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Méthodologie qualitative pour répondre à la recherche

1.3.1 La recherche qualitative en management des Achats

Avec des chercheurs venus de disciplines extrêmement variées (management industriel, économie, droit, marketing, psychologie…) selon Lamming (1994), le management des Achats (« PSM » ou « Purchasing and Supply Management ») est une discipline riche et à exploiter. Elle fait l’objet d’attention croissante des chercheurs et devient une fonction de plus en plus stratégique (Calvi et al., 2010). De plus, bien que vue comme une discipline

« relativement jeune » (Spina, G. et al., 2013) notent que l’augmentation notable des revues de littérature pourrait suggérer une augmentation constante de la maturité du champ « Purchasing and Supply Management ».

Différentes revues de littérature sur le champ PSM ont montré que d’un point de vue de choix méthodologique de recherche, la méthode d’études de cas multiples et unique est plébiscitée (Wynstra, 2010) à hauteur de 42% par les chercheurs en PSM dans le journal Européen JPSM (Journal of Purchasing and Supply Management) sur ces quinze premières années.

Spina, G. et al. (2013) analysent 1055 articles entre 2002 et 2010, et expliquent que les recherches à visée exploratoire ont été majoritaires pendant plusieurs années mais semblent stagner au profit d’une recherche à visée conceptuelle (« Theory building »).

Usuellement, les objectifs principaux d’un projet de recherche sont de générer des connaissances nouvelles afin de compléter des lacunes théoriques (« theoretical gap »), ainsi que « la mise à l’épreuve de la validité externe de connaissances disponibles » (Avenier et Thomas, 2012). Dans cette recherche, ce sont nos principaux objectifs, puisque la revue de littérature a fait apparaître un manquement à ce niveau (Cf Chapitre 2.).

De plus, comme nous avons pu le voir en Introduction générale et en Chapitre 2., les attentes des praticiens concernant la compréhension des implications de la fonction Achats lors de l’innovation et l’amélioration des pratiques des acheteurs pour apporter de la valeur dans les projets d’innovation20 sont de plus en plus d’actualités. Ainsi, notre objet de recherche semble

être au cœur des préoccupations des praticiens. Nous suivons les recommandations d’Avenier et Thomas (2012) suggérant que les recherches qualitatives sont plus souvent de nature à être « plus propices à la production de connaissances pertinentes pour la pratique ».

Nous proposons à présent de définir quelles peuvent être la ou les méthodes possibles à mettre en œuvre pour élaborer les connaissances.

1.3.2 Une étude qualitative pour explorer un nouveau phénomène

Le choix d’une méthode qualitative est approprié lors de la compréhension d’un phénomène complexe et décrit comme nouveau, à explorer, à l’instar de Dumez (2013).

Yin (2003, 2012) caractérise également la recherche qualitative par une visée compréhensive se donnant pour objectif de comprendre l’action dans un contexte ou en situation, via un ensemble de matériau riche et hétérogène. Yin (2012, p.10) définit les différents types hétérogènes de matériaux recouvrant les éléments suivants cités dans (Dumez, 2013, p. 27) : «

1. Les observations directes 2. Les entretiens

3. Les archives personnelles (les notes prises par le chercheur) 4. Les documents

5. L’observation participante 6. Les artefacts physiques ».

Pour Hlady Rispal (2002), les méthodes préconisées et employés en recherche qualitative sont plus souples que pour la recherche quantitative.

Méthodes Recherche Qualitative

Observation Indispensable

Entretiens Non directifs ou semi- directifs Enregistrements Analyse de " la manière de dire " Analyse textuelle Compréhension des catégories utilisées

Tableau 13. Méthodologie qualitative d’après Hlady Rispal (2002).

Denzin et Lincoln (1994) ajoutent à cette variété de matériaux empiriques, les éléments comme une expérience personnelle, introspective ou une histoire de vie. Ces éléments seront développés ultérieurement dans la section Origine de la recherche car ils sont particulièrement appropriés dans notre recherche.

Wacheux (1996) décrit l’ensemble des éléments constituants la méthodologie qualitative, « la

méthodologie qualitative se traduit, notamment, par une stratégie de recherche, opérationnalisée par une approche construite pour le terrain, la procédure de collecte des informations, et un ensemble de techniques de réduction et d’analyses des données. La méthodologie avive le processus de compréhension et d’explication ». (p 290)

De plus, la recherche qualitative permet d’étudier en détail des situations dans les départements ou services de plusieurs entreprises comme le suggère Evrard et al. (2003) « en

profondeur et de manière intensive une ou plusieurs situations dans une ou plusieurs organisations » (Evrard, Pras et Roux, 2003, p.89).

Nous rappelons que notre recherche vise à comprendre les rôles et contributions de la fonction Achats (des services achats) dans le processus d’innovation dans l’industrie agroalimentaire, nous souhaitons expliquer la façon dont les ensembles d’acteurs interfèrent dans leurs projets d’innovation à l’instar de (Dumez, 2013, p. 180), « s’intéresse aux acteurs, à leurs

motivations, à la façon dont ils agissent et interagissent ». Enfin, l’approche qualitative

facilite la description de « la réalité perçue » par les acteurs ainsi que la compréhension de l’objet de recherche (Miles et Huberman, 2003),

Suivant la nature des questions de recherche, le choix la méthodologie va s’imposer. Un des objectifs principaux de notre recherche s’inscrit dans une visée compréhensive et permet d’avancer une proposition de développement théorique construit à partir de données empiriques et non pas à vérifier une théorie préétablie. Ainsi, l’approche qualitative semble être pertinente et cohérente avec nos intentions. Nous rappelons ci-après les questions de recherche.

Objet : Contribution de la fonction Achats dans le processus d’innovation

Q1. Quels facteurs expliquent et influencent la contribution de la fonction Achats dans le processus d’innovation ?

Q2. Quels sont les rôles des acheteurs lors du processus d’innovation ?

Q3. Quelle est la nature de la contribution de la fonction Achats dans le processus d’innovation ?

Quelques limites de la méthode qualitative

Malgré les avantages cités précédemment, cette méthode a fait longtemps l’objet de nombreuses critiques liées à son manque « d’objectivité, de validité, voire de scientificité ». En effet, il est difficile pour le chercheur de ne pas être subjectif.

1.3.3. L’étude de cas, une démarche de découverte appropriée pour analyser les processus et acteurs

Selon Thiétart (2007), la plupart des démarches qualitatives permettent de construire, enrichir ou développer des théories, et « prennent la forme d’études de cas définies au sens large

comme l’étude d’un système délimité incluant les éléments du cas et son contexte ».

L’étude de cas, démarche de découverte et non pas démarche de vérification (Giordano, 2003), est appropriée pour analyser en détail un phénomène complexe dans son contexte réel, les processus qui le composent et les acteurs qui en sont les parties prenantes (Seuring, 2008).

Cette démarche permet d’étudier en profondeur un ou plusieurs cas qui « exemplifient le

phénomène visé » (Giordano, 2003) et également de saisir les particularités du ou des

phénomènes étudiés (Altheide et Johnson, 1994).

Avec l’étude de cas, il est possible de répondre aux questions suivantes :

-Que s’est-il passé ?

-Comment cela se produit-il ?

-Pourquoi cela est-il arrivé ?

Ainsi, la méthode prend en compte les notions de temporalité, de contexte et de circonstance. Certains auteurs se focalisent sur l’élaboration de théorie à l’aide de cas multiples Eisenhardt (1989) et alors que d’autres ne font pas de distinction entre le cas unique et multiple Yin (2013).

Les entretiens semi-directifs sont appropriés lorsque l’on souhaite « comprendre la réalité

organisationnelle du point de vue des acteurs qui la vivent » Demers dans (Giordano, 2003, p.

174.) Pour Gavard-Perret et al. (2008) « cette flexibilité de l’entretien semi-directif permet,

le même temps, la formalisation du guide favorise des stratégies d’analyse comparative et cumulative entre les répondants et se prête mieux à certaines contraintes de terrain (faible disponibilité des répondants) et aux compétences des enquêteurs (souvent limitées) ».

Comme suggéré par Thiétart (2007), nous avons enregistré le discours du sujet interrogé afin de permettre une analyse plus exhaustive des données discursives collectées. De plus, nos expériences du métier d’acheteur en tant que praticien et notre rôle en tant que responsable de spécialisation Achats nous ont permis d’établir un certain rapport de confiance avec les acteurs dans les services Achats des différentes organisations. Ce rapport de confiance facilite le bon déroulement des entretiens individuels.

Notre démarche s’appuie sur une méthodologie qualitative abductive et sur l’étude de cinq cas. Nous considérons que cette démarche est appropriée pour servir des objectifs exploratoires, descriptifs et compréhensifs. Elle est adaptée à notre travail doctoral qui s’inscrit dans une construction théorique. Cela se justifie notamment par la jeunesse du champ conceptuel – le management des Achats que nous avons choisi d’investir.

2. Méthodologie de la recherche en trois temps

L’origine de la recherche puis nos choix méthodologiques se sont précisés après une introspection personnelle après notre expérience professionnelle en tant que responsable des Achats Europe dans une multinationale et également grâce à notre responsabilité administrative actuelle en tant que responsable pédagogique de la filière Achats Internationaux (IP « International Purchasing ») du Programme Grande Ecole de l’EM Strasbourg Business School.

Après avoir présentée l’origine de la recherche, nous explorons dans cette partie quelles sont les données nécessaires pour pouvoir répondre à nos questions de recherche, comment nous avons sélectionné le terrain, et collecté les données. L’organisation de notre recherche n’a pas été linéaire avec de nombreux aller-retours du terrain à la théorie, notamment pendant le processus de collectes des données et de rédaction. Elle est de nature abductive et comprend plusieurs boucles.

Pour compléter ces expériences et affiner notre étude, nous avons réalisé un focus group avec des acteurs du terrain (lors des projets d’innovation) de divers secteurs (Etape 1), puis nous avons réalisé des entretiens d’experts du secteur agroalimentaire sur notre thème de recherche « Les contributions de la fonction Achats au processus d’innovation » (Etape 2). Enfin, nous avons réalisé cinq études de cas dans l’IAA (Etape 3).

Exploratoire

Focus group de six acteurs d’industries variées

Exploratoire

Sept entretiens individuels d’acteurs-experts de l’IAA

Etude de cas sur cinq entreprises

Vingt-six entretiens semi- directifs

Figure 39. Démarche générale de la recherche (Elaboration personnelle)