé, « Comment sait-on ce qu’on sait? » (Rubio, 2011 p.22) (traduction libre de la chercheure). L’objectif est de comprendre comment les sciences sont pratiquées et de redéfinir les critères permettant d’admettre qu’une connaissance est valide et admise.

L’épistémologie féministe se veut différente des méthodes scientifiques conventionnelles qui tendent à éliminer les éléments contextuels de la recherche pour en faire découler des informations dites neutres (Harding, 1995 p.8 ; Rubio, 2011). En effet, il est traditionnellement considéré seulement le contexte de la justification, car il a été soumis à une méthodologie, ce qui n’est pas le cas du contexte de la découverte (Rubio, 2011 p.23). Le contexte de la justification est considéré comme protégé des valeurs et jugements contrairement au contexte de la découverte qui lui est irrationnel (Janack 1997, p.127). A ce propos, Rubio (2011 p.27) indique que pourtant, la formulation des hypothèses ne se fait pas de manière scientifique, mais par un processus créatif sans méthode aucune et sans valeur épistémique.

Les perspectives féministes admettent que le contexte de la découverte et le contexte de la justification sont interconnectés (Rubio, 2011 p.23). Plus précisément, chez les féministes, les communautés sont considérées comme vecteurs de connaissances et tout ce qui a trait à l’objectivité, aux critères, ou encore aux procédures érigées par les forces sociales sont ensuite négociés et établis par les scientifiques (Rubio, 2011 p.23). Ainsi, l’épistémologie féministe souligne que les sciences utilisant seulement les méthodes conventionnelles, ne peuvent pas produire de connaissances universelles (Rubio, 2011 p.23). De plus, l’idée de neutralité telle qu’entendue dans les méthodes conventionnelles

46

a généralisé l’idée que les méthodes réfèrent uniquement à des techniques qui standardisent et obscures les valeurs et intérêts des résultats de recherche (Harding, 1995 p.17). Or, il faut aller au- delà des règles pour développer des éléments probants. L’épistémologie féministe veut donc compléter les méthodes scientifiques et non les rejeter (Harding 1990 p.90).

Harding (1995 p.17), donne l’exemple des méthodes enseignées à l’université. Elle explique que les méthodes sont conceptualisées seulement quand les hypothèses sont testées. Plus précisément, la réflexion sur la méthodologie débute après qu’un projet soit déjà constitué (identification du problème, conceptualisation, hypothèse, cadre théorique) (Harding, 1995 p.17). Cependant, comme souligne l’auteure, le problème de cette démarche est qu’elle camoufle les causes et les tendances des connaissances révélées (Harding, 1995 p.16).

Par ailleurs, les féministes ont rappelé que les sciences telles que les philosophes les ont conçues sont tentées d’androcentrisme (Ferber et Nelson, 1993 p.26 ; Harding, 1995 p.9 ; Rubio, 2011 p.23). De ce fait, les méthodes scientifiques sont donc un vecteur d’inégalités de genre. Ferber et Nelson (1993 p.2), justifient cela par l’analyse du modèle cartésien dominant et notamment de son objectif. En effet, ce modèle cartésien est principalement basé sur le détachement, et l’effacement des émotions (Ferber et Nelson, 1993 p.26). Or pour les hommes, les femmes réfèrent à l’irrationnel, aux émotions, car elles sont un rappel de la maternité ou encore de l’enfance (Harding, 1995 p.24). De ce fait, ce mode de pensée réduit inévitablement la considération des femmes dans la conception et l’opérationnalisation des sciences (Ferber et Nelson, 1993 p.26).

Les féministes afro-américaines ont permis de soulever des questions et points déterminants concernant l’épistémologie des personnes oppressées. Bell Hooks (2000 p.19) a notamment signifié que les femmes n’ont pas tous le même statut dans la société et qu’il en est de même pour les hommes. Elle pose donc le sujet que les revendications des femmes blanches libérales qui veulent l’égalité entre les hommes et les femmes ne peuvent être les mêmes pour toutes les femmes (Hooks, 2000 p.19). En effet, les hommes noirs américains ne jouissent pas des mêmes libertés que les hommes blancs (Hooks, 2000 p. 19). Donc, les femmes noires ne souhaitent pas avoir un statut égal à celui de l’homme noir. C’est là où la nécessité de considérer des aspects autres qu’économiques (accès à l’emploi,

47

égalité salariale, etc.) s’est posée. Il faut donc spécifier la problématique des femmes et ne pas la généraliser.

Ainsi, l’objectif de la science chez les féministes est principalement la résolution des questions suivantes : quel est le problème à considérer ? Quel problème devons-nous résoudre ? Quelles questions doivent être répondues ? Quels outils avons-nous ? (Rubio, 2011 p.24). Il faut donc comprendre ce qu’est la réalité pour agir sur les inégalités de genre.

Plus précisément Harding (1995 p.20) indique que ce qu’il faut c’est une procédure qui maximise l’objectivité et qui permet de cibler les intérêts et valeurs. Ces intérêts et valeurs doivent constituer un projet scientifique et ne doivent pas avoir tendance à varier entre des observateurs et observatrices légitimes (Harding 1995 p .20). Ainsi, l’épistémologie à ici un caractère transitionnel qui revendique les avantages des valeurs politiques et en même temps supporte la méthodologie requérant la neutralité (Harding 1986, p.162 cité dans Rubio, 2011 p. 24). Ainsi, la recherche féministe a développé l’idée controversée que la recherche peut contribuer à libérer, et peut-être engager (Harding et Norberg, 2005, p.2011).

L’épistémologie féministe a donc permis de poser la réflexion méthodologique sur la séparation entre le contexte de la découverte du contexte de la justification pour mieux interpréter les résultats (Rubio, 2011 p.24). Cette réflexion a notamment permis d’amener au développement de la théorie de la connaissance située. Cependant, avant cela une brève présentation de l’empirisme féministe qui a influencé en partie la théorie de la connaissance située est effectuée.

3.1.2) L’empirisme féministe

L’empirisme réfère aux théories et méthodes dérivant exclusivement de l’expérience (LaRousse, 2019). L’empirisme féministe prend en compte les valeurs dans son cheminement scientifique. Développé en 1990 deux types d’empirismes féministes sont répertoriés. Il s’agit de l’empirisme contextuel d’Helen Longino et de l’empirisme naturalisé de Lynn Nelson (Rubio, 2011 p.25). Des points

48

communs sont présents entre ces deux empirismes. Tout d’abord, les deux empirismes considèrent que la science est avant tout sociale (Tanesini, 1990 cité dans Rubio, 2011 p.25). En effet, il ne s’agit pas ici de considérer un ou des individus, mais bien un groupe. Cela implique que les théories de la connaissance doivent inclure les composantes sociales c’est-à-dire tant le contexte de la découverte que celui de la justification (Rubio, 2011 p.25). En effet, les valeurs permettent de mieux justifier tant les théories que les preuves. Un autre élément méthodologique important est que ces deux empirismes considèrent que l’observation est un moyen scientifique de collecter des données empiriques (Rubio, 2011 p.25). Cependant, c’est dans le rôle des valeurs que l’on trouve les différences (Rubio, 2011 p.25). Dans l’empirisme contextuel, l’influence des valeurs sur les hypothèses est admise, mais ces valeurs ne font pas partie de la méthodologie (Rubio, 2011 p.25). En effet, l’empirisme contextuel considère que tant le contexte de la justification que celui de la découverte sont influencés par les valeurs et les intérêts (Janack, 1997 p.127). Ainsi, les tenants et tenantes de cet empirisme appellent à diversifier la communauté scientifique pour diminuer l’influence des valeurs (Rubio, 2011 p.25). A l‘inverse, dans l’empirisme naturalisé les valeurs font partie de la méthodologie, donc sont sujettes au contrôle empirique (Rubio, 2011 p.25). C’est sur ce dernier point que la frontière entre l’empirisme naturalisé et la théorie de la connaissance située est considérée comme floue (Potter 2006 cité dans Rubio, 2011 p.25).

3.1.3) La théorie de la connaissance située comme approche méthodologique

La théorie de la connaissance située a été développée depuis les années 1980 par des auteures telles que Dorothy Smith (1988), Sandra Harding (1986), Patricia Hill Collins (1991) et Alison Wylie (2003) (Wylie et Sismondo, 2015 p.1). Bien que des légères différences soient présentes chez ses différentes auteures, cette théorie a des orientations claires. Elle serait originaire de la dialectique du maître et de l’esclave d’Hegel (Dryden, 2013 p.3). Dans cette dialectique, Hegel indique que contrairement au maître l’esclave peut évoluer, et ce, parce qu’il est actif par son travail et non simple jouisseur. De ce fait, chez Hegel « le travail est la catégorie privilégiée où se rencontrent à la fois le rapport à soi, par l'identité, le rapport à autrui, par la reconnaissance de cette identité, et le rapport au monde, en ce que, dans l'œuvre, l'identité devient objective et entre dans le monde » (Lagadec, 1969 p.8). Ainsi, il apparaît qu’il est mieux de partir du discours de l’esclave que du maître pour comprendre une situation

49

d’oppression et ses conséquences (Rubio, 2011 p.29). La théorie marxiste s’inspirera de cette approche pour analyser la situation des ouvriers dans un contexte de capitalisme pour être enfin appropriée par les courants féministes (Neitz, 2014 p. 261). Chez les marxistes, les prolétaires sont plus aptes à analyser la société. En effet, ils sont dans le système capitaliste, mais ne souhaitent pas sa continuité. Il est donc crucial de les considérer dans l’analyse (Rubio, 2011 p.29). La théorie de la connaissance située admet que, du fait d’un privilège épistémique, certains groupes sont plus aptes à nous fournir la réalité telle qu’elle est que des groupes étant en situation privilégiée dans la société. (Rubio, 2011 p.29). Les femmes seraient notamment des groupes soumis dans un système patriarcal. Elles sont chargées de la reproduction de ce système mais, n’ont rien à gagner de sa continuité (Rubio, 2011 p.29). Si l’on veut donc comprendre l’influence du genre dans la société, il est donc nécessaire de considérer leur point de vue.

Par exemple, ce qui est considéré comme le « travail des femmes » (qu’on peut considérer comme le travail domestique) allège les hommes du souci d’entretien d’eux-mêmes et de l’endroit où ils vivent (Harding, 1990 p.92). Ainsi, ils se retirent donc du concret pour avoir une vision abstraite du contexte et de l’implication de la réalisation de ces tâches. Harding, (1990 p.92) ajoute que plus les femmes réussissent leur travail plus celui-ci devient invisible pour les hommes qui considèrent le travail domestique comme une activité naturelle par les femmes faite par amour pour son foyer (Harding, 1995 p.24). En parallèle, la compréhension des femmes sur le travail des hommes est elle aussi déformée, car elle s’appuie sur des concepts venant d’administration principalement masculine (Harding, 1990 p.92 ; Ferber et Nelson, 1993 p.40). Ainsi, nous comprenons ici que des lieux sociaux sont influencés par le genre et ce qui l’a construit.

Dans ces théories de la connaissance située, les lieux sociaux jouent un rôle important. Ces lieux sont définis comme la place où les individus sont au carrefour de différents axes hiérarchiques de

différenciation (sexe, classe sociale, race, sexualité, etc) (Rubio, 2011 p.29). De ce fait, nous avons des lieux sociaux privilégiés et des lieux sociaux marginalisés. Rubio (2011 p.29) souligne que les personnes dans les lieux marginalisés peuvent ne pas avoir une connaissance située. En effet, une connaissance située est présente quand des personnes des lieux sociaux marginalisés s’engagent pour un changement de leurs conditions (Jaggar, 1983 p.387 cité dans Jannack, 1997 p.128 ; Potter,

50

2006 cité dans Rubio, 2011 p.29). Ainsi, la connaissance située est avant tout sociale, elle appartient à un ou des groupes de personnes qui analysent leur condition pour l’améliorer (Rubio, 2011 p.29). Contrairement à l’approche empirique, dans la théorie de la connaissance située les inégalités sont à la base de la recherche scientifique pour réduire les distorsions ou faux résultats (Rubio, 2011 p.29). Les théories de la connaissance située veulent donc découvrir ce qu’on peut apprendre sur le paradigme dominant en partant du discours des groupes marginalisés (Harding, 2002 cité dans Rubio, 2011 p.30). Elles veulent aussi comprendre l’organisation de l’ordre social et naturel, leur influence sur la vie de femme et comment cette influence s’effectue (Harding, 2002 cité dans Rubio, 2011 p.30).

Les premières versions de la théorie de la connaissance située étaient surtout axées sur la version marxiste où, tel le groupe des prolétaires les femmes représentaient un groupe homogène (Rubio, 2011 p.29). Les courants féministes transnationaux critiqueront cette vision homogène des femmes sur laquelle les féministes socialistes et marxistes s’appuient (Neitz, 2014 p. 261). Il en est de même pour les mouvements féministes noirs des États-Unis qui ont précisé la nécessité d’avoir une approche intersectionnelle prenant en compte la race et le genre pour comprendre les systèmes de domination en place (Collins, 2000 p.44; Neitz, 2014 p.261), quant aux mouvements poststructuralistes féministes, ils considèrent qu’il n’y a pas d’opinion privilégiée. Cependant, toutes les connaissances sont situées et les chercheur(e)s doivent adopter une posture réflexive, car leurs connaissances situées vont influencer leurs recherches (Allen, 1996 p.258 ; Neitz, 2014 p. 261).

Ainsi, dans les théories de la connaissance située, la recherche doit partir du groupe marginalisé pour expliquer la société d’un point de vue micro et macro. Pour Harding (1992 p.438 cité dans Pinnick, 1994 p.649), agir ainsi serait entreprendre une démarche à objectivité forte. En effet, Harding considère que l’objectivité telle qu’elle est dans les méthodes traditionnelles n’est pas assez rigoureuse ou encore pas assez objective. L’objectivité forte est un concept clé dans les théories de la connaissance située. Elle réfère notamment à l’approche épistémologique des théories féministes qui admet la nécessité de prendre en compte, les valeurs sociales et le contexte de la découverte (Pinnick, 1994 p.649). Harding (1986 cité dans Rubio, 2011 p.29) indique que développer une objectivité forte signifie donc observer la relation entre les lieux sociaux et la connaissance objective qu’ils produisent. Ainsi, l’objectivité forte, est une démarche scientifique guidée par des considérations politiques (Pinnick, 1994 p.650). De ce fait, comme l’indique Rubio (2011, p.29), les théories de la connaissance située ne déclarent pas qu’il y a automatiquement un privilège épistémique à appartenir à une minorité. Ce que disent les théories

51

de la connaissance située est qu’appartenir à un lieu social inférieur tend à donner une compréhension plus réaliste de la situation (Rubio, 2011 p.29). Plus précisément, l’expérience des personnes marginalisées devrait fournir non pas la solution mais le problème scientifique à étudier et la démarche de la recherche (Janack, 1997 p.126). Ainsi, tenir compte de l’expérience des personnes marginalisées donnerait diverses expériences et intérêts à la recherche scientifique pour réduire les distorsions de la science (Janack, 1997 p.126). Ces intérêts et expériences sont tant celles des personnes marginalisées que celles en positions dominantes (Janack, 1997 p.126). A la fin, la qualité de la connaissance située et le résultat de l’objectivité forte détermineront la validité de la connaissance.

De cette théorie nous pouvons en faire ressortir des éléments clés. Tout d’abord, l’approche réflexive utilisée par les approches féministes cherchent à révéler les inégalités et les pratiques de domination tant dans la recherche que dans la société (Neitz, 2014 p. 262). Elle amène aussi les chercheur(e)s à tenir compte de leurs propres lieux sociaux, leurs intérêts, leurs valeurs, car ils impacteront sur le processus et les résultats de la recherche (Wylie, 2007 p.212). Les relations de pouvoir sont donc au cœur de la théorie de la connaissance située (Collins, 2000 p.376). Ensuite, les femmes ensemble prennent conscience de leur situation au travers des discussions. Par la suite viendra une conscience collective qui va déclencher une volonté collective de sortir de cette situation d’oppression et donc mener à l’empowerment (Neitz, 2014 p.262). C’est pour cela qu’il est essentiel que la recherche se fasse avec les femmes pour qu’à long terme un changement opère (Currie, 1999). En effet, la méthodologie doit être favorable à une prise de conscience qui favorise l’empowerment des femmes, et pour ce faire l’analyse des structures sociales en partant de leurs discours est déterminante (Montell, 1996).

L’idée des féministes praticiennes de la théorie de la connaissance située est aussi d’apporter de nouveaux éléments afin de développer le débat au niveau de la recherche. En effet, l’avis des femmes est considéré non pas comme inférieur à celui de la chercheuse ou du chercheur, mais comme différent (Allen, 1996). Ainsi, « c’est pour les femmes et par les femmes que la critique s’organise. » (Larivée, 2013 p.135). L’objectif est de défier la rigidité entre le ou la chercheur-e et le sujet (Montell, 1996 p.46). Il y a donc une construction commune des connaissances entre le ou la chercheur-e par rapport aux participantes. C’est donc une multiplicité de points de vue qui est ici prise en compte et pas seulement celui du chercheur ou de la chercheure (Allen, 1996 p.259).

52

Le ou la chercheur-e est donc appelé(e) à contextualiser sa recherche. Pour ce faire, il doit lier les besoins, les difficultés, et tout autre élément raconté par les femmes aux déterminants sociaux et culturels (Currie, 1999). Cela permettra d’expliquer pourquoi le problème identifié est existant et comment la structure sociale affecte les femmes (Currie, 1999). Ainsi, la connaissance située va par exemple permettre de comprendre comment les attitudes et comportements d’une société ont rendu légitime le fait que les femmes soient généralement affectées au travail impayé (Curie, 1999). Une fois ces causes et déterminants ciblés, les stratégies adéquates peuvent être déterminées par le ou la chercheur-e.

De ce fait, de la littérature nous retenons trois éléments méthodologiques ressortis de l’approche théorique :

- Partir du discours des participantes actives

- Prendre conscience que toute connaissance est située - Lier les discours aux déterminants sociaux et culturels.

Ainsi, comme l’affirme Rubio (2011, p.30) la connaissance située des femmes est la théorie féministe qui est basée sur l’analyse sociale des femmes en position inférieure et consciente de l’influence des inégalités de genre. Ainsi, cette approche tend à partir du discours des participants et participantes pour révéler les causes et déterminants justifiant selon leur connaissance située, leur situation (Rubio, 2011 p.30). Nous avons choisi pour notre recherche cette approche en ce qu’elle souligne l’importance du contexte de la découverte du problème scientifique tout en tenant compte des méthodes scientifiques pour réduire les biais et les distorsions. Comme l’indique Rubio (2011 p.30), cette théorie a le mérite de traiter des problèmes ad hoc par l’empirisme et d’être applicable à diverses sciences. La théorie de la connaissance située prône la continuité avec la connaissance générée par les

Documents relatifs