3. LES ELEMENTS NECESSAIRES A L’APPRENTISSAGE
3.1. La motivation de l’apprenant pour une démarche active et volontaire
3.1.2. L’appréhension des autres et la motivation de l’individu face au groupe
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L’image que l’individu apprenant a de lui et de ses capacités
d’apprentissage et d’intégration au groupe conditionne ses chances de
réussite.
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3.1.2. L’appréhension des autres et la motivation de l’individu face au groupe
On doit la plupart des travaux relatif à l’interaction individu / groupe et ses effets sur la motivation de
l’individu et sur les processus d’apprentissage à la psychosociologie dont l’objet - en matière
d’apprentissage – est de porter un regard sur le groupe en formation. De précédents travaux avaient
cependant été menés notamment par Vygotsky (pour les enfants) signalant que c’est la mise en synergie
des pôles collectifs et individuels qui provoquent et favorisent l’apprentissage et les progrès de l’individu.
Les études réalisées montrent qu’il y a une intrication de tous les acteurs dans la situation de classe ou de
stage. Le regard des autres, l'interaction sociale sont des facteurs puissants de motivation et d'explication
des apprentissages
50.
À partir des divers travaux réalisés à ce sujet, on prend conscience, qu’outre la motivation personnelle de
l'individu, entre en ligne de compte la perception qu'il a de ce que les autres pensent de lui. À l'auto-estime
et estime de soi, s'ajoute et prend corps, dans la démarche d'apprentissage, l'image qu'il pense que les
autres membres du groupe ont de lui. Cette notion correspond en quelque sorte à la self fulfiling prophecy
de K. Merton ou prophétie autoréalisatrice qui développe l’idée, par exemple, qu’à force de s'entendre dire
que l'on est incapable, on le devient !
Outre l’image de soi que renvoie le groupe, le regard porté par l’individu sur son groupe peut jouer sur sa
motivation et ses chances de réussite. La situation sociale
51dans laquelle on le place lors de la session
d'apprentissage a une influence majeure sur ses capacités d'acquisition : on note en effet des renversements
de performances (encadré 14) sous l'effet de ces modifications sociales qui semblent pourtant mineures
(Monteil, 1993).
49. Zimmermann et al., (2000) montrent, entre autres, qu’une perception juste de ses compétences améliore les
performances du sujet, alors qu’une mauvaise évaluation entraîne des stratégies défensives comme
l’apathie. Lorsque « la perception juste » n’est pas possible, il semble plus bénéfique de se surévaluer que
de se sous-estimer.
50. Cette section ne s’intéresse qu’aux relations de l’individu avec ses « congénères » de formation, la relation
qui s’instaure entre l’apprenant et le formateur sera traitée plus spécifiquement en section 3.3.
51. Les situations où il y a comparaison des résultats des apprenants par exemple créent une certaine
compétition ou crainte d’être déprécié qui poussent l’individu à de plus gros efforts d’apprentissage qu’une
situation plus anonymante ou individuante.
Encadré 14. Écart de réussite entre travail individuel et travail en groupe
L’expérience a été menée sur un exercice de mathématique. L’évaluation est faite sur l’exercice
exécuté de manière individuelle et le même type d’exercice réalisé en groupe :
Sur 704 sujets qui n’avaient pas réussi l’exercice en individuel, 287 – soit près de 30 % - le
réussissent en groupe.
Situation étonnante : lorsque l’on constitue un groupe avec tous ceux qui, en individuel, avaient
échoué, on constate que, en groupe, 24 % réussissent.
Interprétation des résultats : les apprenants mis en situation groupale ne tiennent pas des propos
linéaires et déductifs comme le ferait un enseignant ou un formateur ; ils s’interrogent et interrogent
les autres, réfutent les propositions qui leur semblent fausses et avancent ainsi plus rapidement.
(Pléty, 1996)
Aussi, doivent être pris en compte autant les faits objectifs que leur représentation collective considérant
que la façon avec laquelle on définit une situation sociale crée la dite situation. Un des premiers points à
prendre en compte est que l’apprentissage est souvent plus efficace lorsqu’il se produit en groupe et que ce
groupe est amené à échanger comme le montre l’expérience menée par Lewin (encadré 15).
Un autre élément à envisager dans tout processus d’apprentissage est de pouvoir composer des groupes
relativement homogènes. Cela s’avère cependant assez difficile, voire périlleux car il faut aussi savoir et
pouvoir éviter les ghettos. Les études montrent que si l'on regroupe des élèves faibles, ils deviennent
encore plus faibles ; il est donc aussi nécessaire de maintenir les échanges et interactions entre des élèves
de niveaux et de profils différents.
Encadré 15. Le groupe comme facteur de changement
Expérience menée par K. Lewin aux États-Unis pendant la 2
ndeguerre mondiale où il s’agit de
motiver les ménagères à consommer plus d’abats compte tenu des pénuries alimentaires.
Deux démarches de formation ont été tentées :
la première consiste à utiliser la technique classique de la conférence qui cherche à persuader
les auditeurs de l’utilité de consommer plutôt ces produits,
la seconde réunit les ménagères en petits groupes et leur propose de débattre librement du
problème.
La première méthode n’entraîne un changement d’habitudes alimentaires que pour 3 % des
auditrices alors que la seconde méthode en provoque pour 32 %.
Cette expérience montre que 1. la libre discussion entraîne une plus grande implication et favorise
l’adoption de nouvelles normes et surtout 2. il est plus facile de modifier des représentations, des
attitudes et des comportements en groupe qu’individuellement.
(Marc, 1996)
Il apparaît que les échanges entre membres du groupe sont conséquents pour diverses raisons. D’abord
parce qu’ils permettent à l’individu de se situer – et surtout de se situer sur un pied d’égalité avec les autres
membres du groupe – gardant en mémoire qu’il est souvent indispensable que le groupe formé soit
homogène, aussi bien du point de vue de son niveau que des objectifs fixés. Ensuite, les échanges entre
membres d’un groupe permettent de mettre en lumière les différentes façons d’aborder un même problème
et en facilitent plus souvent la résolution. Un des exemples types de cette démarche est le groupe initié par
Balint (qui s’est surtout intéressé aux médecins) qui consistait à donner l’occasion à ces médecins réunis de
réfléchir collectivement sur leurs relations aux malades et à la maladie. La discussion menée à la suite de
l’évocation d’un cas amène chaque participant à se positionner et à comprendre en quoi sa propre
démarche est influencée par sa personnalité et contraste par rapport à d’autres.
Malgré les divers avantages évoqués, il faut aussi noter quelques inconvénients sur la motivation relatifs à
la constitution de groupes et son effet sur l’individu, sa motivation à poursuivre sa formation et la réussite
de son apprentissage.
On retrouve souvent dans chaque groupe des individus qui joueront un rôle particulier, voire central, dans
la bonne conduite de la formation et pourront motiver plus ou au contraire pousser au repli certaines
personnes
52.
Redl (1972) distingue dans le groupe, cinq types particuliers d’individus et de comportements :
« l’organisateur » qui permet la satisfaction de certains besoins au sein du groupe et qui, en
quelque sorte, « mène la barque » ; les autres suivent sans fournir d’effort particulier ;
le « séducteur » qui prend les initiatives permettant aux autres membres du groupe de
satisfaire des besoins particuliers (revenir sur une question ou souffler un peu) ;
le « héros » qui permet au groupe d’oser se révolter si quelque chose dans la formation est
considéré inadapté ;
le « bon exemple » qui sert de modèle auquel chacun va tenter de se conformer ;
la « mauvaise influence » qui va stimuler chez les autres membres du groupe des attitudes
négatives.
L’évocation de cette contrainte particulière liée aux relations de groupe ne permet cependant pas de
formuler une recommandation particulière. On ne peut guère préjuger à l’avance du comportement des
individus et ainsi que l’évoque Marc (1996) le comportement en collectivité d’un individu est parfois fort
différent de son comportement individuel.
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Si l’apprentissage est une appropriation personnelle de savoirs, le groupe
dans lequel est placé l’individu apprenant et sa structuration interfèrent aussi
dans la démarche d’acquisition de l’apprenant et modifient ses attitudes
d’apprentissage.
Il est indispensable de tenir compte du groupe et de sa constitution dans
tout processus d’apprentissage.
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52. Le formateur – qui joue parfois effectivement le rôle central de la formation – n’est pas considéré ici ; il
sera abordé plus spécifiquement dans la section 3.3.
La structure spatiale dans laquelle s’organise et prend place le groupe joue également un rôle non
négligeable pouvant intervenir sur la motivation de l’individu et ses possibilités d’aboutir à un
apprentissage positif. Ainsi, tout en étant « finalisée », apprendre reste une action ouverte en ce qui
concerne les formes et les démarches et, surtout, une action largement déterminée par la structure du
système qui le réalise. Ce sont ce système et ce contexte qui seront étudiés dans la section suivante.
Dans le document
Pédagogie et apprentissage des adultes. An 2001. Etat des lieux et recommandations
(Page 56-59)