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L'empowerment des femmes dans la filière d'huile essentielle ylang-ylang en Union des Comores

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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© Alicia N'Guetta, 2019

L'empowerment des femmes dans la filière d'huile

essentielle ylang-ylang en Union des Comores

Mémoire

Alicia N'Guetta

Maîtrise en agroéconomie - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

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L’empowerment des femmes dans la filière d’huile

essentielle d’ylang-ylang en Union des Comores

Mémoire

Alicia N’Guetta

Sous la direction de :

Ibrahima Bocoum, directeur de recherche

Auclair Isabelle, codirectrice de recherche

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iii

Résumé

Cette recherche s’intéresse au rôle des femmes dans la filière d’huile essentielle d’ylang-ylang en Union des Comores. Elle tente de déterminer les causes et les enjeux de leur cantonnement aux tâches de cueillettes ainsi que les pistes de solution afin qu’elles puissent pleinement participer à toutes les étapes de la chaîne de valeur de ce produit. Le cadre théorique se base sur le concept polysémique et multidimensionnel d’empowerment. La recherche s’aligne sur la conception féministe de l’empowerment qui a pour racines différents types de pouvoir (pouvoir « de », « avec », « intérieur ») et différentes dimensions (économique, sociale, psychologique, familial et interpersonnelle) interagissant entre eux (Malhotra et al., 2002; Charlier, 2006). La méthodologie de recherche s’inscrit dans la perspective de la théorie de la connaissance située qui cherche à mettre en avant la parole des participants et des participantes à la recherche, afin qu’il y ait un partage de connaissance avec le chercheur ou la chercheure. La collecte de données s’est étalée sur 4 mois au travers des groupes de discussion d’hommes et de femmes et d’entretiens individuels accompagnés de collecte de données secondaires auprès des personnes et entités pertinentes à l’étude. Les résultats ont soulevé l’importance de tenir compte du contexte historique, social et culturel afin de mieux identifier les causes de la situation des femmes et les déterminants pour qu’elles puissent avoir accès à toutes les étapes de la chaine de valeur. Ils ont aussi souligné les dynamiques et l’interconnexion entre les différents types de pouvoir et dimensions de l’empowerment. L’empowerment économique s’est révélé être la dimension la plus influente dans notre contexte. Partir du discours des femmes nous a permis de soulever des éléments de l’empowerment non perceptibles de prime abord dont il faut tenir compte pour améliorer la situation des femmes dans la filière.

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iv

Abstract

This research focuses on the role of women in the ylang-ylang essential oil chain in the Union of the Comoros. It tries to determine the causes and the challenges of their confinement to harvesting tasks as well as possible solutions so that they can fully participate in all stages of the value chain of this product. The theoretical framework is based on the polysemic and multidimensional concept of empowerment. The research aligns with the feminist conception of empowerment rooted in different types of power ("with", "within", and "inner" power) and different dimensions (economic, social, psychological, familial and interpersonal) interacting with each other (Malhotra et al., 2002, Charlier, 2006). The research methodology is part of the standing point theory that seeks to highlight the words of the participants in the research, so that there is a sharing of knowledge with the researcher. Based on this theory, data collection was spread over 4 months through focus groups of men and women and individual interviews accompanied by secondary data collection such as documents from persons and entities relevant to the study. The results highlighted the importance of taking into account the historical, social and cultural context in order to better identify the causes of the situation of women and the determinants so that they can have access to all stages of the value chain. They also highlighted the dynamics and interconnections between the different types of powers and dimensions of empowerment. Economic empowerment has proved to be the most influential dimension in our context. Starting from the women's discourse allowed us to raise elements of empowerment that were not immediately perceptible and that must be taken into account to improve the situation of women in the sector.

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v Table des matières

Résumé ... iiiii

Abstract ... ivv

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Abréviations et sigles ... ixx

Remerciements ... x

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 4

1.1) États des lieux culturels et socio-économiques des disparités entre les hommes et les femmes en Union des Comores ... 4

1.1.1) Caractéristiques socioculturelles relatives aux femmes en Union des Comores. ... 5

1.1.2) Situation socio-économique des disparités entre hommes et femmes en Union des Comores. ... 7

1.2) Situation des femmes en milieu rural et agricole en Union des Comores ... 11

1.2.1) Féminisation de la pauvreté en milieu rural en Union des Comores ... 12

1.2.2) Les difficultés et les enjeux dans le secteur de l’ylang-ylang ... 13

Chapitre 2 : Cadre théorique ... 17

2.1) Présentation du concept d’empowerment ... 17

2.1.1) Définition de l’empowerment ... 18

2.1.2) Origine du concept d’empowerment ... 19

2.1.3) L’empowerment et la perspective de genre : analyse de l’intégration du genre et de l’empowerment dans le champ du développement international. ... 21

2.2) Entre débat théorique et application : l’empowerment sur la scène internationale ... 26

2.2.1) Quelques paradigmes et philosophies de l’empowerment……….………26

2.2.2) L’approche féministe comme positionnement de notre étude ... 28

2.2.3) L’approche féministe de l’empowerment ... 31

2.2.4) Critiques féministes de l’empowerment institutionnel dans le champ du développement international ... 32

2.3) Dimensions et indicateurs de l’empowerment dans l’approche féministe ... 36

2.3.1) Principales dimensions et indicateurs relevés dans l’approche féministe ... 36

2.3.2) Dimensions et indicateurs retenus pour l’analyse de l’empowerment en milieu agricole en Union des Comores ... 42

Chapitre 3 : Méthodologie de la recherche... 44

3.1) Théorie de la connaissance située ... 44

3.1.1) L’épistémologie féministe ... 45

3.1.2) L’empirisme féministe ... 47

3.1.3) La théorie de la connaissance située comme approche méthodologique ... 48

3.1.4) Une théorie s’inscrivant dans la démarche qualitative ... 53

3.2) Population à l’étude et échantillonnage ... 54

3.2.1) Justification théorique de la méthode d’échantillonnage ... 54

3.2.2) Population à l’étude et critères de l’échantillonnage ... 55

3.3) Types de données et instruments de collecte de données ... 60

3.3.1) Données primaires ... 60

3.3.2) Données secondaires ... 63

3.4) Déroulement de la collecte de données de terrain et éthique ... 63

3.4.1) Contexte ... 63

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vi

3.4.3) Déroulement des groupes de discussion ... 65

3.4.4) Déroulement des entretiens individuels ... 66

3.5) Stratégie de traitement des données. ... 66

Chapitre 4 : Description de l’échantillon et déterminant de l’empowerment ... 68

4.1) Profil des femmes à l’étude ... 68

4.1.1) Âge des participantes ... 68

4.1.2) Statut matrimonial ... 69

4.1.3) Nombre d’enfants chez les participantes ... 71

4.1.4) Propriété foncière ... 72

4.1.5) Scolarité et formation ... 73

4.1.6) Analyse synthétique du profil des femmes participantes à la recherche et des hommes participants à la recherche ... 74

4.2) Analyse des résultats selon les dimensions et indicateurs de l’empowerment ... 74

4.2.1) Les femmes comoriennes dans la filière et la société... 75

4.2.2) Situation économique des femmes de la filière d’huile essentielle d’ylang-ylang ... 79

4.2.3) Dimension culturelle et situation sociale des femmes de la filière ... 86

4.2.4) Interconnexions entre les différentes dimensions de l’empowerment. ... 88

4.2.5) Division genrée du travail et dimension politique de l’empowerment ... 91

Conclusion ... 94

Bibliographie ... 98

Annexes ... 106

Annexe 1 : Feuillet d’information pour le consentement verbal des femmes ... 106

Annexe 2 : Feuillet d’information pour le consentement verbal des hommes ... 108

Annexe 3 : Formulaire de consentement pour les entretiens individuels ... 110

Annexe 4 : Questionnaire descriptif pour former les groupes d’entretien avec les volontaires ... 113

Annexe 5 : Guide d’entretien semi-dirigé pour les groupes de discussion des femmes non-bénéficiaires cueilleuses et distillatrices ... 114

Annexe 6 : Guide d’entretien semi-dirigé pour les goupes de discussion hommes ... 115

Annexe 7 : Entretien individuel semi-dirigé de la formatrice ou du formateur ... 116

Annexe 8 : Guide d’entretien individuel semi-dirigé pour le/la membre de la Coopérative ... 117

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vii

Liste des tableaux

Tableau 1: Indicateurs du genre de l'Union des Comores et ses composantes. ... 9

Tableau 2 : Qualité et usage de l'huile essentielle d'ylang-ylang ... 14

Tableau 3: Différence entre l'approche femme et développement et l'approche genre et développement ... 25

Tableau 4: Les types d'empowerment selon Peugeot. ... 27

Tableau 5 : Dimensions communément utilisées de l'empowerment et leur opérationnalisation potentielle au sein du foyer, de la communauté et à grande échelle ... 39

Tableau 6 : Principales dimensions de l'empowerment des femmes dans le secteur agricole ... 41

Tableau 7 : Dimensions et indicateurs retenus du cadre théorique ... 42

Tableau 8 : Noms et caractéristiques des femmes participantes à la recherche ... 57

Tableau 9: Noms et caractéristiques des hommes participants à la recherche. ... 59

Tableau 10 : Âge des participantes ... 69

Tableau 11 : Statut matrimonial des participantes ... 70

Tableau 12 : Nombres d'enfants chez les participantes à la recherche. ... 71

Tableau 13 : Possession de champs d'ylang chez les participantes à la recherche ... 72

Tableau 14 : Scolarité et formation des femmes participantes ... 73

Tableau 15: Gain par fraction obtenue par achat de la coopérative pour une distillation par les femmes. ... 83

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viii Liste des figures

Figure 1 : Principales composantes du concept d'empowerment selon l'approche féministe ... 32

Figure 2: Présentation et relation des dimensions de l'empowerment selon Kabeer ... 36

Figure 3: Cercles de l'empowerment et leur niveau de pouvoir ... 38

Figure 4: Carte de l'île d'Anjouan ... 64

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ix

Abréviations et sigles

AFP : Agence France Presse

AFD : Agence Française du Développement

AFRISTAT : Observatoire Économique et Statistique d’Afrique Subsaharienne AQOCI : Association québécoise des organismes de coopération internationale BAD : Banque Africaine de Développement

CQFD : Comité québécois Femmes et développement

DGSP : Direction Générale de la Statistique et de la Prospective FAO : Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture IDG : Indicateur de Développement du Genre

IDH : Indicateur de Développement Humain INED : Institut National d’étude Démographique

INSEED : Institut National de la Statistique et des Études Économiques et Démographiques IISD International Institute for Sustainable Development

ITC : International Trade Center KMF : Franc Comorien

ONU Femmes : Organisation des Nations Unies pour les Femmes PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement PIB: Produit Intérieur Brut

WAD: Women and Development (Femmes et développement) WID: Women In Development (Femmes dans le développement) GAD: Gender and Development (Genre et Développement)

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x

Remerciements

Il faut tout un village pour élever un enfant. Proverbe Africain Bien que chercheure principale du présent manuscrit, cette recherche ne se serait jamais réalisée sans l’appui de plusieurs personnes que je ne saurais assez remercier.

Mes premiers remerciements vont à ma famille. Mes pensées vont tout d’abord vers mes grands-pères qui malgré l’écart générationnel m’ont appris dès le plus jeune âge l’importance d’être éduquée et de me battre pour ce en quoi je crois sans considérer que mes origines ou mon statut de femme ne soient à aucun moment un handicap ou une barrière. Mes remerciements vont bien sûr à mes parents qui m’ont soutenue tout au long de ce parcours et m’ont appris à considérer la parole de toutes et de tous sans distinction aucune depuis ma plus tendre enfance. À ma mère qui m’a prouvé que la persévérance réussit toujours et à quel point une femme peut être forte. À mon père qui m’a toujours appuyée dans la réalisation de mes objectifs sans me contraindre par des motifs influencés par le genre. À ma sœur Sonia et mon frère Lionel qui m’ont apporté le soutien moral nécessaire à achever cette recherche. À mon beau-frère Julien dont les recommandations ont été cruciales pour achever ce travail. À mes amies (Léonie, Ana-Paula, Cassandre, Syntyche), mes collègues étudiants/étudiantes chercheures et chercheurs (mention spéciale à Aminata, Lacina, Lala, Sabie, Vicky, Kandana, Isaora, Audhon, Sarra), et mes amis qui se reconnaîtront je vous remercie pour le soutien moral, votre bonne humeur, vos attentions et encouragements. Une mention spéciale à ma chère amie Oumaya et ses soutiens divers. À ma cousine Nasrat et son mari Kouraiche, merci.

Je remercie toutes les personnes qui m’ont appuyée sur le terrain en Union des Comores, la disponibilité de toutes les organisations, des villages, des hommes et surtout des femmes dont leur parole a j’espère été correctement portée dans les résultats et conclusions de cette recherche. Enfin, je souhaite terminer ces remerciements en nommant mon directeur de recherche M. Bocoum Ibrahima dont je ne peux qu’admirer son ouverture d’esprit à avoir accepté de s’aventurer sur cette thématique de recherche avec moi. Mes remerciements vont aussi à ma codirectrice de recherche

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xi

Mme Auclair Isabelle qui a accepté de se joindre à cette aventure et qui a donné des conseils déterminants pour le cadrage de la recherche. À vous deux, je vous remercie pour votre soutien indéfectible et votre indulgence pour la réalisation de ce travail qui a connu des hauts et des bas, mais qui grâce à votre bienveillance s’achève. Soyez assuré que ce que vous m’avez inculqué restera gravé et sera appliqué au-delà de cette recherche.

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1

Introduction

Actuellement, 821 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde dont 345,9 millions en Afrique sub-saharienne (FAO, 2018 p.10). Par ailleurs, 736 millions de personnes disposent de moins de 1,90 dollar par jour dans le monde dont 413 millions vivent en Afrique sub-saharienne (Banque Mondiale, 2018).

Selon la FAO (2011, p.5), si les femmes avaient accès aux mêmes privilèges que les hommes dans le secteur agricole, la production agricole augmenterait de 2,5% à 4% et une réduction de 12 à 17% de personnes souffrant de la faim serait à entrevoir. L’amélioration de la situation des femmes dans le secteur agricole représente donc un véritable enjeu dans la réduction de la pauvreté et la recherche de la sécurité alimentaire.

Tout d’abord, les femmes sont généralement les premières responsables de la sécurité alimentaire de leurs ménages dont elles consacrent 85 à 90% de leur temps à l’alimentation de leurs ménages (FAO, 2011 p.14). En effet, les femmes consacrent plus de 2,6 fois plus de temps que les hommes aux tâches domestiques sans compter les heures allouées à l’éducation des enfants (ONU Femmes, 2018 p. 14). Ainsi, elles ont une tendance plus forte à être tournées vers la sphère privée c’est-à-dire à tout ce qui a trait à l’entretien de son foyer, qu’à la sphère publique. A terme, cela peut amener à un repli sur soi et une marginalisation dans la société. Dans ce cadre domestique, elles exercent surtout des activités de jardinage, de cueillette, de petit élevage destinées principalement à l’autoconsommation (Meinzen-Dick et.al., 2018 p.31). Par ailleurs, les femmes représentent 43% de la main-d’œuvre agricole dans le monde et 50% de la main-d’œuvre agricole en Afrique. Contrairement aux hommes celles-ci exercent surtout des travaux saisonniers, ou des travaux agricoles à temps partiel faiblement rémunérés (IISD, 2019 p.47).

Une des principales problématiques régulièrement soulevées lorsque l’on parle des inégalités de genre dans le secteur agricole est celle de l’accès aux terres et à la propriété qui est soit mal défini soit soumis

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2

à des normes sexospécifiques (FAO, 2011 p.7; Mc Dermott et al., 2015). En effet, seules 12,8% des femmes dans le monde détiennent des terres agricoles (ONU Femmes, 2018 p.77). Le non-accès aux terres induit plusieurs contraintes telles qu’une vulnérabilité plus importantes face aux chocs, un accès aux crédits limité ce qui contraint l’accès aux technologies ou encore à la gestion des ressources naturelles par les femmes (IISD, 2019 p.7). Par ailleurs, les femmes sont souvent moins éduquées que les hommes particulièrement en milieu rural, ce qui limite leur accès aux services de vulgarisation agricole (FAO, 2011 p.8; IISD, p.24). A titre d’illustration, une corrélation a été établie entre adoption de semences améliorées et niveau d’étude (Saito et.al, 1994 cités dans IISD, p.31). De ce fait, les revenus des femmes restent moindres ce qui impacte sur la consommation et les investissements (IISD, 2019 p.7). Par ailleurs, il est constaté que les femmes dirigent rarement des organisations professionnelles et agricoles ou encore des coopératives dans le milieu agricole (FAO, 2011 p.51).

Cependant, il est important de tenir compte de la particularité des sociétés lorsque l’on souhaite analyser la situation des femmes dans un secteur donné. L’Union des Comores est un pays situé dans l’océan indien à l’entrée nord du Canal du Mozambique. Il s’agit d’un pays dit matrilinéaire dont la majorité de la population est féminine et rurale. De ce fait, les femmes disposent et héritent des terres, ce qui en soit devrait être un facteur facilitant leurs activités agricoles. Pourtant, celles-ci restent généralement cantonnées aux activités à faibles retombées économiques. Dans la filière d’huile essentielle d’ylang-ylang dont le pays est le premier pays exportateur mondial et qui est en plein essor (ITC, 2014), on constate notamment que celles-ci sont cantonnées au rôle de cueilleuse. Ainsi, elles ne participent généralement ni à la production ni à la commercialisation de l’huile essentielle d’ylang-ylang. De ce fait, elles sont privées des moyens productifs leur permettant d’accéder aux autres étapes de la chaîne de valeur à plus fortes retombées économiques. Face à ces constats notre recherche répondra à la question suivante : Comment améliorer les capacités des femmes de la filière tout en renforçant autonomie et pouvoir décisionnel pour qu’elles gagnent accès à toutes les étapes de la chaîne de valeur de la filière d’huile essentielle d’ylang-ylang ?

Le chapitre 1 contextualise notre recherche en précisant les aspects culturels, sociaux et économiques de l’Union des Comores dans une perspective genre. Cette contextualisation a été nécessaire pour mieux appréhender notre analyse et comprendre l’influence du contexte sur la situation des femmes dans le secteur agricole. En effet, la multiculturalité de la société comorienne ainsi que les rôles

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3

traditionnels spécifiques aux hommes et aux femmes ne sont pas sans influences. De ce fait, une présentation de la situation des femmes dans le secteur agricole plus particulièrement dans la filière d’huile essentielle d’ylang-ylang qui est la première filière d’exportation du pays est réalisée dans ce chapitre. C’est notamment eu égard à ces différents éléments, que la question de recherche a pu être dégagée.

L’état des lieux effectué dans le chapitre 1 nous a amené à réfléchir sur les questions de pouvoir des femmes dans le contexte donné. Actuellement, le concept d’empowerment est transversal et régulièrement employé dans les stratégies de développement pour améliorer la situation des groupes vulnérables. Le chapitre 2 aborde le cadre théorique autour de ce concept polysémique. Ce chapitre revient notamment sur ses racines. Par ailleurs, plusieurs théories et paradigmes entourent le concept cependant notre étude s’est positionnée sur l’approche féministe de l’empowerment. Cette approche sera développée et les dimensions et indicateurs du concept d’empowerment discutés. L’usage de ce concept nous a donc amenés à nous questionner sur les éléments contraignants et ceux pouvant favoriser l’empowerment dans la filière d’huile essentielle d’ylang-ylang en Union des Comores. Suite à notre ancrage théorique, le chapitre 3 développe la méthodologie féministe de recherche choisie, à savoir la théorie de la connaissance située. Cette théorie nous pousse à partir du contexte, plus précisément du discours des femmes pour renforcer l’objectivité de notre analyse. La population à l’étude, le mode d’échantillonnage, les instruments de collectes de données sont indiqués. Par ailleurs, les recrutements, déroulements des entretiens et le mode de traitement de données sont exposés.

L’analyse des données est présentée dans le chapitre 4. Nous avons pu dégager les principales tendances par rapport aux dimensions et indicateurs retenus. De plus, nous avons pu analyser les interactions entre les différents types de pouvoir, ce qui nous a permis de mieux soulever les déterminants de l’empowerment et de mieux répondre à la question de recherche.

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Chapitre 1 : Problématique

L’Union des Comores est un archipel situé dans l’océan indien à l’entrée du canal du Mozambique. L’Union des Comores est composée de trois îles, Grande Comores (dit Ngazidja en shikomori), Mohéli (dit Mwali en shikomori) et Anjouan (dit Ndzuwani en shikomori). Les langues officielles sont le français, l’arabe et le shikomori. La population est majoritairement féminine et rurale et l’agriculture tient une place prépondérante dans l’économie du pays comme expliqué dans la section 1.1 de notre étude. Afin de mieux cerner notre contexte, la sous-section 1.1.1 présente les spécificités culturelles de l’Union des Comores. Ces spécificités ne sont pas sans influence sur la situation socioéconomique analysée à la sous-section 1.1.2 qui tient compte des disparités hommes et femmes. Étant donné que la présente recherche se focalise sur les femmes appartenant au milieu rural et agricole, la section 1.2 se concentre sur la situation des femmes évoluant dans ces milieux. En effet, plusieurs contraintes et obstacles rendent l’insertion des femmes difficiles tant dans la société que dans le milieu agricole. Ces contraintes et obstacles semblent entrainer une féminisation de la pauvreté exposée à la sous-section 1.2.1 touchant principalement les femmes des milieux ruraux et exerçant principalement des activités agricoles. De plus, dans la principale filière d’exportation qui est celle de l’huile essentielle d’ylang-ylang la mobilité des femmes dans des activités autres que la cueillette est quasi-inexistante comme précisé dans la sous-section 1.2.2.

1.1) États des lieux culturels et socio-économiques des disparités entre les hommes et les femmes en Union des Comores

En Union des Comores, la culture façonne les rôles sociétaux des hommes et des femmes. En effet, dans cette société majoritairement féminine, matrilinéaire et matrilocale, les hommes et les femmes ont des rôles préalablement définis tant dans la sphère publique que privée. Il est donc important de débuter notre recherche par une explication du contexte et une analyse des éléments culturels qui façonnent la société comorienne. Par la suite, l’influence de ces éléments à travers l’analyse de la situation socio-économique en tenant compte des disparités entre hommes et femmes est expliquée. Cette section nous permet de dresser le profil général de la situation culturelle et socio-économique en Union des Comores pour mieux appréhender notre problématique de recherche.

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1.1.1) Caractéristiques socioculturelles relatives aux femmes en Union des Comores.

Analyser la situation des femmes en Union des Comores nécessite de se référer à ses relations avec les traditions correspondant à la façon d’agir et de penser transmises depuis des générations, ainsi qu’à ses coutumes et à la religion dominante qui est l’islam (BAD 2010 p.2). Tous ces éléments sont un brassage des différentes cultures ayant construit l’Union des Comores, à savoir la culture bantoue, arabe et asiatique (BAD, 2010 p.2). Par ailleurs, l’islam s’est implanté dans l’archipel à la fin du XIXe siècle (Barbey, 2009 p.156). De ce fait, ce brassage des cultures a influencé le système juridique (FAO, 2017 p.27). En effet, trois types de droit sont référencés. Tout d’abord, il y a le droit oral, dit coutumier découlant des origines arabo-africaines. Puis, le droit romain découlant de la colonisation française. Enfin, le droit musulman de rite chaféite appartenant à la branche sunnite. Le droit comorien est donc une juxtaposition de ces trois droits pour toutes les personnes physiques et morales (Union des Comores, 2007 p.5). Ainsi, cela souligne l’enjeu d’une bonne compréhension et coordination de la juxtaposition de ces droits pour tous les praticiens et praticiennes du droit ainsi que tout citoyens et citoyennes.

Selon la coutume orale, la société comorienne est fondée de prime abord sur le matriarcat originaire de la culture bantoue d’Afrique de l’Est. Le matriarcat correspondant à un « système politique et juridique où les femmes ont une autorité prépondérante dans la famille, dans l’organisation sociale et la fonction politique » (Briac, 2001 p.35). Par la suite, la colonisation et l’influence du droit musulman sont venues modeler les règles sociétales de l’Union des Comores.

Aujourd’hui, la société comorienne est matrilocale et matrilinéaire faisant des femmes « l’axe de stabilité de la famille », car elle garantit un héritage à sa famille (Briac, 2001 p.35). La matrilocalité correspondant au fait que la maison et les terres reviennent aux femmes (Briac, 2001). Plus précisément, ce sont les biens immeubles et ceux considérés comme « féminins » tels que les bijoux, qui reviennent aux femmes en Union des Comores (FAO, 2017 p.27). De ce fait, en Union des Comores, le mari vient habiter dans la maison de la femme (Briac, 2001 p. 34). En cas de divorce, celui-ci est tenu de quitter le domicile familial qui revient à la femme. Par ailleurs, lorsqu’une fille naît,

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en particulier à Grande Comores, une maison lui est construite. Si la famille n’a pas les moyens de construire la maison, ils cèdent la leur. Cependant, il est de nos jours de plus en plus fréquent que les femmes participent ou construisent leur propre maison (Union des Comores, 2007 p.26). Pour les autres biens, les femmes reçoivent 1/3 et les hommes 2/3 conformément au droit musulman (Union des Comores, 2007 p.26). L’explication de ce partage vient du fait que dans les sociétés musulmanes les hommes s’occupent de toutes les charges dont le logement de leur famille. De ce fait, les femmes ont très peu de charges, donc l’héritage des hommes est plus important (Union des Comores, 2007 p.23).

La matrilinéarité, quant à elle, est définie comme un système d’organisation sociale où les origines s’analysent par les lignées des femmes et tous les enfants de la famille appartiennent au clan de la mère (Briac, 2001 p.35). Plus précisément, dans une société matrilinéaire « c'est sur ses liens de parenté que se construit toute la société. » (Goettner-Abendroth, s.d, p.4). Bien que la société comorienne soit musulmane, il est intéressant de noter que ces deux éléments vont à l’encontre du principe de patrilinéarité présent dans l’islam.

Par ailleurs, il faut dissocier la société comorienne d’une société matriarcale. En effet, « des sociétés sont seulement matrilinéaires si les femmes ne contrôlent plus les biens malgré leur descendance féminine » (Goettner-Abendroth, s.d p.4). Or, en Union des Comores, les femmes n’ont pas l’usufruit des terres et des maisons héritées (FAO, 2017 p.27). La gestion revient à l’oncle ou au frère ainé. Par ailleurs, à Anjouan et Mohéli, il arrive dans des cas rares que les hommes reçoivent 2/3 du patrimoine familial comme le veut le droit musulman prônant le patriarcat (BAD, 2010 p.7).

Un autre aspect du système social à considérer est la place des femmes dans l’espace public. En Union des Comores, il n’y a aucun élément de pouvoir donné aux femmes dans l’espace public (Briac, 2001). De ce fait, comme l’affirme Bréant (2012, p.2), la société comorienne repose sur ce principe « aux femmes la maison, c’est-à-dire l’espace domestique, aux hommes la cité, c’est-à-dire l’espace public », ce qui se constate dans tout système patriarcal. Ainsi, autrefois, dès l’âge de 7 ans la fille devait rester à la maison pour éviter les regards masculins (FAO, 2017 p.28). De ce fait, les femmes attendent donc de recevoir les décisions émises par les hommes. Par ailleurs, une hiérarchisation régie

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7

par le système de notabilité prévaut dans la société. Pour être notable les échelons sont de passer d’enfant du village (mnamdji), à celui d’homme mur (wandrwadzima) puis de pratiquer le grand mariage pour être considéré roi du village (wafomandji) (Pergola, 2018). Cependant, alors que les hommes notables ont un droit de parole non négligeable dans la société les femmes notables détiennent ce grade de manière symbolique. Elle acquiert seulement le droit de ne pas se voiler à certaines cérémonies coutumières (Union des Comores, 2007 p. 25).

La société traditionnelle admet que ce sont les comoriens qui doivent pourvoir aux moyens financiers. Les femmes quant à elles s’occupent des activités de proximités telles que les travaux domestiques et/ou encore les travaux non-rémunérés dans les champs (Union des Comores, 2007 p.7). Par ailleurs, il est intéressant de noter que même si les femmes disposent traditionnellement des terres, le système matrilinéaire peut être un frein, voir un empêchement (particulièrement en milieu rural) à certains services tels que l’accès aux crédits. Par exemple, il est malvenu qu’une femme partage sa terre avec une autre personne, ou encore en cède une partie sans compter que dans la plupart des cas, l’avis de l’oncle ou du frère est requis. De ce fait, il est difficile pour elle de vendre cette terre ce qui crée des limites dans l’accès à l’hypothèque et aux crédits (BAD, 2010 p.6). En outre, plusieurs problèmes fonciers sont à relever en Union des Comores tels que les faibles immatriculations des terres, ou encore l’absence de cadastre (BAD, 2010 p.7). Ces faits sont importants compte tenu tant de l’importance des femmes dans le secteur agricole que du poids du secteur agricole.

Cette analyse sur les principales caractéristiques culturelles de l’Union des Comores eu égard aux spécificités entre hommes et femmes, nous permet de déterminer l’influence de la culture sur certains éléments socio-économiques. La sous-section suivante présente la situation socio-économique des Comores dans une perspective genre. Cette analyse de la situation socio-économique nous permettra de révéler les disparités socioéconomiques entre hommes et femmes comoriens et comoriennes.

1.1.2) Situation socio-économique des disparités entre hommes et femmes en Union des Comores.

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En 2016, l’Union des Comores comptait 795 601 habitants et habitantes répartis sur les trois îles (Banque Mondiale, 2016). Selon les estimations du PNUD, en 2015 les femmes constituaient 50,5 % de la population comorienne (PNUD, 2015). En 2015, le rapport de masculinité était de 96,5 %1 ce qui

indique une légère prépondérance en nombre des femmes dans la société comorienne (INSEED et AFRISTAT, 2015). Ce rapport de masculinité s’explique par divers facteurs impliquant davantage les hommes que les femmes tels que la mortalité ou encore les migrations (INSEED et AFRISTAT, 2015 p.10). Un des flux migratoires les plus controversés est celui entre Mayotte, île administrée par la France, et les autres îles de l’archipel. En 1975, année d’indépendance de l’Union des Comores, le Conseil de sécurité (S/RES/376) et l’Assemblée Général des Nations Unies (A/RES/3385) ont considéré l’administration française de l’île de Mayotte comme une violation du territoire comorien (Nations Unies, s.d). Depuis 1995, date de l’instauration d’un visa par l’administration française entre Mayotte et les autres îles de l’archipel, plus de 10 000 cas de décès sont enregistrés sans compter les personnes disparues ayant tenté de traverser l’océan dans des embarcations de fortunes (DeCloitre, 2018). En effet, les crises politiques à répétition en Union des Comores ont entraîné un écart de développement entre Mayotte et les autres îles de l’archipel. Plus précisément, depuis 1975, année de son indépendance, l’Union des Comores a connu plus de vingt tentatives de coups d’État, dont quatre qui ont réussi (France Diplomatie, 2019). De ce fait, excepté les liens historiques et familiaux qui relient les habitants et habitantes des îles de l’archipel, l’accès à des services de meilleures qualités à Mayotte attire les personnes des autres îles de l’archipel (Barbey, 2009 p.163)).

En ce qui concerne l’indicateur de développement humain (IDH), il est de 0,503, ce qui situe le pays à la 159e place du classement mondial sur 188 pays2. L’indicateur du développement du genre (IDG)3

présente la situation des femmes en Union des Comores comparativement à celle des hommes. En 2015, l’IDG était de 0,813 pour l’Union des Comores. Étant donné que plus cet indicateur se rapproche

1 Le rapport de masculinité correspond au « rapport, dans une population ou un groupe d’âge, de l’effectif masculin à

l’effectif féminin, exprimé en nombre d’hommes pour 100 femmes. Une valeur inférieure à 100 indique que les femmes sont plus nombreuses que les hommes; une valeur supérieure à 100 indique que les hommes sont plus nombreux que les femmes ». (INED, 2015)

2 L’IDH « est une mesure sommaire du niveau moyen atteint dans des dimensions clés du développement humain : vivre

une vie longue et en bonne santé, acquérir des connaissances et jouir d’un niveau de vie décent. L’IDH est la moyenne géométrique des indices normalisés pour chacune des trois dimensions », (PNUD, 2015)

3 L’IDG « mesure les inégalités entre les sexes dans trois dimensions fondamentales du développement humain : la

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de 1 plus les inégalités de genre sont considérées comme importantes, on comprend l’importance de cet enjeu en Union des Comores. Le tableau 1 présente les valeurs des composantes de l’IDG de l’Union des Comores.

Tableau 1: Indicateurs du genre de l'Union des Comores et ses composantes. Espérance de

vie à la naissance

Durée attendue

de scolarisation Durée moyenne de scolarisation

RNB par habitant ($ PPA)

Valeurs de l’IDH Ratio F-H

F H F H F H F H F H Valeur de

l’IDG 65,0 61,6 11,0 11,9 3,7 5,6 778 2123 0,443 0,545 0,813 Source des données : « Rapport sur le développement humain 2015 », PNUD, 2015.

Le tableau 1 nous montre que la situation des femmes est plus précaire que celle des hommes. En effet, en dehors de l’espérance de vie à la naissance, les indicateurs des femmes sont inférieurs à ceux des hommes. Les indicateurs relatifs à l’éducation soulignent aussi que les femmes ont tendance à moins fréquenter les établissements scolaires que les hommes. A titre illustratif, la durée de scolarisation attendue est de 11 ans pour les femmes comoriennes contre 11,9 ans pour les hommes. Cette durée de scolarisation correspond au nombre d’années de scolarité qu’un enfant en âge d’être scolarisé peut s’attendre à recevoir si les tendances actuelles en matière de taux de scolarisation par âge persistent (PNUD, 2015). On peut constater que l’écart est relativement faible ce qui tend à laisser penser que théoriquement les entraves à l’accès à l’éducation pour les femmes comparativement aux hommes sont faibles. Cependant, étant donné que la durée de scolarisation attendue des femmes est inférieure à celle des hommes, cela signifie que les tendances sociales actuelles laissent entrevoir moins d’années de scolarisation des femmes que des hommes. Cela se révèle dans les faits où la durée moyenne de scolarisation est de 3,7 ans pour les Comoriennes contre 5,6 ans pour les Comoriens. Un des facteurs explicatifs serait la préférence pour les familles de favoriser l’éducation des hommes au détriment des femmes (Union des Comores, 2007 p.20). Puis, les mariages précoces. A cela s’ajoute les contraintes financières tant pour le paiement des frais de scolarité que des manuels scolaires et fournitures ainsi que des documents administratifs (extrait de naissance, preuve de

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résidence) (Union des Comores, 2007 p.20). Par ailleurs, certaines zones ont un accès très difficile aux établissements scolaires (Union des Comores, 2007 p.20). Toute chose étant égale par ailleurs, les chiffres d’accès à l’enseignement supérieur révèlent aussi une forte disparité. En 2016, le ratio femmes/hommes d’inscription dans l’enseignement supérieur était de 0,86 (AFD, 2016). En ce qui concerne l’alphabétisation, elle est estimée à 70,2 % pour les femmes contre 76,4 % pour les hommes (INSEED et AFRISTAT, 2015). Plus précisément, 43 % des femmes comoriennes n’ont aucun niveau d’instruction contre 37 % des hommes comoriens (INSEED et AFRISTAT, 2015). Les racines peuvent venir des traditions qui ont maintenu les femmes dans la sphère domestique comme vu dans la section précédente. De ce fait, les hommes étaient plus enclins à travailler et étudier que les femmes avant que l’éducation soit obligatoire.

Par ailleurs, le faible niveau de scolarisation ne favorise pas l’accès aux emplois ou activités à fort revenu, ce que nous pouvons constater dans l’analyse du revenu annuel par habitant exprimé en dollars américains et en parité de pouvoir d’achat (PPA). Celui-ci est estimé à 2123 $ pour les hommes contre 778 $ pour les femmes, soit un revenu environ trois fois plus faible pour les femmes. Les femmes exerçant dans le secteur formel contribuent surtout aux activités économiques suivantes : « fabrication article habillement » (85,8%), « services aux Ménages » (74,4%), « agroalimentaire » (67,2%), « commerce de détail » (64,4%), « autres services de réparation » (59,7%), « commerce de gros » (54,9%) et « hôtels et restaurants » (51,1%) (INSEE 2003, dans FAO, 2017 p.30). Cela signifie que les femmes exercent certainement plusieurs métiers en parallèle dans cette catégorie. Par ailleurs, 53,2% des hommes sont employés contre 29,6% des femmes, et 67,1% d’entre elles disposent d’un emploi vulnérable4 contre 47,3% pour les hommes (INSEE 2003, dans FAO, 2017 p.30).

Le taux élevé de l’emploi vulnérable donne une idée de la généralisation de la pauvreté féminine. En effet, cela signifie que du fait de la caractéristique vulnérable de leur emploi l’accès à la protection sociale est faible, voire inexistant. De ce fait, en période de choc de tous types le travailleur ou la

4 L’emploi vulnérable mesure le nombre de personnes travaillant dans des conditions relativement précaires du fait de leur

situation dans l’emploi. Du fait que les travailleurs familiaux non rémunérés et les travailleurs pour leur propre compte sont moins susceptibles de posséder un emploi formel, qu’ils ont généralement moins accès aux avantages sociaux ou aux programmes de protection sociale et qu’ils sont plus exposés aux cycles économiques, ces deux statuts sont considérés comme « vulnérables ». Le taux d’emploi vulnérable est égal à la part des travailleurs pour leur propre compte et des travailleurs familiaux non rémunérés dans le total des emplois. (OIT, 2009 p.29)

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travailleuse ne pourra subvenir aux besoins de leur famille (BIT, 2009 p.29). Cette situation est d’autant plus problématique, car les femmes comoriennes, particulièrement lorsqu’elles gèrent leur ménage, consacrent une part plus importante de leurs dépenses que les hommes à leur foyer (BAD, 2010). Selon la BAD (2010 p.4), environ 42,8 % des ressources des femmes cheffes de ménage proviennent de l’autoconsommation (alimentaire et non alimentaire) contre 37 % pour les hommes. Cela souligne une plus forte relation de dépendance des femmes aux terres agricoles dont, selon le principe de matrilinéarité, elles sont généralement propriétaires. En ce qui concerne l’accès aux services de santé, le taux de mortalité maternelle reste élevé. En effet, on dénombre 353 décès pour 100 000 naissances (AFD, 2016 p.1). En moyenne les femmes ont 4,5 enfants (AFD, 2016 p.1). De plus, environ 20% des femmes utilisent un moyen de contraception. Les violences physiques, verbales et sexuelles faites aux femmes par leurs conjoints sont aussi un problème de société avec une femme sur trois touchée (AFD, 2016 p.1). L’infériorité d’accès à la scolarisation, accompagnée de la précarité des emplois des femmes affectent leur IDH qui est de 0,443 contre 0,545 pour les hommes (PNUD, 2015).

L’analyse de la situation socio-économique et socioculturelle de l’Union des Comores a permis de soulever la spécificité ainsi que les difficultés des comoriennes relativement aux comoriens. La matrilinéarité et la matrilocalité garantissent un héritage pour les femmes, mais en parallèle semblent maintenir celles-ci dans la sphère domestique au détriment de la sphère publique comme le soulignent les indicateurs relatifs à l’accès à l’éducation ou encore l’analyse des disparités de revenus. Qu’en est-il spécifiquement en mest-ilieu rural et dans le secteur agricole ? La majorité de la population comorienne vit en milieu rural et travaille dans le secteur agricole. La section suivante va donc analyser la situation des femmes en milieu agricole et rural. Ainsi, elle permettra de mieux préciser et justifier notre problématique de recherche.

1.2) Situation des femmes en milieu rural et agricole en Union des Comores

La population comorienne est non seulement majoritairement féminine, mais aussi majoritairement rurale. L’analyse de la situation de la pauvreté en milieu rural est donc importante pour comprendre la situation des femmes ainsi que les difficultés et défis auxquels elles font face. Cette pauvreté des femmes en milieu rural est expliquée par la spécificité de leurs tâches dans le secteur agricole, et ce

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même dans les productions dont la valeur ajoutée est déterminante pour l’économie comorienne. Nous analysons dans la première sous-section (sous-section 1.2.1) la féminisation de la pauvreté en milieu rural en Union des Comores. Nous portons ensuite notre attention dans la sous-section suivante (1.2.2) aux rôles des femmes dans le secteur agricole, notamment dans la principale filière d’exportation du pays, celle de l’huile essentielle d’ylang-ylang.

1.2.1) Féminisation de la pauvreté en milieu rural en Union des Comores

En Union des Comores, la pauvreté est surtout concentrée en milieu rural où les femmes sont majoritaires et parfois cheffes de ménages de tailles importantes (INSEED et AFRISTAT, 2015). On estime que 40 % de la population comorienne vit en milieu urbain contre 60 % en milieu rural. Les femmes représentent environ 60 % de la population rurale contre 40 % pour les hommes (INSEED et AFRISTAT, 2015). Par ailleurs, 28 % des ménages en Union des Comores sont dirigés par des femmes. Plus précisément, la proportion de femmes cheffes de ménages en milieu rural est estimée à 24.3% (INSEED et AFRISTAT, 2015). Selon la BAD (2010 p.4), les femmes deviennent cheffes de ménages du fait des répudiations, des divorces, ou encore des abandons des maris qui pratiquent l’exode rural, en quittant l’une des îles de l’archipel pour une autre ou alors quittent le pays pour des raisons économiques. Par ailleurs, la taille des ménages en Union des Comores est relativement grande. En effet, 51 % à 53,7 % des ménages comptent entre 5 à 9 membres et 5% des ménages principalement ruraux comptent plus de 10 personnes (INSEED et AFRISTAT, 2015). La moyenne d’âge des chefs de ménages est de 46 ans, et 60,6 % ont entre 35 et 60 ans. Par ailleurs, 56,2 % des chefs de ménages en milieu rural n’ont aucun niveau d’instruction. L’alphabétisation reste aussi un problème en milieu rural, seuls 67,1 % de la population en milieu rural sont alphabétisés contre 81,3 % en milieu urbain (INSEED et AFRISTAT, 2015).

En général, les femmes s’occupent surtout de la production vivrière, maraîchère et avicole. Ces activités sont souvent non organisées et peu rémunérées (AFD, 2016 p.2). L’usage de ces productions est surtout tourné vers l’autoconsommation. L’accumulation de ces éléments nous fait comprendre la situation de précarité que certaines femmes en milieu rural vivent. En effet, la plupart combine, emploi vulnérable et, charge familiale importante avec en moyenne 4,5 enfants par femme (Banque Mondiale,

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2014 cité dans AFD, 2016 p.1) et elles doivent en plus de cela s’occuper des tâches domestiques. En effet, du fait de leur non-accès à l’éducation elles sont cantonnées à des travaux à faibles retombées économiques. Elles travaillent à leur propre compte ou de manière informelle, et ne disposent pas d’accès aux services et institutions économiques leur permettant de sortir de la précarité. La charge de travail combinée aux charges domestiques constitue un frein dans le suivi de l’éducation des enfants et peut même inciter certaines mères à pousser leur fille à les appuyer dans les travaux au détriment de leur éducation. Particulièrement, en ce qui concerne les femmes seules cheffes de ménages avec plusieurs enfants. Tous ces éléments renforcent donc le cercle de la pauvreté des femmes en milieu rural particulièrement. Un autre élément de vulnérabilité nécessaire de mentionner est le fait que les populations rurales dépendent majoritairement de l’activité agricole. Or, 57 % des terres agricoles sont dans un état dégradé et plus précisément 65 % des terres à Anjouan, 52 % à Mohéli et 50% en Grande Comores (FAO, 2017 p.27). Ce qui signifie que leur principale source de revenu est mise en danger. Par ailleurs, il est important d’indiquer le poids économique de la diaspora qui transfert chaque année environ 10 milliards de KMF pour appuyer leur famille dans les dépenses alimentaires, d’éducation et de santé (Taglioni, 2008 p.2). Cependant, il semble que cet argent ne soit pas correctement distribué dans ces différents secteurs. Une grande partie de ces transferts partent dans les évènements culturels particulièrement sur l’île principale (Taglioni, 2008 p.2).

Étant donné que le secteur agricole emploie environ 70 % des femmes comoriennes (BAD, 2010), il est intéressant d’examiner dans la sous-section suivante les déterminants de leur précarité dans la filière de l’ylang-ylang, principale culture d’exportation du pays.

1.2.2) Les difficultés et les enjeux dans le secteur de l’ylang-ylang

En 2015, l’agriculture contribuait à 35,6 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Union des Comores (Banque Mondiale, 2015). Les principales cultures sont : les cultures vivrières (bananes, coco, tarot, patates douces, etc.), les cultures maraichères (tomates, salade, chou de Chine etc.), l’agroforesterie et les cultures d'exportation (vanille, girofle, ylang-ylang, café, et poivre) (FAO, 2017 p.22). Les cultures de rente sont celles qui sont les plus exportées particulièrement la vanille, le clou de girofle ou encore l’huile essentielle d’ylang-ylang.

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L’Union des Comores est actuellement le premier producteur d’huile essentielle d’ylang-ylang au monde avec une production annuelle située entre 50 à 65 tonnes contre 20 à 25 tonnes pour Madagascar, le deuxième producteur mondial (ITC, 2014). L’huile essentielle est tirée de la fleur d’ylang-ylang recueillie sur l’arbre du Cananga odorata. Cette huile sert principalement à l’industrie de la parfumerie de luxe. Le célèbre parfum Chanel numéro 5, par exemple, est composé à 10 % de cette huile (AFP, 2015).

Tableau 2 : Qualité et usage de l'huile essentielle d'ylang-ylang

Qualité Pourcentage d’huile essentielle

obtenue après distillation

Utilisation

Extra 3 % Parfums haut de gamme

Première 18 % Produits cosmétiques

Seconde 37 % Produits cosmétiques

Troisième 42 % Savons

Source : (Doyen, 2006 p.6)

Le tableau 2 souligne ainsi la destination de chacune des qualités de l’huile. L’Extra sert notamment au secteur de la parfumerie de luxe alors que les qualités suivantes servent aux produits cosmétiques et aux savons. Dans cette filière, tout comme dans les autres filières de rente, les femmes sont principalement cantonnées au rôle de cueilleuses dont les retombées économiques sont faibles. Pourtant, étant donné l’essor et le poids économique important des cultures de rente telles que l'ylang-ylang, il serait souhaitable que les femmes puissent en profiter, notamment en ayant accès aux activités plus rentables de sa chaîne de valeur. Par ailleurs, ce rôle traditionnel si considéré représente une source de connaissance non négligeable. En effet, l’utilisation des ressources naturelles et des connaissances foncières revenant traditionnellement aux femmes, celles-ci disposent de connaissances plus importantes que les hommes (Ahamed-Mikidache, 2015).

Malgré cela, les femmes sont exclues des étapes de production ou encore de commercialisation de l’huile essentielle, où les retombées économiques sont les plus importantes (PNUD, 2015). Ainsi, les femmes ont un rôle que l’on peut qualifier d’invisible dans la chaîne de production de l’huile essentielle

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d’ylang-ylang. Cette invisibilité se traduit par une situation où « le sujet occupe un espace, mais est perçu par les autres en tant que simple présence et non pas comme un acteur qui contribue au jeu social » (Tomas, 2010 p.1). À terme, cette invisibilité engendre l’exclusion, ou encore la non-reconnaissance dans la société. De ce fait, s’ancre chez l’individu le sentiment de ne pas avoir une importance quelconque dans la société (Tomas, 2010). Transposée à notre recherche, cette situation illustre la place des femmes dans la filière ylang-ylang et explique l’absence de perspective en ce qui concerne leur progression vers des activités plus rentables.

L’activité de la cueillette des fleurs s’effectue au lever du soleil soit généralement vers quatre/cinq heures du matin. Puisque la délicatesse de la fleur d’ylang-ylang exige une distillation le jour même, les femmes doivent ramener les fleurs à la distillerie vers 10h du matin (Flores-Roux et al, 2011). En moyenne, les cueilleuses travaillent cinq heures par jour pour des revenus assez faibles (Barbe, 2012) et peuvent transporter jusqu’à 40 kg de fleur pour 1 à 2 h de marche. Par ailleurs, en Union des Comores, c’est particulièrement sur l’île d’Anjouan que la production de l’huile essentielle d’ylang-ylang s’effectue (BBC, 2015). Cette île a un relief accidenté et est principalement montagneuse ce qui accentue les difficultés de récoltes et de transport pour ces femmes (Ps-Eau, 2015).

En résumé, l’analyse de la situation en Union des Comores relative aux femmes fait ressortir tout d’abord l’importance des femmes dans la population et dans le secteur agricole. L’amélioration de leur situation permettrait d’accroître la productivité du secteur agricole et de diminuer la pauvreté. Cependant, malgré qu’elles soient propriétaires terriennes grâce à la tradition de la matrilinéarité, elles sont cantonnées à des activités domestiques et peu rentables, ou encore les rendant incapables d’agir selon leurs désirs et leurs choix.

Face à ces problèmes, enjeux et défis à relever, il convient de se demander compte tenu des éléments socio-économiques et culturels de l’Union des Comores : Comment améliorer les capacités des femmes de la filière tout en renforçant autonomie et pouvoir décisionnel pour qu’elles gagnent accès à toutes les étapes de la chaîne de valeur de la filière d’huile essentielle d’ylang-ylang ?

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Répondre à cette question nous amène à définir un cadre théorique qui est présenté dans le chapitre suivant. La définition de ce cadre théorique permettra de dégager la méthodologie de la recherche pour répondre à la question de recherche comme nous le verrons dans le chapitre 3. Enfin, le chapitre 4 nous présentera les résultats de la recherche.

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Chapitre 2 : Cadre théorique

La problématique de notre recherche étant posée il est maintenant pertinent de se questionner sur les outils (notions, concepts, théories) qui vont nous appuyer dans l’analyse et la recherche de réponse à notre question de recherche. Le concept d’empowerment est aujourd’hui un concept transversal apparaissant régulièrement comme stratégie du développement lorsqu’il s’agit de rechercher une égalité de genre dans les interventions de développement international. Ce concept cherche principalement à souligner et relever les contraintes et obstacles sociaux empêchant la pleine liberté de choix et d’action des femmes et des hommes. Bien que la pertinence du concept d’empowerment ne soit aujourd’hui nullement remise en cause, la polysémie et la multidimensionnalité du concept appellent à plusieurs interprétations et plusieurs débats quant à son opérationnalisation en pratique dans les projets de développement. La section 2.1 de notre cadre théorique explique le concept d’empowerment et ses origines. De ce fait, dans la sous-section 2.1.1 les définitions de l’empowerment sont présentées, suivies à la sous-section 2.1.2 des origines du concept. Le concept est ensuite mis dans une perspective genre dans la sous-section 2.1.3. Par ailleurs, plusieurs débats théoriques dans le champ du développement international entourent ce concept. Ainsi, à la section 2.2 ces principaux débats sont exposés. Plus précisément, une analyse à la sous-section 2.2.1 des différentes philosophies et paradigmes est réalisée. Suite à cela, notre positionnement théorique qui s’insère dans l’approche féministe de l’empowerment à la sous-section 2.2.2 de ce chapitre est justifié. A ce propos, les critiques féministes émises à l’encontre de l’empowerment institutionnel sont exposées à la sous-section 2.2.3. Ces critiques féministes vis-à-vis de l’approche de l’empowerment employée dans les organisations de développement nous ont amenés à en faire découler nos questions spécifiques de recherche avant de présenter dans la section 2.3 les principales dimensions et indicateurs de la théorie féministe. La sous-section 2.3.1 relèvera ces dimensions et indicateurs et la sous-section 2.3.2 indiquera ceux retenus.

2.1) Présentation du concept d’empowerment

Le concept d’empowerment comporte plusieurs définitions compte tenu de sa nature polysémique et multidimentionnelle. Cependant, il est intéressant de constater que toutes ces définitions sont centrées

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sur les questions de pouvoir. En effet, l’origine de l’empowerment n’est pas indépendante de la montée des mouvements contestataires des années 1960 notamment les mouvements féministes et les mouvements des droits civiques aux États-Unis. C’est grâce à ces mouvements que l’empowerment a été progressivement intégré au domaine du développement international. Aujourd’hui, ce concept est associé à divers paradigmes et théories ce qui amène en pratique à des confusions ou à une perte de son essence. C’est notamment la perte de cette essence qui nourrit les critiques des féministes actuellement.

2.1.1) Définition de l’empowerment

Le concept d’empowerment est polysémique et multidimensionnel. Il n’existe donc pas de définition

stricto sensu, mais il existe des éléments qui apparaissent de manière récurrente dans l’analyse de ce

concept. Par ailleurs, ses origines sont multiples et remontent aux années 1970. Progressivement le concept va s’intégrer dans le champ du développement international avec en parallèle la nécessité de considérer la perspective genre dans les interventions de développement. L’empowerment représente un processus dynamique et a pour composante centrale « power » (= pouvoir) et concerne avant tout la question de changement de pouvoir (Batliwala 1993 cité dans Cornwall, 2016 p.344).

On peut identifier quatre sous-pouvoirs (Kabeer, 1999; Charlier 2006; Charlier et Caubergs, 2007). Tout d’abord, le « pouvoir intérieur » correspondant à l’estime de soi ou encore la force psychologique. Ensuite, le « pouvoir de » qui est la capacité d’un individu à définir et à poursuivre ses choix. Puis, on a le « pouvoir avec » qui désigne une vision solidaire, collective et participative de l’exercice du pouvoir. Enfin, on a le « pouvoir sur » qui indique un pouvoir de domination (Kabeer, 1999; Charlier 2006; Charlier et Caubergs, 2007). Cependant, comme l’affirme Calvès (2009, p. 739), l’empowerment exclut ce pouvoir de domination, car il est principalement un pouvoir de création qui au travers du « pouvoir de » permet l’accomplissement d’action, au travers du « pouvoir avec » donne la possibilité d’exercer un pouvoir collectif et politique et enfin au travers du « pouvoir intérieur » permet la prise de confiance en soi et le gain d’indépendance face aux forces oppressives (Calvès, 2009 p.739).

Ainsi, Kabeer (1999, p.437) indique que l’empowerment réfère à « « l’habilité de l’individu à faire des choix stratégiques dans un contexte où cette habilité lui était déniée. » (Traduction libre de la

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chercheure)5 ». En effet, le processus d’empowerment part d’un constat, de la part d’une collectivité

ou d’un groupe d’individus, que les ressources nécessaires au maintien ou à l’établissement de leur bien-être ne sont pas en leurs possessions (Ninacs, 2003, cité dans Charlier, 2006 p.10). Le processus d’empowerment fait donc prendre conscience à l’individu de sa situation de disempowerment, correspondant au fait que son pouvoir économique et social lui a été renié (Friedman, 1992, cité dans Calvès 2009 p.740).

Par ailleurs, l’empowerment influe sur trois sphères de la vie des femmes (Charlier, 2006 p.21) : Il en ressort que l’empowerment s’inscrit dans une approche systémique de l’organisation de la vie, aussi bien au niveau de la sphère reproductive (la manière dont la femme est considérée au sein de la famille) et de la sphère productive (comment l’empowerment permet aux femmes de développer de nouvelles sources de revenus et de lutter contre la vulnérabilité) que de la sphère sociale (la reconnaissance et le pouvoir que les femmes peuvent acquérir au sein du groupe social et/ou de la société – voisinage ou, plus largement, lieux de pouvoir : institutions, partis politiques, etc.).

Ainsi, avec l’empowerment c’est toutes les sphères de la vie sociale qui sont affectées. L’analyse des origines du concept nous permet de comprendre pourquoi l’empowerment vise avant tout le changement.

2.1.2) Origine du concept d’empowerment

Les origines de l’empowerment viennent des années 1960. Plus précisément, ce concept tire ses origines du mouvement de revendication des droits civiques nord-américains dont certains groupes tels que les Black Panthers sont considérés comme radicaux par les autorités de l’époque, mais aussi par la littérature (Crow, 2000 p. 109). Puis, ses origines découlent des travaux communautaires de Freire qui a mis en avant l’importance de la conscientisation (Kabeer, 1994; Falquet 2003 p.63). La volonté de ces groupes radicaux noirs américains était principalement d’augmenter les droits de la population afro-américaine et de lui donner du pouvoir afin qu’elle s’intègre dans la société et bénéficie des mêmes chances de réussite que tout citoyen américain. Ainsi, en 1976 parait l’ouvrage de Barbara

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Solomon « Black Empowerment : social work in oppressed community » qui formalisera le concept tant auprès des chercheurs et des chercheuses que des intervenants et des intervenantes en service social (Calvès, 2009). Par la suite, divers autres mouvements contribueront à populariser le concept. En ce qui concerne les travaux communautaires de conscientisation de Freire, comme l’affirme Charlier (2006, p.2), ils sont intrinsèquement liés à l’émergence ou encore l’évolution du concept d’empowerment (Charlier, 2006). En 1960, Freire a fondé dans un contexte d’extension des mouvements d’éducation, le mouvement de culture populaire. L’idée de Freire est d’amener les personnes analphabètes à réfléchir et agir pour transformer par elles-mêmes leur vie, donc de prendre conscience de leurs capacités (Charlier, 2006 p.2).

Outre les mouvements radicaux noirs américains et les travaux de conscientisation de Freire, les mouvements de libération des femmes tant aux États-Unis qu’en Amérique latine et aux Caraïbes ont conduit à l’émergence du concept d’empowerment. Les principales vagues de revendication féministe réfèrent tout d’abord au droit de vote (Sarikakis et.al, 2008 p.507). Puis, la revendication tournée autour de l’égalité en termes de salaire, de protection sociale, d’avortement, et de lutte contre les violences faites aux femmes. Ensuite, il s’agissait principalement de faire entendre la voix des femmes en tenant compte de l’hétérogénéité de celles-ci (Sarikakis et al., 2008 p.507). Aux États-Unis, les mouvements féministes des années 1970 recherchaient l’égalité des droits entre les hommes et les femmes en mettant en avant une approche d’émancipation autonome où les femmes seraient maitresses de leur propre condition (Peugeot, 2015). En effet, il s’agissait de quitter une approche de libération ou d’oppression en montrant que les femmes ne sont pas seulement dominées ou victimes (Peugeot, 2015).

En ce qui concerne les mouvements féministes d’Amérique latine et des Caraïbes de la décennie 1980, ils accusent les Politiques d’Ajustement Structurel d’avoir aggravé les mauvaises conditions de travail et la précarité des femmes des pays du Sud (Peugeot, 2015). Ainsi, en 1985, ces mouvements revendiquent la notion d’empoderamiento, « prise de pouvoir » (Charlier 2006, p.2). L’objectif est d’amener au « renforcement de la confiance en soi, de l’estime de soi, individuelle et collective » (Charlier 2006, p.2). C’est notamment cette notion qui va être transformée sous la forme d’empowerment. Ainsi, ces mouvements féministes proposent de mettre en place pour les femmes du

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milieu rural et des bidonvilles non seulement des formations, mais aussi des ateliers de prise de conscience comme le préconise Freire (Charlier 2006). L’idée est de renforcer la prise de confiance en soi, ainsi que les capacités des femmes pour modifier les structures sociales (Calvès, 2009). Ce sont ces mouvements féministes du Sud qui vont permettre l’intégration du terme empowerment dans le champ du développement international (Calvès, 2009) avec notamment l’ouvrage de Sen et Grown sorti en 1987 et intitulé: « Development, crises and alternatives visions : Third World women’s

perspectives » (Benaria et.al., 2016). Pour ces mouvements féministes, les approches de genre et les mouvements féministes occidentaux ne reflètent pas l’hétérogénéité des femmes des pays en développement. Ces critiques des mouvements féministes des pays du Sud vont grandir et être diffusées de telle manière que le concept d’empowerment a fini par s’intégrer dans le champ du développement international.

2.1.3) L’empowerment et la perspective de genre : analyse de l’intégration du genre et de l’empowerment dans le champ du développement international.

Comprendre comment l’empowerment est devenu un concept transversal dans le champ du développement international nécessite de revenir sur l’intégration du genre dans ce domaine. Par genre, il faut comprendre les rôles, les comportements, les activités et attributs déterminés socialement et considérés comme adéquats pour les hommes et les femmes (OMS, 2017). Il s’agit donc de différences socialement construites entre hommes et femmes, mais non de différences biologiques et physiologiques. Ainsi, l’empowerment s’inscrit dans une perspective genre en ce qu’il est un concept voulant taire les attributs contraignants et socialement admis entre hommes et femmes. De ce fait, on ne peut parler d’empowerment sans revenir sur la thématique du genre et l’analyse de son influence grandissante par le biais de différentes approches dans le développement international.

2.1.3.1) Approche Intégration des femmes dans le développement (« Women In Development » (WID))

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L’approche Intégration des femmes dans le développement est une approche qui appelle à une plus grande attention portée sur les problématiques des femmes tant dans les politiques que dans la pratique (Reeves et Baden, 2000 p.3). Elle prône aussi une meilleure intégration des femmes dans le processus de développement (Reeves et Baden, 2000 p.3). Cette approche tire ses origines de l’ouvrage de Boserup qui en 1970, dans Woman’s Role in Economic Developpement (le rôle des femmes dans le développement économique) parle pour la première fois du lien entre les femmes et le développement économique. En analysant la situation des femmes en milieu agricole de plusieurs pays en développement, l’auteure remarque que la modernisation du secteur à travers notamment la mécanisation n’a pas été bénéfique aux femmes (Benaria et.al., 2016). En effet, soit les femmes n’ont pas été incluses dans le processus de modernisation, soit elles ont vu leurs conditions se dégrader. Selon l’auteure, cela s’explique par la colonisation qui a favorisé l’augmentation de la productivité des hommes au détriment des femmes, considérées seulement dans leur fonction reproductive (Boserup 1970 cité dans Benaria et al., 2016 p.6). Boserup (1970 citée dans Benaria et al., 2016 p.7) fait donc référence à un écart de productivité entre les hommes et les femmes qui a été alimenté lors de la colonisation. Ainsi, l’augmentation de la production agricole passe par la réduction de l’écart de productivité entre hommes et femmes. Afin de réduire cet écart, il est nécessaire que les femmes aient accès à l’éducation et aux formations afin d’arrêter le gaspillage de ressources et l’inefficience. Benaria et al., (2016 p.8) affirment que c’est la recherche de l’efficience qui deviendra l’objectif principal des institutions œuvrant pour le développement international. En effet, ce livre sorti dans un contexte de déclin du keynésianisme au profit du libéralisme a eu un important écho dans les institutions internationales (Benaria et al., 2016). Ainsi, l’intégration des femmes amènerait de la croissance et du développement. Cette approche fut notamment institutionnalisée par le gouvernement américain en imposant la promotion de l’intégration des femmes (Benaria et al., 2016). Par la suite, les Nations Unies ont mis en place des centres de recherche sur le genre et le développement et ont lancé la décennie des conférences sur les femmes. Ces conférences ont eu lieu à Mexico en 1975, Copenhague en 1980, Nairobi en 1985 et Beijing en 1995. Cette dernière conférence permettra l’adoption du Programme d’action de Beijing mettant l’empowerment des femmes comme l’objectif principal des politiques et programmes de genre (ONU Femmes, 2016).

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Tableau 1: Indicateurs du genre de l'Union des Comores et ses composantes.  Espérance de
Tableau 2 : Qualité et usage de l'huile essentielle d'ylang-ylang
Tableau 3: Différence entre l'approche femme et développement et l'approche genre et  développement
Tableau 4: Les types d'empowerment selon Peugeot.
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Références

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