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2.3 Illumination partielle de la goutte

2.3.1 Mouvement linéaire

Nous avons tout d'abord illuminé la goutte avec de la lumière UV (365 nm, ltre "DAPI") provenant du microscope inversé utilisé, équipé d'une lampe à mercure. Cette excitation est focalisée sur la goutte à l'aide d'un objectif 10x et fournit ainsi une aire d'illumination de taille similaire à celle de la goutte (∼ 5 mm2).

L'excitation sous lumière UV d'une moitié de la goutte induit un déplacement immédiat de la goutte en dehors de la zone de lumière UV. En la suivant de façon à maintenir une illumination partielle, la mouvement de la goutte peut être maintenu sur une distance de quelques centimètres à une vitesse d'environ 300 µm.s−1 (Figure 2.4 a).

A la suite d'une traversée de boîte de Petri, il se trouve que l'éclairement en lumière bleue (475 nm, ltre "FITC") de la même moitié de la goutte provoque un mouvement dans le sens inverse. Le mouvement de la goutte peut être maintenu de la même façon sur une distance de quelques centimètres, à une vitesse similaire (Figure 2.4 b). Si cette illumination visible est réalisée en tout début d'expérience, sans qu'un éclairement UV ait eu lieu, aucun mouvement n'est visible. Ceci est signe que la solution doit être préalablement enrichie en cis-AzoTAB pour qu'un gradient puisse ensuite apparaître. Ce mouvement d'aller (λ = 365 nm) et retour (λ = 475 nm) en irradiant la même partie de la goutte peut ainsi être répété plusieurs fois (Figure 2.4 c).

Ce type de déplacement réversible, dont le sens dépend de la longueur d'onde d'une excita-tion lumineuse, est à notre connaissance le premier observé pour le déplacement d'une goutte millimétrique, quelque soit son support. La vitesse de la goutte (300 µm.s−1) est certes inférieure à celle d'une goutte ottante soumise à l'eet thermocapillaire sous un laser [263] (environ 1,5 cm.s−1), elle reste néanmoins très supérieure à celle d'une goutte en mouvement sur un substrat photosensible ou soumis à un gradient thermique (environ mm.min−1).

2.3.2 Mécanisme

La description de ces mouvements est analogue à l'eet thermocapillaire décrit dans l'expé-rience pionnière de Young et al. [255]. Son origine est par contre diérente car il ne s'agit pas ici d'un eet thermique. Nous pouvons l'armer du fait de la direction opposée du mouvement sous les deux longueurs d'onde diérentes. La lumière est focalisée dans les deux cas sur la même partie de la goutte. La température augmente à ces endroits, mais la goutte se meut dans des sens diérents. L'échauement qui a lieu n'est pas susant pour être la force motrice. C'est bien l'isomérisation de l'AzoTAB qui est à l'origine du gradient de tension interfaciale.

Dans notre cas, l'illumination UV partielle de la goutte provoque la génération de cis-AzoTAB sur une partie seulement de l'interface eau-acide oléïque (caractérisée par une tension interfaciale γ). C'est cette inhomogénéité qui génère un gradient de tension interfaciale et qui est à l'origine de ux Marangoni, décrit qualitativement sur la Figure 2.5 a.

A l'extérieur de la goutte et le long de l'interface, le ux est unidirectionnel des basses γ vers les hautes γ. La goutte étant un système fermé, ce ux induit une recirculation de l'huile en son intérieur qui l'entraîne nalement vers les γ les plus basses. Ceci est conforme à l'analyse énergétique du problème, qui prévoit que la goutte se déplacera là où son énergie d'interaction avec le bain sera globalement la plus faible, c'est à dire vers les γ les plus basses. L'existence de ce ux de recirculation a pu être facilement observée en introduisant des particules micrométriques

Figure 2.4  Mouvement de la goutte d'acide oleïque sous une illumination partielle. a) Sous une lumière à λ = 365 nm, la goutte fuit l'excitation lumineuse (gauche). Il est ainsi possible de la poursuivre pour la déplacer en ligne droite à travers la boîte de Petri (droite). b) A la suite d'un trajet sous lumière UV, une illumination à λ = 475 nm est réalisée du même côté de la goutte (gauche). Elle est alors attirée vers la lumière, ce qui permet de lui faire parcourir le chemin inverse (droite). c) La goutte peut ainsi être déplacée selon plusieurs cycles d'illumination 365 nm/475 nm. Sur le graphe sont représentées ses positions selon le diamètre de la boîte de Petri en fonction du temps, pour quatre cycles d'illuminations UV et bleue succesives.

2.3. Illumination partielle de la goutte 177

Figure 2.5 Schémas de principe de l'eet chromocapillaire. La goutte d'acide oléïque ottant sur le bain d'AzoTAB est vue de haut. γ est la tension interfaciale entre l'huile et la solution d'AzoTAB. a) Déplacement sous illumination UV partielle (λ = 365 nm). L'autre moitié de la goutte n'est pas éclairée. Les èches noires représentent qualitativement les lignes de courant des uides à l'extérieur, à l'interface (eet Marangoni) et à l'intérieur (recirculation interne) de la goutte. La èche rouge indique le mouvement global de la goutte. b) Déplacement sous illumination bleue (λ = 475 nm) partielle. L'autre moitié de la goutte n'est pas éclairée. Ce type de mouvement a lieu après une traversée de boîte de Petri sous illumination UV. Une fraction de l'AzoTAB du bain a été convertie en conguration cis ce qui augmente γ. La lumière bleue provoque l'isomérisation en trans, ce qui génère une zone où γ est plus faible et où la goutte est attirée par un mécanisme analogue au trajet sous UV.

de polystyrène à l'acide oléïque.

Après une traversée de boîte de Petri, une certaine fraction de l'AzoTAB trans a été convertie en cis le long du trajet. Du fait du mouvement visible sous lumière bleue, il semble que γ ait susamment augmenté dans le bain pour qu'une photoisomérisation cis-trans permette d'in-verser la direction des ux de convection décrits sous lumière UV (Figure 2.5 b). La goutte est alors attirée par l'illumination, car c'est la zone où l'énergie globale d'interaction avec son environnement est la plus faible.

C'est pour insister sur cette nouvelle possibilité de mouvement dont le sens dépend de la longueur d'onde du stimulus, que nous avons choisi l'adjectif "chromocapillaire" pour baptiser ce phénomène. Les ux engendrés sont analogues à ceux qui apparaissent lors de l'eet thermo-capillaire. Mais ici l'origine du gradient est directement liée à la couleur de l'illumination.