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plusieurs bicouches ou unilamellaires si une seule bicouche est présente. Dans ce dernier cas, trois types existent ; les petites vésicules unilamellaires (SUV) lorsque leur taille est inférieure à 100 nm ; les grandes vésicules unilamellaires (LUV) entre 100 nm et 1 µm ; et les vésicules unilamel-laires géantes (GUV) au-delà. Cette séparation est liée aux conséquences que leur taille induit sur leurs propriétés mécaniques, leur méthode d'obtention et leur domaine d'utilisation. En par-ticulier, la façon de les observer est diérente : contrairement aux autres, les GUV pourront être étudiées par microscopie optique.

Figure 1.2  Autoassemblage de phospholipides en solvant aqueux sous forme de bicouche puis de vésicule par repliement. Adapté de [131].

1.2 Les méthodes de formation des GUV

De nombreuses méthodes ont été développées pour fabriquer des vésicules, chacune répondant à un besoin spécique. Du fait de leur robustesse, la formation ecace et contrôlée de SUV et de LUV a connu une mise au point plus rapide. Par simple introduction de la pointe d'un sonicateur dans une solution de vésicules multilamellaires, il est possible de les convertir en SUV et en LUV [132], dont la taille dépend de la puissance et du temps d'exposition aux ultrasons [133]. Mais cette technique simple fournit une grand polydispersité en taille et il est courant d'extruder ensuite le mélange pour en homogénéiser la taille des vésicules [134]. Ceci est réalisé en faisant traverser la solution à travers une membrane nanoporeuse, dont la taille des trous déterminera la taille des vésicules.

Contrairement aux SUV, les GUV sont mécaniquement plus fragiles. Des méthodes distinctes ont du être développées. Même si un plus grand nombre de variantes existe [135], nous décri-vons ici les trois grandes catégories. Chacune possède des avantages et des inconvénients au niveau du contrôle de la taille, de l'unilamellarité, des quantités formées de GUV, ainsi que dans l'encapsulation possible et leur facilité de mise en oeuvre.

1.2.1 Par gonement d'un lm

Le gonement spontané

La première méthode qui a permis d'obtenir des vésicules géantes est celle du gonement spontané, imaginée en 1969 par Reeves et Dowben, encore appelée technique de l'hydratation douce [136]. Pour la réaliser, un solvant volatil contenant des phospholipides (classiquement du chloroforme) est déposé sur un substrat lisse, par exemple le fond d'un tube en verre. Un lm multilamellaire est formé après son évaporation (qui peut être forcée sous ux d'azote). Son épaisseur doit être de l'ordre de la centaine de nanomètres, ce qui correspond à quelques dizaines de bicouches. Une solution aqueuse est alors ajoutée et permet d'obtenir après quelques heures ou quelques jours d'incubation, des GUV à la surface du lm. La composition de la solution

est importante : elle contient généralement des sucres et des sels en faible concentration, de manière à ce que l'hydratation des bicouches puisse se faire de façon régulière et individuelle, pour éviter le gonement d'objet multilamellaires. L'agitation du milieu est proscrite, pour ne pas décoller les lms de façon trop violente. Cette méthode marche particulièrement bien pour les lms contenant un certain pourcentage de phospholipides chargés [137].

Da façon générale, le gonement spontané présente l'avantage d'être très simple à mettre en oeuvre et d'orir des possibilités d'encapsulation faciles et variées. Malgré tout, la tendance à la multilamellarité est forte (la fraction de véritables GUV ne dépasse pas la moitié [138]), de même que pour le polymorphisme (obtention de tubes et d'autres objets non sphériques). L'électroformation

Principe L'électroformation est d'une certaine manière une version améliorée du gonement spontané. Son principe est décrit Figure 1.3 et a été présenté à l'origine par Angelova et Dimi-trov en 1986 [139]. Ici en plus du gonement naturel auquel est soumis le lm de phospholopides, un champ électrique est appliqué perpendiculairement à l'électrode sur laquelle il a été déposé. La tension de quelques volts qui est appliquée favorise le décollement des bicouches les unes par rapport aux autres et permet la formation de vésicules unilamellaires en surface de la multi-couche. Celles-ci sont retenues au lm par un ou plusieurs tubules. L'extraction du liquide de la cellule d'électroformation sut à récupérer les GUV. Initiallement utilisée avec un champ élec-trique constant, l'application d'une tension alternative (environ 2 V, à 10 Hz) a montré plusieurs avantages [140], en particulier le fait d'obtenir une population de GUV plus homogène.

Figure 1.3  Schéma de principe de l'électroformation et de l'observation des GUV obtenues. a) La cellule de gonement est composée de deux électrodes en regard recouvertes d'ITO sur lesquelles a été déposé un lm de phospholipides. Le tout est baigné dans une solution de sucrose. b) Après application d'un champ électrique pendant au moins 2 heures, des vésicules ont goné sur les électrodes. c) Le contenu de la cellule d'électroformation est extrait. d) Une partie de cette solution est déposée dans un puits d'observation, en présence d'une solution de glucose isotonique de plus faible densité. e) Après une heure de sédimentation, les GUV reposent au fond du puits. f) Par microscopie à contraste de phase, plusieurs vésicules peuvent être observées dans un même plan.

1.2. Les méthodes de formation des GUV 99

(DOPC, DOPE, EPC [139], DOPS [141], DGDG [140], DMPC [139], DLPC [138], POPC [138]), avec des mélanges de ces molécules, ainsi qu'avec d'autres molécules amphiphiles comme des duplex de cyclodextrines [142]. Sa mise en oeuvre est relativement simple et a été réalisée avec diérents types d'électrodes (au départ du platine, plus couramment de l'oxyde d'indium et d'étain (ITO), mais aussi du silicium [143] et des substrats non conducteurs [144]) et des solutions de composition variable (en particulier la possibilité de la faire dans des conditions physiologiques [145]).

Les autres avantages de la méthode sont de fournir des vésicules particulièrement sphériques et unilamellaires, dont la membrane est très régulière. Par rapport au gonement spontané, le champ électrique améliore grandement leur unilamellarité [146, 138] : en moyenne plus de 95% des vésicules sont formées d'une unique bicouche et 80% sont absolument sans défaut (contre 40% pour le gonement spontané).

Tous les paramètres de l'électroformation (nature de l'électrode, composition et structure du lm de phospholipides, température, fréquence et intensité du champ électrique, composition de la solution de gonement, temps de gonement) ont une inuence sur le nombre, la taille et la polydispersité nale des GUV. La distinction de leur rôle fait toujours l'objet de travaux, en particulier pour préciser le mécanisme précis du gonement des vésicules, qui reste à l'heure actuelle uniquement qualitatif.

Cette méthode possède par contre deux principaux inconvénients : les possibilités d'encapsu-lation (par exemple de solutions salines, ou de grands objets comme les molécules d'ADN) sont très limitées et le contrôle de la taille des GUV est très faible (distribution en taille très large, allant de 1 à 200 µm de diamètre).

Optimisation La volonté d'améliorer la technique pour produire des GUV monodisperses par électroformation fait toujours l'objet de travaux, en particulier à travers le contrôle de l'organi-sation du lm de phospholipides sur l'électrode. Au lieu d'un dépôt manuel (en translatant le cône d'une seringue contenant la solution de phospholipides sur le substrat) qui n'ore que peu de maîtrise sur son épaisseur et sa régularité, la technique de "spin-coating" a été évaluée [141]. En étalant une goutte de solvant volatil contenant les phospholipides par rotation paramétrée sur l'électrode, c'est l'épaisseur du lm en résultant qui peut être contrôlée avec précision (entre 20 et 100 nm d'épaisseur, à ± 2 nm). Même si les GUV formées sont plus homogènes en taille que sans cette technique de dépôt, le contrôle est limité car plus que l'épaisseur moyenne du lm, c'est la façon dont il est fracturé qui semble importer sur l'aspect nal des GUV. L'im-portance de ce paramètre a aussi été montrée par notre équipe en utilisant des électrodes non plus planes, mais comportant des microstructures régulières [143, 147] (Figure 1.4 a). En créant des micropiliers d'une hauteur de 170 nm sur une électrode en silicium, il a été observé que le diamètre des piliers inuence la taille des GUV électroformées. Ces microstructures modient l'organisation du lm qui est déposé dessus, en créant plus ou moins d'irrégularités suivant leur densité (Figure 1.4 b). De même, la chimie de surface de l'électrode a aussi été identiée comme jouant sur la taille nale de GUV. Sur une surface plane, la nature de la couche supercielle du silicium joue en eet sur la façon dont le lm va se structurer. Enn, c'est la délimitation de l'aire du lm qui permet de borner la taille maximale des GUV. Ceci a été montré en pratiquant le "micro-contact printing" sur un lm de phospholipides [148] (Figure 1.4 c). Le motif qui est déposé sur l'électrode est constitué de carrés réguliers de multicouches de phospholipides d'une taille d'environ 10 µm de côté. En appliquant l'électroformation à ce lm, des GUV de taille similaire sont visibles (Figure 1.4 d). Néanmoins, l'analyse complète des GUV récupérées n'a

pas été mentionnée par les auteurs. Le micro-contact printing ore un contrôle latéral précis du dépôt, mais ne permet pas un contrôle en épaisseur, pour modier le nombre de bicouches super-posées. Un autre moyen de générer un lm de phospholipides avec une étendue spatiale désirée, sera décrit précisément dans le chapitre suivant. Il s'agit de faire migrer la frontière d'une goutte de liquide contenant des phospholipides sur une surface microstructurée (Figure 1.4 e). Cette méthode, avec laquelle il est possible de contrôler la quantité de molécules déposées, permet d'obtenir des GUV relativement monodisperses en taille après électroformation.

1.2.2 Par transfert d'émulsion

Une autre méthode permettant la formation de GUV est la technique du transfert de phase à partir d'une émulsion. Elle est apparue pour subvenir aux faibles possibilités d'encapsulation des méthodes précédentes [149, 150]. Elle consiste en deux étapes (Figure 1.5). Une émulsion est formée dans un premier temps par mélange à la pipette, pour obtenir des gouttes micrométriques de solution aqueuse dans une phase d'huile et stabilisée par des phospholipides. De cette manière, plusieurs bicouches de phospholipides se superposent aux interfaces eau-huile. L'émulsion est ensuite versée dans un puits où se trouve de l'huile contenant des phospholipides, superposée sur une solution aqueuse. Lors de leur décantation, les gouttes traversent l'interface eau-huile où est présente une monocouche ; ceci permet la formation d'une unique bicouche. Cette méthode a même permis de former des vésicules de taille millimétrique [151]. Elle ore plusieurs avantages : elle est simple à mettre en oeuvre, l'encapsulation est aisée [152] (tout simplement liée à ce qui est introduit au moment de la formation de l'émulsion initiale) et elle permet même de former des GUV à membrane asymétrique [153] (en utilisant deux types de phospholipides distincts pour l'émulsion et le transfert). Par contre, la membrane formée contient souvent des défauts : les cas de vésicules multilamellaires ou ayant piégé de l'huile sont fréquents. Enn le contrôle de la taille est faible car dépendant directement de la taille de l'émulsion de départ et les GUV obtenues restent accrochées à l'interface. Ce dernier point peut être une bonne chose pour les observer simultanément, mais est une contrainte pour pouvoir les utiliser dans un autre environnement.

1.2.3 Par microuidique

Les méthodes précédentes donnent en général une polydispersité importante. Obtenir un grand nombre de GUV de même taille est une nécessité pour pouvoir réaliser des expériences reproductibles et quantitatives, en particulier pour leur utilisation de cellule articielle. L'échelle mise en jeu dans les interactions d'autoorganisation entre phospholipides (de l'ordre de la dizaine de nanomètres) est bien inférieure à la taille des GUV. Malgré tout, l'apparition de la microui-dique au début des années 2000 a mis à disposition plusieurs outils pour le contrôle précis de l'écoulement de uides (taille, débit, localisation) à l'échelle de la dizaine du micromètre. Nous reviendrons de façon plus générale sur la microuidique en Partie IV.

Les techniques microuidiques ont d'abord été mises à prot en produisant une émulsion monodisperse (gouttes d'environ 50 µm de diamètre) de solution aqueuse dans une phase d'huile contenant des phospholipides [154] (technique décrite en Section 1.2.1 de la Partie IV du ma-nuscrit). En ajoutant un faible volume de cette émulsion dans un bain aqueux (étape analogue à celle de la méthode de transfert), la paroi des gouttes est rapidement convertie en bicouche de phospholipides. En plus de la monodispersité des GUV, l'autre intérêt de cette méthode a rapidement été exploité : il s'agit de l'encapsulation parfaitement contrôlée au moment de la formation de l'émulsion (qui a été montrée dans ce cas avec des protéines, des cellules et des

1.2. Les méthodes de formation des GUV 101

Figure 1.4  Stratégies existantes pour contrôler la taille des GUV formées par électroformation. a) Schéma d'un lm de phospholipides déposé sur un substrat de silicium microstructuré par des micropiliers. Extrait de [143]. b) En haut : microscopie par réexion montrant en fausses couleurs l'organisation du lm de phospholipides sur le silicium microstructuré, avec des micropiliers espacés de 7, 15 et 60 µm. En bas : observation par constraste de phase des GUV obtenues après électroformation des lms précédents, après sédimentation dans une solution de glucose isotonique. Extrait de [143]. c) Schéma de principe du "micro-contact printing" appliqué à un lm de phospholipides sur une surface d'ITO. Extrait de [148]. d) Observation par microscopie de uorescence du gonement de GUV à partir du motif de phospholipides obtenu par micro-contact printing. Extrait de [148]. e) Schéma de principe du dépôt de phospholipides sur une surface microstructurée et de son utilisation en électroformation. Après translation d'une goutte à vitesse v, le substrat recouvert de phospholipides sert d'électrode pour l'électroformation. Un contrôle sur la taille des GUV est obtenu.

Figure 1.5  Schéma de principe de la méthode de transfert de phase. Une émulsion d'eau dans de l'huile contenant des phospholipides est déposée au dessus d'une interface huile-eau. La traversée de l'interface permet la formation d'une bicouche de phospholipides tout autour de la goutte et donc d'une GUV. Adapté de [149].

microbilles). Cette première méthode comporte quand même l'inconvénient de nécessiter deux étapes distinctes de production (émulsion puis transfert).

La formation directe de GUV au sein même du dispositif microuidique a été réalisée à l'origine par jet pulsé, perpendiculairement à une bicouche de phospholipides [155] (Figure 1.6 b). En approchant l'extrêmité d'une seringue au voisinage d'une bicouche suspendue dans un milieu aqueux, il est possible de la déformer puis de la rompre par injection ponctuelle de liquide. Malgré la monodispersité des vésicules obtenues (300 ± 20 µm), les auteurs admettent néanmoins que leur membrane contient une teneur non négligeable d'huile. L'amélioration de cette technique a rapidement permis à Stachowiak et al. d'obtenir des vésicules géantes à la fois monodisperses (taille de 200 ± 6 µm) et unilamellaires [156, 157]. Une autre méthode microuidique tout aussi performante a été récemment proposée [158] (Figure 1.6 c). Elle consiste à créer successivement au niveau d'une jonction en T modiée, une première interface eau-huile, puis une seconde, et enn d'étirer la bicouche sous forme d'une langue jusqu'à ce qu'elle rompe en vésicule. Enn la possibilité de produire en microuidique des émulsions doubles a été appliquée à la formation de GUV [159] (Figure 1.6 d). L'émulsion produite est composée de gouttes d'eau dans un solvant volatil contenant des phospholipides, lui-même dans de l'eau. Lorsque le solvant s'évapore à travers l'eau, les phospholipides forment petit à petit une bicouche sphérique. Sa taille est xée par la dimension de l'émulsion interne, qui joue ici le rôle de patron. Cette technique permet une fabrication plus rapide de vésicules que celle de jet pulsé, mais l'unilamellarité des vésicules obtenues n'est pas démontrée.

L'utilisation de la microuidique pour former des GUV monodisperses est désormais eective, mais possède des inconvénients : elle nécessite la préparation d'un dispositif particulier, le réglage de paramètres ns, et ne permet pas une production en grande quantité (à quelques centaines de Hz tout au plus).

1.2. Les méthodes de formation des GUV 103

Figure 1.6  Production de GUV par microuidique. a) Principe de la production d'une émulsion monodisperse dans une phase huile contenant des phospholipides, suivie par un transfert en phase aqueuse. Extrait de [154]. b) Principe de la formation de vésicules par jet pulsé d'un uide aqueux sur une bicouche de phospholipides. Extrait de [157]. c) Déformation d'une bicouche de phospholipides au niveau d'une jonction en T. Le ux de solution aqueuse l'étire jusqu'à ce qu'il rompe sous forme d'une vésicule. Extrait de [158]. d) Formation d'une émulsion double stabilisée par des phospholipides. L'évaporation du solvant contenu entre les deux phases aqueuses permet la formation d'une membrane. Extrait de [159].

Méthode Sphéricité Unilamellarité Encapsulation Rendement Facilité

Gonement spontané  + ++ ++ +++

Electroformation +++ +++ + +++ ++

Transfert ++ + +++ + ++

Microuidique +++ + +++ + 

Table 1.1  Comparaison des quatre principales méthodes de formation des GUV, suivant plusieurs paramètres liés à l'allure des GUV obtenues et leur facilité de mise en oeuvre.

1.2.4 Comparaison

Dans le Tableau 1.1 sont comparées de manière récapitulative les quatre principales mé-thodes suivant la qualité et le nombre des GUV formées et leur simplicité.

1.3 Applications des vésicules