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I. Partie 1. Jalons pour une problématique

I.2 Les représentations du handicap

I.2.3 L’imbrication entre le handicap et les inégalités

Les situations de handicap recouvrent des réalités sociales et économiques très diversifiées, que la personne ait un handicap de naissance ou que celui-ci soit survenu au cours de la vie, professionnelle ou non. Les personnes en situation de handicap font partie des plus fragiles de la population, le handicap constituant un facteur aggravant de pauvreté et à ce titre, d’exclusion.

Erving Goffman, dans son ouvrage, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, introduit la notion de stigmate ; celui-ci nait du regard de l’autre, il génère une relation sociale entre un

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attribut et un stéréotype. Du fait des représentations sociales, la personne handicapée est représentée de manière négative et peu valorisante, ce qui la place dans une position d’exclusion, de stigmatisation. La personne handicapée est alors non seulement stigmatisée mais il lui est associée des caractéristiques, le handicap devenant alors la conséquence d’un processus d’exclusion sociale.

Robert Castel (1995) utilise plutôt le concept de désaffiliation. Pour lui, c’est le délitement de l’État Social qui conduit à la vulnérabilité. Il propose une analogie entre les « inutiles au monde » représentés par les vagabonds avant la révolution industrielle et les différentes catégories « d’inemployables d’aujourd’hui » et définit ainsi, comme une notion alternative à la notion d’exclusion, le concept de désaffiliation, le processus de rupture du lien social par certaines populations. Celui-ci est composé de ruptures d'appartenances se distinguant en deux axes, celui d'intégration-non-intégration par le travail et celui d'insertion-non-insertion dans une sociabilité socio-familiale. La désaffiliation permet, de ce fait, de montrer le processus que vivent les individus qui se retrouvent dans des situations d’exclusion. Comme la

« disqualification sociale » de Serge Paugam, réfléchir en termes de processus permet de prendre en compte non pas la situation mais le parcours qui conduit à une phase de dépendance parce que la précarité professionnelle entraîne une baisse de revenus et la dégradation des conditions de vie. Cela permet également de limiter l’emploi du terme exclusion, apparu dans les années 60 et qui fait référence à des individus en marge de la société et qui ont été nommés

« inadaptés sociaux » (Paugam, 1996).

Les lois d’orientation du 30 juin 1975 et de 2005 ont permis d’apporter des droits aux personnes exclues de la vie sociale. Christian Rossignol propose l’hypothèse que « l’usage de la notion de handicap dans notre société a pour fonction de rendre plus supportables les inégalités de revenu, de prestige, de pouvoir inéluctables dans toute société et qu’aucune politique sociale n’est jamais parvenue à éradiquer. Elle a également pour effet et probablement pour fonction sociale de faire obstacle à une véritable démarche de connaissance portant sur la question des causes réelles des phénomènes qu’elle prétend subsumer » (Rossignol, 2010, p.5-6).

D’après les chiffres de l’observatoire des inégalités, en 2013, 2,4 millions de personnes de 15 à 64 ans avaient une reconnaissance de leur statut de personnes en situation de handicap. Les personnes en situation de handicap qui ont un travail sont un tiers à avoir au maximum le niveau CAP et elles occupent le plus souvent un poste parmi les moins qualifiés.

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Vincent Boissonnat et Pierre Mormiche (1999, p.28) montrent des inégalités sociales aux trois niveaux constitutifs du handicap, à savoir les déficiences, les incapacités et les désavantages.

Ainsi, « les disparités entre catégories socioprofessionnelles se creusent quand on passe des déficiences aux incapacités puis au désavantage (…) On pouvait s’y attendre si l’on considère que plus on s’approche des rôles sociaux et plus la relation entre handicap et inégalité sociale devient forte ; mais cela amène toutefois à s’interroger sur l’efficacité des dispositifs de compensation. » Ainsi, les ouvriers sont plus souvent exclus du marché du travail que les cadres. Si, dans leur ensemble, les personnes handicapées sont défavorisées dans leur accès à l’emploi par rapport à l’ensemble de la population, elles le sont davantage lorsqu’elles appartiennent aux catégories socioprofessionnelles les moins élevées. Elles sont plus exposées que les autres à des conditions de travail difficiles (Amar, Amira, 2003). De même, selon la nature de l’incapacité, l’accès à l’emploi sera plus difficile.

L’imbrication du handicap et des inégalités appelle donc une multiplicité d’explications.

« L'idéologie qui va diriger la formation suppose que le principe directeur de la rééducation a toujours été de compenser la blessure par un accroissement de la valeur professionnelle, et cela à l'usine comme au bureau, comme à la terre ; d'élever en somme les mutilés à un degré supérieur au point de vue travail, enfin de recruter parmi eux une partie des cadres (...) Le machinisme actuel exige des ouvriers qualifiés et des ouvriers cultivés. Les mutilés manœuvres sont voués au chômage”. Ce sera la conception qui dominera à partir de 1919 » (Montès, 1992, p. 16). Or, alors que la crise de l’emploi apparait, les personnes en situation de handicap, avec un faible niveau de qualification, sont de plus en plus contraintes de trouver un emploi.

Enfin, la perte de l’emploi ajoutée à la problématique de santé entraine d’autres difficultés, allant de la perte d’identité et d’estime de soi à des retentissements familiaux, sociaux, conduisant parfois la personne en situation de handicap à des situations de désinsertion et d’exclusion. Le handicap est souvent imbriqué dans d’autres systèmes d’inégalités (ethnoraciales, sociales…) ou « inégalités multipliées ». En effet, la plupart des inégalités « ne se réduisent ni à la naissance, ni à la position de classe, elles résultent de la conjugaison d’un ensemble complexe de facteurs » (Dubet, 2001, p.104). Ainsi, est reconnue travailleur handicapé une large population issue de l’immigration ayant occupé des emplois peu qualifiés dans des secteurs à forte pénibilité (industrie, services à la personne, etc.) qui ont conduit à des situations de handicap et à une exclusion du marché du travail. Au cœur d’un système d’intersectionnalité (conjugaison de plusieurs formes de discriminations), la démarche de reclassement professionnel va se heurter à de nombreuses difficultés. Le parcours de la

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personne sera différent si le handicap est de naissance (personnes sourdes, personnes atteintes de trouble du spectre autistique etc.) ou s’il survient au cours de la vie professionnelle.

L’accompagnement doit s’ajuster aux besoins des personnes. L’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap repose sur un certain nombre de dispositifs et de modalités de mise en œuvre. La formation professionnelle en est un permettant de conduire à cette insertion.