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Les méthodes de l’éducabilité cognitive

1. DE LA PEDAGOGIE A L’ANDRAGOGIE

1.3. Les méthodes nouvelles d’apprentissage et leurs spécificités pour le public adulte

1.3.1. Les méthodes de l’éducabilité cognitive

Partant du principe que les conduites intelligentes peuvent s'apprendre, l'éducabilité cognitive regroupe

toutes les méthodes qui visent au développement du potentiel intellectuel. Les outils utilisés sont

principalement des exercices de logique. Nous avons rapidement cité ces méthodes dans la section

précédente, l’encadré (7) qui suit en expose un peu plus explicitement les fondements, tenants et

aboutissants.

Notons dès à présent – comme cela se comprendra aisément dans le fil des descriptions de ces pratiques –

que si elles visent essentiellement les adultes, elles concernent presque exclusivement ceux de bas niveau

scolaire et de bas niveau de qualification. Elles sont mises en place à l’attention d’individus ayant quitté

l’enseignement depuis longtemps : il s’agit de les « réinsérer » dans des processus d’apprentissage, de leur

(ré)apprendre à penser, à faire des abstractions, etc.

Encadré 7. Les méthodes d’éducabilité cognitive

La méthode de gestion mentale d’Antoine de la Garanderie - L’idée développée est que chaque apprenant utilise des

stratégies particulières pour apprendre et qu’il est nécessaire d’en tenir compte pour faciliter son apprentissage en

proposant les enseignements adaptés aux fonctions qu’il met en avant. L’auteur part du principe selon lequel la

cognition s’établit selon trois sens - qui permettent de distinguer trois types d’individus : les visuels, les auditifs et les

kinesthésiques. On en déduit ainsi que certains retiendront mieux s’ils voient, d’autres en fonction de ce qu’ils

entendent ; d’autres enfin auront besoin de toucher, de manipuler pour faire fonctionner leur mémoire et retenir

l’apprentissage.

Les pratiques d’apprentissage alors mises en œuvre vont tenir compte des facultés prioritairement utilisées par

l’apprenant, amenant ainsi le formateur à privilégier comme support, selon les cas, des graphiques et schémas

explicatifs, l’explication orale, des objets permettant la compréhension du phénomène exposé.

Les ateliers de raisonnement logique (ARL) – prennent essentiellement la forme d’exercices de raisonnement

mathématiques et logiques. Ils sont pratiqués seuls ou en groupe et visent en quelque sorte à déclencher et développer

les capacités d’abstraction, de raisonnement des individus. Ils sont plutôt pratiqués en cours du soir sur la base de

modules de 40 heures, sur 6 à 8 semaines.

De la même façon, la méthode de Mialet est un système de manipulation logico-mathématique de cubes destiné à

favoriser les capacités d'abstraction de l’individu en phase de remise à niveau ou de préparation à une formation

professionnelle. Ces méthodes se déroulent le plus souvent sur une journée par semaine pendant 4 à 8 semaines.

Enfin, dans le PEI - Programme d'enrichissement instrumental – de Reuven Feuerstein, il s'agit là encore

essentiellement d'exercices de logique - à destination d’adultes en requalification professionnelle et on compte

généralement la formation sur un créneau de 100 à 200 heures. L’objectif visé est de pouvoir doter le sujet de

démarches cognitives performantes lui permettant d’analyser son environnement et d’acquérir des stratégies de

résolution de problèmes

32

.

Outre ces quatre principales méthodes (re)connues de remédiation cognitive, il existe aussi la méthode appelée

Activolog - Activation et développement du raisonnement logique. Il est là encore question d'exercices de numération

et de logique ; ils se veulent cependant plus proches de la vie professionnelle – et sont plus spécifiquement destinés

aux adultes de bas niveau de qualification confrontés à l'introduction de nouvelles technologies. La formation se

déroule sur une base de 40 à 60 heures.

La méthode Tanagra, quant à elle, propose un entraînement individuel au raisonnement logique suivi d’une discussion

en groupe. La formation se déroule sur 5 à 10 jours et le public ciblé est essentiellement celui des adultes apprenant

une nouvelle technique faisant appel à la logique informatique (pour de la comptabilité par exemple).

En fait, la catégorie de méthodes dites « d'éducation cognitive » n'est pas strictement définie. Certains

peuvent vouloir y intégrer des pratiques dont le but principal est l'acquisition de connaissances (comme les

mathématiques) ou de savoir-faire généraux (comme la lecture). D'autres vont chercher à y inclure des

pratiques visant au développement personnel (facilitation de la communication, établissement d'une image

positive de soi en sont les principaux indicateurs). Ce qu’il faut noter avant tout c’est que les formations

calquées sur ces méthodes ne semblent pas à même de se formaliser comme étant une fin en soi ; elles

constituent seulement une étape, une pré-formation, un apprentissage à l’apprentissage qui vise plus en fait

à préparer l’individu à suivre une formation. Sommairement dit, l’individu qui sort de ce type de formation

n’aura pas acquis de connaissances (au sens large – savoirs et savoir-faire) immédiatement « praticables »

32. Ce programme, appliqué en formation d'adultes commence aussi à trouver ses applications dans le système

scolaire. Il a notamment été utilisé aux États-Unis dans le cadre de programmes « d'éducation

compensatoire » destinés à lutter contre la pauvreté et la discrimination et visait essentiellement à améliorer

la réussite scolaire et donc à faciliter l'intégration des enfants issus des minorités noire et hispanique. Il

comportait donc un versant social et un versant psychopédagogique.

et formalisables sur son lieu de travail par exemple ou dans sa vie quotidienne. En revanche, il doit pouvoir

y acquérir les stratégies qui lui faciliteront ses apprentissages futurs.

Que dire de ces méthodes ?

Ces méthodes prônent avant tout la valorisation des processus métacognitifs - c'est-à-dire les

procédures de contrôle et de régulation que le sujet met en œuvre sur son propre

fonctionnement mental et la connaissance qu'il a de ce fonctionnement. On le considère donc

maître de son apprentissage et pouvant agir sur sa façon d’apprendre et trouver ainsi sa

formule d’apprentissage personnelle.

On appuie aussi fortement sur le rôle de médiateur que joue le formateur. Ainsi, revient l’idée

que l'apprentissage n'est pas seulement le résultat de l'interaction entre le sujet apprenant et le

monde physique ; il provient aussi et surtout du rôle joué par l'enseignant qui vient

s'intercaler entre le monde physique et le sujet et qui oriente l'activité mentale de ce dernier

en adaptant par exemple le niveau de difficulté des tâches, en maintenant l'attention, en

facilitant l'évaluation des résultats et par là même facilite le processus d’apprentissage auquel

l’individu s’adonne.

Autre point important relatif à ces méthodes d’apprentissage : elles valorisent les processus

d’acquisitions plutôt que les connaissances – et en ce sens s’opposent totalement à la

pédagogie classique. En effet, si celle-ci considérait qu’il fallait acquérir des connaissances

pour devenir plus intelligent, il semble au contraire que l’éducabilité cognitive joue à

l’inverse : il faut devenir plus intelligent pour pouvoir acquérir de nouvelles connaissances.

Maintenant, l’application peut paraître plus discutable. Ce développement intellectuel, tel

qu’il est conçu dans ces méthodes s’acquiert pour ainsi dire exclusivement au travers

d’exercices de logique. Et, lorsque les exercices consistent par exemple à repérer un carré ou

un triangle dans un nuage de points (dans la méthode du PEI notamment), on a plutôt le

sentiment d’une infantilisation et on peut douter de la plus-value que l’individu y trouvera et

de la motivation qu’il aura à poursuivre un processus d’apprentissage. Il n’est, en outre, pas

sûr du tout que les capacités spécifiques acquises soient généralisables et puissent donc

donner lieu à une ‘augmentation d’intelligence’ – si tant est que l’intelligence soit le seul

élément à prendre en considération lorsqu’il est question d’enrichir ses connaissances,

capacités et/ou aptitudes.

Considérant le nécessaire développement intellectuel à acquérir, ces méthodes ont en effet la

particularité de ne prendre en compte que la cognition et de laisser largement de côté les

facteurs de motivation et d’auto-estime comme source potentielle de réussite. Ainsi, plutôt

que de considérer que la confiance en soi, la motivation, etc. facilitent l’apprentissage et sa

réussite, les concepteurs des méthodes d’éducation cognitive estiment que les effets positifs

éventuels sur la personnalité des sujets (par exemple une meilleure image d'eux-mêmes) ne

sont que la conséquence des progrès cognitifs. Tous les travaux menés sur le rôle de la

motivation, de la confiance en soi sont totalement ignorés.

Enfin, les liens étroits qu’il peut exister entre les procédures cognitives et les connaissances

auxquelles elles s’appliquent ne sont pas prises en compte. Il est pourtant permis de penser

que l’individu apprendra plus facilement quelque chose qui l’intéresse et que donc, le niveau

de développement cognitif des individus et leurs capacités de mémorisation ne seront pas les

mêmes selon les contenus des connaissances à mémoriser.

Ces divers éléments enjoignent donc plutôt à penser que l’efficience cognitive (c’est-à-dire le rendement -

généralement évalué par les performances dans les tests d’intelligence) de l’application en formation de ces

diverses méthodes et pratiques est de peu d’effets. Elles n’apportent souvent qu’une plus-value peu

significative et ne tiennent en outre pas compte de la personnalité de l’apprenant. Elles peuvent cependant

l’aider à retrouver des stratégies de pensée et des modes de fonctionnement facilitant l’entrée dans un

processus de formation, et, de ce fait, restent souvent – suivant la population ciblée (car il faut aussi noter

une certaine stigmatisation du public) - à la base des nouvelles méthodes d’apprentissage pour les adultes.

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L’éducabilité cognitive est une méthode plus spécifique à l’apprentissage

des adultes (de bas niveau d’instruction le plus souvent). Elle permet

effectivement de « remettre le pied à l’étrier » dans le processus

d’apprentissage et d’inviter l’apprenant à un rôle actif.

Elle ne donne cependant pas en elle-même un véritable produit

d’apprentissage et laisse de côté toutes les caractéristiques individuelles de

l’apprenant (motivation, intérêt cognitif) et toutes les variables également

opérantes (relation de groupe, relation pédagogique, etc.) dans le processus

d’apprentissage.

Il semble plus probant et bénéfique que l’apprentissage ait une finalité

concrète.

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