• Aucun résultat trouvé

4.4 Extraction topographique

4.4.5 Méthodes alternatives pour l’extraction topographique

Nous venons de le voir, d’une part, la topographie à haute résolution sur Mars demande un temps de calcul conséquent et une identification manuelle fastidieuse et d’autre part, la couver- ture des images HiRISE est très faible au regard des dimensions des glissements de terrains mar- tiens (quelques kilomètres contre plusieurs dizaines de kilomètres). En revanche, les images CTX semblent plus appropriées (Tab. 4.2). Aussi, il a été envisagé dans le cadre du Campus Spatial16 de mettre en place une collaboration entre géophysiciens et mathématiciens du CMLA à Cachan dont la spécialité est la vision par ordinateur.

À partir d’une paire d’images CTX traitées sous ISIS à l’IPGP, il a été envisagé dans un premier temps d’utiliser les techniques stéréoscopiques développées dans l’équipe de Jean-Michel Morel et Neus Sabater, alors en thèse au CMLA. Leurs premiers résultats montrent que l’algorithme utilisé est en mesure d’identifier 60% des pixels dans les deux images (Figure 4.20) (N. Sabater, Thèse, 2009). Une carte de profondeur relative des pixels a été obtenue (Figure 4.20d). Néanmoins, 40% des valeurs ont été interpolées car les pixels n’étaient pas appariés d’une image à l’autre. Cette carte de profondeur relative présente une inclinaison17 (ou tilt) visible sur la figure4.20d. La correction de ce dernier peut être envisagée en utilisant les données MOLA.

(a) (b) (c) (d)

FIG. 4.20: (a) et (b) Deux images CTX traitées sous ISIS, projetées (travail effectué à l’IPGP) et rectifiées par

le CMLA. (c) Carte de disparité. Les pixels blancs sont identifiés dans les deux images par l’algorithme. (d) Carte de profondeur relative interpôlée dans les zones non appariées. Image d’après N. Sabater, Thèse 2009.

En l’état, ces résultats ne permettent pas d’utiliser les topographies obtenues pour des simulations ou pour une analyse géomorphologique. En collaboration avec Jean-Denis Durou de l’IRIT, alors en détachement au CMLA, deux autres méthodes ont été testées pour tenter d’améliorer ces premiers

16Structure d’échange et d’interaction au sein de l’Université Paris Diderot entre plusieurs disciplines associées à

l’exploration de l’Univers et à l’observation spatiale de la Terre. http ://spacecampus-paris.fr

17Après extraction, la carte de profondeur contient des valeurs relatives dans le repère images/sol. La grille peut

résultats : la stéréophotométrie et le shape-from-shading18. Si cette dernière méthode a déjà été utilisée en planétologie [Davis et al., 1982 ; Davis and Soderblom, 1983 ; 1984 ; Davis and McEwen, 1984 ; Kirk, 1989 ; McEwen, 1989 ; Mangold et al., 2003 ; Beyer et al., 2003 ; Lohsea et al., 2006], la stéréophotométrie n’a jamais été appliquée en planétologie.

C’est la seule technique de reconstruction 3D photographique qui soit à la fois multi-oculaire et photométrique. Elle consiste à utiliser la relation entre le niveau de gris des images d’une même scène et les paramètres de la scène photographiée. Cette technique repose sur trois hypothèses :

– la scène est identique d’une image à l’autre,

– la surface photographiée est lambertienne, c’est-à-dire diffusante,

– enfin, seuls les paramètres de l’éclairage sont différents d’une image à l’autre.

Dans le cas martien, la première hypothèse est vérifiée car l’état de surface ne change pas d’une image à l’autre (du moins, dans les exemples d’images considérées ici). La seconde hypothèse est rarement vérifiée dans la nature, cependant plus une surface est rugueuse, plus elle diffuse la lumière. Malgré la poussière, cela est loin d’être le cas sur la Lune par exemple. Dans un premier temps, cette hypothèse peut être considérée comme satisfaite dans le cas martien, mais reste à être vérifier. C’est la troisième hypothèse qui pose véritablement problème car la géométrie caméra–sol n’est pas la même d’une image à l’autre19. Dans ces conditions, la stéréophotométrie est encore applicable en théorie, mais devient plus difficile à résoudre dans la pratique. Cela revient à trouver les points homologues pour apparier les images entres elles et ainsi à retrouver les difficultés rencontrées quand on utilise la stéréoscopie. Sur le plan théorique, la stéréophotométrie se base sur la relation suivante :

Ii = ρ STi N i ∈ [1, n] (4.4.1)

où I est le niveau de gris de l’image (énergie normalisée par max(image)), ρ est l’albédo, ST la

matrice éclairage, N le vecteur unitaire normal à la topographie et n le nombre d’images, avec pour inconnues ρ et N. Trois images sont nécessaires pour se ramener à un problème bien posé.

En appliquant la stéréophotométrie aux images qui sont partiellement orthorectifiées20, le résultat est loin d’être satisfaisant (Figure4.21).

18Technique qui consiste à extraire la pente d’une surface depuis l’intensité de celle-ci en fonction des paramètres

d’éclairage. La méthode se base sur l’hypothèse que la surface est lambertienne avec un albedo homogène.

19Ce n’est d’ailleurs pas le cas non plus au sein d’une même image puisque le capteur CTX est de type push-broom.

20Cette orthorectification est effectuée avec MOLA, soit en utilisant un MNT avec une résolution spatiale de deux

FIG. 4.21: (a-b) Images (grossièrement) ortho-rectifiées de la surface de Mars. (c) Premier résultat obtenu en

utilisant la stéréophotométrie.

Ces mauvais résultats amènent assez naturellement à envisager de fusionner stéréoscopie et sté- réophotométrie. En effet, sur la zone d’étude, quatre images CTX sont disponibles aujourd’hui et présentent deux à deux des éclairages distincts (Figure4.22et Tab.4.3). La mise en correspondance des différentes images peut donc fournir des appariements précis et fiables, au moins en certains pixels comme cela a déjà été fait au CMLA (Figure4.20). Il sera donc possible d’utiliser la stéréo- photométrie en chacun des points déjà appariés.

Néanmoins, si un pixel ne possède qu’un seul homologue sur les trois autres images, une ambi- guïté (entre deux solutions) persiste sur la détermination de la normale en ce point.

En outre, si la stéréophotométrie ne permet pas toujours d’obtenir un champ de normale dense, le shape-from-shading n’a pas ce défaut. Même si cette méthode reste délicate à appliquer dans notre cas, elle pourrait servir de technique complémentaire pour densifier le champ de normale du relief reconstruit préalablement.

P06 P07 P20 P22

FIG. 4.22: Quatre images CTX acquises sur la même région (Coprates Chasma). Les images ont été traitées

sous ISIS et projetées. L’orientation du Soleil (azimuth et incidence) est très différente d’une image à l’autre (cf. Tab.4.3). Image i φ e Sa P06 53.68 53.68 0.09 239.38 P07 46.18 68.87 23.08 256.13 P20 61.93 57 6.93 314.26 P22 60.58 76.01 19.47 310.38

TAB. 4.3: Récapitulatif des paramètres photométriques des images CTX (Figure4.22) où i est l’angle d’inci-