Figure 15: Dérive littorale La trajectoire en zigzag des débris au niveau de la côte forme une résultante qui correspond à un transport latéral des débris parallèlement à la côte.
3. Méthodologies de datation et de mesure des taux de soulèvement utilisées
3.1.2. Méthodes U‐Th de datation de coquilles fossiles 1 Principe et méthode d’échantillonnage
La technique de datation à lʹuranium‐thorium est une technique de datation radiométrique qui permet de mesurer lʹâge des dépôts par le biais de son contenu faunistique (coraux, coquilles de lamellibranches, mollusques fossilisés etc.), grâce au déséquilibre U/Th engendré par la désintégration de l’uranium en thorium. La limite théorique de datation par la méthode 234U‐230Th est de l’ordre de 400ka,
Lʹuranium (234U), soluble dans lʹeau de mer, se désintègre naturellement en thorium (230Th), insoluble dans lʹeau. Au cours de leur vie, les coraux piègent uniquement, dans le réseau cristallin des carbonates de leur organisme, de lʹuranium dissous dans lʹeau de mer. Puis, à la mort de l’organisme, lʹuranium se désintègre en thorium (avec une demi‐vie de 245 500 ans). Ainsi, il ne reste plus qu’à calculer le rapport U/Th (déséquilibre U/Th) qui fournit le temps écoulé depuis la désintégration de l’uranium en thorium, sachant que la quantité de départ en thorium dans l’organisme est nulle. Il en est de même pour les organismes marins ayant une coquille carbonatée.
Dans le cas des terrasses marines, nous avons échantillonné et daté des coquilles de lamellibranches essentiellement, les coraux étant absents dans les dépôts de terrasses au Sud Pérou et au Nord Chili.
Le déséquilibre U/Th est appliqué aux coquilles de lamellibranches, mollusques etc. des terrasses marines depuis près de trente ans (Bender et al., 1979 ; Bernat et al., 1985 ; Causse, 1993 ; Herbert Veeh, 1966 ; Hillaire‐Marcel et al., 1986, 1996 ; Hoang et Taviani, 1991 ; McLaren et Rowe, 1996 ; Muhs et al., 1989 ; Ortlieb et al., 1992 ; Pedoja, 2003). Cependant, les résultats U/Th obtenus sur des coquilles ne donnent pas toujours des âges aussi fiables que ceux obtenus à l’aide des coraux. En effet, les coquilles ne fixent de l’uranium que lors de leur fossilisation et les âges ne sont fiables que si elle est assez rapide. De plus, la principale limite de cette méthode est que le contenu faunistique peut facilement évoluer en milieu ouvert, c’est‐à‐dire qu’il sera soumis à une contamination extérieure qui viendra fausser le rapport U/Th propre à l’organisme. Ainsi, pour mettre en évidence cette possible contamination, il est nécessaire, non seulement de dater plusieurs coquilles du même dépôt et plusieurs fois, mais aussi de mesurer le rapport U/Th des coquilles actuelles, sur le bord de la plage. Ainsi, si le rapport U/Th des coquilles actuelles est très proche de 0 et que les
résultats des autres coquilles suivent la même courbe d’évolution, alors les coquilles n’auront pas évolué en système ouvert et n’auront donc pas été contaminées.
3.1.2.2.
Protocole et application de la technique aux coquilles des
cordons littoraux de la région de Tongoy.
Nous avons échantillonné des cordons littoraux déposés sur les terrasses marines de la baie de Tongoy, lors des régressions marines successives. Chaque cordon marque une ancienne position de la ligne de côte lors de la régression marine. Trois cordons littoraux ont été échantillonnés dans la baie de Tongoy et les analyses U‐Th des coquilles ont été réalisées au Laboratoire des Mécanismes de Transfert en Géologie (LMTG) à Toulouse par Aurélie Violette, Jean Riotte et Vincent Regard.
Même si la limite théorique de datation par la méthode 234U‐230Th est de ~400ka, son application aux coquilles reste délicate : les teneurs initiales en U et Th sont très faibles, typiquement quelques dizaines de ng/g pour U et quelques ng/g pour Th, ce qui rend le système sensible à de possibles apports en U et Th après la mort de l’animal. Les teneurs en U et Th trouvées dans les terrasses marines excèdent souvent celles des coquilles « fraîches », ce qui indique que ces apports ne sont pas négligeables. Cependant, il a été observé que ces apports ont lieu lorsque la coquille est encore immergée, cʹest‐à‐dire peu de temps après la mort de l’animal. Cela revient à considérer que la coquille a évolué en système fermé. Dans le cas présent nous avons mesuré les concentrations en U et Th, ainsi que les rapports d’activité (234U/238U) et (230Th/232Th) dans des coquilles de plage, donc actuelles ou subactuelles, pour les comparer aux coquilles des cordons littoraux sur les terrasses. De plus, nous avons dupliqué les analyses de coquilles, sur deux coquilles différentes, pour deux échantillons : MS10, MS11.
Les coquilles ont été lavées à l’eau MQ afin d’éliminer d’éventuels grains de sable ou le ciment calcaire dans le cas de MS10, dont la diagenèse était très avancée. Après séchage, les coquilles ont été broyées grossièrement et divisées en 6 aliquots de 200 à 400 mg chacun. Des traceurs isotopiques 229Th et 236U ont été ajoutés avant dissolution complète par HNO3 et H2O2 puis, en cas de résidu, HF‐HNO3. L’Uranium et le Thorium ont été séparés de la matrice, puis purifiés par chromatographie sur résine échangeuse d’ions AG1 X8 (Riotte et Chabaux, 1999). Les blancs de procédure sont <1pg pour l’Uranium et ~10pg pour le
Thorium. Les compositions isotopiques en U et Th ont été déterminées au LMTG par ICP‐MS multi‐collection (Finnigan Mat Neptune) en mode multistatique. La procédure d’acquisition pour l’Uranium a été optimisée pour des teneurs en Uranium très variables (Violette et al., in prep.). Les incertitudes analytiques pour 10ng de standard international d’Uranium NBS 960 sont de 3‐4 ‰ pour le rapport 234U/236U et de 0.4‐0.6 ‰ pour le rapport 236U/238U. La sensibilité en abondance du 232Th sur le pic du 230Th a été calculée en début de séquence en mesurant la traînée de pic de 232Th à chaque dixième de masse entre 229,5 et 230,9 sur un standard Th IRMM 035. Les mesures d’échantillons sont encadrées par des mesures de blanc. Un standard IRMM 035 est mesuré tous les trois échantillons et les rapports 230Th/229Th et 232Th/229Th sont calculés par normalisation externe. L’incertitude moyenne sur la mesure de 10ng de standard IRMM 035 est de 7 ‰ pour 230Th/229Th et 1.2 ‰ pour 232Th/229Th.
Les âges ont été calculés par le logiciel ISOPLOT 3.00, développé par K.R. Ludwig (2003). Ce logiciel corrige de la contamination détritique (232Th) à partir d’une représentation en trois dimensions des rapports U‐Th (232Th/238U ‐ 230Th/238U ‐ 234U/238U) et d’une droite de régression normalement formée par les aliquots. L’interception de cette droite dans le plan 232Th/238U=0 permet de déterminer la composition (234U/238U) et (230Th/238U) de la fraction authigène et donc l’âge (Ludwig et Titterigton, 1994). Ce logiciel calcule en outre l’erreur associée à l’âge, l’écart moyen à la droite de régression (MSWD) et un indice de probabilité. Ces différents facteurs sont contrôlés par les erreurs analytiques et les facteurs géologiques. Une faible probabilité associée à un indice MSWD > 1 peut par exemple signifier des âges différents à l’intérieur d’une même série d’aliquots, des apports détritiques multiples ou encore des pertes ou des gains en U et Th (évolution en système ouvert).
3.2.
Détermination des taux de surrection de la côte
Dans ce travail de recherche, deux méthodes de calcul des taux de surrection côtière, ont été utilisées. La première méthode est celle utilisée en général et utilise l’équation (1) de Lajoie (1986). La deuxième diffère quelque peu de celle de Lajoie (1986) (Equation 2). La différence entre les deux méthodes réside dans l’intervalle de temps considéré. En effet, Lajoie (1986) calcule une vitesse moyenne entre l’âge de formation de la terrasse et l’actuel. La deuxième méthode permet de calculer les vitesses de soulèvement entre deux niveaux de terrasses successives, sur un intervalle de temps entre deux hauts niveaux marins. L’intérêt de cette méthode est d’obtenir une résolution fine de l’évolution des vitesses de soulèvement sur une longue période de temps. Cette méthode permet de mettre en évidence l’histoire cumulée du soulèvement côtier, enregistré par une série de terrasses marines, sur des intervalles de temps consécutifs. L’équation utilisée par Lajoie (1986) est :
(
)
T
e
D
V
=
−
(1)Où V est la vitesse de soulèvement, D le déplacement vertical de la terrasse marine (altitude actuelle du pied de falaise), e l’altitude atteinte par le haut niveau marin qui a formé la terrasse (au temps T), par rapport au niveau marin actuel et T l’âge de la terrasse (Figure 34).