• Aucun résultat trouvé

Méthodes d’évaluation des impacts du changement climatique sur l’agriculture et

Chapitre 1 Changements climatiques et production agricole au Mali

4. Méthodes d’évaluation des impacts du changement climatique sur l’agriculture et

La vulnérabilité de l’agriculture aux aléas météorologiques pose le défi important de l’évaluation de l’impact du changement climatique sur la production agricole. Une importante littérature s’est consacrée à proposer des méthodes permettant de faire face à ce défis. Trois méthodes sont proposées à cet effet : les modèles biophysiques de simulation des plantes, l'approche hédonique (aussi appelée approche Ricardienne), et l'approche statistique. Compte tenu des contraintes liées à la disponibilité des données, dans ce chapitre nous adoptons une méthode plus simple basée sur l’analyse exploratoire des données. Nous présentons cependant les trois méthodes les plus utilisées dans la littérature.

4.1. Méthodologie adoptée dans ce chapitre pour évaluer l’impact du changement climatique sur l’agriculture au Mali

Les méthodes d’évaluation de l’impact du changement climatique sur la production agricole présente chacune des avantages même si quelques limites ont été relevées. Dans le cadre de la présente étude, plusieurs contraintes font qu’aucune de ces trois approches n’est applicable. En effet, la méthode de simulation de culture requiert une logistique, une période de temps considérable nécessaire pour l’observation de la croissance des plantes et une connaissance plus poussée en agronomie. De plus c’est une expérimentation qu’il n’est pas aisé d’envisager compte tenu du contexte spécifique du Mali. Par ailleurs, utiliser le modèle ricardien suppose que l’on dispose des informations sur le revenu net de l’exploitation ou sur la valeur de la terre. Les bases de données que nous disposons ne comportent pas ces variables. Nous aurions pu utiliser les modèles statistiques car ils n’exigent pas d’avoir l’information sur le revenu net de l’exploitation ou la valeur des terres, la base de données requise est plus légère. Cependant, dans le cas du Mali les données de panels sur les rendements des cultures sont limitées.

44

Considérant les contraintes à l’application des méthodes proposées dans la littérature, nous adoptons une analyse purement descriptive. Même si elle peut être jugée simpliste, l’analyse descriptive et exploratoire des données fournie une idée de la relation entre le changement climatique et la production agricole, toute chose égale par ailleurs.

4.2. Les modèles biophysiques de simulation de croissance des plantes

Ces modèles sont réalisés à partir de la culture des plantes sur des terrains expérimentaux. La croissance des cultures est simulée en tenant compte des facteurs tels les propriétés des sols, la disponibilité de l'eau, la température et la dynamique de l'azote dans le sol (Hertel et Rosch, 2010). Les facteurs de gestion sont également pris en compte notamment, le choix des variétés de semences, le choix de la date de semi, les quantités plantées, l’écartement des rangs et l'irrigation. De plus, les phases de développement des cultures sont modélisées par des équations mathématiques. Dans un premier temps, les équations de bases sont établies, puis elles sont calibrées. Pour réaliser du contrefactuel, il est possible de leur soumettre de nouvelles valeurs de concentration en gaz à effet de serre reflétant un scénario climatique possible. À cet effet, des niveaux différents de concentration en CO2 peuvent être testés. Il est alors possible d’observer la

réponse potentielle des cultures selon différents scénarios climatiques. Ainsi, simuler l'impact des changements climatiques sur la production agricole est possible en observant les quantités produites suite à des variations des niveaux de températures et de précipitations. (Hertel et Rosch, 2010).

Ces modèles présentent l’avantage d’être à mesure de capter les effets fertilisants du CO2 car ce gaz à effet de serre affecte non seulement le climat, mais il joue aussi un rôle dans le processus physiologique de la photosynthèse et de la transpiration (Field et al., 1995). Cependant, la principale limite des modèles de simulation de croissance de cultures est qu’ils ne tiennent pas compte du fait que les agriculteurs sont des agents rationnels capable de s’adapter aux changements climatiques. Cette limite leur a valu le nom « méthodes de l’agriculteur muet », (Mendelsohn et al. 1994). L’omission de la capacité d’adaptation de l’agriculteur conduit à surestimer les impacts négatifs des changements climatiques. Pour pallier à cette limite Mendelsohn et al. (1994) ont proposé l’approche hédonique permettant d’estimer l’impact du Climat sur l’agriculture à partir de la valeur foncière des terres en prenant en compte la capacité d’adaptation des agriculteurs.

45

4.3. Le modèle hédonique ou approche ricardienne

Le modèle hédonique pour estimer les impacts du changement climatique sur l’agriculture est issu des travaux de Mendelsohn et ses collègues (Mendelsohn, Nordhaus, et Shaw, 1994, 1996, 1999). Elle est encore appelée méthode ricardienne en référence aux travaux théoriques pionniers de l'économiste classique David Ricardo du 19ème siècle. Selon Ricardo, les agriculteurs sont supposés, toutes choses étant égales par ailleurs, maximiser leurs profits en utilisant des terres dont la productivité décroit naturellement au fil du temps, en rapport avec le climat et la qualité du sol. Ainsi, sous l’hypothèse d’un bon fonctionnement des marchés, la rentabilité potentielle d'une parcelle de terre devrait être reflétée dans sa valeur du marché. Dès lors, les variations spatiales du climat conduisent à des variations spatiales des valeurs des terres. S’appuyant sur cette hypothèse, l’approche hédonique utilise des données transversales pour estimer les relations de long terme entre la valeur des terres agricoles et les variables climatiques.

De façon empirique la valeur des terres ou les revenus nets de l’exploitation sont régressés sur les variables climatiques, les variables caractérisant les types de sols, les variables géographiques et les variables économiques qui sont indépendantes du choix de l'agriculteur (Mendelsohn 2009). Cette méthode suppose également que les prix sont constants (Kurukulasuriya et Mendelsohn, 2008) et que les agriculteurs ajustent leurs intrants et les pratiques agricoles pour profiter au mieux des avantages de l’emplacement de la ferme, et du climat (Mendelsohn 2009; Seo et Mendelsohn 2008). Les coefficients estimés pour les variables climatiques reflètent le coût économique de l’effet des changements climatiques sur l'agriculture, les autres facteurs étant constants. A titre illustratif, mentionnons les travaux de Mendelsohn, Nordhaus, et Shaw (1994) qui indiquent qu'une augmentation des températures moyennes en juillet de 1° F dans les quarante-huit États américains contigus, devraient diminuer la valeur des terres de 155 $ par ha en moyenne (calculée en dollars de 1982). Ces relations statistiques sont appelées sensibilités climatiques ricardiennes (Polsky, 2004).

Le modèle hédonique a deux principales limites. D’abord, elle est sensible aux biais de variables omises. En effet, l’omission de certaines variables, potentielles explicatives de la relation climat – agriculture, conduit à biaiser l’ampleur de l’impact des changements climatiques sur l’agriculture. Deuxièmement, cette méthode suppose que les agriculteurs sont des agents économiques parfaitement rationnels, de sorte que les relations économétriques ne varient pas de façon significative au fil du temps et sont exclusivement déterminées par les conditions locales. Pour pallier à ces limites les méthodes statistiques ont été développées.

46

4.4. Approche statistique

La méthode statistique s’appuie sur des observations historiques pour évaluer des effets du changement climatique sur les cultures. Elle consiste à estimer les relations statistiques entre les rendements des cultures et les variables climatiques telles que les précipitations, et les températures (Schlenker et Roberts, 2006 ; Lobell et al., 2008 ; Schlenker et Lobell, 2010). Ainsi, les conditions climatiques agissent comme une ”expérience naturelle” ce sont des variables exogènes du modèle. Schlenker (2009) préconise une approche sur données de panel dans laquelle une section transversale des rendements est suivie au cours du temps, en utilisant des effets fixes pour tenir compte de l'emplacement précis des déterminants de la production agricole. Contrairement au modèle de simulation de culture, dans le modèle statistique, le chercheur est seulement capable d’observer l’issue de l’expérience sans pour autant contrôler la quantité de l’intrant naturel.

Le modèle statistique présente plusieurs avantages. Les échelles spatiales et temporelles sont plus importantes que celles utilisées dans les analyses de simulation de cultures. De plus, une fois que le modèle statistique est estimé, il est aussi possible de lui soumettre de nouvelles conditions météorologiques et de prédire quelle sera la réponse de la variable d’intérêt. La valeur prédite peut par conséquent être comparée à la réalisation historique, et le changement peut alors être attribué à la variation des conditions climatiques.

Malgré les avantages des modèles statistiques, quelques limites sont à relever. En effet, ces modèles peuvent se heurter au problème de multicolinéarité (Sheehy et al., 2006 ; Lobell and Ortiz-Monasterio, 2007). Le fait est que, dans le modèle statistique, plusieurs variables climatiques peuvent être utilisées pour estimer les variations des rendements. Or ces variables peuvent être colinéaires. De plus pour une variable climatique donnée, le chercheur peut intégrer dans le modèle les valeurs désagrégées de cette variable pour refléter les effets saisonniers (exemple : température en saison de pluie, températures en saison sèche). Dans ce cas la colinéarité entre les variables est encore plus risquée. Une autre limite de ces modèles est que, l’étude porte sur une seule culture, tout comme dans les modèles de simulation des cultures. Ce qui implique que dans ce modèle comme dans le modèle de simulation de culture, il est implicitement supposé que les agriculteurs ne peuvent pas s’adapter à un environnement variable offrant de nouvelles conditions climatiques.

47

4.5. Bases de données utilisées

Les données sur l’agriculture utilisées dans ce chapitre proviennent de diverses sources dont les principales sont : le Recensement Général Agricole du Mali 2004/2005 (RGA), les Enquêtes Agricoles de Conjoncture du Mali (EAC), le site de l’organisation des nations unies pour l’alimentation (FAO) et le site de la Banque Mondiale. L’Appendice A, présente plus en détails les données provenant du RGA et de l’EAC. Ces deux bases de données contiennent des informations sur les caractéristiques sociodémographiques des agriculteurs, les caractéristiques des parcelles, les quantités d’intrants utilisés et les rendements agricoles. Les données météorologiques que nous utilisons dans ce chapitre sont extraites de la base climatique CRU TS3.