• Aucun résultat trouvé

4. Métabolites secondaires : diversités structurale et fonctionnelle

4.6. Huiles essentielles

4.6.2. Méthodes d’extraction des huiles essentielles

Les huiles essentielles sont généralement liquides à température ambiante. Leur solubilité dans l’eau est si faible comparée à leur solubilité dans les lipides, les alcools, les solvants organiques et les autres solutions à caractère hydrophobe (Thormar, 2010 ; Hashemi

et al., 2017). Le caractère biochimique complexe des huiles essentielles, leur faible rendement

d’extraction et le besoin croissant pour ces substances jugées délicates et précieuse à obtenir a orienté les phytochimistes vers l’adoption de plusieurs techniques de plus en plus performantes (Lucchesi, 2005). Trois principales méthodes d’extraction qualifiées pour le moins de « traditionnelles » sont d’usage : l’expression à froid appliquée sur les agrumes (des fois réservées exclusivement pour la production des huiles essentielles du genre Citrus), la distillation sèche (utilisées rarement pour des cas particuliers) et l’hydrodistillation. Cette dernière constitue la méthode d’extraction la plus utilisée pour l’extraction des huiles

33 Revue bibliographique

essentielles notamment à l’échelle industrielle (Burt, 2004 ; Lahlou, 2004 ; Baser et Bushbauer, 2016). Elles peuvent tout aussi

être extraites par entraînement à la vapeur d’eau, dont le rendement d’extraction est intimement lié à la plante étudiée et à la saison de sa récolte (Gonny et al., 2004). En plus des techniques conventionnelles d’extraction des huiles essentielles (distillation-évaporation, extraction par les solvants, extraction à froid et hydrodiffusion), des techniques non conventionnelles ou innovantes ont été mises en place dans les laboratoires et à l’échelle industrielle et sont surtout représentées par : l’extraction à l’aide de solvants (ou fluides) supercritiques, l’extraction par la Flash-Détente (ou Détente-Eclair), la détente instantanée contrôlée, l’extraction par ultrasons et l’extraction assistée par micro-ondes (Bousbia, 2011). Les techniques d’extraction innovantes, telles que l’extraction par fluides supercritiques (extraction à l’aide du dioxyde de carbone par exemple, à basse température et à haute pression) (Santoyo et al., 2005 ; Pourmortazavi et Hajimirsadeghi, 2007), l’extraction assistée par ultrasons (Vinatoru, 2001) et l’extraction assistée par micro-ondes (Kimbaris et al., 2006 ; Cardoso-Ugarte et al., 2013), ont été développées pour deux principales raisons: augmenter les rendements d’extraction (augmenter la production en huiles essentielles) et appliquer le concept de l’extraction « verte » ou écologique pour l’obtention de produits naturels (Guinoiseau, 2010 ; Hashemi et al., 2018). 5. Cristallisation des lipides

5.1. Phénomène de cristallisation et polymorphisme

Les graisses et les huiles alimentaires sont des ingrédients importants dans les produits alimentaires. Ils sont particulièrement uniques dans le sens où ils développent des structures plastiques dans un large éventail de produits. Leur état physique est impliqué dans la perception des produits et confère les caractéristiques de texture (aspects crémeux, onctueux, lisse et sableux). Les propriétés organoleptiques des produits alimentaires (la sensation dans la bouche) sont déterminées par la structure, le profil de fusion et la capacité calorifique (Kropinski et al., 1982, Smith et al., 2011).

Le contrôle des propriétés physiques des lipides alimentaires passe par quatre aspects primordiaux à prendre en considération : i) compréhension des mécanismes qui régissent les structures moléculaires et cristallines, ii) mécanismes de cristallisation et de transformation des cristaux de lipides sous l’influence de facteurs externes, iii) compréhension des mécanismes de formation des réseaux cristallins de lipides aux niveaux macroscopiques et microscopiques et

Figure 13 : schéma de la cristallisation, des niveaux de structuration moléculaire et des formes polymorphiques des lipides (de Graef, 2009 ; Sato et Ueno, 2011 ; Acevedo et

Marangoni, 2015). Nucléation

Primaire

Secondaire

(induite par des cristaux)

Homogène (spontanée)

Hétérogène (induite par des corps

étrangers) Apparente Surfacique De contact (Attrition) Concentration Croissance Corps gras Réseau cristallin Clusters cristallins Cristaux Triacylglycérols Rhéologie Taux de solide ou SFC Polymorphisme Structure moléculaire

34

Revue bibliographique

iv) propriétés rhéologiques et de texture conférées par les réseaux cristallins des lipides (Sato

et Ueno, 2011).

Ces aspects peuvent être révélés par le polymorphisme d’une part et par les interactions moléculaires d’autre part. Le comportement cristallin des triglycérides est influencé par le polymorphisme, lié à la structure moléculaire (Sato, 2001). Le polymorphisme est défini comme étant la capacité d’un composé ou une substance à exister sous forme solide, avec un même enchaînement atomique de base, pouvant former différentes structures cristallines ayant les mêmes propriétés physico-chimiques que ce soit à l’état liquide ou à l’état de vapeur (Garti et Sato, 2001 ; Bauer, 2005). Le polymorphisme existe pour deux raisons : i) l’organisation spatiale des chaînes aliphatiques des acides gras présents dans les triglycérides et ii) l’empilement de ces derniers dans des structures appelées strates (Timms, 1984 ; Cansell, 2005). La cristallisation des lipides est un phénomène qualifié d’unique par rapport à la cristallisation des autres composés alimentaires (eau, sucres et sels). Ce caractère unique vient du fait que les corps gras naturels ont une composition moléculaire assez complexe. En outre, l’orientation des molécules de triglycérides a une incidence physico-chimique importante impliquée dans la détermination du polymorphisme (Shahidi, 2005).

La cristallisation comprend deux grands événements : la nucléation et la croissance des cristaux (Figure 13). La nucléation est le développement de petites particules solides excédant un seuil de taille particulaire dit taille critique. Un nucléus est le plus petit cristal pouvant exister dans une solution à une température donnée. La formation de celui-ci nécessite l’organisation des molécules dans une variété cristalline. Afin que la nucléation se produise, une barrière d’énergie libre doit être dépassée. Lorsque cette nucléation se produit, une libération d’énergie est constatée (chaleur latente de fusion) et les molécules de TAG adoptent le plus bas état énergétique à l’intérieur de la variété cristalline. Une fois le maximum d’énergie libre est atteint, il se forme un nucléus stable avec une taille critique au-delà de laquelle des nucléi stables continuent à croître. Il existe deux types de nucléations : primaire (homogène ou hétérogène) et secondaire. La croissance des cristaux se produit ainsi par incorporation d’autres molécules de TAG à partir de la phase liquide. La configuration appropriée pour cette molécule est importante pour sa fixation sur les sites au niveau de la surface cristalline. La croissance persiste tant qu’une force motrice pour la cristallisation existe. Elle prend fin quand le système atteint un équilibre de phase ou quand le système est entièrement cristallisé (Garti et Sato, 2001 ; Shahidi, 2005 ; Smith et al., 2011).

35 Dans les systèmes alimentaires, deux types de cristallisations sont rencontrées : cristallisation à partir de la fusion et une cristallisation à partir de la supersaturation en solution (Hartel, 2013). La cristallisation se produit quand un système atteint une force motrice thermodynamique et une énergie d’activation conséquente nécessaire pour provoquer une transition de phase, généralement se produisant d’un liquide à un solide, avec libération d’une énergie sous forme de chaleur (chaleur de cristallisation). La cristallisation à partir d’une solution supersaturée repose sur les caractéristiques de solubilité dans le solvant pour atteindre un état métastable, permettant de fournir la force motrice thermodynamique nécessaire pour la nucléation et la croissance cristalline. D’autre part, la cristallisation à partir de la fusion est induite en refroidissant le système en dessous de son point de fusion, afin de générer la force motrice nécessaire pour la formation des cristaux. Les corps gras naturels étant un mélange de TAG à hauts et à bas points de fusion, les deux types de cristallisation ont généralement lieu (Zhou et Hartel, 2006 ; Patel et Dewettinck, 2015). Ainsi, le comportement cristallin des corps gras peut être représenté à travers trois phénomènes principaux : i) la nucléation qui représente la formation de la phase cristalline à partir de la phase liquide, à travers l’organisation des TAG à l’intérieur d’une maille cristalline, ii) la croissance des cristaux induite par l’inclusion d’autres TAG présents dans le milieu liquide dans la maille cristalline déjà présente et iii) le polymorphisme qui gouverne surtout l’ordre dans lequel les TAG sont empaquetés à l’intérieur des cristaux (Patel et Dewettinck, 2015).

Les formes polymorphiques dans les corps gras sont définies en fonction de la structure de la maille fondamentale qui constitue le réseau cristallin final. A l’instar des molécules composées de longues chaînes hydrocarbonées, les triglycérides peuvent se retrouver sous différentes formes cristallines. Ceci engendre l’apparition de plusieurs points de fusion pour un même TAG. Dans des TAG mixtes contenant des acides gras saturés et insaturés, le polymorphisme est particulièrement riche et pour la même température ceux-ci peuvent exister dans plusieurs polymorphes (jusqu’à 6 ou 7 formes différentes) (Cansell, 2005 ; Himawan et al., 2006 ; Thivilliers, 2007). L’arrangement des éléments répétés entre les groupements méthyles des acides gras permet de définir la notion de sous-cellule cristalline et donc de variétés cristallines. Le plus souvent dans les corps gras trois formes polymorphiques typiques ou variétés cristallines (α, β et β’) sont rencontrées (Figure 13). Elles sont au nombre de trois : le polymorphe α (maille de type hexagonale), le polymorphe β (possédant une maille de type orthorhombique perpendiculaire) et le polymorphe β (maille de type triclinique parallèle). En fonction de la compacité et la densité des variétés polymorphiques, liées au degré des

36

Revue bibliographique

interactions spécifiques entre chaînes hydrocarbonées, on peut distinguer deux types : les variétés stables qui forment un réseau dense et compact (β’ et β) et les variétés instables dont le réseau est lâche (α) et la perte des interactions interchaînes est responsable d’un tel comportement. La stabilité thermodynamique de ces variétés cristallines dépend surtout de la composition en AG des corps gras en question. Certains TAG mixtes contenant des AGI ne forment que la variété cristalline β’ (Timms, 1984 ; Kodali et al., 1987 ; Ueno et al., 1999 ; Cansell, 2005). Le passage de variétés cristallines moins stables du point de vue thermodynamique (α et β’) vers des variétés cristallines plus stables (β), d’un état liquide à l’état solide, de manière irréversible et en fonction de la température et du temps, définit le concept du polymorphisme monotropique. Le refroidissement lent ou rapide détermine les caractéristiques de la variété cristalline formée en termes de compacité, stabilité et point de fusion. Un refroidissement rapide favorise la formation de variétés cristallines métastables, constituant un réseau lâche et ayant un point de fusion bas par rapport à des conditions opératoires où le refroidissement est relativement lent (Ringuette, 1999 ; Cansell, 2005, Thivilliers, 2007).

La structure des TAG des corps gras diffère dans la longueur de leurs chaînes hydrocarbonées, qui représente un empilement de ces molécules sous forme de strates. L’épaisseur de ces strates donne le nombre de longueurs de chaînes dans la couche (2L, 3L, 4L, 5L ou 6L) (Figure 13) (Garti et Sato, 2001 ; Cansell, 2005 ; Larsson et al., 2006 ; Sato et Ueno, 2011). En plus de l’influence des structures des chaînes et de la variété cristalline (arrangement latéral des chaînes hydrocarbonées), la conformation de la molécule de glycérol adoptant les conformations chaise (chair) et fourchette (tuning fork) est aussi importante et a une incidence directe sur le comportement du mélange (mixing behavior) des huiles et graisses végétales (Zhang et al., 2007 ; Zhang et al., 2009 ; Sato et Ueno, 2011).