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Méthodes innovantes de traitement post-infection

Chapitre 1 – Etat de l’Art

V. Pratiques agronomiques et stratégies de lutte contre l’Esca

V.5. Méthodes innovantes de traitement post-infection

Les méthodes présentées ci-dessous ont fait l’objet d’essais terrains menés par la profession viticole. Certaines expérimentations n’incluent pas de témoins non-traités et ne peuvent donc être validées par la communauté scientifique. En Europe, l’Esca représente la maladie de dépérissement la plus répandue. L’unique moyen de diagnostic disponible à l’heure actuelle, consiste à noter la présence de symptômes foliaires caractéristiques, qui peuvent ne pas réapparaître d’une saison sur l’autre. A ce titre, la validation scientifique des résultats obtenus au champ nécessite plusieurs années d’expérimentations consécutives. Un historique détaillé de l’état sanitaire des ceps de la parcelle d’étude, constitue également un élément clé, car il permet de sélectionner des individus représentatifs. L’intérêt majeur de ce type d’expérimentation est de renseigner la communauté scientifique sur les contraintes d’application pratiques des différentes solutions de contrôles testées par la profession.

V.5.1. Injections de peroxyde d’hydrogène dans le tronc des ceps

L’injection de solutions de traitement dans le tronc des ceps, permet d’envoyer les principes actifs au contact des agents pathogènes vasculaires via les vaisseaux conducteurs de sève. Cette technique a été testée sur des plants infectés par MDB en Italie et en France via l’utilisation de triazoles, de fosetyl-Al et d’acide 2-hydroxybenzoic [231,331,332].

D’autres expérimentations menées en France, en Espagne et au Portugal, ont mis en pratique l’injection de 3 à 4 ml de peroxyde d’hydrogène dans le tronc de ceps infectés. De bons résultats ont été rapportés par la profession, bien qu’aucune expérimentation scientifique n’ait permis de confirmer l’efficacité de ce traitement. Plusieurs études menées en pépinière et in vitro n’ont révélé aucun effet direct du peroxyde d’hydrogène sur les agents pathogènes impliqués dans les maladies du bois de la vigne [286,321,333].

V.5.2. Insertion de fongicides dans le tronc des ceps

Différentes molécules antifongiques ont été testées in vitro et au vignoble telles que l’acide salicylique, associées à des fongicides systémiques capables d’emprunter les trajets de sève [334]. Parmi elles, le prothoconazole, le tebuconazole, le fluozinam et le thiphanate s’avèrent particulièrement efficaces contre Pch, Pmin et contre les Botryosphaeriaceae [42,293]. Néanmoins, certains auteurs, ont montré que l’injection de fongicides dans le tronc permettait de réduire la fréquence d’apparition des symptômes foliaires sur le court terme, mais n’avait aucun effet sur les nécroses internes du bois [331,332,335].

V.5.3. Insertion d’inocula de Trichoderma spp. dans le tronc des ceps

En Espagne, pour lutter contre les symptômes d’Esca, une méthode utilisant des tiges en bois préalablement inoculées par Trichoderma spp. puis insérées dans le tronc de ceps infectés par l’Esca, a été testée [286]. Au printemps, une surface d’environ 2-3 cm2 d’écorce est retirée du tronc des ceps infectés, puis est perforée pour y insérer les tiges inoculées par

Trichoderma spp. En pratique, trois inoculations sont réalisées, une à la base du tronc et deux

au niveau des bras. L’efficacité de cette technique repose à la fois sur l’effet antagoniste de

Trichoderma spp. sur les agents pathogènes, ainsi que sur sa capacité à induire une réponse

de défense du cep [336–338]. Néanmoins aucune réduction significative de l’incidence de l’Esca ou de l’apparition de symptômes foliaires n’a été mise en évidence chez les ceps traités.

V.5.4. Insertion de clous en cuivre dans le tronc des ceps

Afin de limiter le développement des nécroses dans le bois de ceps infectés, une méthode, basée sur l’’insertion de clous en cuivre au niveau du tronc a été testée dans des vignobles de la région de Galice (Espagne) [286]. Les décolorations autour de la zone d’insertion, observées par les viticulteurs suggèrent une diffusion lente et constante de cuivre dans la plante. Les propriétés antifongiques et bactéricides du cuivre permettraient de limiter la formation d’amadou au niveau des zones d’insertion mais l’efficacité de cette méthode n’a pas encore été validée par la communauté scientifique. En complément, des expérimentations seront nécessaires pour identifier: le nombre de clous requis ; leurs positions optimales sur le cep ; ainsi que les risques potentiels de toxicité pour le plant traité et son environnement.

V.5.5. Endothérapie végétale

Une méthode innovante d’endothérapie, potentiellement curative, est actuellement en cours de développement, et fait partie d’un brevet international pour l’utilisation du sous-salicylate de bismuth et ses dérivés comme agents phytopharmaceutiques [339]. Ce composé, utilisé à la base dans la médecine humaine, est capable d’inhiber de manière significative la croissance de différents agents pathogènes dont N. parvum mais permet également de limiter significativement la formation et l’expansion des nécroses dans des échantillons de bois artificiellement inoculés par N. parvum.

L’endothérapie végétale, autorisée en France depuis 2014, est régulièrement utilisée en culture fruitière dans la lutte contre les agents pathogènes du pommier et de l’avocatier [340,341] mais aussi en zones urbaines [342] car elle présente de nombreux avantages sur le plan environnemental. En effet, par comparaison à une pulvérisation classique, cette technique permet une réduction des doses de traitement et limite la dérive des produits dans le sol, l’air et l’eau, réduisant ainsi l’impact sur les organismes non ciblés [343].

Sur la vigne l’endothérapie consiste à percer un trou verticalement dans le tronc des ceps infectés afin d’atteindre et de traiter directement l’amadou en y injectant des molécules fongicides tel que le salicylate de bismuth [344]. Cette méthode, comparable à un « curetage chimique » permettrait de cibler les zones de prolifération des champignons pathogènes responsables de la formation de nécroses tels que Fm. Des premiers tests en vignobles, réalisés en 2018 ont montré une tendance assez prometteuse puisque les conditions d’expérimentation ont conduit à une réduction de l’expression des symptômes foliaires pouvant aller jusqu’à 50% sur certains cépages et pieds traités en comparaison avec des témoins. Ces tests seront renouvelés et suivis sur le long terme afin de confirmer ces résultats préliminaires [343].