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Méthodes d’évaluation de la résistance

Les évaluations du degré de résistance à la sclérotiniose au champ sont habituellement réalisées en faisant des essais dans des parcelles infestées naturellement. Dans certains travaux, on ajoute de l’inoculum d’appoint sous la forme de sclérotes (Cober et al., 2003; Kim et al., 2000; Rousseau et al., 2004) ou de grains de céréales infectés avec du mycélium de S. sclerotiorum (Danielson et al., 2004; McLaren et Craven, 2008) afin d’augmenter la pression de maladie. Au Québec la méthode de référence utilisée dans les essais officiels d’enregistrement de variétés repose sur une infestation avec des sclérotes produits en laboratoire.

Toutefois, étant donné que la sclérotiniose se manifeste sporadiquement, de la variation spatiale et environnementale peut exister dans le site d’essai. De plus, les conditions climatiques influencent directement la germination carpogénique (apothécies), l’infection et la pression de maladie qui varie considérablement d’une année à l’autre. Afin de contourner ce problème, un nombre impressionnant de méthodes d’inoculation mesurant la résistance du soya à la sclérotiniose au champ ou en serre ont été mises au point. On peut les diviser en trois groupes: i) inoculation de la plante entière; ii) inoculation de parties de plantes coupées; et iii) mesures indirectes (Auclair et al., 2004). Les méthodes varient également selon le type d’inoculum utilisé: sclérotes, ascospores ou mycélium.

1.4.1 Inoculation de la plante entière

Cotylédons

Grau et Bissonnette (1974) ont inoculé des petites blessures faites sur les cotylédons de plantules de soya avec du mycélium et ont été parmi les premiers à trouver de la résistance génétique à la maladie. Kim et collaborateurs (2000) ont inoculé des cotylédons en insérant un grain d’avoine colonisé par le champignon à l’intérieur de petits trous et en y déposant un morceau de mycélium poussant sur milieu gélosé d’extrait de pomme de terre (Potato Dextrose Agar, ou PDA). Les résultats obtenus avec ces deux méthodes étaient modérément corrélés avec ceux obtenus au champ sous infestation naturelle et artificielle avec des sclérotes.

Feuilles

Chen et Wang (2005) ont pulvérisé une suspension de champignon broyé sur des plants. En serre, cette méthode a permis de départager la réaction de variétés reconnues sensibles ou résistantes; on ignore cependant si elle est reproductible ou si elle peut être utilisée au champ.

Fleurs

Plusieurs méthodes ont cherché à inoculer des plantes en fleurs en pulvérisant une suspension d’ascospores (Cline et Jacobsen, 1983; Rousseau et al., 2004), de mycélium (Wegulo et al., 2008), ou en insérant de petits morceaux de mycélium en croissance sur milieu PDA (Rousseau et al., 2004). Les résultats étaient très

variables, allant de aucune différence de sensibilité entre les cultivars à l’absence de corrélation avec les résultats obtenus au champ.

Tiges

Auclair et collaborateurs (2004) ont développé une méthode au champ qui fait appel à des grains d’orge infectés que l’on insère dans des blessures créées sur des tiges. Les résultats obtenus lors de deux années d’essais étaient faiblement corrélés entre eux (r= 0,21). Selon l’essai, la corrélation entre ces résultats et ceux obtenus en utilisant un indice de gravité au champ sous infection naturelle était faible, nulle, ou négative. Une autre méthode utilisée en serre consiste à déposer une suspension de mycélium broyé à l’extrémité de la tige principale (Chen et Wang, 2005). Cette méthode départageait la réaction des variétés sensibles et résistantes en conditions contrôlées mais aucune information n’a été présentée pour démontrer sa reproductibilité.

Pétioles

La méthode mise au point par Hoffman et collaborateurs (2002) consiste à insérer un morceau de paille pour boire, contenant du champignon en croissance sur milieu PDA, sur un pétiole coupé à 2,5 cm de la tige, de façon à mettre l’inoculum en contact avec la blessure. Avec cette méthode, les auteurs ont eu de la difficulté à départager la réaction de la plupart de leurs traitements témoins, mais ils ont tout de même obtenu des corrélations significatives avec les résultats au champ sous infestation naturelle.

« Limited-term inoculation »

Cline et Jacobsen (1983) ainsi que Boland et Hall (1986) ont trouvé qu’une technique d’inoculation dite «limitée» (‘Limited-Term Inoculation’) permettait de détecter des différences significatives du degré de sensibilité des génotypes à la maladie. On place un morceau de milieu de culture (PDA, carotte, céleri, haricot) colonisé par le mycélium à l’endroit souhaité et on peut le recouvrir avec du coton humide afin de maintenir un haut degré d’humidité. Les plantes sont incubées pendant 24 à 144 heures dans des conditions humides, puis le morceau de coton et l’inoculum sont enlevés. On évalue la progression de la maladie à divers

moments avec un indice de gravité (Cline et Jacobsen, 1983; Boland et Hall, 1986). Bien que cette méthode ait permis à Boland et Hall (1986) de trouver des différences significatives de la résistance entre les cultivars, ils n’ont pas trouvé de corrélation entre leurs résultats et ceux obtenus sous inoculation naturelle au champ (Boland et Hall, 1987).

Lors de ma maîtrise, j’ai développé une méthode d’inoculation limitée qui consistait à déposer un morceau de mycélium en croissance sur milieu PDA sur une blessure créée par l’ablation d’un bouquet floral (Bastien, 2004). On mesurait la longueur de la lésion sur la tige deux, quatre et six jours après inoculation. Cette méthode permettait de détecter de façon reproductible des différences significatives de la longueur des lésions entre les cultivars en serre et au champ. Malheureusement elle prenait trop de temps, un handicap pour son utilisation à grande échelle.

1.4.2 Inoculation de parties de plantes coupées

Tiges

Wegulo et collaborateurs (1998) ont inséré des morceaux de carotte colonisés par le champignon dans des blessures de 2 mm de diamètre créées dans des tiges de soya. La longueur de la lésion sur la tige était mesurée après cinq jours d’incubation dans des chambres d’humidité. Les résultats n’étaient pas corrélés avec ceux obtenus au champ. Chun et collaborateurs (1987) ont mesuré la longueur de la lésion cinq à sept jours après inoculation de tiges coupées avec des rondelles de mycélium de S. sclerotiorum en croissance sur de l’agar. Les résultats étaient plus ou moins corrélées avec ceux obtenus dans des champs infestés de sclérotes. Dans un autre travail faisant appel à cette méthode, des différences significatives de la longueur des lésions furent observées entre les cultivars, mais les réactions variaient selon l’essai. De plus, il n’y avait pas de corrélation entre ces résultats et ceux d’essais effectués dans des champs infestés artificiellement avec des sclérotes du S. sclerotiorum (Nelson et al., 1991a).

Feuilles

Cline et Jacobsen (1983) n’ont pas trouvé de différences significatives entre des cultivars de soya inoculés en déposant des morceaux de carotte colonisés par le champignon sur les feuilles. Un autre travail a trouvé une corrélation significative entre la surface de la lésion mesurée 48 heures après l’inoculation de feuilles excisées avec du mycélium poussant sur milieu PDA et les niveaux de maladie au champ sous infestation naturelle et artificielle avec des sclérotes (Kim et al., 2000). Hoffman et collaborateurs (2002) ont utilisé la même méthode et ont eu des résultats corrélés avec ceux obtenus dans des champs infestés naturellement seulement une fois sur cinq. Wegulo et collaborateurs (1998) ont utilisé une méthode similaire à celle de Kim et collaborateurs (2000), mais ils ont créé une blessure sur la feuille avant d’y déposer l’inoculum. Le résultat des classements a varié beaucoup entre les essais, mais les auteurs estimèrent tout de même que la méthode était bonne car les cultivars reconnus sensibles ou résistants se sont comportés tel quel dans la majorité des essais.

1.4.3 Méthodes indirectes

Wegulo et collaborateurs (1998) ont comparé cinq méthodes d’inoculation de la sclérotiniose dont deux faisaient appel à l’acide oxalique. La première méthode consiste à tremper des tiges de soya dans une solution d’acide oxalique. La longueur de la tige blanchie par la substance est mesurée après 4 jours. L’autre méthode plonge également des tiges de soya dans de l’acide oxalique. Un pigment rougeâtre est émis par la tige, se dissout dans la solution, puis est mesuré par absorbance avec un spectrophotomètre 48 heures après l’inoculation. Les auteurs ont conclu que ces deux méthodes étaient supérieures aux autres testées car elles avaient les meilleures reproductibilités et corrélations avec les résultats d’essais dans des champs artificiellement infestés avec des sclérotes. La mesure de pigments solubles a par la suite été utilisée dans un travail de cartographie QTL (Li et al., 2010a).

Globalement, les résultats obtenus avec ces diverses méthodes ont des degrés de concordance variables avec l’intensité de la maladie au champ (Chun et al., 1987;

Hoffman et al., 2002; Kim et al., 1999; 2000; Nelson et al., 1991a). Dans certains travaux les méthodes d’inoculation elles-mêmes ne sont pas stables car la réponse des variétés varie d’une expérience à l’autre (Guo et al., 2008; Kim et al., 1999; 2000; Nelson et al., 1991a; Wegulo et al., 1998). Le problème est tel que deux programmes d’amélioration génétique publics ontariens ont cessé de mettre des efforts dans l’évaluation de leur matériel pour la résistance à la sclérotiniose au moyen de méthodes d’inoculation artificielle (E. Cober, communication personnelle; I. Rajcan, communication personnelle). À ce jour, aucune méthode d’inoculation de la sclérotiniose ne fait l’unanimité au sein de la communauté scientifique. Il serait souhaitable de mettre au point une nouvelle méthode rapide et reproductible pour évaluer le degré de résistance du soya à la sclérotiniose.

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