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IV. L’énumération des coliformes et des E. coli dans les eaux - aspects

IV. 3. Les méthodes moléculaires

Les méthodes moléculaires de détection de bactéries fécales (pathogènes et indicateurs) ont été l’objet d’un important travail de recherche durant les dernières années. Les méthodes moléculaires présentent l’avantage d’être rapides, spécifiques ; elles ne nécessitent pas d’étape de mise en culture mais présentent l’inconvénient d’être chères. De plus, certaines ne font pas toujours la distinction entre les bactéries vivantes et mortes.

Etant donné leur capacité à détecter des bactéries présentes en très faible nombre dans les échantillons d’eau, de nombreux travaux ont été consacrés à l’identification et à la quantification directe de pathogènes, faisant donc l’économie de l’énumération des indicateurs. Dans cette courte revue bibliographique sur les méthodes moléculaires, nous nous limiterons à

présenter celles utilisées pour l’énumération des indicateurs en général et des E. coli en

particulier.

Méthodes immunologiques. Ces méthodes sont basées sur la spécificité de la reconnaissance

antigène/anticorps ; les deux techniques les plus importantes sont l’ELISA et

l’Immunofluorescence. L’ELISA manque de sensibilité et de spécificité pour les échantillons naturels dans lesquels il y a un nombre très élevé de bactéries non-cibles et une concentration importante en particules qui interfèrent avec la réaction (Rompré et al., 2002). L’immunofluorescence permet jusqu’à l’identification d’une cellule unique dans un échantillon environnemental (Campbell, 1993) ; mais ces méthodes donnent parfois un nombre élevé de faux positifs (Hubner et al., 1992) et ne donnent aucune information sur l’état physiologique des bactéries.

PCR (polimerase chain reaction). Cette méthode permet d’amplifier un fragment cible d’ADN par une réplication cyclique. L’amplification exponentielle du fragment cible permet de détecter un nombre relativement faible d’organismes cibles dans un échantillon. Ce fragment

cible doit être spécifique de l’espèce recherchée. Le gène uid A qui code pour l’enzyme β

-D-glucuronidase (spécifique de E. coli) et sa région de régulation uid R ont été utilisés avec

succès pour la détection des E. coli dans les eaux (Bej et al., 1991; Tsai et al., 1993 ; Fricker

and Fricker, 1994; Juck et al., 1996; Iqbal et al., 1997).

La PCR multiplex qui implique l’amplification simultanée de différentes séquences a été

Salmonella spp. et Shigella spp. La Nested PCR, qui consiste à effectuer deux PCRs consécutives la seconde étant réalisée avec des primers localisés à l’intérieur du premier

fragment amplifié, a été utilisée par Juck et al. (1996) pour détecter des E. coli à des

concentrations très faibles. La PCR in situ inclut la fixation cellulaire et la perméabilisation, et

permet aux composants de la réaction de rentrer dans la cellule, les produits de PCR marqués avec un fluorochrome peuvent être détectés par un système d’analyse d’images. Tani et al.

(1998) ont développé un protocole de PCR in situ pour la détection de E. coli.

D’autres protocoles de PCR visent à quantifier le nombre de molécules cibles dans un échantillon, c’est le cas de la PCR compétitive. Dans ce type de protocole, on ajoute dans l’échantillon une quantité connue d’une séquence quasi identique (compétiteur) à la séquence cible et on compare la quantité de produits de PCR des deux séquences, on peut ainsi

quantifier l’abondance de la bactérie cible. La «PCR en temps réel» (Real Time PCR) est

également une PCR quantitative, elle se base sur la détection et la quantification d’un rapporteur fluorescent. Le signal fluorescent augmente proportionnellement à la quantité de produit d’amplification pendant la phase exponentielle; le temps nécessaire à atteindre un niveau donné de fluorescence est une mesure de la quantité initiale de la séquence cible présente dans l’échantillon.

Pour étudier la dynamique des E. coli en rivières, les méthodes basées sur la PCR présentent le

désavantage majeur de ne donner aucune information sur l’état physiologique des bactéries cibles. Si le matériel génétique cible est intact, les bactéries mortes seront comptabilisées. FISH (Fluorescent in situ hybridisation): Cette méthode se base sur la détection par une sonde oligonucléotidique marquée d’une séquence cible spécifique au sein d’une cellule intacte. Ces cellules sont énumérées le plus souvent par microscopie à épifluorescence mais peuvent l’être avec une meilleure sensibilité par cytométrie en phase solide (Lemarchand et al., 2001). Les séquences cibles doivent être spécifiques du micro-organisme, espèce ou groupe recherché. Cette technique groupe les avantages des méthodes moléculaires (précision, rapidité, pas de nécessité de culture) avec l’information visuelle donnée par la microscopie. Elle permet en même temps l’identification, la visualisation et la quantification de cellules cibles au sein d’un échantillon (Moter and Gobel, 2000).

Les séquences utilisées en microbiologie comme cibles pour le FISH se trouvent souvent dans l’ ARN ribosomial 16S. Ce segment est génétiquement stable et la structure du domaine

IV.ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES

présente des séquences conservées au cours de l’évolution et d’autres variables qui permettent de faire la différence entre espèces (Amann et al., 1990, 1995). Ces séquences étant en grand nombre de copies dans les cellules (Woese, 1987), la sensibilité de la méthode en est améliorée.

Diverses sondes spécifiques pour l’ARNr de E. coli ont été développées (Tableau 4).

Tableau 4. Séquences développées pour l’identification de E. coli dans l’environnent (modifié

d’après Rompré et al. (2002)).

Sonde Séquence 5’-3’ Cible (ARNr) References

EC1531 CACCGTAGTGCTCGTCATCA 23S, 1531-1550

Poulsen et al., 1994

COLINSITU GAGACTCAAGATTGCCAGTATCAG ARNr 16S, 637-660

Regnault et al., 2000

PNA probe GCAAAGCAGCAAGCTC ARNr 16S, 71-86 Prescott and Fricker, 1999

La sonde Colinsitu (Regnault et al., 2000) montre une excellente spécificité pour E. coli et

semble appropriée pour l’usage dans des échantillons d’eaux naturelles.

Le contenu en ARNr peut être considéré comme un indicateur de l’état physiologique des cellules bactériennes (Amann et al., 1995; Wallner et al., 1995). Cet aspect qui peut être exploité pour des études écologiques, pose un problème pour l’application de la méthode pour

la détection des E. coli dans les échantillons d’eaux naturelles. En effet, les conditions de stress

rencontrées par les bactéries fécales dans les eaux naturelles font que leur contenu en ARN ribosomial est faible, entraînant une faible fluorescence après marquage par une sonde moléculaire et donc une difficulté de visualisation en microscopie (Amann et al., 1995, Lebaron et al., 1997).

Une solution pour palier ce problème peut être d’utiliser des systèmes permettant d’accroître le signal de fluorescence comme un système d’amplification du signal à la tyramide (TSA) qui se base sur la capacité du complexe streptavidine-peroxidase de se fixer à une sonde spécifique liée à la biotine (Lebaron et al., 1997). D’autres auteurs ont proposé de coupler le FISH avec une étape de « Direct Viable Count » (DVC) (Kogure et al., 1979). La procédure DVC consiste à incuber les bactéries dans un milieu riche en présence d’antibiotiques qui inhibent la division cellulaire ; à la suite de cette incubation, les cellules actives sont allongées ce qui permet de les distinguer des inactives. Cette élongation des cellules actives s’accompagne d’un

accroissement du contenu en ARNr sans changer le nombre de bactéries. Ce couplage offre donc le double avantage de faciliter la détection des bactéries après marquage par une sonde moléculaire fluorescente et de permettre la seule énumération des cellules actives (cellules présentant une activité métabolique dans les conditions d’incubation en présence du milieu riche de la procédure DVC). Ce couplage des méthodes DVC et FISH a été utilisé avec succès pour l’énumération des entérobactéries dans l’eau (Baudart et al., 2002, 2005). Dans le cadre de cette thèse, nous avons appliqué un protocole DVC-FISH pour l’énumération des cellules de E. coli viables dans les eaux de rivières et les eaux usées ; ceci fait l’objet de la section suivante.

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