interglacials Elsevier, Amsterdam, pp 75–92.
4.2. La côte sud du Pérou
4.2.2. Contexte géologique
Le long de la côte sud du Pérou, le passage en subduction de la plaque Nazca sous la plaque Amérique du Sud est complexe. Nombre d’hétérogénéités ont une grande influence sur la tectonique locale. L’une des plus importantes est la subduction de la ride asismique de Nazca sous la plaque sud‐américaine à ~15°S. Cette ride, orientée N45°E, oblique à la fosse et à la direction de convergence de la plaque de Nazca (N78°E) constitue un relief sous‐marin d’environ 1500 m sur le plancher océanique et de 200 km de largeur maximale à sa base (Woods et Okal, 1994 ; Figure 35 ; Figure 51). Cette anomalie topographique présente une épaisseur de croûte plus importante, rendant localement la lithosphère océanique plus légère (Molnar et Gray, 1979 ; Cloos, 1993 ; Gutscher et al., 2000a). La subduction de cette ride entraîne la formation d’un segment de subduction horizontale (Gutscher et al., 2000a ; Gutscher, 2002 ; Espurt et al., 2008). Le plan de Wadati‐Benioff de la plaque Nazca plonge sous la lithosphère continentale avec un angle de 30° depuis la fosse jusqu’à une profondeur de 100‐120 km puis devient horizontal (Espurt, 2007) et sous‐plaque la plaque chevauchante. L’entrée en subduction de cette ride a débuté au Miocène (11,2 Ma ; Hampel, 2002) puis le point d’intersection de l’entrée en subduction a migré vers le Sud‐est, en balayant la côte péruvienne depuis 11°S jusqu’à 15°S (von Huene et al., 1996). Cette migration a eu d’importantes conséquences sur l’évolution des bassins d’avant‐arc du Pérou (Macharé et Ortlieb, 1992 ; Cloos, 1993 ; Scholz et Small, 1997 ; von Huene et al., 1996 ; Le Roux et al., 2000 ; Hampel, 2002 ; Clift et al., 2003 ; Hampel, 2004 ; Wipf et al., 2008) et d’arrière‐arc (Espurt et al., 2007 ; Espurt, 2007). Selon certains auteurs, la subduction de la ride de Nazca a entraîné le soulèvement de la zone côtière de plusieurs centaines de mètres (von Huene et Suess, 1988 ; Hsu, 1992 ; Macharé et Ortlieb, 1992 ; von Huene et al., 1996 ; Gutscher et al., 1999a ; Le Roux et al., 2000 ; Hampel, 2002 ; Clift et al., 2003). Macharé et Ortlieb (1992) observent que la déformation Plio‐Quaternaire de la zone côtière, cʹest‐à‐dire le soulèvement côtier engendré par le passage en subduction de la ride de Nazca est dissymétrique par rapport à l’axe de la ride. Le maximum de déformation Plio‐Quaternaire de la région côtière est situé au‐dessus du bord Sud de la ride, au niveau de la zone de San Juan de Marcona (Figure 52).
Figure 52 : Reconstruction hypothétique des positions successives de l’axe de la ride de Nazca et des zones côtières affectées par le passage de la ride. Le graphique en haut de la figure correspond à l’altitude actuelle des plus hautes surfaces marines plio‐quaternaires des zones côtières reportées en‐ dessous. La courbe en forme de dome asymétrique représente la déformation enregistrée dans cette région. A noter que le maximum de soulèvement est situé au‐dessus du bord Sud de la ride de Nazca (d’après Macharé et Ortlieb, 1992).
La transition entre les segments de subduction horizontale et celui de subduction normale se situe vers 13‐15°S (Grange et al., 1984). Au sud de cette zone, la côte du Sud du Pérou est entièrement localisée au‐dessus d’un segment de subduction normale. Le plan de subduction plonge sous la plaque sud‐américaine avec un angle de 30°. La côte est composée d’une succession de baies, caractérisées par des niveaux pléistocènes de terrasses marines de dépôts, de falaises côtières plongeant directement dans la mer et de caps et/ou péninsules sur lesquelles se développent des niveaux de terrasses d’abrasion marine pléistocènes, comme à San Juan, Tanaka et Ilo (Figure 53 ; Cf. 4.2.3).
Figure 53 : Contexte tectonique du piémont du Sud du Pérou entre ~15°S et 18°S avec la localisation des principaux caps et baies ainsi que les principaux canyons transverses à la Cordillère de la Côte. Se reporter à la Figure 55 pour le zoom. Mosaïque d’images satellites Landsat.
Dans tout ce secteur, la géomorphologie de la côte traduit les effets du soulèvement côtier, comme dans la baie de Chala (15,83°S ; Goy et al., 1992 ; Zazo, 1999) qui présente une série de terrasses marines de dépôts étagées jusqu’à ~250 m d’altitude, ainsi que la péninsule de Ilo et la Pampa del Palo (Zazo et al., 1994 ; Ortlieb et al., 1996 ; Cf. 4.2.3). De même, sur la péninsule de Pescadores, un niveau coquillé est perché à plus de 270 m d’altitude, indiquant un soulèvement côtier important (Figure 54).
Figure 54 : A – Niveau de coquilles entières et cassées perché à plus de 270 m d’altitude au niveau de la péninsule de Pescadores. B – Photographie du versant sud de la quebrada Pescadores et de la péninsule de Pescadores.
De profonds canyons sont incisés à travers la Cordillère de la Côte, perpendiculairement à la côte, dans lesquels coulent quelques rivières à régime sporadique, comme le Río Ica, Grande, Yauca, Atico, la Quebrada Pescadores, le Río Ocoña, Camaná, Tambo, Locumba, Sama (Figure 53). Le creusement de ces grands canyons s’est effectué pendant le Pliocène (Thouret et al., 2007 ; Schildgen et al., 2007). En effet, les dépôts pliocènes se trouvent emboîtés dans ces grandes vallées creusées dans le substratum granitique. Les produits de l’érosion pliocène se sont déposés dans la mer sous forme de dépôts clastiques marins de la formation La Planchada (Huamán, 1985). Cette formation a été définie par Beaudet et al. (1976) et est comparable à la formation marine Coquimbo au Chili. Elle est contemporaine de la partie supérieure de la formation marine Pisco, d’âge Miocène supérieur‐Pliocène supérieur (De Muizon et Bellon, 1980). Les affleurements de la formation La Planchada se localisent en général le long de la zone côtière en occupant des surfaces d’abrasion étagées, ainsi qu’une position transgressive à l’intérieur de vallées (e.g. vallées de Yauca, Chala, Tambo). En effet, entre la Quebrada Pescadores et le Río Ocoña et dans les secteurs de Camaná et de la Punta de Bombón, on observe un système de paléo‐lignes de rivages développées jusqu’à 200 m d’altitude (Huamán, 1985).
Dans un premier temps, nous étudierons la morphologie côtière des différents sites et dans un deuxième temps, nous traiterons les datations 10Be des terrasses marines de chacun des sites. La première zone d’étude est la zone de San Juan de Marcona, située au‐dessus du flanc Sud de la ride de Nazca. Puis, plus au Sud, nous étudierons la zone de Chala‐Tanaka‐ Chaviña (~15,5°S‐15,83°S ; Figure 55) et enfin la péninsule d’Ilo (17,8°S), situées au‐dessus d’un segment de subduction normale (Figure 53 ; Figure 55).
On peut donc, d’une part, espérer détecter l’influence de la subduction de la ride de Nazca et, d’autre part, observer le régime de déformation et de soulèvement en dehors de l’influence de cette ride . Figure 55 : Carte de localisation des sites étudiés et datés au 10Be entre San Juan de Marcona et Chala. Mosaïque d’images satellites Landsat.