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Chapitre  1   : La lecture partagée dans le contexte familial 16

3.   Méthodologies et réflexions éthiques 49

3.2   Méthodes de récolte des données 51

3.2.1 La phase d’exploration : lectures préalables et entretiens exploratoires

Une des premières étapes de tout travail consiste à explorer la thématique avant de se rendre sur le terrain pour récolter des données. L’étape d’exploration comprend les opérations de lecture et les entretiens exploratoires (Van Campenhoudt & Quivy, 2011) dans le but de voir quelles sont les théories mobilisées, quels concepts sont importants et aussi de dépasser les idées reçues sur l’objet de recherche. Au début de mon projet de mémoire, j’ai donc cherché dans des bases de données ou des bibliothèques numériques comme RERO des ouvrages au sujet de la lecture dans le milieu familial, de la répartition des tâches dans le couple ou encore de l’investissement (ou de l’absence) des pères dans l’éducation des enfants. Puis, en lisant chaque article, livre ou revue ainsi que sa bibliographie, j’avais accès à d’autres ouvrages qui

me permettaient d’approfondir mes recherches. En outre, le défi a aussi résidé dans le fait de chercher des ouvrages en sociologie pour dépasser mon point de vue d’étudiante en psychologie et éducation. J’ai notamment puisé dans le corpus d’ouvrages que j’avais lu dans le cadre de deux séminaires suivis sur les études genre à l’Université de Neuchâtel – par exemple Connell (1995), Delphy (2009) et Tabet (1979).

Par la suite, le travail de recherche que j’ai fait pour un autre cours, celui de « Méthodes et recherches qualitatives en sciences sociales » et qui portait sur la même thématique m’a servi de recherche exploratoire. La question de recherche que je m’étais alors posée, était la suivante : « Quelles sont les raisons qui encouragent les pères à raconter des histoires à leur-s enfant-s et comment le font-ils ? » - avec un intérêt pour les raisons et les styles de lecture, dans une perspective uniquement psychologique. Pour y répondre, j’avais réalisé deux entretiens et un terrain ethnographique en décembre 2018 avec trois pères de familles qui lisaient tous des histoires à leur-s enfant-s. Ces trois entretiens préalables m’ont permis de me familiariser avec mon objet d’étude, mais aussi de solidifier certaines hypothèses, par exemple la grande diversité des raisons de faire la lecture et les points communs dans les manières de le faire – changer les voix, privilégier un livre imprimé, expliquer les mots compliqués, etc. J’ai également pu nuancer certaines de mes hypothèses. J’ai en effet pris conscience de l’intérêt d’inclure des pères qui lisent peu ou pas, afin de comparer les pratiques dans mon travail de mémoire et de pouvoir nuancer et discuter l’idéal des nouveaux pères qui s’impliquent avec leur-s enfant-s, notamment en leur faisant la lecture.

De plus, cette recherche exploratoire m’a permis de me rendre compte de la pertinence des entretiens plutôt que des terrains ethnographiques – mais j’y reviendrai dans le type de récolte de données. Finalement, grâce à ce premier travail, j’ai pu affiner ma question de recherche, notamment en insistant davantage sur la question des normes de masculinité/paternité et non plus uniquement sur la pratique de la lecture. J’ai ainsi pu formuler la question de recherche présentée précédemment, à savoir : « Pour quelle-s raison-s les pères s’investissent-ils ou non dans la pratique de la lecture avec leur-s enfant-s et en quoi cette (non-) implication participe à reproduire et/ou reconfigurer les normes traditionnelles de la masculinité? ».

3.2.2 Le choix du type d’entretien

Pour tenter de répondre à cette question, j’ai opté pour l’entretien de type centré sur un problème. J’ai donc choisi de ne pas faire de terrain ethnographique – qui aurait consisté à observer et participer à un moment de lecture en famille par exemple. D’une part, je voulais respecter l’intimité des participants et d’autre part, il me semblait que les données récoltées à l’oral, lors des entretiens, seraient suffisantes et assez riches pour ne pas avoir besoin de voir la situation de mes propres yeux. J’avais également envisagé d’installer des caméras pour pouvoir observer la séance sans y participer, mais je trouvais cette technique trop intrusive, non-naturelle et potentiellement perturbante pour les enfants - et pour les pères également. L’entretien centré sur un problème

Ainsi, pour chacun des dix entretiens que j’ai menés, j’ai opté pour l’entretien centré sur un problème (Witzel & Reiter, 2012). Il ne s’agit pas ici d’entendre problème au sens de problématique, mais plutôt comme focalisé sur une thématique particulière - en l’occurrence la lecture dans le milieu familial et la paternité. Dans ce type d’entretien, le participant commence par répondre à une question d’ouverture très large. En l’occurrence, dans mon travail, la première question était « Racontez-moi en détails comment se passe une soirée typique, à partir du moment où vous rentrez à la maison, jusqu’au coucher des enfants ? ». Le/la participant-e raconte alors son expérience en profondeur, ce qui permet au chercheur ou à la chercheuse d’en apprendre davantage sur lui / elle. Dans mon cas, j’ai pu saisir les détails de la soirée pour voir si la pratique de la lecture y était intégrée ou non, comment les choses étaient organisées et quel rôle le père jouait dans les événements racontés. De plus, il est possible de demander au/à la participant-e de détailler certains éléments mentionnés ou de lui poser des questions plus générales sur des points qu’il/elle n’a pas abordés – notamment à l’aide des questions préparées préalablement et figurant dans la grille d’entretien.

La grille d’entretien et l’élaboration des questions

En effet, pour chacun de ces entretiens, j’ai préalablement construit une grille d’entretien qui recensait l’essentiel des questions que j’avais à poser aux enquêtés – cinquante-quatre en tout. Préparer les questions avant les entretiens permet de veiller à la formulation de ces dernières, pour qu’elles soient concises, de type ouvert, sans orientation, sans jugement et appropriées au sujet (Niguel & Horrocks, 2010).

Ensuite, les questions étaient réparties en deux catégories principales : les questions portant sur la lecture (notamment le contexte de lecture, le style de lecture, les habitudes, le choix du livre et les raisons de lire – ou de ne pas lire), et ensuite les questions plus personnelles sur le participant et sur la/sa paternité - par exemple le contexte dans lequel il a grandi, comment il a vécu le fait de devenir père, ce que signifie être un bon père pour lui, les activités qu’ils partagent avec son/ses enfant-s et la répartition des tâches avec la mère. Pour chaque catégorie, les questions étaient classées par thèmes pour rendre la grille plus courte et pratique à utiliser lors des entretiesn et pour ne pas mélanger les rubriques – bien que l’ordre puisse varier en fonction des sujets que le participant aborde (c.f grille d’entretien complète en annexes). Enfin, j’ai choisi de faire dix entretiens par souci de temps et pour atteindre une certaine saturation des données. En outre, ils ont duré entre cinquante minutes et une heure et demie et ils ont tous été enregistrés, avec l’accord signé des participants – afin de faciliter le travail de retranscription et d’analyse dans un deuxième temps (c.f accord de participation vierge en annexes).