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Chapitre 6 Profils d’état de santé et utilisation de services chez les personnes âgées

6.3
 Méthodes 123


6.3.1 Sources de données

Il s’agit d’une analyse secondaire des données recueillies lors de l’étude randomisée du SIPA (acronyme de Système intégré pour personnes âgées en perte d’autonomie) menée à Montréal, Canada (1999-2001) (Béland et al., 2006a; Bergman et al., 1997). Les soins médicaux et hospitaliers sont universellement assurés au Canada. Cependant, le financement et l’organisation des soins de longue durée institutionnels et de proximité n’assurent pas une couverture aussi complète; ils varient d’une province à l’autre; et ils sont caractérisés par la fragmentation. Les dispositions qui distinguent le SIPA sont les équipes multidisciplinaires à assises communautaires qui détiennent la responsabilité clinique pour la prestation des services sociaux et médicaux offerts dans la communauté et la coordination des soins hospitaliers et des services de longue durée offerts en institution, tout cela au sein d’un système géré et financé publiquement.

Les participants ont principalement été recrutés auprès de deux organisations communautaires publiques; une faible proportion a été recrutée auprès d’autres sources. Les personnes admissibles étaient âgées de 64 ans et plus, parlaient le français ou l’anglais (elles-mêmes ou leur proche aidant), avaient un score de -10 ou moins en vertu du système de mesure de l’autonomie fonctionnelle (SMAF) (Hébert et al., 1988) et ne prévoyaient pas être admises dans un centre d’hébergement. Les participants ont été assignés aléatoirement au SIPA ou aux soins usuels. Ici, les deux groupes sont combinés (n=1164) avec ajustement pour la variable expérimentale.

Les données de santé de même que les données démographiques et socioéconomiques ont été recueillies par des entretiens structurés administrés à domicile au début de la période de suivi. Les données d’utilisation des services de santé et des services sociaux ont été mesurées en unités naturelles sur une période continue de 22 mois. Elles proviennent des bases de données administratives du gouvernement, des régies régionales de la santé, des organisations communautaires et d’une revue des dossiers médicaux et sociaux. Le coût d’un service est déterminé par la somme de toutes les unités de services consommées multipliée par leur valeur unitaire. Les valeurs unitaires (en dollars canadiens; 2000) proviennent des rapports financiers des institutions participantes, de la Régie de l’assurance maladie du Québec et des prix du marché.

6.3.2 Identification des profils d’état de santé

Nous avons sélectionné 17 indicateurs de santé pour identifier les profils d’état de santé par l’ACL. Les indicateurs de maladies chroniques autodéclarées (non/oui) comprennent l’hypertension, les accidents cérébrovasculaires, le diabète, le cancer, les problèmes de circulation sanguine, d’arthrite et d’articulation, d’estomac et de vessie. Pour accroître la validité, nous avons demandé aux participants si un médecin avait confirmé le diagnostic. Les limitations sensorielles (non/oui) réfèrent à des problèmes autodéclarés d’élocution, d’ouïe et/ou de vision. Les troubles cognitifs sont mesurés par le « Short Portable Mental Health Questionnaire » (des scores de ≥4 indiquent des troubles cognitifs (Pfeiffer, 1975)) et la dépression, par l’échelle de dépression gériatrique (des scores entre 3,5-8,5 indiquent une dépression modérée; des scores de ≥8,5 indiquent une dépression grave (Yesavage et al., 1982)). Les limitations fonctionnelles (non/oui) sont définies par les difficultés à

accomplir des mouvements des membres supérieurs (≥1; lever les bras; prendre/manipuler des petits objets; soulever 5 kg) et des membres inférieurs (≥1; tirer/pousser de gros objets; se pencher/s’agenouiller; utiliser les escaliers (Nagi, 1976). La présence d’incapacité est définie par le besoin d’aide pour les activités de la vie quotidienne (AVQ) touchant la mobilité (se lever du lit/d’une chaise; utiliser les toilettes; prendre un bain/une douche; monter/descendre les escaliers; marcher un coin de rue) et les soins personnels (manger; boire; s’habiller le haut et le bas du corps; faire sa toilette; se laver (Mahoney et Barthel, 1965)); et les activités de la vie domestique (AVD; utiliser le téléphone; utiliser les moyens de transport; faire les courses; préparer les repas; faire des travaux ménagers légers; prendre ses médicaments; gérer ses finances (Fillenbaum et Smyer, 1981)). Les mesures d’incapacité sont codées par des variables catégorielles à trois niveaux.

Les variables sociodémographiques incluent le sexe; l’âge est continu. L’éducation correspond au niveau de scolarité atteint (primaire, secondaire, supérieure). La cohabitation indique si la personne vit seule ou non; la situation matrimoniale indique si la personne est mariée (ou a un conjoint de fait) ou non. Pour le revenu, nous avons dichotomisé une échelle d’adéquation du revenu (c.-à-d. Estimez-vous que votre revenu actuel permet de satisfaire à vos besoins? Oui=très bien; convenablement; Non= avec un peu de difficulté; pas très bien; pas du tout (Béland et al., 2006a)).

Basée sur le maximum de la vraisemblance (Muthén et Muthén, 1998-2007), l’ACL estime deux types de paramètres : les probabilités associées aux indicateurs de santé et les probabilités associées aux profils d’état de santé. Les probabilités associées aux indicateurs de santé sont spécifiques à chaque profil; elles correspondent à la probabilité qu’une réponse soit associée à un profil (par exemple, la probabilité conditionnelle de souffrir de dépression étant donné l’appartenance au profil 1). Les probabilités associées aux profils d’état de santé représentent les probabilités pour un individu d’appartenir à chacun de ceux- ci. Les individus sont assignés à un profil sur la base de leur probabilité la plus grande. Ces probabilités a posteriori déterminent la prévalence des classes et servent à comparer les classes vis-à-vis des variables d’intérêt (Lubke et Muthén, 2005). Deux hypothèses complètent le modèle classique d’ACL : au sein d’une classe, les probabilités associées au profil d’état de santé sont similaires pour tous les individus, et on suppose que les

indicateurs d’état de santé sont indépendants (c.-à-d. sous l’hypothèse d’indépendance conditionnelle (Muthén et Muthén, 2000).

Dans Mplus, nous avons ajusté des modèles d’ACL comprenant de une à 5 classes. Nous avons utilisé de nombreuses valeurs de départ (c.-à-d. 100) pour éviter que le modèle converge vers un maximum local (Hagenaars et McCutcheon, 2002) et avons posé l’hypothèse que les données manquantes sont manquantes au hasard (MAR) (Little et Rubin, 2002). Cependant, le score de dépression est manquant pour tous les individus qui ont des troubles cognitifs ou des données manquantes sur le test de troubles cognitifs. Nous avons mené plusieurs analyses de sensibilité et sommes assurés que cette « violation » de l’hypothèse de MAR n’affecte pas la classification ni la qualité du modèle. La qualité d’ajustement des modèles a été évaluée par le critère d’information bayésien (BIC) (Hagenaars et McCutcheon, 2002) et le test du ratio de la vraisemblance de Low, Mendell et Rubin (LRT-LMR) (Lo et al., 2001). Le LRT-LMR compare l’amélioration de la qualité d’ajustement entre des modèles séquentiels (p<0,001) par l’approximation de la distribution du LRT. Une mesure d’entropie a servi à évaluer dans quelle mesure le modèle prédit bien l’appartenance aux classes étant donné les indicateurs de santé observés. Les valeurs d’entropie vont de 0 à 1, et les valeurs élevées sont préférables (Muthén et Muthén, 1998- 2007). Des tests statistiques bivariés sur les résidus ont servi à vérifier l’hypothèse d’indépendance conditionnelle (Hagenaars et McCutcheon, 2002). L’inclusion de l’âge et du sexe dans les ACL (Bandeen-Roche et al., 1997) n’a pas significativement changé la classification ni diminué la qualité des modèles. Notre modèle de référence est donc la classification latente sans covariable. Pour évaluer la validité de la classification, nous avons ajusté des régressions multinomiales qui estiment la relation entre l’appartenance aux profils et les caractéristiques démographiques.

6.3.3 Utilisation des services

Nous avons comparé les profils de santé par 1) une mesure globale d’utilisation de services, 2) une mesure agrégée pour les services institutionnels et une pour les services de proximité et 3) une sélection d’inducteurs de coût (Béland et al., 2006a). L’utilisation globale provient de toutes les sources de soins médicaux et sociaux. Les services institutionnels comprennent les services d’urgence (y compris le transport ambulancier), l’hospitalisation

de courte durée, l’hébergement, l’attente d’hébergement (c.-à-d. les patients qui, à la suite d’une hospitalisation de courte durée, doivent rester à l’hôpital en attente d’une place d’hébergement), l’hôpital de jour, la réhabilitation et les soins palliatifs. Les services de proximité comprennent les soins médicaux à domicile (soins infirmiers, physiothérapie, ergothérapie, services nutritionnels et aides techniques), les services sociaux à domicile (travaux ménagers, travailleurs sociaux, services psychosociaux), les centres de jour gériatriques, les foyers de groupe, les visites médicales et les médicaments d’ordonnance. Nous n’avons pas considéré les services informels ni les services privés.

Nous avons utilisé des modèles en deux parties pour prendre en compte la prépondérance de coûts d’une valeur de 0 $ et l’asymétrie causée par un petit nombre d’individus qui utilisent beaucoup de services par rapport à la majorité (Jones, 2000). La première partie du modèle traite de la probabilité d’utilisation d’un service. Elle est estimée par un modèle de régression logistique. La deuxième partie du modèle traite de l’intensité d’utilisation des services, conditionnellement à ce qu’il y ait eu utilisation. Elle est estimée par un modèle de régression des moindres carrés ordinaires sur le logarithme des coûts. Les coûts moyens par jour servent d’indicateurs pour l’intensité d’utilisation. Cette mesure nous permet aussi de tenir compte des temps de suivi plus courts, notamment en raison du décès. Afin d’obtenir des estimations non biaisées des coûts, les estimations du modèle log-linéaire ont été transformées vers l’échelle de dollar en utilisant les facteurs de transformation (smearing

factor) de Duan, avec correction pour l’hétéroscédasticité (Manning, 1998). Pour chaque

mesure d’utilisation, le coût attendu par profil d’état de santé est le produit de la probabilité pour la première partie du modèle et les coûts estimés pour la deuxième partie du modèle (Jones, 2000). Pour les coûts totaux et les coûts des services offerts en communauté, seule la deuxième partie du modèle s’applique car tous les participants ont utilisé des services.

Pour des modèles de régression apparemment non reliés (seemingly unrelated regression

models), l’estimation par la méthode des moindres carrés ordinaires avec des régresseurs

identiques dans chacune des équations est la stratégie efficace – et équivalente aux moindres carrés généralisés (Greene, 2002). Les facteurs associés à l’utilisation dans le modèle de comportement d’utilisation des services d’Anderson (Anderson et al., 1995) ont donc été forcés dans les deux parties du modèle. Les variables prédisposantes comprennent l’âge, le sexe, la cohabitation et l’éducation. Les variables facilitantes comprennent le

revenu et la variable expérimentale (SIPA ou soins usuels). Les profils d’état de santé servent à mesurer les besoins.

Finalement, les coûts par jour estimés pour chacun des profils ont été comparés par des ANOVA et des comparaisons des moyennes corrigées pour la multiplicité des tests. Les analyses d’utilisation de services ont été exécutées dans SPSS (SPSS, 2006)