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3.1 Le choix d’une approche qualitative

L’analyse des situations de maltraitance dans un contexte de soins s’est essentiellement traduite dans des travaux menés à partir d’expériences de terrain et de témoignages13. C’est également cette option qui a été retenue dans cette étude : donner la parole aux personnes

11 Le terme fait écho à l’usage qui en est fait aujourd’hui dans les sciences sociales. Le terme « ordinaire » est utilisé pour désigner des méthodes et des objets de recherche nouveaux privilégiant l’analyse d’actions et de pensées « ordinaires »

« communes » ,« profanes » ou « quotidiennes » plutôt qu’une attention exclusive aux représentations savantes et aux mobilisations et actions organisées et institutionnalisées.

12 Rapport Igas Évaluation du dispositif de lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des personnes handicapées mis en œuvre par les services de l’État dans les établissements sociaux et médio-sociaux. MF Bas Théron et C Branchu, rapport n°

2005179, mars 2006.

13« Perceptions et réactions des personnes âgées aux comportements maltraitants : une étude qualitative », Études et résultats, Dress, janvier 2005.

elles-mêmes et ainsi décrire et analyser le phénomène de maltraitance « ordinaire » dans les établissements de santé.

L’étude présentée ici est donc fondée sur une analyse qualitative approfondie de témoignages de patients et de proches, complétée par des entretiens avec des professionnels14.

3.2 Les sources de témoignages de patients et de leurs proches

Plusieurs sources ont été utilisées :

- les corpus de témoignages existants : courriers de plainte, témoignages recueillis par des associations d’usagers, certains établissements de santé, mais aussi livres de témoignages ;

- des entretiens semi-directifs réalisés auprès de personnes ou de leur entourage sur une expérience d’hospitalisation récente ou en cours. La Midiss (Médiation, Information et Dialogue pour la Sécurité des Soins), alors rattachée à la HAS, a accepté de permettre des contacts avec des patients et leurs familles.

Au total, 59 écrits ont été analysés, et des entretiens réalisés avec 23 personnes. Ces témoignages sont très divers :

- ils proviennent de personnes hospitalisées ou de leur entourage ;

- ils relatent le vécu d’hospitalisation dans des établissements de court séjour, SSR-SLD15, dans différentes disciplines (pédiatrie, psychiatrie), de divers statuts (privé, public, PSPH16), à Paris, en province, en milieu urbain et en milieu rural ; - tous les âges sont représentés.

Les sources de documents écrits ont été la HAS, des établissements de santé, les associations d’usagers et certains sites Internet. Marie-Christine Pouchelle, anthropologue, directeur de recherche au CNRS,17 a fourni une part importante des témoignages écrits.

Le recrutement pour les entretiens s’est fait suivant les mêmes modalités : Haute Autorité de Santé, établissements de santé et associations d’usagers. La plupart des entretiens se sont déroulés en face à face.

14 Pour une présentation détaillée, voir annexe 1.

15Soinsde suite et de réadaptation – soins de longue durée

16 Établissement privés « participant au service public hospitalier »

17 Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain, IIAC.

14 3.3 L’échantillon de patients et de proches

S’agissant d’une enquête qualitative, il n’était pas nécessaire de constituer un échantillon représentatif des patients ou de l’entourage des patients pris en charge dans les établissements de santé français. D’autant plus que les auteurs ont privilégié des sources qui concernent des personnes présentant une caractéristique qui n’est pas également partagée au sein de la population des usagers des établissements : un désir particulier de témoigner. Les entretiens ont été en effet recueillis auprès de personnes ayant à un moment ou à un autre manifesté la volonté − et la capacité − de restituer, expliquer, leur expérience d’usagers des établissements de santé18.

Issue de l’analyse d’un matériel qualitatif fourni par des personnes désireuses de témoigner, l’étude ne peut prétendre distinguer des populations plus « à risque » que d’autres.

Beaucoup de plaintes portent sur des hospitalisations d’enfants, mais cela peut s’expliquer en partie par une présence accrue de l’entourage et de parents particulièrement actifs qui prennent leur place dans les soins. Peu de témoignages sur les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap, dont on sait qu’elles sont particulièrement concernées par la problématique. Souvent ces personnes disposent de peu de moyens pour faire entendre leur parole et ne bénéficient pas toujours d’un entourage pour la relayer.

Dans le cadre de cette étude, une place particulière est faite aux paroles de proches de personnes hospitalisées. Ces derniers sont concernés par l’état de santé de la personne hospitalisée, ils sont parfois eux-mêmes fragilisés et exposés à de la maltraitance. Au-delà, ils apportent dans le cadre de cette étude à la fois un regard extérieur, une observation précise des comportements et parfois une analyse remarquable des pratiques ou de l’organisation de la prise en charge.

3.4 L’analyse et le choix des citations

Les entretiens et les écrits ont fait l’objet d’une analyse thématique. Une première lecture des écrits a permis d’identifier des dimensions du sujet et de construire une grille d’analyse qui a servi autant pour les témoignages écrits que pour les entretiens.

Si l'ensemble des documents et des entretiens recueillis dans le cadre de cette étude ont permis de nourrir l'analyse, les verbatim présents dans le rapport sont extraits d’un nombre plus restreint de textes. Nous avons délibérément privilégié les témoignages qui paraissaient à la fois les plus représentatifs du vécu des patients et les plus construits.

18 L’étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la Santé (Drees) a bien montré que la perception et la reconnaissance des situations de maltraitance dépendaient étroitement de l’histoire de vie des victimes « Perceptions et réactions des personnes âgées aux comportements maltraitants : une étude qualitative ». Études et résultats, janvier 2005.

3.5 Le volet complémentaire sur le point de vue des professionnels

La première phase s’était exclusivement attachée à mettre en exergue le point de vue des patients et de leurs proches, avec leurs mots, retraçant au plus juste certains vécus difficiles.

Les résultats présentés devant le groupe de travail « droits et place des patients » mis en place par la Haute Autorité de Santé ont permis de confirmer en grande partie ces témoignages, de croiser des vécus communs. Le groupe a souhaité que ce premier travail puisse servir de support à une réflexion plus générale. Il a été convenu d’apporter le point de vue complémentaire des professionnels à l’analyse des témoignages de patients. Il devenait nécessaire de mettre en miroir les témoignages des usagers et des professionnels afin d’équilibrer les points de vue.

Il s’agissait d’apporter des éléments permettant de repérer s’il existait une vision partagée entre les usagers, et les professionnels − ce que les réactions des membres du groupe laissaient supposer − mais également d’identifier comment les professionnels se mobilisaient ou souhaitaient se mobiliser autour de cette problématique.

Une deuxième phase de travail a eu pour objectif de donner la parole à des professionnels et à des experts. Comme la première phase, la cible était large et ne devait pas se cantonner à une discipline, à un champ spécifique d’investigation. C’est donc davantage une diversité qu’une représentativité des points de vue qui a été recherchée. De même, les personnes interrogées ont été choisies à cause de leur intérêt déclaré pour le sujet ou identifiées par les membres du groupe comme des personnes sensibilisées à ce type de problématique. Le cadre de cette étude ne permettait pas de recueillir des entretiens auprès de toutes les catégories professionnelles ni d’investiguer de manière exhaustive la question des facteurs de la maltraitance. Ce volet doit être lu comme un éclairage et une contribution sur une question qui est et devra être traitée de manière approfondie dans d’autres travaux19.

19On peut citer notamment : Gestion des risques de maltraitance en établissement : méthode, outils, repères. Comité national de vigilance contre la maltraitance des personnes âgées, ministère délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille. Paris, 2007.

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C

HAPITRE

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ES TYPES DE MALTRAITANCE SELON LES PERSONNES