• Aucun résultat trouvé

Métabolites secondaires impliqués dans la pathogénicité

Chapitre 1 – Etat de l’Art

III. Caractérisation du pathosystème associé à l’Esca

III.4. Métabolites secondaires impliqués dans la pathogénicité

Il a été démontré que les champignons responsables de l’Esca produisent des métabolites secondaires phytotoxiques, potentiellement impliqués dans l’apparition des symptômes foliaires et le développement du dépérissement [38,169,170]. La synthèse de ces métabolites nécessiterait néanmoins, une longue période de colonisation préalable des champignons pathogènes [171]. Ces molécules, produites dans le bois des ceps infectés, seraient ensuite véhiculées par la sève brute du xylème et s’accumuleraient dans les feuilles et les fruits, provoquant l’apparition de symptômes [172,173].

Différents taxons microbiologiques ont été isolés à partir de ceps infectés par l’Esca et ont permis d’identifier et de caractériser les métabolites phytotoxiques produits par Pch, Pmin et Fm. Après purification, les différents composés isolés ont été testés sur des

protoplastes, des cals ou des feuilles prélevées sur des vignes infectées. Pch secrète des scytalones, des isosclérones, des composés phénoliques, des lactones et des acides benzoïques [143,172,174]. Pmin secrète également différents métabolites secondaires toxiques tels que des naphtalénones, des scytalones, des isosclérones, des flaviolines, la juglone (hautement toxique pour les plantes [175]) et des composés phénoliques [172,174,176]. Ces deux champignons produisent aussi des polysaccharides et des exopolysaccharides mais leur activité phytotoxiques n’a pas encore été démontrée [97,118,172]. Fm quant à lui produit différents métabolites secondaires dont des composés phénoliques, des composés terpéniques et du benzopyrane [174,177]. Par ailleurs, E. lata et différentes espèces de la famille des Botryosphaeriaceae produisent également une grande diversité de métabolites phytotoxiques [178] susceptibles d’aggraver le dépérissement des ceps infectés par l’Esca.

III.4.1. Mode d’action des toxines

Les naphtoquinones sont des métabolites cytotoxiques [179] capables d’inhiber les réactions de défense de la plante [180]. Le mode d'action de ces toxines produites par Pch et Pmin provient de leur pouvoir oxydant. La scytalone et l’isosclerone causent la peroxydation des lipides membranaires, connue pour intervenir dans le mécanisme de sénescence foliaire [181]. Des polypeptides toxiques, liés à l’augmentation du taux d'anthocyanine dans les feuilles pourraient également être impliquées dans ce processus de sénescence précoce [173]. Bien que la nature toxique de ces métabolites secondaires ait été démontrée, les mécanismes sous-jacents à l’apparition des symptômes foliaires n’ont pas été élucidés.

III.4.2. Enzymes de dégradation du bois

Les enzymes produites par les agents pathogènes responsables de l’Esca dégradent le bois et décomposent les molécules antimicrobiennes secrétées par la plante [173]. Toutefois, bien que Pch et Pmin partagent une même niche écologique, la caractérisation de leur activité enzymatique révèle des stratégies de colonisation bien distinctes [2]. Pch et Pmin, présentent

peroxydases et sont capables d’utiliser l’acide tannique et le resvératrol, deux composés antifongiques naturellement présents dans le bois des vignes, comme source de carbone [2,173]. Cependant, d’autres activités enzymatiques impliquées dans la digestion des parois cellulo-lignifiées (xylanases, endo- β-1,4-glucanases, exo- β-1,4-glucanases, glucosidases, lignine peroxydase) ont été uniquement retrouvées dans les milieux de culture contenant Pmin [2,142]. Bien que l’activité enzymatique de Pch ne lui permette pas de dégrader les parois cellulaires, il possède une activité pectinolytique [144,182] qui lui permet de progresser dans les vaisseaux du xylème, même en cas d’occlusions vasculaires, la pectine étant le composant principal des gels et tyloses qui forment ces occlusions [144,145,173,182].

Fm excrète différentes enzymes de nature lignolytique (laccases, peroxydases, phénol-oxydases) [38] et cellulolytiques (β-glucosidases, 1,4-β-glucanases) [183] lui permettant de compléter la dégradation des tissus amorcée par Pch et Pmin, jusqu’à la formation d’amadou. D'autres agents pathogènes associés à l’Esca sont capables de sécréter une large gamme d'enzymes qui dégradent les parois cellulaires végétales [184]. A titre d’exemple, E. lata est connu pour cibler des polymères riches en glucose et produit des enzymes extra-cellulaires telles que des cellulases, des xylanases, des 1,3-β-glucanases, des chitinases, des protéases [185] et des lignine-peroxydases [186].

III.4.3. Action des bactéries

Chez la vigne, des bactéries ont été isolées dans l’ensemble des organes du cep, dont le bois, et leur capacité à se propager des racines jusqu’aux parties aériennes à été démontrée [187–190]. Certaines bactéries sont capables de promouvoir le développement mycélien [191] et pourraient jouer un rôle dans le dépérissement à l’Esca. D’autres, au contraire, possèdent des propriétés bénéfiques pour la plante et permettraient de limiter la colonisation de certains agents pathogènes [189,192,193]. A ce jour, plus de 200 espèces bactériennes différentes ont été isolées à partir de bois sains et nécrotiques prélevés sur des vignes symptomatiques de l’Esca, dont majoritairement des Bacillus, des Pantoea, des

Sphingomonas, des Erwinia et des Curtobacterium [123]. La répartition des différentes

asymptomatiques comportent principalement des Endobacteriales et des Xanthomonadales alors que, dans les tissus nécrotiques les Bacillales sont majoritaires.

D’après Bruez (2013) [119] et Haidar et al. (2016) [194], les espèces isolées suggèrent que certaines pourraient avoir un rôle dans la protection du végétal, d’autres dans la dégradation des structures du bois, e.g. de la cellulose et hémi-cellulose, préparant ainsi le terrain aux champignons impliqués dans la dégradation des tissus ligneux, déjà présents à l’intérieur des ceps. Cependant, peu de données existent sur la répartition de ces différentes espèces de champignons dans le vignoble français, ou de manière plus fine sur leur distribution au niveau d'une plante. Des tests in vitro, ont mis en évidence l’effet inhibiteur de certains métabolites produits par Bacillus subtilis (souche AG1) sur la croissance de Pmin et Pch [195]. De nombreux travaux ont par la suite porté sur la caractérisation des bactéries capables de contrôler les espèces fongiques associées à l’Esca, in vitro, in planta et au champ [4,37]. A ce jour aucun produit commercial à base de bactéries, permettant de contrôler l’Esca au vignoble, n’a été homologué.