• Aucun résultat trouvé

Méthodes de caractérisation du tropisme viral

3. Le tropisme et sa caractérisation in vitro

3.2. Méthodes de caractérisation du tropisme viral

3.2.1. Méthodes phénotypiques

Avant l’identification des corécepteurs d’entrée CCR5 et CXCR4 en 1996, l’étude du tropisme viral reposait sur le tropisme préférentiel pour les cellules de lignées lymphocytaires T (T-tropic) ou pour les cellules macrophagiques (M-tropic). Une technique largement utilisée reposait également sur l’observation d’un effet cytopathogène induit par certains virus sur des cellules de lignée lymphocytaire T (cellules MT2). Les virus peuvent en effet être classés en virus ayant un phénotype inducteur de syncytia (Syncytium Inducing ou SI) ou non inducteur de syncytia (Non Syncytium Inducing ou NSI) sur la lignée MT2 [Koot et al., 1992]. La culture du virus in vitro peut cependant induire des biais de sélection.

Tableau 1. Caractéristiques techniques de deux tests phénotypiques commercialisés

PARAMETRES TESTS PHENOTYPIQUES

TROFILE TRT

Insert gp160 amplifiée par RT-PCR V1-V3 amplifiée par RT-PCR

Vecteur Vecteur d’expression de l’enveloppe

pCXAS + vecteur génomique du HIV-Luc

pNL43-V

Construction Enzymes de restriction Recombinaison

Cellules produisant les virus recombinants

293T 293T

Cellules cibles U87-CD4-CXCR4 ou -CCR5 U373-CD4-CXCR4 ou -CCR5 avec

cassette Lac-Z-LTR

Gène rapporteur Luciferase -Galactosidase

Test de détection RLU Test colorimétrique (DO)

(d’après Skrabal, J Clin Microbiol, 2007 ; 45(2) : 280). Le test TrofileTM est commercialisé par Monogram Biosciences (San Francisco, USA). Le TRT (Tropism Recombinant Test) a été commercialisé sous le nom de PhenoscriptTM (VIRalliance, Paris, France).

Les tests phénotypiques actuels utilisent des lignées cellulaires qui ont été transfectées pour exprimer le récepteur CD4 et un corécepteur, CCR5 ou CXCR4 [Trouplin et al., 2001; Whitcomb et al., 2007]. Les tests reposent sur la création de virus recombinants pour le gène env (Recombinant Virus Assay ou RVA), en totalité (gp160) ou uniquement pour certaines régions de l’enveloppe (gp120 et ectodomaine de la gp41 ; région V1-V3 de la gp120) [Trouplin et al., 2001; Whitcomb et al., 2007]. Le gène env testé, amplifié par PCR au préalable, peut être inséré par des enzymes de restriction ou par recombinaison homologue dans un vecteur d’expression délété de l’enveloppe. Après transfection, les virus recombinants produits dans le surnageant sont utilisés pour infecter des cellules indicatrices CD4+ CCR5+ et CD4+ CXCR4+ (lignées U87 ou U373), avec une révélation de l’infection par luminométrie (gène luc cloné dans le vecteur HIV-1) ou colorimétrie (cassette βGAL insérée dans la lignée U373 sous la dépendance d’un promoteur LTR, activé par Tat en cas d’infection de la cellule indicatrice).

Il existe globalement une assez bonne concordance entre phénotypes SI et X4 et phénotypes NSI et R5. Par contre, il n’y a pas une concordance totale entre le tropisme lymphocytaire ou macrophagique et les phénotypes SI/NSI ou R5/X4. Les macrophages expriment à la fois CCR5 et CXCR4 et les virus à tropisme macrophagique ne se limitent donc pas aux virus R5. Il faut distinguer par ailleurs le tropisme pour les lymphocytes T CD4+ primaires, qui expriment CCR5 et CXCR4 et peuvent donc être infectés par les virus R5 et X4, et le tropisme pour les cellules de lignées lymphocytaires T, qui n’expriment que

ainsi être classés en virus ayant un tropisme limité aux lymphocytes T CD4+ primaires, et en virus ayant un tropisme élargi aux macrophages. On peut également classer les virus X4 en virus capables d’infecter les macrophages et les lymphocytes T (primaires ou lignées), et en virus dont le tropisme est limité aux lymphocytes T (primaires ou lignées). Enfin, les virus R5X4 peuvent infecter les lymphocytes T (primaires ou lignées) et les macrophages (voir Figure 15). Le phénotype R5/X4 et le tropisme lymphocytaire/macrophagique donnent donc des informations complémentaires permettant une caractérisation approfondie du tropisme viral [Goodenow and Collman, 2006].

La capacité du virus à utiliser de faibles densités du récepteur CD4 à la surface de la cellule cible est vraisemblablement un élément déterminant du tropisme macrophagique [Bannert et al., 2000]. Il est probable que les virus diffèrent également dans leur capacité à utiliser de faibles densités de corécepteurs. Par ailleurs, il existe pour CXCR4 un certain degré de polymorphisme lié à des modifications post-traductionnelles qui pourraient contribuer au tropisme cellulaire préférentiel de certains virus [Sloane et al., 2005].

Figure 15. Relation entre phénotypes SI/NSI, R5/X4 et tropisme lymphocytaire/macrophagique (d’après Goodenow et al. J Leukoc Biol 2006 ;80(5) :965).

3.2.2. Méthodes génotypiques

Les motifs moléculaires de la gp120 impliqués dans les interactions avec les corécepteurs CCR5 et CXCR4 au cours du processus d’entrée du HIV-1 dans sa cellule cible ont été localisés essentiellement au niveau de la région V3 [Hwang et al., 1991], mais aussi au niveau des boucles V1-V2, du pont de liaison, et de la région HR1 du domaine transmembranaire de la gp41 [Huang et al., 2008]. Cependant, toutes les méthodes génotypiques actuellement utilisées sont basées uniquement sur la séquence de la région V3 et ne prennent pas en compte les autres régions de l’enveloppe.

Au niveau de la boucle V3, la présence d’acides aminé chargés positivement (arginine ou lysine) en position 11 et/ou 25 a été associée à l’utilisation préférentielle du corécepteur CXCR4 pour l’entrée du virus ; inversement, la présence d’acides aminés neutres ou chargés négativement (acide aspartique ou glutamique) à ces positions a été associée à l’utilisation de CCR5 [De Jong et al., 1992]. La charge électrostatique nette de V3 semble également influencer l’utilisation préférentielle de CCR5 (charge nette < +5) ou de CXCR4 (charge nette ≥ +5), du fait notamment de charges électrostatiques négatives au niveau des domaines extracellulaires de CXCR4 interagissant avec la boucle V3 de la gp120 [Fouchier et al., 1992]. La perte d’un site de N-glycosylation présent dans le segment N-terminal de V3 est également associée à une utilisation préférentielle de CXCR4 [Pollakis et al., 2001]. Des algorithmes de prédiction de l’utilisation des corécepteurs ont été développés, intégrant les résidus aux positions 11 et 25 mais également d’autres résidus de la boucle V3 [Briggs et al., 2000; Jensen et al., 2003; Resch et al., 2001]. Les algorithmes bioinformatiques reposent sur la comparaison de la séquence soumise pour la détermination du tropisme avec une banque de séquences de phénotype connu [Jensen and van 't Wout, 2003]. Les performances de prédiction du tropisme reposent donc sur la qualité de la base de données et notamment sur la méthode de détermination phénotypique employée ainsi que sur le type de séquences, population virale ou séquence clonale. De plus, les corrélations entre le génotype et le phénotype ont été établies pour les virus de sous-type B dans l’ensemble des algorithmes disponibles, excepté pour l’algorithme WebPSSMSI/NSI sous-type C établi avec des virus de sous-type C [Jensen et al., 2006].