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VI. Étude des processus contrôlant le devenir des bactéries fécales en rivière.42

VI.1.1. Description des principaux processus

La capacité des eaux de surface à éliminer progressivement les bactéries d'origine entérique par un ensemble de processus naturels divers est un fait reconnu depuis longtemps. On observe en effet qu'une fois rejetées dans les milieux aquatiques, ces bactéries disparaissent relativement rapidement de la colonne d’eau. Les manières les plus courantes de caractériser les vitesses de disparition des bactéries fécales sont, soit une constante de premier ordre (k exprimée soit en

h-1, soit en j-1) ou un T90, le temps nécessaire pour que 90 % de la population initiale aie

disparu.

Les processus contrôlant cette disparition ont fait l’objet de plusieurs travaux de synthèse (Barcina et al., 1997; Troussellier et al., 1998; Rozen and Belkin, 2001). La figure 3 schématise un rejet de bactéries fécales dans un système aquatique. Les processus contrôlant le devenir de ces bactréies dans l’environnement aquatique représentés sur la figure peuvent être divisés en: processus hydrodynamiques, biotiques et physiologiques (Troussellier et al., 1998).

Figure 3. Principaux facteurs environnementaux impliqués dans le devenir des bactéries

Les processus hydrodynamiques incluent la dilution dans le milieu aquatique récepteur, la dispersion, la sédimentation et la resuspension : les deux premiers processus dépendent uniquement de l’hydrodynamique du système tandis que les deux derniers sont conditionnés par l’attachement des bactéries fécales à des matières en suspension. L’attachement aux particules est un aspect important de la dynamique des bactéries fécales et sera abordé en détail à la section suivante.

Les processus biotiques sont: la prédation par des protozoaires, la lyse induite par des bactériophages et la compétition avec les flores autochtones. Rozen et Belkin (2001) montrent, par une revue extensive de la littérature, que le broutage par les protozoaires est unanimement reconnu comme le plus important des processus biotiques. Il a été décrit comme tel notamment par Barcina et al. (1991), Irriberri et al. (1994), Gonzalez et al. (1992) et Menon et al. (1996, 2003).

Les processus physiologiques font référence à la réponse cellulaire de ces bactéries face aux conditions stressantes rencontrées dans ce nouvel environnent. Les paramètres environnementaux responsables des conditions stressantes sont entre autres: la température de l’eau, la lumière solaire, la carence en nutriments et la salinité (lorsque que le rejet a lieu dans des eaux saumâtres ou marines). La réponse cellulaire à la carence nutritive consiste pour les bactéries à devenir plus hydrophobes, plus adhésives et plus petites (Kjelleberg et al., 1987). Soumises à des conditions de stress, elles montrent des changements dans la composition de leurs acides gras et protéines de membrane et diminuent leur contenu en ARN (Gauthier et al., 1989, Nedwell, 1999). Certains auteurs (Kjelleberg et al., 1993; Smith et al. 1994; Ravel et al., 1995; Trousselier et al. 1998; Rozen et Belkin, 2001; Oliver, 2005) suggèrent que l’entrée dans un stade VBNC ou ANC serait également une réponse à ces conditions stressantes.

Dans les milieux aquatiques, les divers paramètres physico-chimiques et biologiques évoqués précédemment combinent leurs actions, il est donc très difficile de reproduire en laboratoire ce qui se passe dans l’environnent. En conséquence, les protocoles expérimentaux utilisés par différents chercheurs pour appréhender ces processus sont très différents et difficilement comparables: ils diffèrent de par : (i) les conditions expérimentales utilisées (études en microcosmes, en chambres de diffusion, mesures directes dans les cours d’eau), (ii) le type d’inoculum bactérien utilisé (souche pure, mélange de souches pures ou bactéries provenant d’un environnement aquatique riche en bactéries fécales comme les eaux usées) et (iii) par les

VI.ÉTUDE DES PROCESSUS

méthodes de dénombrement des bactéries (cultures, méthodes enzymatiques, moléculaires). Par ailleurs, certains protocoles expérimentaux qui essayent de quantifier un par un l’influence des différents facteurs, ne prennent pas en compte les interactions entre ceux-ci qui se produisent dans le milieu naturel.

A titre d’exemple, une étude menée par Noble et al. (2004) pour évaluer l’effet de différents facteurs (température, carence de nutriments, concentration en MES, lumière et concentration

bactérienne) sur des E. coli et des entérocoques dans des eaux douces et marines suggère que

les deux facteurs principaux pour l’inactivation de ces organismes (mesurée par mise en culture) seraient la température et la lumière. Nous allons prendre ces deux exemples pour illustrer la complexité de l’interprétation des données disponibles.

Les études sur l’effet de la température présentent des résultats contradictoires : certaines études montrent qu’une température élevée peut favoriser la survie des bactéries fécales dans les eaux naturelles (Oliver et al., 1995), d’autres montrent qu’une augmentation de température entraîne un accroissement de la mortalité des bactéries fécales (Barcina et al., 1986; Rollins and Colwell, 1986; Korhonen and Martikainen, 1991; Sorensen, 1991). Ces différences s’expliquent par les conditions expérimentales différentes utilisées dans les diverses études. En présence de la microflore naturelle incluant les protozoaires brouteurs de bactéries, une baisse de température diminue sensiblement le taux de disparition des bactéries fécales (Anderson et

al., 1983 ; Barcina et al., 1986; Flint, 1987 ; Rhodes and Kator, 1988). En fait, ce ne sont pas

les bactéries fécales elles-mêmes qui sont affectées par la température mais bien le broutage par les protozoaires qui est ralenti aux faibles températures. En l’absence de la microflore naturelle, la température a, selon les auteurs, un effet favorable ou pas d’effet sur la survie des bactéries fécales (Barcina et al., 1986 et 1991; Korhonen et Martikainen, 1991 ; Oliver et al., 1995). En milieu naturel, l’effet indirect de la température domine son effet direct sur les bactéries fécales.

La lumière est l’autre facteur souvent mentionné comme primordial dans la disparition des bactéries fécales surtout dans les milieux marins (Trousselier et al., 1998; Sinton et al., 1999, 2002; Rozen and Belkin, 2001). Le rayonnement solaire est reconnu depuis longtemps comme bactéricide (Fujioka et al.,1981) mais un bon nombre d’auteurs (Barcina et al., 1990; Davies and Evison, 1991; Arana et al., 1992; Curtis et al., 1992; Gourmelon et al., 1994; Troussellier et al. 1998; Muela et al., 2000; Petit et al., 2000) s’accordent à dire que la lumière influence

surtout la cultivabilité et provoque l’entrée des bactéries fécales dans le stade VBNC ou ANC. L’impact de la lumière sur les bactéries fécales est très « site dépendant » . En effet, il dépend : (i) de l’intensité de l’irradiation solaire ; (ii) de la profondeur du milieu aquatique considéré, l’effet de la lumière sur l’ensemble de la colonne d’eau décroissant en effet avec sa hauteur; (iii) de la pénétration de la lumière dans la colonne d’eau qui est atténuée par la présence de MES et de matières organiques dissoutes, telles que les acides humiques (Davies and Evison 1991; Pommepuy et al., 1992; Arana et al. 1992 Curtis et al. 1992 Dupray et al., 1993; Muela et al. 2000).

A côté des effets de la température et de la lumière décrits ci-dessus, la carence en nutriments, la salinité et le pH ont également un impact sur l’état physiologique des bactéries fécales rejetées dans le milieu aquatique.

Les mécanismes moléculaires impliqués dans la réponse cellulaire au stress commencent à être bien connus. Roszen et Belkin (2001) mentionnent un certain nombre de publications qui

abordent les mécanismes moléculaires contrôlant l’adaptation de E. coli aux conditions

marines. Il en ressort que le gène le plus important est le gène rpoS (Munro et al., 1995;

Gourmelon et al., 1997; Troussellier et al., 1998). Ce gène code pour le facteur sigma (σs

) qui régule l’expression d’une cinquantaine de gènes impliqués dans la réponse à différents stress

(Loewen et al., 1998). Une mutation dans ce gène réduirait significativement la survie des E.

coli dans l’eau de mer par comparaison avec une souche sauvage (Munro et al., 1995).

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