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I.2 Diffusion d’une onde par une particule

II.1.2 Méthodes numériques disponibles pour la résolution du problème

II.1.2.2 Méthode T-Matrix

La méthode T-Matrix est également désignée (entre autres) par les termes EBCM (Extended Boundary Condition Method) ou NFM (Null Field Method). Initialement in- troduite par WATERMAN2 dans le domaine de la diffusion acoustique [Waterman, 1965], puis celui de la diffusion électromagnétique [Waterman,1971], la méthode T-Matrix a ou- vert de nombreuses perspectives dans la communauté traitant de la diffusion de la lumière par une particule ou un ensemble de particules et est aujourd’hui très largement utilisée.

Principe. La méthode T-Matrix est basée sur la décomposition des champs incident

~Einc et diffusé ~Esca en harmoniques sphériques vectorielles. La linéarité des équations de

Maxwell, ainsi que la linéarité des conditions aux limites, impliquent que les coefficients du développement pour ~Esca sont reliés linéairement aux coefficients du développement

pour ~Einc. La matrice T formalise cette relation linéaire : le vecteur contenant les coef-¯¯

ficients de la décomposition du champ diffusé ~Esca est obtenu en multipliant la matrice

¯ ¯

T par le vecteur contenant les coefficients du champ incident ~Einc. Si la matrice T est¯¯

connue, alors le champ diffusé ainsi que les propriétés radiatives peuvent être calculés. Tout l’enjeu est donc de déterminer cette matrice. Pour ce faire, il existe différentes méthodes dont l’originale, introduite par WATERMAN, est Extended Boundary Condition

Method (EBCM) ou Null Field Method (NFM) [Waterman, 1965; Barber and Hill, 1990;

Tsang et al., 2000; Mishchenko et al., 2002]. Plus tard, d’autres méthodes ont fait leur

apparition telles que la méthode IIM (Invariant Imbedding Method) [Johnson, 1988], la méthode de séparation des variables en utilisant une décomposition en base de fonctions sphéroïdales [Schulz et al., 1998], la méthode des moments des dipôles discrets (Discrete

Dipole Moment Method) [Mackowski, 2002] ou encore la méthode PMM (Point-Matching

1. Des pages sont spécifiquement dédiées aux codes résolvant le problème de la diffusion d’une onde électromagnétique par une particule sphérique aux adresses suivantes : https://scattport.org/index. php/light-scattering-software/mie-type-codes et http://scatterlib.wikidot.com/mie

2. MISHCHENKOet MARTINont retracé la vie scientifique de Peter C. WATERMAN dans un article intitulé "Peter Waterman and T-Matrix methods" [Mishchenko and Martin,2013]. Ces travaux ont eu un impact majeur dans le domaine de la diffusion par des particules.

Method) [Nieminen et al.,2003]. En AnnexeB, nous présenterons brièvement la méthode EBCM qui est largement reprise dans la littérature [Barber and Hill, 1990; Tsang et al.,

2000;Mishchenko et al.,2002;Rother and Kahnert,2014] et qui, en plus d’être la méthode

historique, est toujours très utilisée. Cette méthode se base sur une formulation intégrale en surface du champ diffusé. Elle nécessite d’évaluer numériquement des intégrales sur la surface de la particule, dont les intégrandes font intervenir les produits vectoriels des fonctions harmoniques sphériques [Tsang et al., 2000;Mishchenko et al., 2002].

Avantages et limites. Dès que les particules deviennent non-sphériques où que le mo- dèle de la sphère équivalente ne suffit pas, la méthode T-Matrix est considérée comme l’une des méthodes les plus rapides et précises pour résoudre de manière exacte le pro- blème de la diffusion d’une onde électromagnétique par une particule ou un ensemble de particules [Mishchenko et al., 2002; Kahnert, 2003, 2016]. La matrice T à l’avantage¯¯

d’être indépendante de la direction de propagation et de l’état de polarisation du champ incident ainsi que du champ diffusé. Une fois la matrice calculée, elle peut-être utilisée pour évaluer les propriétés de diffusion et d’absorption de la particule pour n’importe quel état de polarisation et n’importe quelle orientation de la particule par rapport au champ incident. Ceci présente un avantage significatif par rapport à d’autres méthodes numé- riques qui nécessitent de refaire le calcul à chaque nouveau champ incident. La méthode T-Matrix est donc particulièrement avantageuse pour la prise en compte des moyennes sur la distribution des orientations des particules au sein d’une suspension [Mishchenko,

1991].

Bien que la méthode T-Matrix n’est pas théoriquement limitée à une forme particu- lière de particule (contrairement à l’approche de Lorenz-Mie), des difficultés numériques sont rencontrées en pratique pour des particules très éloignées de la sphère. Toutefois, elle est particulièrement efficace pour calculer les propriétés radiatives de particules axi- symétriques grâce à la gestion des symétries des dites particules. Ceci permet de réduire les temps de calcul [Kahnert et al., 2001].

Des problèmes de convergence numérique, entraînant des pertes de précisions, inter- viennent lorsque la forme de la particule devient complexe (i.e. sans symétries ou avec des particules très allongées), le paramètre de taille et/ou l’indice de réfraction relatif devient grand [Mishchenko et al., 1996, 2002]. Dans la méthode EBCM, le calcul de la matrice

¯ ¯

T nécessite d’évaluer l’inverse de la matrice Q (¯¯ T = −(Rg¯¯ Q)¯¯ Q¯¯−1, voir Eq. B.26 pour les détails) pouvant entraîner des pertes de précisions. Ce n’est toutefois pas la seule cause. En effet, la méthode EBCM souffre de sévère pertes de précision dues à l’évaluation des intégrales de surfaces dont les intégrandes peuvent être rapidement oscillantes [Somerville et al.,2012;Kahnert,2016], c’est-à-dire prenant des grandes valeurs positives ou négatives

devant la valeur de l’intégrale. C’est la sommation de ces grandes contributions positives et négatives (qui s’annule presque) qui entraîne des problèmes de précisions numériques. Mathématiquement parlant, la méthode T-Matrix est basée sur la décomposition des champs sous forme de séries infinies. D’un point de vue numérique, il est nécessaire de tronquer ces séries à un certain ordre Ncut. Ce paramètre influence directement la précision

du résultat. Il dépend du paramètre de taille x, de la forme de la particule et de l’indice de réfraction relatif mr. Par exemple, plus le paramètre de taille est élevé, plus l’ordre de

troncature Ncut doit être élevé entraînant une augmentation du nombre d’éléments de la

matriceT à calculer. Pour l’utilisateur, ceci se traduit par une augmentation du temps de¯¯

calcul. KAHNERTmentionne que le temps CPU (Central Process Unit time) est de l’ordre de xl, avec x le paramètre de taille et l qui varie typiquement entre 3 et 5.5 suivant la

présence ou non de symétries de la particule [Kahnert,2016].

Développements et améliorations du calcul de la matrice T .¯¯ De nombreuses améliorations ont été développées pour étendre les domaines de validité (pour des plus grandes particules) de la méthode EBCM en utilisant une précision numérique plus élevée

[Mishchenko and Travis, 1994], et en optimisant l’algorithme d’inversion de la matrice Q¯¯

[Petrov et al., 2007]. D’autres méthodes ont également été développées pour calculer la

matrice T .¯¯

La méthode IEBCM (Iterative Extended Boundary Condition Method), initialement introduite par ISKANDER[Iskander and Lakhtakia, 1984], est une méthode itérative basée sur la division de la particule en sous-régions pouvant se recouvrir (voir Fig.II.2a). IEBCM permet de traiter des particules très allongées avec des paramètres de taille quatre fois plus élevés que ceux utilisés avec la méthode EBCM [Mishchenko et al.,2002;Yan et al.,2008]. Cependant, en plus d’être couteux en temps de calcul, IEBCM n’offre pas les avantages d’EBCM lorsque l’on tient compte des moyennes sur les orientations (car la matrice T¯¯

n’est plus indépendante de l’orientation) [Mishchenko et al.,2002].

La méthode MBIT (Many-Body Iterative T-Matrix) [Yan et al., 2008; Sun et al.,

2013] permet de traiter des particules avec de fortes élongations. L’idée principale est de découper une particule axi-symétrique en sous-particules en conservant l’axe de symétrie initial (voir Fig.II.2b), puis d’appliquer à chacune des sous-particules une méthode, proche d’EBCM, qui tient compte des différentes interfaces entre les sous-particules. MBIT a été utilisée sur une particule cylindrique d’élongation R = hd = 18 (diamètre d = 10 et hauteur

h = 180) [Sun et al., 2013]. Combinée avec l’optique géométrique, elle a été appliquée à des longues chaînes prismatiques triangulaires [Sun et al., 2016].

La méthode IIM (Invariant Imbedding Method), introduite par JOHNSON [Johnson,

triques inhomogènes dont la plus grande est circonscrite à la particule (voir Fig. II.2c). Chaque sphère est alors constituée d’une portion de la particule et éventuellement d’une portion de milieu extérieur. Le principe d’IIM est alors de calculer la matriceT de manière¯¯

itérative à partir d’une intégrale de volume : la matriceT de la p¯¯ eme` couche sphérique est obtenue à partir celle de la (p − 1)`eme couche sphérique. IIM permet de traiter des parti-

cules possédant des grands paramètres de taille et/ou de fortes élongations. Toutefois, elle est couteuse en temps de calcul. Cela peut-être réduit en couplant IIM avec la méthode EBCM [Bi et al.,2013a], l’optique géométrique [Liu et al.,2015] ou encore la méthode de séparation des variables (SVM) [Bi et al., 2013b].

La méthode NFM-DS (Null Field Method - Discrete Source) [Doicu and Wriedt,1997,

1999; Doicu et al.,2006;Wriedt and Doicu,1998; Wriedt, 2007] est basée sur l’utilisation d’une distribution de sources discrètes. À titre d’illustration, pour des particules axi- symétriques, ces sources sont disposées le long de l’axe de symétrie (voir Fig. II.2d). Le champ interne est alors une combinaison linéaire des champs créés par chacune des sources élémentaires et qui sont elles-mêmes développées en vecteurs harmoniques sphériques. NFM-DS a l’avantage de pouvoir traiter des particules avec des géométries fortement non- sphériques et possédant de grandes élongations [Doicu et al., 2006, 2015]. Par exemple, elle a été appliquée à un spheroide de ratio 25 : 1 [Hellmers et al., 2011], et peut, à priori, traiter des élongations aussi grande que 100 : 1 [Wriedt,2009].

Codes numériques disponibles. Parmi les codes implémentant la méthode T-Matrix, ceux développés par MISHCHENKO [Mishchenko and Travis, 1998; Mishchenko, 2000; Mi-

shchenko et al., 2002] sont certainement ceux les plus utilisés actuellement. Néanmoins,

il existe d’autres codes plus ou moins accessibles selon le niveau d’expérience avec la mé- thode. Par exemple, le code Tsym [Kahnert,2013; Rother and Kahnert, 2014], développé par KAHNERT permettant de traiter des particules non-axisymétriques, est un code dé- dié à la recherche et pour des utilisateurs expérimentés. Le code SMARTIES (Spheroids

Modelled Accurately with a Robust T-matrix Implementation for Electromagnetic Scatte- ring) [Somerville et al., 2016], développé par Somerville et al, est quant à lui conçu pour être, à priori, facile d’utilisation. Ce code, disponible en ligne3, implémente un algorithme

amélioré de la méthode T-Matrix codé sous MATLAB pour résoudre le problème de la diffusion d’une onde électromagnétique par des particules sphéroïdales. D’autres codes sont également mentionnées dans l’ouvrage intitulé Scattering, absorption and emission

of light by small particles [Mishchenko et al., 2002].

3. http://www.victoria.ac.nz/scps/research/research-groups/raman-lab/ numerical-tools/smarties

p`emesph`ere

(p− 1)eme` sph`ere

Vp

a - M´ethode IEBCM b - M´ethode MBIT

c - M´ethode IIM d - M´ethode NFM-DS

Figure II.2 – Illustration des différentes améliorations de la méthodes T-Matrix. a - Méthode IEBCM (Iterative Extended Boundary Condition Method). b - Méthode MBIT (Many-Body Iterative T-Matrix).

c - Méthode IIM (Invariant Imbedding Method). d - Méthode NFM-DS (Null Field Method - Discrete

Source).

Applications. Les applications de la méthode T-Matrix sont nombreuses et couvrent de nombreux domaines allant de l’astrophysique au biomédical en passant par les sciences de l’atmosphère. T-Matrix a notamment été employée pour des particules non-sphériques en suspension dans l’eau [Bi and Yang, 2015; Liu et al., 2016; Charon et al., 2016; Sun et al.,2016;Xu et al.,2017], des particules types aérosols [Liu et al.,2015], des particules interstellaires [Ivanova et al., 2017], D’autres références triées par types ou formes de particules sont recensées dans les articles servant de bases de données mises régulièrement à jour par MISHCHENKO[Mishchenko et al., 2017].

Conclusion. Dans ce manuscrit, afin de valider nos algorithmes, nous utiliserons les codes (écrits en FORTRAN) développés par MISHCHENKOet qui sont disponibles en ligne. Même si ces codes sont restreints à des géométries axi-symétriques, ils ont le mérite d’être rapidement pris en mains. Ils ont également l’avantage de tenir compte des distributions d’orientation et de taille des particules. C’est, en particulier, pour ces raisons que ces codes ont été choisis dans ce manuscrit. Toutefois, comme nous le verrons dans Sec. IV.3.1.1,

le code T-Matrix que nous utilisons ne permet pas d’étudier toute la gamme d’intérêt de paramètres de taille pour l’étude des micro-organismes photosynthétiques (x ∈ [5, 200]). Il sera également envisagé d’utiliser un code implémentant la méthode DDA qui fait l’objet de la section suivante.

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