• Aucun résultat trouvé

Méthode : étude de trois villes stylisées et d’une ville existante

Potentiel de réduction d’émissions

Il convient de préciser les contours de la notion de potentiel de réduction d’une solution. Le potentiel de réduction peut se définir dans le temps : réduction entre deux dates données. Il peut aussi se définir par rapport à un autre scénario, à une date donnée : réduction entre un monde où rien n’a été fait pour réduire les émis- sions et un monde où des mesures ont été prises. Il s’agit alors d’émissions évitées entre deux visions du futur. C’est cette dernière notion que nous retiendrons pour la suite des analyses. Enfin, le potentiel peut être calculé en valeur absolue ou en proportion (pourcentage). Nous calculerons ici le potentiel de réduction en pour- centage afin de pouvoir comparer des villes de taille différentes.

Villes circulaires monocentriques

Pour comparer les interactions entre la forme de la ville et l’introduction d’une nouvelle technologie, nous commençons par étudier des villes théoriques d’une forme simple. Ces villes stylisées ne sont pas réalistes, mais nous permettent d’iso- ler l’influence de certaines de leurs caractéristiques sur l’effet de l’introduction du véhicule électrique.

Nous supposons des villes avec un seul centre d’emploi (monocentriques) et parfaitement circulaires : les coûts de transports dépendent uniquement de la dis- tance au centre et de la vitesse du mode utilisé. Cette configuration de ville nous permet d’étudier différents profils de densité en faisant varier la taille de la po- pulation et le coût des différents modes de transports. Tous les autres paramètres restent identiques.

Nous nous plaçons dans le cadre d’un modèle d’économie urbaine standard, auquel nous ajoutons le module de transport décrit dans le chapitre précédent. Ce module de transport décrit les choix du véhicule et du mode de transport comme le résultat de la comparaison de leurs coûts d’achat et d’usage.

Afin de mesurer l’impact du véhicule électrique sur différentes villes, nous imaginons trois villes fictives avec des tailles de population et des réseaux de transport distincts.

La première ville a une population de 10 millions d’habitants et un réseau de transport en commun. Nous l’appelons BigPT, pour "Big city with Public Trans- port". Nous choisissons cette taille de population afin de pouvoir comparer, par la suite, les résultats obtenus avec cette ville à ceux obtenus avec une simulation de l’Ile de France (ville polycentrique).

Pour tester l’effet de la taille de la population, nous modélisons une deuxième ville dix fois plus petite (un million d’habitants), avec un réseau de transport en commun. Nous l’appelons SmallPT pour "Small city with Public Transport" par opposition avec la grande ville. Cette ville n’est pas petite dans l’absolu. Nous ne choisissons pas une ville plus petite car nous souhaitons garder un réseau de trans- ports en commun comparable à celui de BigPT (même vitesse de déplacement et même concentration des stations), ce qui serait moins pertinent dans une ville de plus petite taille.

Cependant, d’autre taille de population seront testées dans les analyses dans la section 4.4.

Pour tester l’effet de la présence d’un réseau de transports en commun, nous choisissons de modéliser une troisième ville qui est une ville de dix millions d’ha- bitants comme BigPT, mais avec un réseau de transport en commun inexistant (vitesse nulle des transports en commun), et où les déplacements en voiture sont plus rapides et donc dominants (la marche à pied est prise en compte dans le mo- dèle). Nous l’appelons BigCars pour "Big city with Cars". La congestion n’est pas prise en compte dans le modèle, cette ville est donc une ville fictive dans laquelle les voitures circulent sans ralentissements.

Ces trois villes sont fictives mais peuvent être rapprochées de villes existantes. La ville BigPT peut être rapprochée de certaines métropoles, dotées d’un réseau de transport en commun, comme la région parisienne. La ville SmallPT peut être rapprochée de plus petites agglomérations, possédant un réseau de transports en commun (Prague, Riga, Lille, Cologne...). La ville BigCars quant à elle, peut être considérée comme une approximation des métropoles où le transport en voiture domine mais qui restent monocentriques. Ce schéma de ville se retrouve le plus souvent dans les grandes villes des pays en développement (Téhéran, Le Caire...), même si dans la plupart, l’hypothèse monocentrique peut être discutée.

Ces trois villes nous permettent de faire varier alternativement un seul des deux paramètres de la forme urbaine définis dans la section précédente. Elles ne sont pas représentatives des villes de manière exhaustive. La principale limite aux comparaisons avec des villes réelles étant l’hypothèse monocentrique. Nous avons fait le choix de ne modéliser que trois villes. Nous avons testé d’autres villes appartenant au continuum de villes fictives que l’on peut modéliser en faisant varier la vitesse des transports en commun et la taille de la population entre les paramètres choisis ici. Nous avons obtenus des résultats intermédiaires à ceux exposés.

De même, la ville fictive SmallCar, petite et sans transport en commun, a été testée mais n’est pas présentée dans les résultats. Les simulations nous ont montré que les résultats pour cette ville se situent entre ceux de SmallPT et BigPT. L’effet des transports en commun sur une petite ville et sur une grande ville va dans le même sens et répond au même mécanisme, que nous détaillerons dans la section 4.3. Nous avons donc choisi de ne le montrer que pour BigCar.

Les tailles de population et les réseaux de transport décrits ci-dessus nous per- mettent de simuler les profils de densité à l’équilibre pour les trois villes fictives (densité en fonction de la distance au centre). Les profils de densité sont repré- sentés dans la figure 4.1. Il s’agit des profils de densité en l’absence de véhicule électrique.

FIGURE4.1 – Profil de densité de trois villes fictives

On voit que du fait de l’efficacité des déplacements en voiture, la ville BigCars est plus étalée. Sa densité au centre est plus faible que celle de la ville BigPT. La ville SmallPT est quand à elle plus petite et moins dense en tous points.

Pour analyser l’impact de l’introduction du véhicule électrique, nous compa- rons chaque ville dans deux mondes différents. Un premier monde où le véhicule électrique est disponible à large échelle et un deuxième où il ne l’est pas. Dans

le monde où le véhicule électrique est disponible, nous supposons que les efforts nécessaires ont été faits pour rendre ce véhicule utilisable par tous (point de re- charge disponibles, recharge rapide, baisse du coût, électricité peu chère et décar- bonée...). Le prix du véhicule électrique est fixé à 15 000 e. Aujourd’hui le prix du véhicule électrique en France avoisine les 25 000 e, bonus écologique déduit. Cette baisse de prix peut être interprétée comme résultant de la baisse des coûts de production (voir chapitre 1), et du maintient du bonus écologique. Le véhicule électrique n’est pas disponible à large échelle actuellement et son introduction ne sera pas instantanée. Les équilibres que nous calculons avec ce modèle de ville correspondent donc à des villes futures, à l’horizon 2050.

Pour chacun de ces mondes, nous calculons l’équilibre statique de la ville afin de pouvoir comparer les différences de changement de forme, d’adoption du véhicule électrique et d’émissions évitées.

NEDUM-2D en Ile de France

Dans un second temps, nous allons nous intéresser à l’influence du polycen- trisme sur le potentiel de réduction d’émissions du véhicule électrique en ville. Jusqu’à présent les villes étudiées étaient monocentriques et circulaires. Or, la vi- sion monocentrique des villes est de moins en moins pertinente pour expliquer leur structure. Heikkila et al. (1989) montrent, par exemple, qu’à Los Angeles, la distance au centre d’affaire historique n’est pas significative pour expliquer le prix des logements, alors que d’autres nouveaux centres le sont. Ils interprètent leurs résultats comme un indice du déclin du modèle monocentrique.

Pour s’approcher un peu plus de la réalité, nous utilisons le modèle NEDUM- 2D qui nous permet d’étudier une ville polycentrique et calibrée sur une ville existante (ici l’Ile de France). Les contraintes sur l’utilisation des sols, les coûts de construction et les temps de transports utilisés sont ceux relevés pour l’aire urbaine de l’Ile de France. Cette analyse va nous permettre d’observer si l’effet constaté pour des villes monocentriques circulaires se retrouve dans une ville plus réaliste. En effet l’Ile de France est comparable, en terme de réseau de transport en commun et de taille de la population, à la ville BigPT.

La disponibilité du véhicule électrique n’est pas encore une réalité en Ile de France. Nous proposons donc un scénario à l’horizon 2050 afin d’étudier la possi- bilité de l’introduction du véhicule électrique à grande échelle. Le scénario utilisé pour les paramètres est un scénario central qui s’appuie sur les scénarios BAU de l’EIA (EIA, 2013). Les détails de ce scénario sont disponibles dans l’article en annexe 2.

4.3 Résultats : le véhicule électrique évite plus d’émis-