CHAPITRE 1. De l’interprétation des mécanismes de fissuration vers leur
4. Méthodes expérimentales de caractérisation de l’endommagement des
l’endommagement des roches
Dans cette section, nous présentons les méthodes expérimentales qui nous
permettent de caractériser la fissuration dans les roches à l’aide de la mesure de la
ténacité et des événements acoustiques.
4.1.Mesure de la ténacité
Les facteurs d’intensité critique des matériaux sont déterminés en fonction du
mode de fissuration. Pour le mode I, le facteur A
BDest déterminé à l’aide d’essais
de flexion 3 points, en mode II le facteur A
BBDest déterminé avec des essais de
cisaillement et en mode III, A
BBBDest déterminé à l’aide des essais de torsion.
L’essai de flexion 3 points est réalisé sur une éprouvette pré-fissurée (c’est-à-dire
avec une entaille rectangulaire ou triangulaire) en appliquant un effort croissant
jusqu’à la rupture au niveau de l’entaille (Figure 16). L’effort à la rupture et les
caractéristiques géométriques de l’éprouvette et de l’entaille permettent de
déterminer la valeur critique de la ténacité en mode I.
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Figure 16 : (a) Présentation de l’essaie de flexion 3 points d’une éprouvette pré-fissurée d’une fissure de longueur a (Grange 2007) ; (b) courbe typique de force-déplacement de l’essai de flexion 3 points (Lim etal. 1994).
A titre d’exemple, si G
Dreprésente l’effort à la rupture de la poutre, les relations
de Srawley (1974) permettent de calculer le facteur d’intensité de contrainte
critique A
BDtelle que :
A
BD=
˜™dš›œW
•(ž) (9)
avec ž =
›s, Ÿ = 4 , •(ž) =
>4√ž
@,¡¡b¢(@b¢)(4,@<b>,¡>¢j4,£¢(@j4¢)(@b¢)œ/W W)et ¤ la largeur de
l’éprouvette.
L’essai de cisaillement (Figure 17) est réalisé sur une éprouvette soumise à une
contrainte normale constante. Une contrainte tangentielle est appliquée sur
l’éprouvette afin de la cisailler. La valeur critique de ténacité en mode 2 est
déterminée à l’aide de la relation ci-dessous (Jaeger et al. 2007) :
A
BBD= Œ
–sy√]L (10)
avec Œ
–syla contrainte tangentielle maximale et L la longueur initiale de la
fissure.
Figure 17 : Schématisation de l’essai de cisaillement : N chargement normal et S chargement tangentiel (Brady et Brown 2006).
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Pour déterminer le facteur d’intensité des contraintes critique A
BBBD, on utilise
l’essai de torsion (Figure 18). En effet, l’éprouvette est fixée au centre de la
presse de torsion. On exerce un moment de force F¥¥¦ sur la première extrémité et
un moment de force −F¥¥¦ sur la deuxième extrémité. La valeur critique de la
ténacité en mode 3 est calculée comme suit d’après Jaeger et al. 2007 :
A
BBBD= Œ
yg,–sy√]L (11)
Figure 18 : Présentation de l’essai de torsion (Paterson et Olgaard 2000 modifié).
4.2.Détection de la propagation des fissures et mesure de l’énergie
dissipée par fissuration par mesures acoustiques
Afin de calculer l’énergie dissipée par fissuration, un réseau de capteurs est
souvent disposé autour de l’échantillon à l’échelle de laboratoire et dans des
forages dans le cas des expérimentations à grande échelle. Les capteurs
acoustiques sont utilisés pour mesurer la microsismicité et la vitesse de
propagation des ondes P. Le réseau est constitué par des émetteurs d’ondes et des
récepteurs. La Figure 19 illustre le réseau de capteurs acoustiques à l’échelle de
laboratoire établi pour un essai de compression (Wassermann 2006).
L’activité acoustique détectée par les récepteurs est associée à la fissuration du
milieu rocheux étudié. La détection d’évènement acoustique permet de détecter
l’initiation et/ou la propagation des fissures.
Dans ce cadre, l’énergie dissipée par fissuration est calculée à l’aide des énergies
des signaux enregistrés par les récepteurs.
En effet, d’après la théorie des signaux, l’énergie totale d’un signal #(J) est
calculée comme suit :
Y
y= f |#(J)|
b¨j¨ 4iJ (10)
L’énergie dissipée par fissuration est calculée via l’intégrale discrète suivante
(Wassermann 2006) :
Y
©=
ª«@∑ ‰∑ -
ª« ® ®¯4. ∆JŠ
¯±@
(11)
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avec ²
¯le nombre de récepteurs, -
®¯l’amplitude de l’onde P à chaque pas
d’échantillonnage et ∆J le pas d’échantillonnage.
Il faut noter qu’il existe un seuil à partir duquel les amplitudes sont prises en
compte dans le calcul de l’énergie. Ce seuil est défini par l’expérimentateur. La
Figure 20 présente un exemple pour lequel le seuil utilisé pour sélectionner les
amplitudes à partir desquels l’énergie dissipée par fissuration est calculée.
Figure 19 : Réseau de capteurs acoustiques utilisé pour un essai de compression (Wassermann 2006).
Figure 20 : Impact du seuil de détection sur le comptage des événements acoustiques (Moradian et al. 2016).
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A l’échelle des structures minières, les techniques de surveillance micro-sismique
sont utilisés pour détecter la propagation des fissures. Dans le cadre du tunnel
Mine-by Test, un réseau d’accéléromètres micro-sismiques triaxial a été mis en
place afin de surveiller la propagation des fissures. Il faut noter que
l’accéléromètre micro-sismique triaxiale mesure l’accélération de l’onde dans les
trois directions. Les capteurs ont été placés autour du tunnel comme illustré sur la
Figure 21.
Figure 21 : Localisation des accéléromètres micro-sismiques triaxiales autour du tunnel Mine-by Test (Martin 1997).
Grâce à la surveillance micro-sismique, la propagation des fissures est détectée et
localisée.
Un cluster d’événements micro-sismiques a été détecté au toit et au plancher du
tunnel correspondant à des zones d’endommagement en forme V. La Figure 22
montre les événements micro-sismiques détectés au 17
èmetour d’excavation qui a
été surveillé pendant 19 jours.
La caractérisation expérimentale des roches nous permet de déterminer les
caractéristiques intrinsèques et d’étudier la propagation des fissures via l’énergie
dissipée. Les caractéristiques des roches étudiées sont utilisées afin de simuler
numériquement les différentes problématiques liées à la fissuration dans les mines
souterraines.
Dans la section suivante, les différentes méthodes numériques utilisées dans les
problématiques liées à la fissuration sont présentées. Les avantages et les
inconvénients de chaque méthode sont également détaillés.
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Figure 22. Localisation des événements micro-sismiques pour le 17ème tour de l’excavation, lesévénements micro-sismiques forment des zones d’endommagement en forme V (Martin 1997).
Dans le document
Modélisation explicite de l’initiation et la propagation de fractures
(Page 42-47)