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II. Partie 2 – Les enseignements d’une enquête de terrain : un parcours vers la

II.1 Méthodologie

II.1.1 Une approche qualitative

Adopter une méthode qualitative permet d’obtenir des informations sur le thème de ma recherche pour comprendre les significations que donnent les acteurs sociaux à leurs pratiques.

J’ai réalisé3 une analyse documentaire (ouvrages, articles, rapports d’études) sur le sujet handicap / formation. Puis, travaillant depuis 20 ans dans l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés dans un Cap emploi, j’ai eu recours à de l’observation participante au sein même de mon travail comme terrain de recherche. Cela a d’ailleurs nourri mes interrogations professionnelles de départ qui ont donné lieu à la formulation de questionnements scientifiques. J’ai également effectué un stage au sein d’un centre de préorientation (CPO).

L'observation participante met en jeu à la fois l'observation et la participation, ce qui suppose une certaine distance et en même temps une immersion. Mon questionnement de recherche s’inspire directement de mon activité de chargée de mission handicap et emploi exercé au sein

3 J’utilise la forme personnelle « je » car j’ai mené cette recherche en tant que chargée de mission handicap et emploi au sein du Cap emploi 78. J’ai toutefois interrogé les enquêtés en leur posant des questions qui relèvent d’une démarche de recherche.

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du Cap emploi. Il s’apparente à une « recherche-action ». En effet, connaissant les personnes accompagnées, une relation de confiance est déjà installée. Par ailleurs, l’ensemble des acteur.es accueille la démarche sans orienter le projet de recherche et permet de donner l’occasion d’exprimer leur regard et un retour réflexif sur leur expérience et leur trajectoire. Enfin, ce projet vise à amener des pistes de réflexion pour éclairer et améliorer la pratique.

Cette enquête de terrain m’a permis de réaliser des entretiens non directifs auprès de quatre personnes en situation de handicap, de deux formateur.rice.s (en CPO et en droit commun), d’une chargée de mission handicap et emploi Cap emploi et d’un employeur, autant d’acteur.rice.s concernés par le sujet. Cela ne peut constituer un échantillon représentatif mais le choix a été d’interroger :

 une personne en situation de handicap de naissance : Ariane, 31 ans, titulaire d’un bac pro secrétariat, demandeur d’emploi

 deux personnes ayant été victimes d’un accident de travail : Jamila, 51 ans, peu scolarisée, en emploi (entretien en annexe)

Daphné, 49 ans, titulaire d’un bac secrétariat obtenu en 1990 puis d’un BTS administratif et langues au Rwanda, en emploi (entretien en annexe)

 une personne entrée dans le champ du handicap à la suite d’une maladie : Yanis, 41 ans, titulaire d’un BTS informatique effectué en apprentissage, demandeur d’emploi (entretien en annexe)

 un formateur de CPO : Alexandre

 une chargée de mission handicap et emploi Cap emploi : Elena

 une formatrice de centre de formation de droit commun, un CFA (Centre de formation des apprentis)

 un employeur, celui de Jamila : Hyppolite, dirigeant d’entreprise

D’autres parcours, celui de Zakura et de Basile vont également illustrer l’analyse qui suit. Au Cap emploi, les personnes accompagnées sont appelées candidat par les chargé.e.s de mission handicap.

Les entretiens ont été anonymisés. Deux d’entre eux sont entrés en emploi à l’issue de leur parcours de formation. Les deux autres sont toujours en recherche d’emploi.

Ces entretiens ont permis de recueillir des perceptions, des expériences. Ils ont duré entre 50 minutes et 1h20. J’ai utilisé la reformulation pour relancer. J’ai eu besoin de réinterroger deux personnes pour préciser certains éléments. Après avoir retranscris les entretiens, j’ai procédé à

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une analyse thématique. Les personnes interrogées sont toutes des personnes rencontrées dans le cadre du travail. Aussi enquêtrice et enquêtés se connaissaient-ils. Si le fait de connaitre les personnes en situation de handicap aurait pu constituer un biais, ma compréhension de leur parcours a permis de les amener, en toute confiance, à s’exprimer, à approfondir certains aspects sur leurs expériences concrètes. Mon attention a dû se porter par conséquent sur l’analyse de ces entretiens dans une démarche compréhensive.

Comme Max Weber l’a montré, la sociologie dite « compréhensive » dont s’inspire

« l’individualisme méthodologique » a pour objectif de comprendre les motivations des acteurs sociaux et le sens qu’ils donnent à leurs actions en étant au plus près d’eux. Max Weber crée les « types idéaux » pour aider à la compréhension. Construits par le chercheur, ils permettent la compréhension de la complexité du social en mettant en relation pour chaque processus le sens visé par les acteurs sociaux eux-mêmes.

II.1.2 Analyse des données

Après avoir réalisé deux entretiens exploratoires à l’aide d’une grille, j’ai constaté que le terme

« formation professionnelle » n’avait pas de sens pour les acteurs mais qu’ils vivaient la formation sans pouvoir en donner une définition.

Grille d’entretien pour les personnes en situation de handicap : Comment définiriez-vous la formation professionnelle ? Quel est votre parcours scolaire et professionnel ? Depuis quand êtes-vous reconnu travailleur handicapé ? A quel métier avez-vous été formé ?

Quelle formation avez-vous suivi ? Pourquoi celle-ci ? Comment avez-vous trouvé cette formation ?

Comment s’est effectuée votre entrée en formation ? Avez-vous été aidé, accompagné et si oui, par qui, comment ?

Comment s’est-elle passée ?

Vous a-t-elle permis d’avancer dans votre parcours ?

Quelles difficultés particulières avez-vous rencontré dans votre parcours ?

Diriez-vous que votre parcours aujourd’hui est cohérent avec vos projets initiaux ou a-t-il fallu revoir vos aspirations ?

Auriez-vous d’autres éléments dont vous souhaiteriez parler par rapport à votre parcours et projet professionnel ou de formation ?

Demander à la fin l’âge, l’origine sociale (profession des parents)

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A partir des entretiens, des thèmes ont été retenus : le parcours de formation, le parcours professionnel, l’accident de travail, l’entrée dans le champ du handicap, le projet professionnel, l’acceptation du handicap. Par ailleurs, la formation peut avoir un rôle de construction et de réhabilitation de l’identité, thème qui revient tout au long des entretiens.

L’analyse du contenu des entretiens m’a permis de faire ressortir que les parcours vers la formation sont semés d’embûches et que les représentations sociales des acteurs ont un impact sur la poursuite ou non du parcours et son aboutissement vers l’emploi. Des extraits de ces entretiens sont insérés dans le texte comme illustration de leur vision de la politique d’emploi et de formation à l’égard des personnes en situation de handicap.

L’univers dans lequel nous développons cette recherche utilise un nombre démesuré de sigles qui participe à la complexité du système et à l’exclusion de celui-ci. Aussi, n’avons-nous pas cherché à simplifier et avons bien conscience que cela peut alourdir la lecture mais cela rend visible les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes en situation de handicap comme les professionnels dans la compréhension du système.

La question de départ était celle de la formation professionnelle comme facteur de sécurisation des parcours d’insertion des personnes en situation de handicap. Au fur et à mesure des lectures et des premiers entretiens, nous avons affiné le questionnement et nous nous sommes centrés sur l’articulation des dispositifs de formations professionnelles spécifiques et de droit commun.

Notre recherche vise donc à comprendre si les personnes en situation de handicap sont impliquées dans leur parcours de formation professionnelle et dans quelle mesure elles peuvent agir ou exercer une emprise sur leur trajectoire. La formulation de la problématique est venue tardivement à la fin de la rédaction de l’analyse. En quoi l'accompagnement individualisé des personnes en situation de handicap permet-il de mettre en cohérence une tension entre la mobilisation de dispositifs spécifiques et mesures de droit commun au service de leur projet de formation ?