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Chapitre 4 Rôle de l’aversion au risque dans la diversification des cultures chez les petits producteurs agricoles

4.2. Méthodologie

4.2.1. Mesure de la diversification agricole et approche économétrique

Les études sur la diversification des cultures ont souvent recouru à des modèles d’indice de

diversification (Benin et al., 2006;Asante et al. 2017; Saenz et Thompson, 2017). Ces modèles

permettent d’avoir une seule mesure de la diversification et de faire des inférences sur les facteurs influençant les choix de diversification du producteur. Les indices de diversification utilisés dans cet article sont l’indice de comptage, l’indice de concentration de Herfindahl et l’indice de Shannon.

L’indice de comptage mesure la richesse des variétés végétales au niveau de la ferme (Smale et al., 2001; Smale, 2006). Quant à l’indice de concentration de Herfindahl (D), il mesure l’abondance relative des cultures (Magurran, 1988) et l’indice de Shannon (H) mesure à la fois la richesse et l’abondance relative des cultures au niveau de la ferme (Abey et al., 2009). Contrairement aux études précédentes, tous nos indices de mesure de diversité ont été pondérés par les ratios de prix15 au producteur pour chaque culture afin de tenir compte des informations

du marché. Le prix du sésame a été utilisé comme numéraire pour le calcul des ratios des prix du fait qu’il s’est révélé comme le produit qui a le prix au kilogramme le plus élevé. Nous avons adopté plusieurs approches de mesure de diversification pour tester la robustesse de nos estimations dans la mesure où les résultats peuvent être sensibles à l’approche utilisée. Notre approche prend en compte les trois grandes méthodes de caractérisation de la diversification des cultures qui existent dans la littérature.

L’indice de comptage (C) permet de compter le nombre de spéculations cultivées par le producteur au cours de la saison agricole pour appréhender son niveau de diversification. Plus

15Pour chaque culture, le prix au producteur a été approximé par la médiane de la valeur des ventes par kg dans

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l’indice est élevé, plus le producteur est diversifié dans sa production. L’indice de comptage du producteur i est défini par :

(1) 𝐶𝑖𝑙 = ∑𝑚𝑙=1𝑤𝑖𝑙𝑁𝑖𝑙

Où m est le nombre de cultures cultivées par le producteur i au cours de la campagne agricole; w est le ratio de prix au producteur pour la culture l et N une variable indicatrice qui prend une valeur unitaire pour chaque culture.

L’indice de concentration de Herfindahl du producteur i est défini par : (2) 𝐻𝑖𝑙 = ∑𝑚𝑙=1(1/𝑤𝑖𝑙) 𝑝𝑖𝑙2

Où m est le nombre de cultures; w est le ratio de prix au producteur pour la culture l et p est la part de la superficie totale emblavée par le producteur i alloué à la culture l. L'indice de concentration de Herfindahl donne plus de poids aux cultures les plus cultivées (en termes de superficie allouée) dans l’échantillon et les cultures qui ont un prix faible. De plus, les cultures secondaires (c’est-à-dire ayant moins de part de superficie allouée) et les cultures de forte valeur sur le marché impliquent de faibles changements dans la valeur de H et par conséquent, cela induit un faible effet sur la mesure de spécialisation de la ferme. En ce sens, l’indice de concentration de Herfindahl mesure l’abondance ou la dominance relative des cultures et accorde très peu de poids à la richesse des cultures au niveau de la ferme. Plus H est élevé, plus le producteur est spécialisé dans sa production et inversement moins il est diversifié. Ainsi, une valeur zéro de l’indice indique que le producteur est parfaitement diversifié et une valeur supérieure à zéro indique un certain niveau de spécialisation.

Quant à l’indice de Shannon, il est calculé par :

(3) 𝐷𝑖𝑙 = − ∑𝑚𝑙=1𝑤𝑖𝑙𝑝𝑖𝑙𝑙𝑛(𝑝𝑖𝑙)

Où m, w et p sont les paramètres identiques à ceux de l’équation (2). Comme dans le cas de l’indice de concentration de Herfindahl, l’indice de Shannon mesure l’abondance relative des cultures au niveau de la ferme. Par contre, une valeur zéro de l’indice de Shannon implique que le producteur cultive une seule culture et est donc parfaitement spécialisé. De plus, plus la valeur de l’indice de Shannon est élevée, plus le producteur est diversifié dans ses choix de production.

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Ainsi, selon Smale (2006), l’indice de Shannon permet de mesurer à la fois la richesse et l’abondance relative des cultures au niveau de la ferme.

Dans l’approche empirique, les variables dépendantes sont l’indice de comptage, l’indice de diversité Shannon et l’indice de concentration de Herfindahl. Avec l’indice de comptage, nous avons utilisé un modèle de régression linéaire pour estimer l’effet de l’aversion au risque sur la diversification agricole. Par contre, les analyses de l’effet de l’aversion au risque sur la diversification agricole basées sur les indices de Shannon et de Herfindahl ont été estimées par une régression Tobit, car ces indices prennent des valeurs égales à zéro. La structure générale des équations des régressions est exprimée sous la forme simplifiée suivante :

(4) 𝑦𝑖 = 𝑎𝑖 + 𝑏𝑖 𝑥 + 𝑐𝑖 𝑧 + 𝑒𝑖

Où 𝑦 est soit l’indice de comptage ou l’indice de Shannon ou l’indice de concentration de Herfindahl, 𝑥 est un vecteur de caractéristiques socio-économiques du producteur, de son ménage, de son champ et de sa communauté; 𝑧 représente le coefficient d’aversion au risque du producteur; 𝑒 est l’ensemble des facteurs inobservables et a, b et c les paramètres à estimer.

4.2.2. Mesure de l’aversion au risque

Notre principale variable indépendante est le coefficient de mesure de l’aversion au risque des producteurs. En effet, lors de l’enquête, une expérience sous forme de jeu de loterie a été organisée avec tous les répondants et constitue la base pour nos mesures d’aversion au risque. La structure du jeu est similaire à celle de Cohen et al. (1985), Harrison et al. (2010) et Barham et al, (2014). L’expérience consiste à une série de 8 jeux simultanés où le producteur a le choix entre un gain certain ou participer à une loterie dont la moyenne de gain espérée est supérieure ou égale au gain certain.

Au début de l’expérience, l’enquêteur explique au répondant que les questions du jeu incluent des sommes d'argent, mais qu'il ne s'agit que des hypothèses pour le but de la recherche et qu’aucun don d'argent ne sera lié à ces questions. Cette clarification a pour but de minimiser les biais lors de l’expérience. L’expérience inclut un jeu de risque avec 50% de chance d’avoir un gain élevé et 50% de chance d’avoir un gain faible (Jeu de 50/50).

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L’expérience a commencé avec une série d’exercice à titre d’exemple pour s’assurer que le producteur a bien compris le jeu. L’expérience proprement dite consiste à amener le producteur à prendre simultanément une série de 8 décisions entre gagner avec certitude 2000 FCFA ou participer à une loterie qui lui procure un gain incertain. L’enquêteur dispose d’un sac contenant 20 boules dont certaines sont rouges et certaines sont noires. Ainsi, lorsque le producteur décide de participer à la loterie, son gain dépend de la couleur de la boule tirée. Les gains de la loterie sont présentés dans le Tableau 4.1.

Tableau 4.1. Expérience de risque

Gain certain

Loterie

Décision Boule Rouge Boule Noir CRRA

1 2000 FCFA 4000 FCFA 2000 FCFA ∞

2 2000 FCFA 4000 FCFA 1500 FCFA 2,92

3 2000 FCFA 4000 FCFA 1200 FCFA 1,51

4 2000 FCFA 4000 FCFA 900 FCFA 0,81

5 2000 FCFA 4000 FCFA 700 FCFA 0,52

6 2000 FCFA 4000 FCFA 500 FCFA 0,31

7 2000 FCFA 4000 FCFA 300 FCFA 0,15

8 2000 FCFA 4000 FCFA 0 FCFA 0,00

Les producteurs ont été informés qu’il y a dans le sac 10 boules rouges et 10 boules noires. En suivant l’exemple de Barham et al, (2014), nous avons utilisé les résultats du jeu pour mesurer l’aversion au risque. Pour mesurer l’aversion au risque des producteurs, nous avons supposé que leur préférence peut être représentée par une fonction d’utilité Von Neumann–Morgenstern avec l’hypothèse d'aversion relative au risque constante (CRRA) telle que :

(5) 𝑈(𝑥) = (1−𝛾1 ) (𝑥1−𝛾), 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑥 > 0

où 𝑥 représente le gain et 𝛾 le coefficient CRRA de Arrow-Pratt (Pratt, 1964). Avec cette spécification du CRRA, 𝛾 = 0 indique une neutralité face au risque, 𝛾 > 0 indique une aversion au risque et 𝛾 < 0 indique l’amour pour le risque. Le coefficient CRRA est la valeur de l’utilité qui rend le producteur indifférent entre choisir le gain certain ou participer à la loterie c’est-à- dire :

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Où 𝑥0 est le gain certain, 𝑥1 le gain si la boule rouge est tirée et 𝑥2 le gain si la boule noire est tirée. Pratt (1964) démontre qu’avec une fonction d’utilité CRRA, 𝛾 est une statique comparative suffisante pour mesurer le degré d’aversion au risque. Notre mesure d’aversion au risque est la valeur minimale du CRRA correspondant à la ligne où le producteur a choisi le gain certain et refusé de participer à la loterie (Tableau 4.1). Par exemple, les producteurs qui ont accepté la loterie 4 fois et qui ont choisi le gain certain à la cinquième décision se voient attribuer un coefficient CRRA égale à 0,52. Nous avons choisi le coefficient CRRA pour mesurer l’aversion au risque du fait qu’il s’agit d’une variable purement ordinale qui dépend du design de l’expérience sans aucune influence des montants inclus dans le jeu. De plus, les comportements représentés par la fonction d’utilité CRRA ne changent pas avec le niveau de richesse de l’individu (Barham et al., 2014).

Par ailleurs, les producteurs qui ont toujours préféré la loterie peuvent être considérés comme aimant le risque. Ainsi, nous avons décidé de supprimer ces individus, puisque leur CRRA peut prendre la valeur moins infinie.

4.3. Source de données, variables et statistiques descriptives