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Description de l’échantillon et déterminant de l’empowerment

Ce chapitre présente l’analyse de nos résultats en tenant compte des chapitres précédents qui ont guidé notre interprétation. Dans un premier temps la section 4.1 nous précise le profil des femmes à l’étude. En effet, nous analysons dans les sous-sections 4.1.1 à 4.1.5 les données relatives à l’âge, le statut matrimonial, le nombre d’enfants, la propriété de parcelles contenant des ylanguiers, la formation et la scolarité. La sous-section 4.1.6 expose le profil synthétique des participantes et des participants à la recherche. Par la suite, l’analyse de l’empowerment selon les dimensions de notre étude est explicitée dans la section 4.2. Ainsi, à la sous-section 4.2.1 nous expliquons selon les propos des femmes et des hommes qu’elle est la représentation des femmes dans la filière. À la sous-section 4.2.2 nous analysons la situation économique des femmes avec les indicateurs de ressources matérielles, ainsi que l’accès au savoir. La sous-section 4.2.3 nous donne des indications sur les dimensions culturelle et sociale des femmes. La sous-section 4.2.4 indique les liens entre les différentes dimensions qui ont été relevées dans le cadre conceptuel. La sous-section 4.2.5 présente une synthèse des contraintes et actions pertinentes dans notre contexte.

4.1) Profil des femmes à l’étude

La présentation du profil des femmes à l’étude est déterminante pour cerner les éléments contraignant leur empowerment. En effet, il est important dans notre analyse, comme vu dans le cadre théorique, d’avoir des informations sur l’âge, la scolarité, le niveau de formation, le statut matrimonial, le nombre de personnes à charge, et la propriété foncière. Tous ces éléments appartiennent aux dimensions de l’empowerment et donc jouent un rôle non négligeable dans le cadre de notre recherche.

4.1.1) Âge des participantes

Le tableau ci-dessous présente les effectifs et les pourcentages par tranches d’âges des participantes à la recherche.

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Tranche d’âge

Mromaji Ongoni Total

Bénéficiaire Non

Bénéficiaire Bénéficiaire Bénéficiaire Non B et NB %

[10-20] 0 0 0 0 0 0 [20-30] 0 0 1 0 1 1,61% [30-40] 3 3 2 4 12 19,35% [40-50] 12 6 9 6 33 53,22% [50-60] 8 1 3 2 14 22,58% [60-70] 0 0 1 1 2 3,23% Total 23 10 16 13 62 100%

Source : Données de l’enquête de terrain.

La tranche d’âge dominante dans notre étude est celle des [40-50] ans. En effet, 53,22% des participantes sont dans cette tranche. La deuxième tranche d’âge majoritaire est celle des [50-60] ans où on estime 22,58% des participantes. La tranche d’âge minoritaire est celle des [20-30] ans. La plus jeune des participantes a 23 ans et la plus âgée 62 ans. Ces résultats illustrent les difficultés de renouvellement de la main-d’œuvre dont la filière souffre et soulignent indirectement l’importance d’améliorer les conditions de travail des femmes pour réduire la pénibilité dans la filière.

4.1.2) Statut matrimonial

Il est important de connaître le statut matrimonial des femmes afin de mieux cibler leur degré d’indépendance par rapport à la prise de décision, mais aussi à leur estime et confiance en elle. En effet, la manière d’être traitée par le conjoint impacte sur le pouvoir intérieur des femmes notamment sur leur estime et leur confiance en elle. Par exemple, est-ce qu’elles participent aux décisions de leur famille, etc.? En effet, la perception de soi dans la sphère domestique mais aussi comment est-ce que les autres nous perçoivent impactent sur le processus d’empowerment. L’effet direct est sur le « pouvoir intérieur » des femmes comme présenté dans nos indicateurs retenus dans le cadre théorique (Charlier 2006). De plus, l’analyse du contexte culturel dans le chapitre 1 nous a fait

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comprendre que le mari est celui qui pourvoit aux besoins financiers ce qui peut dépendamment du comportement de l’époux être une entrave au pouvoir de l’épouse.

Le tableau 11 nous informe sur le statut matrimonial des participantes qui ont déjà bénéficié du projet (B) et des non-bénéficiaires de projet (NB).

Tableau 11 : Statut matrimonial des participantes Villages

Statut matrimonial

Mromaji Ongoni Total

B NB B NB B et NB % Mariée 5 2 4 3 14 22,58% Veuve 3 1 2 2 8 12,90% Célibataire 13 6 8 7 34 54,84% Divorcée 2 1 2 1 6 9,68% Total 23 10 16 13 62 100%

Source : Données tirées de l’enquête de terrain.

Comme indique le tableau 11, la plupart des participantes à savoir 54,84% sont célibataires. Selon les propos de certaines femmes, ce taux élevé est justifié par la prédominance des femmes qui étaient mariées et dont l’époux a quitté le nid conjugal pour des raisons généralement d’ordre économique. En effet, sur les 34 femmes célibataires, 21 déclarent avoir été abandonnées par leur mari pour partir dans les autres îles de l’archipel principalement Mayotte ou Grande Comores. Certaines migrations s’effectuent aussi dans les pays voisins. Pour ceux qui survivent à la traversée, à cause d’un manque de moyens ou de volonté, rares sont ceux qui retournent. Certains coupent délibérément tout contact avec leur famille. Ces femmes abandonnées sont considérées comme célibataires dans la société comorienne, car certaines branches de l’islam (particulièrement les malikites et hanbalites de jurisprudence sunnites) considèrent que si un époux est absent pour une durée de plus de quatre mois, le mariage peut être annulé par la femme (Adamec, 2009 p.84). Les femmes mariées représentent 22,58% des participantes à la recherche, les veuves 12,9%, et les divorcées 9,68%. De ce fait, plusieurs des femmes participantes se retrouvent à prendre seule la charge familiale.

71 4.1.3) Nombre d’enfants chez les participantes

Connaître le nombre d’enfants par femme, particulièrement dans ce contexte où la majorité d’entre elles sont seules à en avoir la charge, permet de mieux cerner la réalité quotidienne des participantes. Le tableau 12 montre le nombre d’enfants par participante.

Tableau 12 : Nombre d'enfants chez les participantes à la recherche. Villages

Nombre d’enfants par tranche

Mromaji Ongoni Total enfants chez

les participantes par tranche B NB B NB B et NB % [0-1] 1 0 0 1 2 3,23% [2-3] 2 2 3 3 10 16,13% [4-5] 7 5 5 4 21 33,88% [6-7] 6 1 4 3 14 22,58% [8-9] 3 1 2 1 7 11,29% [10-11] 2 1 1 0 4 6,45% [12-13] 1 0 1 1 3 4,84% [14-15] 1 0 0 0 1 1,61% Total 23 10 16 13 62 100%

Source : Données tirées de l’enquête de terrain.

La plupart des femmes, soit 33,88%, ont 4 à 5 enfants. Ensuite, 22,58% des femmes ont 6 à 7 enfants. Puis, 16,13% des femmes ont entre 2 à 3 enfants. Ce nombre important d’enfants par femme est à mettre en corrélation avec les croyances religieuses où un enfant est considéré comme une bénédiction de Dieu. De ce fait, malgré la présence de la planification familiale, on estime en Union des Comores que seuls 14% des femmes utilisent des méthodes modernes de contraception (DGSP et ICF International, 2012).

72 4.1.4) Propriété foncière

Étant dans un contexte de matrilinéarité, les participantes possèdent toutes des parcelles de terre, ce qui représente en soi un élément de l’empowerment économique. Cependant, il nous a paru intéressant de préciser la possession de champs d’ylang-ylang sur ces parcelles comme le présente le tableau 13.

Tableau 13 : Possession de champs d'ylang chez les participantes à la recherche Villages

Possession de champs d’ylang-ylang

Mromaji Ongoni Total

B NB B NB B et NB % Possède un champ d’ylang-ylang 23 10 2 4 39 62,90% Ne possède pas un champ d’ylang-ylang 0 0 14 9 23 37,10% Total 23 10 16 13 62 100%

Source : Données tirées de l’enquête de terrain.

La grande majorité des participantes soit 62,90% possèdent des champs d’ylang-ylang sur des petites parcelles. À Mromaji, les participantes disposent toutes d’un champ contrairement à Ongoni. Cela s’explique par la position géographique de Mromaji. En effet, l’ylanguier est plus productif en altitude et lorsqu’il dispose d’une bonne exposition au soleil. Il faut une température se situant entre 25 et 31 °C pour que l’ylanguier ait un bon rendement (De Cliff et Harerimana, 2013). Nous avons constaté à Mromaji que la plupart des champs d’ylang-ylang se trouvent en hauteur et recevaient un bon ensoleillement. De plus, Mromaji est proche de la mer et dispose d’un accès à un affluent d’eau. De ce fait, les distillatrices limitent les coûts d’achats et les cueilleuses disposent de plus d’ylanguiers. Ainsi, elles peuvent additionner les fleurs cueillies sur leurs champs d’ylang-ylang et celles cueillies chez les autres. À l’inverse, à Ongoni la possession de champs d’ylang-ylang est moindre, ce qui indique une plus faible disponibilité des fleurs et donc une quantité de fleurs à acheter plus importante pour les distillatrices.

73 4.1.5) Scolarité et formation

La scolarisation représente un élément de l’empowerment et correspond au « pouvoir de » de l’individu. Ce pouvoir affecte les dimensions économiques, psychologiques, sociales et culturelles de l’empowerment. Le tableau 14 présente le niveau de scolarisation des femmes.

Tableau 14 : Scolarité et formation des femmes participantes Villages

Niveau scolaire

Mromaji Ongoni Total

B NB B NB N et NB % Non scolarisée 22 9 14 11 56 90,32% Primaire 1 0 1 2 4 6,45% Secondaire 0 1 0 0 1 1,61% Université 0 0 0 1 1 1,61% Total 23 10 15 14 62 100%

Sources : Données tirées de l’enquête de terrain.

L’analyse du tableau 14 révèle que 90,32% des femmes participantes à la recherche n’ont jamais fréquenté l’école. La fréquentation de l’école primaire est la plus importante avec un taux de fréquentation de 6,45%. Sur l’échantillon, seule une femme a le niveau secondaire, et une autre le niveau universitaire. À l’inverse, toutes les femmes ont fait l’école coranique appelée « Chioni » en shikomori où les cours sont donnés en arabe et en shikomori exclusivement.

Le faible taux de scolarisation chez nos participantes peut s’expliquer par plusieurs éléments. Tout d’abord, l’école obligatoire pour les enfants entre 6 et 12 ans est l’objet de la loi n°94-035/AF datant du 20 décembre 1994 (Aboudou, 2009). Compte tenu des tranches d’âge majoritaires chez nos participantes ([40-50] et [60-70]) cette loi n’était pas en vigueur au moment où elles avaient l’âge obligatoire. Ensuite, le facteur pauvreté et la distance entre le village et l’école a limité l’accès à l’éducation pour les participantes. Enfin, comme indiqué dans le chapitre 1 des facteurs culturels font que les familles sont plus incitées à privilégier l’accès des garçons à l’éducation plutôt que celle des filles, particulièrement dans les familles vulnérables. Concernant les formations, à l’exception des

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bénéficiaires du projet PNUD qui ont participé à des formations techniques et de gestion, les autres femmes n’ont reçu aucune formation.

4.1.6) Analyse synthétique du profil des femmes participantes à la recherche et des hommes participants à la recherche

Nous sommes en présence de femmes qui ont majoritairement entre 40 et 60 ans. En ce qui concerne les 14 hommes ayant pris part à la recherche, ceux-ci ont aussi majoritairement entre 40 et 60 ans, le plus jeune ayant 29 ans et le plus âgé 68 ans. La tranche d’âge majoritaire pour les hommes et les femmes indique que la filière semble non attractive pour les plus jeunes. Par ailleurs, alors que la plupart des femmes n’ont jamais été à l’école ni eu de formation tous les hommes ont fréquenté l’école primaire et deux d’entre eux sont allés au lycée. Ainsi, les hommes partent avec plus de ressources et d’accès aux ressources que les femmes pour évoluer dans la filière et gagner leur vie. Cela contribue donc à la mise en place d’un écart en termes de niveau de vie entre les hommes et les femmes. En effet, les femmes ont seulement bénéficié de l’enseignement religieux. En ce qui concerne la propriété foncière, l’analyse contextuelle du chapitre 1 indiquant la matrilinéarité semble se refléter. En effet, majoritairement toutes les femmes disposent d’une petite parcelle destinée à la production de fleurs d’ylang-ylang qui leur permet de disposer d’une petite quantité de leurs propres fleurs. A l’inverse, chez les hommes, seul le producteur de fleurs dispose de parcelles d’ylang-ylang où il emploie des cueilleuses pour la main d’œuvre.

4.2) Analyse des résultats selon les dimensions et indicateurs de l’empowerment

Une fois le contexte et profil des femmes établis nous pouvons maintenant procéder à l’analyse de nos résultats. L’analyse des résultats s’est faite selon les dimensions et indicateurs de l’empowerment retenus et de la démarche méthodologique adoptée. Dans un premier temps, l’analyse présentera de manière synthétique et interprétative les données répondant à notre question de recherche ainsi que ses objectifs spécifiques. Puis, nous discuterons de ces résultats en les mettant en relation avec les chapitres précédents (1, 2 et 3) du mémoire.

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4.2.1) Les femmes comoriennes dans la filière et la société

Les différents propos des participantes et participants nous ont permis de cerner la représentation de la place des femmes dans la société et dans la filière en général. Ainsi, cela nous a permis de mieux comprendre le contexte dans lequel les femmes vivent pour mieux poursuivre notre analyse sur l’empowerment.

4.2.1.1) Représentation des femmes dans la société

Nous avons d’emblée compris l’importance de l’analyse des structures sociales que requiert l’approche féministe pour mieux analyser la problématique des femmes au fur et à mesure de nos enquêtes. Cette compréhension a été possible par la prise en compte du discours des femmes pour nous permettre de dépasser les préjugés que nous avons du fait de notre connaissance située.

Durant nos discussions, nous avons pu déceler les rôles traditionnels qui sont réservés aux femmes comoriennes. En effet, il apparaît que traditionnellement les femmes ont pour tâches principales l’éducation des enfants et la gestion du foyer. Par contre, les hommes sont ceux qui fournissent les ressources financières. Aicha, la plus âgée des distillatrices nous explique les raisons de ce partage des tâches au sein du foyer : « Pour nous, ce n’est pas culturel, c’est lié à la pauvreté. Les colons préféraient prendre les hommes pour la distillation et pour aller à l’école, nous non donc les femmes restent à la maison ». En effet, la distillation nécessite de la force non seulement pour porter les billons de bois. Elle nécessite aussi une connaissance des lettres et des chiffres pour entre autres mesurer la densité de l’huile selon la qualité. Or, nous avons vu dans le chapitre 1 de notre recherche que le contexte socio-culturel était plus tourné vers la professionnalisation des hommes que des femmes. Par ailleurs, le chapitre 2 fait notamment écho au rôle de la colonisation dans l’accès inégal aux ressources et à l’emploi agricole entre hommes et femmes. De ce fait, comme l’indique Marie, cueilleuse n’ayant pas bénéficié d’appui, « le manque de considération des femmes est lié à la pauvreté. Vous savez nous ne sommes pas allées à l’école donc les hommes considèrent qu’on ne peut pas travailler ». Il était intéressant de constater que les femmes nous ont fait part d’un évènement récent allant dans ce sens comme l’indique Karima : « Certaines d’entre nous travaillaient chez un producteur qui payait un

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salaire fixe. Cependant, celui-ci a constaté que les hommes étaient plus forts physiquement et plus éduqués donc il nous a renvoyées. »

Pour la plupart des participantes, notamment les distillatrices de Mromaji, c’est la position privilégiée des hommes dans l’accès aux connaissances qui explique leur meilleur accès aux métiers les mieux rémunérés. La répartition des ressources dans les foyers de couples mariés peut être illustrée par les propos de Fatouma, cueilleuse non appuyée admet : « Les hommes gagnent plus que nous, il donne l’argent à leur femme pour le foyer, garde une partie pour la vie publique. Nous sommes dépendantes, car nous n’avons pas accès aux emplois qui rapportent ». La position avantageuse des hommes semble agir sur leur attitude vis-à-vis des femmes. En effet, cette supériorité des hommes dans les activités professionnelles impacterait sur l’exercice ou non d’une activité comme nous pouvons le voir dans les propos de Mariama : « Oui, ils ont une fierté et ne supportent pas que les femmes gagnent ou réussissent mieux ». Cela peut notamment être lié au rôle traditionnel des hommes, pourvoyeurs de ressources financières à leur famille.

Nous avons constaté que le refus de certains hommes de laisser leur femme exercer l’activité de distillation tient au temps nécessaire à la distillation. Au cours de nos entrevues, les distillatrices bénéficiaires de Mormaji nous ont informé que 3 cueilleuses ont abandonné le projet du fait du refus de leur mari. Selon elles, comme la distillation est une activité longue et exigeante, certains hommes ne voient pas d’un bon œil que les femmes délaissent leur foyer pour plusieurs heures. Du côté des hommes, certains discours comme celui d’Hachim corroborent les propos des femmes : « Les femmes ont différentes tâches, c’est difficile pour elles de distiller ou d’être impliquées dans les associations ». Puis, l’argument du poids de la tradition est ressorti chez certains comme mentionne Abdallah : « Les femmes sont habituées à cueillir les fleurs depuis des générations ! Elles sont habituées. Nous on n'a pas cette habitude, si un homme cueille des fleurs cela signifie que l’on distillera par la suite, mais on ne s’arrêtera pas à la cueillette seulement ». Enfin, l’argument de la sous-rémunération de la cueillette comme cause du désintérêt des hommes par rapport à cette activité a été amené par Mohamed notamment « Si la cueillette était mieux rémunérée cela attirerait les hommes, mais c’est une activité fatigante et qui ne paie pas bien ». Cela indique que les hommes sont conscients de la précarité du

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métier de la cueillette, car eux-mêmes n’exercent pas ce métier car, trop peu rémunéré par rapport à leurs besoins.

La précarité que connaissent les femmes cueilleuses impacte aussi leur participation dans la vie communautaire comme nous informe Sara : « Nous ne participons pas aux décisions communautaires, nous n’avons pas les moyens de cotiser pour participer donc on subit ce qui est décidé dans nos villages ». Face à ces événements, toutes les participantes ayant des enfants comme Miriam ont indiqué vouloir épargner un tel avenir à leur fille : « Nos filles ne doivent pas être non éduquées comme nous, si on veut être distillatrice c’est pour gagner plus comme cela on les nourrit, les habille et leur paye l’école ». Ce sentiment est le même chez les femmes devenues distillatrices dans les deux villages suite à la participation à un projet comme Fatoumia, cueilleuse bénéficiaire : « Nous sommes pour la plupart abandonnées par nos maris donc nous sommes seules avec plusieurs enfants. Si nous avons voulu évoluer, c’est pour nos enfants ».

Par ailleurs, les femmes non-détentrices d’alambic doivent en louer avec l’emploi de un ou plusieurs main-d’œuvre qui s’occupe de la coupe de bois et de la distillation. Cependant, cette location ne s’avère pas simple. En effet, les femmes subissent des humiliations récurrentes. Fairouze, cueilleuse non bénéficiaire : « Nous sommes insultées par certains hommes, ils nous traitent de folles, mais nous n’abandonnons pas. Plus il y aura de femmes distillatrices, moins on nous embêtera et on nous respectera ». Rayan de la Coopérative ayant accompagné les femmes devenues distillatrices mentionne : « On nous reproche que c’est nous qui avons entraîné l’installation des femmes distillatrices. Je leur explique mon expérience sur les bienfaits de l’action des femmes sur l’économie si elles travaillent, tant pour la filière que l’économie. Malgré cela peu d’hommes comprennent et voient la rivalité ou une attaque à leur foyer. »

Nos discussions avec les hommes, particulièrement dans un village, ont fait ressortir que certains approuvent l’idée que les femmes soient distillatrices. Cependant, certains hommes comme Youssouf, demande que « si l’on appuie les femmes nous aussi on doit être appuyé en matériel et formation, ainsi, tout le monde est pareil ». Cette assertion dans le champ du genre est intéressante et indique la

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nécessité d’une sensibilisation à l’approche genre, mais aussi de l’intégration du genre dans chaque intervention.

Nous constatons que la situation des femmes dans la filière d’huile essentielle d’ylang-ylang résulte de l’idéologie présente dans la société. Cette idéologie façonnée par l’histoire, la religion et la culture du pays a engendré une division du travail genrée dans la société et dans le secteur agricole. Cela avait notamment été présenté et expliqué par plusieurs auteur(e)s (Boserup, 1970 cité dans Benaria et al., 2016 p.6 ; Swirsky et Angelone, 2016). En effet, dans notre contexte les femmes sont généralement plus portées à s’occuper du foyer et à occuper des activités professionnelles spécifiques. Ces activités génèrent de faibles revenus, peuvent être très demandeuses physiquement et réalisables sur la propriété foncière des femmes si elles disposent d’ylangiers. Du fait de cette vision sur le rôle

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