III. ALTERATIONS OSSEUSES AU COURS DES OSTEOPATHIES
1. PHYSIOPATHOLOGIE
2.2. Métastases osseuses
Les modèles murins sont très utilisés pour étudier la physiopathologie des métastases
osseuses. Les modèles murins nécessitent pour la plupart des souris SCID ou nude. Nous
nous intéresserons principalement ici aux modèles utilisant les rats sans
immunodépression et dont la taille permet d’envisager des études paracliniques et
thérapeutiques plus aisées.
2.2.1. Développement spontané de tumeurs
Chaque souche ou genre de rat apparaît avoir un profil spécifique de tumeur spontanée
(Tennekes, et coll., 2004).
a - Carcinome mammaire
L’incidence du carcinome mammaire spontané au cours de la vie varie selon les souches
de zéro (par exemple Copenhagen 2331) à intermédiaire (par exemple Sprague- Dawley,
Wistar) ou à élevé (par exemple Fischer 344, Brown Norway) (Gould, 1995). Cependant,
ces tumeurs primaires ne sont pas de bons modèles pour les maladies humaines. La
plupart des carcinomes mammaires spontanés ne métastasent pas et provoquent une
invasion locale faible.
b - Carcinome prostatique
Les carcinomes de prostate spontanés sont rares chez les rongeurs et l’incidence apparaît
très faible, comparée à l’homme. Cependant, certaines souches de rats ont une incidence
élevée de néoplasmes prostatiques comme les rats Lobund Wistar qui développent un
carcinome prostatique dans 30% des cas. Les rats Lobund Wistar ont un haut taux de
testostérone circulante, ce qui peut les prédisposer au développement de tumeurs
androgènes dépendantes. Cependant, ces tumeurs ne métastasent pas dans l’os non plus
(Rosol, et coll., 2003).
a - Carcinome mammaire
Des carcinomes mammaires ont été induits chez les rats par des agents chimiques ou
physiques. Les modèles de cancer mammaire de rat induits chimiquement sont plus
efficaces que les modèles induits par radiation (Imaoka, et coll., 2005). Les molécules
chimiques les plus utilisées sont l’hydrocarbure aromatique polycyclique DMBA
(dimethylbenzanthracene) ou les agents alkylant NMU (N-ethyl- N-nitrosourea) et MNU
(1-methyl-1-nitrosourea). Après une seule dose de DMBA ou de NMU, un
adénocarcinome se développe en 20 jours chez les rats jeunes (50-60 jours). Ces cancers
sont composés de cellules dysplasiques ; ils envahissent parfois les tissus environnants
mais métastasent rarement à des sites distants (Gould, 1995).
b - Carcinome prostatique
Les adénocarcinomes de prostate et de la vésicule séminale peuvent être induits chez les
rats Noble ou Lobund Wistar avec des combinaisons testostérone/œstradiol ou
MNU/testostérone. L’administration de MNU et de testostérone augmente l’incidence de
cette tumeur et diminuent l’âge d’occurrence : approximativement 90% des rats
développeront un carcinome de prostate à 12 mois (Pollard, et coll., 1989). Ces tumeurs
métastasent peu souvent aux ganglions lymphatiques et aux poumons et ne métastasent
pas dans l’os.
2.2.3. Les modèles syngéniques de métastases osseuses
Un modèle syngénique consiste à injecter des cellules tumorales à un animal hôte selon
divers protocoles. Les cellules tumorales injectées dérivent d’un animal de la même
espèce.
a - Métastases ostéoblastiques
La sous-lignée insensible aux androgènes MAT-Ly-Lu du carcinome prostatique de rat
Dunning (R3327)
La tumeur parentale, à partir de laquelle toutes les sous-lignées suivantes in vivo ont été
dérivées, est la tumeur originale R3327 initialement découverte en 1961 par W.F.
Dunning dans un rat mâle Copenhagen (Cop) âgé de 22 mois. Puisqu’une de ces
sous-lignées produisait des métastases dans les ganglions lymphatiques (lymph nodes) et les
poumons (lung), elle a été nommée sous-lignée MAT-Ly-Lu (pour Metastatic Anaplastic
Tumor metastasizing to Lymph node and Lungs). Les cellules MAT-Ly-Lu peuvent être
utilisées selon différents protocoles expérimentaux :
- Le modèle de Gedolf-Rao (Geldof et Rao, 1990)
Les cellules tumorales MAT-Ly-Lu R3327 ont été injectées par voie intraveineuse
dans la queue de rats Copenhagen mâles qui ont eu un clampage chirurgical
transitoire de la veine cave inférieure. Cette procédure reproductible induit une
croissance tumorale métastatique dans la région lombaire de la colonne vertébrale.
D’un point de vue pathologique, une activité ostéoclastique et ostéoblastique a été
observée dans les vertèbres lombaires.
- L’injection intracardiaque
Lorsque l’inoculation est réalisée dans le ventricule cardiaque gauche, les rats
Copenhagen développent en 2 à 3 semaines une paralysie des membres inférieurs,
signe clinique de métastases osseuses. La paralysie est due à une compression de la
mœlle épinière par les cellules tumorales issues du corps vertébral.
- L’injection intraosseuse
Récemment, Liepe et coll. ont développé un nouveau modèle en utilisant une
injection intraosseuse de cellules MAT-Ly-Lu après avoir foré un trou dans la
diaphyse fémorale. Ils ont observé des lésions osseuses ostéoblastiques par évaluation
scintigraphique et étude histologique (Liepe, et coll., 2005). Notre équipe a aussi
développé ce modèle en injectant les cellules après avoir foré un trou dans la partie
médiane de la diaphyse fémorale. Après injection, l’orifice cortical a été rempli de
cire. Le développement de la tumeur ostéoblastique est clairement identifié sur les
radiographies, un mois après l’injection. Cependant, ce modèle représente davantage
un développement local de la tumeur maligne plutôt qu’une vraie métastase localisée
dans l’os après une embolisation vasculaire. Les travées métaplasiques faites de
woven bone peuvent être identifiées par histologie sous la zone spongieuse primaire.
Une réaction massive périostée est souvent trouvée avec un os métaplasique
envahissant les tissus environnants (feu d’herbe).
Le modèle de Pollard (Polychronakos, et coll., 1991, Koutsilieris, 1992, Koutsilieris,
1995, Pollard, 1996)
Les tumeurs de Pollard sont des adénocarcinomes prostatiques se développant
spontanément chez 10% de rats Lobund Wistar (L-W) âgés. L’incidence de telles tumeurs
prostatiques augmente significativement après traitement par N-Nitro-N-Methylurea,
depo-testosterone et régime alimentaire gras.
Quand elles sont déposées sur un os de la voûte crânienne (calvaria) ou sur l’omoplate de
rats L-W, les cellules PA-III montrent la capacité d’induire : a) un développement local
de tumeur avec combinaison de réaction ostéolytique et ostéoblastique au site de
transplantation b) des métastases pulmonaires. Le développement local requiert la rupture
du périoste local par l’aiguille d’inoculation. Le périoste paraît agir comme une barrière
pour l’établissement de tumeurs PA-III et la réaction ostéoblastique.
b - Les métastases ostéolytiques
Walker 256
La tumeur de rat Walker 256 a été pour la première fois observée par Walker en 1928 à
l’Ecole de Médecine de l’Université John Hopkins ; elle est apparue spontanément dans
la région de la glande mammaire d’une rate albinos gestante de 10 mois.
Les cellules W256 peuvent être maintenues et propagées in vitro ou in vivo. Après un
passage in vitro, les cellules W256 sont susceptibles de se développer en sous cutané, en
intramusculaire ou en ascite mais ne peuvent induire de métastases osseuses après
injection intraartérielle. Deux passages in vivo sont requis avant que les cellules induisent
des métastases osseuses chez les animaux receveurs après injection intraartérielle. Les
cellules W256 sont la lignée d’origine et sont déficientes en récepteur aux œstrogènes.
Elles produisent de la PTHrP ce qui les rend suceptibles d’être utilisées dans un modèle
d’hypercalcémie (Rizzoli et Fleisch, 1987). Elles ont aussi été utilisées pour l’induction
de métastases osseuses. Différentes voies d’inoculation ont été utilisées dont l’injection
IA, et l’inoculation osseuse. Ces modèles animaux utilisant les cellules W256 ont été
décrits pour tester l’effet de bisphosphonates.
La lignée cellulaire 13762 de carcinome mammaire de rat
La lignée cellulaire 13762 de carcinome mammaire de rat a été initialement développée
par Segaloff (Alvarez, et coll., 2003). La lignée a été établit chez des femelles Fisher 344
par l’administration de 7,12-dimethylbenzanthracene. C’est une tumeur syngénique
spontanée et métastatique de rat qui a été largement caractérisée in vivo et in vitro.
Le carcinome 13762 a été utilisé comme un modèle d’ostéolyse tumorale. Alvarez et coll.
ont évalué la progression de la tumeur par radiographie et microtomographie (microCT)
coll., 2003). Les tumeurs de carcinome 13762 métastasent aussi dans l’os après injection
dans le ventricule gauche chez le rat Fisher 344.
La lignée cellulaire c-SST2 de carcinome mammaire de rat
La lignée cellulaire c-SST2 comprend des cellules de cancer du sein qui sont apparues
spontanément chez des rats SHR (Rats spontanément hypertendus). L’inoculation de
cellules c-SST2 dans l’aorte thoracique, par l’insertion d’un cathéter dans l’artère carotide
commune gauche de rats SHR, induit des métastases osseuses (Wada, et coll., 2004).
2.2.4. Les modèles transgéniques de métastases osseuses
L’établissement de modèles animaux basés sur des cellules de cancers humains
(xénogreffes) a une utilité évidente en recherche fondamentale et préclinique. L’activité
antitumorale de nombreux traitements expérimentaux peut être validée in vivo.
Cependant, les tumeurs humaines ne peuvent être tolérées seulement chez des animaux
immunodéprimés. Des mutants murins avec une fonction lymphocytaire T affaiblie, tels
que les souris nudes athymiques, sont souvent utilisés. Si une immunosupression plus
sévère est nécessaire pour augmenter les chances de greffes, des souris SCID peuvent être
utilisées. Des rats athymiques et nudes existent aussi. L’effet antitumoral du
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émettant des particules α a été évalué dans un modèle expérimental de métastases chez les
rats nudes injectés avec des cellules humaines MT-1 (cancer du sein) (Henriksen, et coll.,
2002). La lignée cellulaire humaine MDA-MB-231 a aussi été utilisée avec succès chez
les rats nudes (Neudert, et coll., 2003). Les cellules de carcinome mammaire de rat
MRMT-1 (Medhurst, et coll., 2002), la lignée cellulaire d’ostéosarcome OHS (Ekstrom,
et coll., 1997) ou les cellules de cancers prostatiques humains (Andersen, et coll., 2003)
ont aussi été étudiés chez le rat immunodéficient. Cependant, les animaux nudes sont
assez difficiles à utiliser : leur coût est élevé, ils doivent être gardés en conditions stériles
et ont une durée de vie courte. Tous les modèles de xénogreffes ont aussi le désavantage
de manquer d’interaction physiologique entre l’hôte et la tumeur en partie parce que le
système immunitaire affaibli de ces animaux ne force pas la tumeur à exprimer les
mécanismes d’échappement qui interviennent chez l’homme. De plus, les cellules
cancéreuses peuvent ne pas répondre aux facteurs produits par le microenvironnement
animal, et vice et versa. Néanmoins, l’apparence histologique des tumeurs humaines est
relativement bien préservée chez l’animal.
IV. METHODES D’ANALYSES INNOVANTES DES LESIONS
Dans le document
Modèles animaux de perte osseuse bénigne et maligne utilisable pour l?évaluation de biomatériaux
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