interglacials Elsevier, Amsterdam, pp 75–92.
4.2. La côte sud du Pérou
4.2.5. Datation au 10 Be des terrasses marines
4.2.5.1.2. La zone de Chala‐Tanaka‐Chaviña
Dans la zone de Chala‐Tanaka‐Chaviña, nous avons daté une terrasse marine de dépôts à l’Ouest de Chaviña (terrasse à +150 m), trois terrasses marines de dépôts dans la baie de Chala (terrasses à +60 m, +94 m et +154 m) et une terrasse d’abrasion marine au Sud‐est de la ville de Tanaka (terrasse à +90 m) (Figure 77 ; Table 4 ; Table 6).
Figure 77 : 1 – Panorama des terrasses marines de dépôts de la baie de Chala. Les chiffres correspondent aux altitudes des pieds de falaise des terrasses et caractérisent chaque niveau de terrasse. 2 – Panorama de la terrasse marine de dépôts à +94 m où l’on peut observer l’épaisseur des dépôts de terrasse (D) ainsi que la base de ces dépôts (B) et donc le niveau d’abrasion associé à la formation de la terrasse à +94 m. La base de ces dépôts est soulignée par un niveau à galets sub‐arrondis décimétriques et intercalation de coquilles brisées et entières, provenant d’une ancienne plage de galets (shingle beach) présente, au niveau de la mer, lors de la formation de cette terrasse par érosion du platier et retrait de la falaise côtière. 3 – Photographie d’une partie de l’épaisseur de dépôts associés à la terrasse marine de dépôts à l’Ouest de Chaviña.
Nous avons employé deux méthodes différentes pour calculer les âges des terrasses marines de dépôts. Quand le nombre d’échantillons le permet (≥ 4), nous avons calculé les âges à partir de la courbe de décroissance exponentielle de la concentration de 10Be en fonction de la profondeur qui s’ajuste le mieux aux données. Le modèle fournit l’âge de la terrasse pour différents taux d’érosion en fonction du degré de confiance lié au résultat (graphique de l’âge en fonction du taux d’érosion et de la valeur du Χ2). Puis, dans un deuxième temps, nous avons calculé les âges avec une autre méthode afin de comparer les âges obtenus entre eux et déduire l’âge minimum de la terrasse marine. Dans cette deuxième méthode, la masse volumique (porosité) de l’épaisseur de sédiments traversée par les rayons cosmiques est un important paramètre dans le calcul des âges en fonction de la profondeur. Cependant, la détermination précise de ce paramètre est d’autant plus difficile à contraindre que ce sont des dépôts hétérogènes et hétérométriques. Ainsi, nous avons pris en compte une incertitude sur la valeur de la masse volumique et calculé les âges des échantillons en profondeur pour deux masses volumiques différentes. Pour cela, nous avons pris 1700 et 1900 kg.m‐3 qui sont les masses volumiques pour des sédiments secs, hétérogènes et hétérométriques (Table 6). Pour la masse volumique des échantillons en surface, nous avons pris la masse volumique de la lithologie du bloc, en général la masse volumique du quartzite ou de la granodiorite (2700 kg.m‐3). La terrasse marine de dépôts à +150 m, à l’Ouest de Chaviña. Pour la terrasse à +150 m à l’Ouest de Chaviña, le nombre d’échantillons est insuffisant pour appliquer un modèle de décroissance de la concentration en fonction de la profondeur à partir des données. Nous avons donc appliqué la deuxième méthode aux deux échantillons en profondeur, pour obtenir l’âge de la terrasse. Nous avons donc ramené les échantillons en surface et calculé leur âge. L’échantillon de surface analysé donne un âge de 304 ± 35 ka, pour un taux d’érosion nul (Table 4). L’erreur associée est la somme des erreurs analytique et « géologique », calculées avec le calculateur en ligne CRONUS‐Earth. Les deux échantillons en profondeur analysés pour la terrasse à +150 m à l’Ouest de Chaviña ont donné, pour une masse volumique de 1700 kg.m‐3 et un taux d’érosion nul, des âges de 318 ± 14 ka et 358 ± 31 ka, bien en accord avec l’âge de l’échantillon en surface. L’erreur associée aux âges obtenus provient de l’incertitude sur la mesure de la profondeur de l’échantillon (10% de la
profondeur). Pour une masse volumique de 1900 kg.m‐3, les âges obtenus pour les deux échantillons en surface sont : 334 ± 17 ka et 400 ± 39 ka, pour une érosion nulle (Table 6). En considérant un taux d’érosion maximum de 1e‐6 m/an, on obtient des âges à 389 ± 22 ka et 452 ± 51 ka pour une masse volumique de 1700 kg.m‐3 et à 427 ± 28 ka et 547 ± 76 ka, pour une masse volumique de 1900 kg.m‐3. On observe ainsi que l’âge minimum de 304 ± 35 ka, pour la terrasse +150 m, est donné par l’âge 10Be de l’échantillon en surface, pour un taux d’érosion nul.
Dans la baie de Chala, nous avons échantillonné trois terrasses marines : les terrasses marines à +60 m, +94 m et +154 m.
La terrasse marine de dépôts à +60 m dans la baie de Chala.
Pour la terrasse à +60 m, nous avons échantillonné un cône alluvial qui recouvre la terrasse. Les échantillons analysés n’ont pas donné de résultats très concluants pour un âge absolu de la terrasse, mais donnent cependant une idée sur l’âge minimum de la terrasse. En calculant la courbe de décroissance de la concentration de 10Be en fonction de la profondeur, le modèle ne s’ajuste pas bien aux données, les âges étant dispersés autour de la courbe (Figure 78A). Ceux‐ci reflètent la nature détritique et épisodique du dépôt de cône. Des épisodes plus jeunes sont intercalés entre des épisodes plus vieux. L’âge obtenu grâce au modèle donne un âge moyen légèrement inférieur à 300 ka, un âge minimum inférieur à 100 ka et un âge maximum légèrement supérieur à 500 ka, sans héritage et pour une érosion nulle (Figure 78B). Le cône alluvial s’étant déposé sur la terrasse marine, il est donc postérieur à celle‐ci. On peut donc faire l’hypothèse que l’âge de la terrasse est supérieur à l’âge minimum obtenu dans le cône avec les deux méthodes, donc supérieur à 100 ka.
Figure 78 : A ‐ Courbe de décroissance exponentielle de la production de 10Be en fonction de la profondeur s’ajustant aux échantillons du profil vertical de la
terrasse marine à +60 m, dans la baie de Chala. Les rectangles bleus correspondent à la concentration en 10Be en fonction de la profondeur de chaque
échantillon. La courbe en rouge est le modèle calculé pour un héritage nul. B ‐ Diagramme 3D de l’âge (en ordonnée) en fonction du taux d’érosion (en abscisse) et de la distribution du Χ2 (en niveaux de gris, le plus clair correspondant aux valeurs petites du Χ2, donc au meilleur ajustement de la courbe aux
données). Le Χ2 (racine carrée de la somme des carrés des écarts entre le modèle et les données) indique un intervalle de confiance, plus il est bas, plus la
confiance est bonne. La courbe rouge correspond à 1σ de confiance. L’étoile rouge correspond à l’âge moyen, pour un taux d’érosion nul, les intersections des deux courbes rouges avec l’axe des ordonnées (érosion nulle) donnent l’âge maximum et minimum de la terrasse, avec 1σ de confiance autour de l’âge moyen.
La terrasse marine de dépôts à +94 m dans la baie de Chala.
Pour la terrasse marine à +94 m, le modèle de décroissance de la concentration de 10Be en fonction de la profondeur s’ajuste relativement bien avec les données. Nous avons appliqué deux modèles, un avec un héritage nul et un autre avec un héritage arbitraire de 200000 atome/g, soit ~58 ka, identique pour tous les échantillons (Figure 79). L’âge moyen obtenu avec le modèle à érosion 0 et héritage nul est de 500 ± 160 ka, tandis qu’avec un héritage de 200000 atome/g, on obtient un âge moyen de 330 ka, un âge minimum de 220 ka et un âge maximum de 440 ka, avec 1σ de confiance. Cependant, l’indice du Χ2 est assez élevé, inférieur à 6 m2, et reflète un intervalle de confiance moyen (Figure 80).
Figure 79 : Courbe de décroissance exponentielle de la production de 10Be en fonction de la profondeur s’ajustant aux échantillons du profil vertical de la terrasse marine à +94 m, dans la baie de Chala. Les rectangles bleus correspondent à la concentration en 10Be, calculée à l’accélérateur, en fonction de la profondeur de chaque échantillon. La courbe en rouge est le modèle calculé pour un héritage nul. La courbe en bleu correspond au modèle calculé pour un héritage commun de 200000 atomes/g, soit ~58
Figure 80 : Diagramme 3D de l’âge en fonction de l’érosion et de la valeur du Χ2 (en niveaux de gris, le plus clair correspondant aux valeurs petites du Χ2,
donc au meilleur ajustement de la courbe aux données), pour le modèle avec un héritage nul (A) et de 200000 atomes/g, soit ~58 ka (B), pour la terrasse +94 m, dans la baie de Chala. Le Χ2 (racine carrée de la somme des carrés des écarts entre le modèle et les données) indique un intervalle de confiance, plus il est bas,
plus la confiance est bonne. La courbe rouge correspond à 1σ de confiance. L’étoile rouge correspond à l’âge moyen, pour un taux d’érosion nul, les intersections des deux courbes rouges avec l’axe des ordonnées (érosion nulle) donnent l’âge maximum et minimum de la terrasse, avec 1σ de confiance autour de l’âge moyen.
Avec la seconde méthode de calcul des âges, les quatre échantillons de profondeurs différentes ont donné des âges, pour une masse volumique de 1700 kg.m‐3, de 338 ± 19 ka, 463 ± 32 ka, 427 ± 38 ka et 407 ± 57 ka, avec un modèle à érosion nulle. Avec cette méthode, il apparaît qu’il y a deux épisodes sédimentaires différents, dont la limite entre ces deux couches se situerait à ~55 ± 5 cm. Pour une masse volumique à 1900 kg.m‐3, on obtient des âges à 357 ± 22 ka, 502 ± 39 ka, 475 ± 48 ka et 483 ± 76 ka. De même qu’avec une masse volumique à 1700 kg.m‐3, il semble que l’on ait deux épisodes différents de dépôts dont la limite se situerait à ~55 ± 5 cm (Table 6).
Enfin, en suivant le même schéma que ci‐dessus mais en considérant une érosion de 1e‐6 m/an, on isole encore la présence de deux épisodes de dépôts, et ce pour les deux masses volumiques (Table 6).
En résumé, l’âge minimum de la terrasse à +94 m, obtenu avec ces deux méthodes, est de 220 ka.
La terrasse marine de dépôts à +154 m dans la baie de Chala.
Pour la terrasse à +154 m, nous présentons trois modèles de décroissance exponentielle de la concentration en 10Be avec la profondeur (Figure 81A). Un modèle sans héritage (courbe rouge), un modèle avec un héritage de 200000 atomes/g, soit ~55 ka (courbe bleue) et un troisième modèle qui ne prend pas en considération l’échantillon de surface le moins concentré (courbe en pointillé noire ; Table 4). En effet, il est vraisemblable que cet échantillon ne reflète pas l’âge réel de la surface, étant plus jeune que celle‐ci, puisqu’il est excentré par rapport aux autres. Toutefois, l’intervalle de confiance est assez mauvais (Χ2 inférieur à 7 m2). L’âge minimum serait de 250 ka et l’âge maximum de ~900 ka, avec un âge moyen de ~580 ka (Figure 81B).
Figure 81 : A ‐ Courbe de décroissance exponentielle de la production de 10Be en fonction de la profondeur s’ajustant aux échantillons du profil vertical de la
terrasse marine à +154 m, dans la baie de Chala. Les rectangles bleus correspondent à la concentration en 10Be, calculée à l’accélérateur, en fonction de la
profondeur de chaque échantillon. La courbe en rouge est le modèle calculé pour un héritage nul. La courbe en bleu correspond au modèle calculé pour un héritage commun de 200000 atomes/g, soit 55 ka. La courbe en pointillé noire correspond au modèle sans l’échantillon de surface le moins concentré. B ‐ Diagramme 3D de l’âge en fonction du taux d’érosion et de la valeur du Χ2 (en niveaux de gris, le plus clair correspondant aux valeurs petites du Χ2, donc au
meilleur ajustement de la courbe aux données). Le Χ2 (racine carrée de la somme des carrés des écarts entre le modèle et les données) indique un intervalle de
confiance, plus il est bas, plus la confiance est bonne. La courbe rouge correspond à 1σ de confiance. L’étoile rouge correspond à l’âge moyen, pour un taux d’érosion nul, les intersections des deux courbes rouges avec l’axe des ordonnées (érosion nulle) donnent l’âge maximum et minimum de la terrasse, avec 1σ de confiance autour de l’âge moyen.
L’âge de l’échantillon en surface a été calculé avec le calculateur en ligne CRONUS‐Earth. L’âge obtenu est de 720 ± 77 ka. Avec la seconde méthode, nous avons calculé l’âge de trois échantillons en profondeur. Pour le modèle à érosion nulle, on obtient 609 ± 43 ka, 600 ± 69 ka et 712 ± 107 ka pour une masse volumique de 1700 kg.m‐3. Pour une masse volumique de 1900 kg.m‐3, on obtient des âges de 665 ± 53 ka, 691 ± 90 ka et 860 ± 148 ka. L’âge minimum de la terrasse à +154 m, est donc de 600 ± 69 ka (Table 6).
Avec une érosion de 1e‐6 m/an et une masse volumique de 1700 kg.m‐3, l’âge de l’échantillon en surface est saturé, c’est‐à‐dire que soit il est supérieur à la demi‐vie de l’isotope cosmogénique du 10Be (1,36 Ma), soit il a atteint l’état d’équilibre entre gains et pertes pour ce taux d’érosion. Pour les trois échantillons en profondeur, les âges obtenus sont assez vite saturés aussi.
En résumé, l’âge minimum de la terrasse marine à +154 m est de 250 ka, âge obtenu avec la première méthode.
La terrasse d’abrasion marine à +90 m, au niveau du cap entre Tanaka et la baie de Chala. Nous avons échantillonné un écueil rocheux sur la surface (Figure 82). Pour un modèle à érosion nulle, nous avons obtenu un âge de 171 ka ± 21 ka. Avec une érosion de 1e‐6 m/an, l’âge obtenu est de 200 ± 30 ka. Figure 82 : Panorama d’une section du cap entre Tanaka et la baie de Chala, au sud de la ville de Tanaka. On y observe les différents niveaux de terrasses d’abrasion marine et les nombreux écueils rocheux présents sur les terrasses.
Table 6 : Table des âges des échantillons en profondeur, pour les terrasses +150 m de Chaviña et +94 m et +154 m de Chala, en utilisant la seconde méthode de calcul, cʹest‐à‐dire en ramenant les échantillons en surface, en fonction de la masse volumique et du taux d’érosion.