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6.1) Problématique

L’objectif du travail expérimental est de tester et de vérifier le modèle pétrogénétique qui a été élaboré au chapitre 5.2. Les expériences ont par conséquent été réalisées dans les conditions les plus proches de celles déduites du modèle géochimique, en ce qui concerne le matériel de départ, la pression (P), la température (T) et le degré de fusion partielle (F).

Des expériences de fusion partielle ont donc été effectuées en piston-cylindre demi-pouce (½"), à partir d’une source identique à celle proposée par le modèle : une lherzolite métasomatisée par 5% de liquide adakitique. Concernant la pression et la température, la croûte océanique subductée se trouve au maximum à 150 km sous les volcans de l’arrière-arc. Il est ainsi fort probable que la fusion partielle du coin de manteau se produise entre 3 et 4 GPa (90-120 km de profondeur), voire même à des pressions inférieures à 3 GPa. Comme le piston-cylindre avec contre-pression du Laboratoire Magmas et Volcans était en phase de remise en route au début de ce travail expérimental, il a fallu travailler à P ≤ 2,5 GPa au lieu de 3-4 GPa prévu initialement, pour réduire les problèmes de fissuration des noyaux de carbure de tungstène. Deux séries d’expériences ont été réalisées à 2 et 2,5 GPa, ce qui correspond à 60-75 km de profondeur dans le coin de manteau. Ces conditions de pression sont toutefois applicables aux volcans de l’arrière- arc équatorien, si la fusion partielle du coin mantellique se produit à des profondeurs inférieures à 90 km. De plus, elles sont parfaitement adaptées au contexte géodynamique de l’arc principal équatorien (épaisseur de la croûte continentale = ~50 km ; Prévot et al., 1996), ainsi qu’à toutes les zones de subduction où des liquides silicatés acides interagissent avec le coin mantellique.

6) Approche expérimentale

Edifice volcanique Références Caractéristiques des produits éruptifs Modalités de la genèse

A rc pr in ci pa l

Cayambe Samaniego et al., 2002, 2005

Antisana Barragan et al., 1998

Bourdon et al., 2002b, 2003

Mojanda-Fuya Fuya Samaniego, 1997 Robin et al., 1997, soumis A rr re -a rc

Sumaco Barragan et al., 1998

Bourdon et al., 2003a, soumis

Pan de Azucar Hoffer, 2004

Cônes de Puyo Hoffer, 2004 Hoffer et al., accepté

pour publication

Laves de Mera

Viejo Cayambe (1,1-1 Ma) : andésites calco-alcalines moyennement potassiques, avec de rares dacites et rhyolites. Assemblage à plagioclase + clinopyroxène + orthopyroxène. Pas d'amphibole.

Nevado Cayambe (0,4 Ma-Holocène): dacites moyennement potassiques, avec de rares andésites. Assemblage à plagioclase + clinopyroxène + orthopyroxène + amphibole. Laves enrichies en sodium, Ni, Cr et appauvries en HREE, par rapport aux laves du Viejo Cayambe. L'empreinte adakitique est plus importante pour le Nevado Cayambe.

Viejo Cayambe : 5-15% de fusion partielle d'un manteau métasomatisé par 3% de liquide adakitique, en présence d'un résidu lherzolitique contenant 2% de grenat.

Nevado Cayambe: 5-15% de fusion partielle d'un manteau métasomatisé par 3% de liquide adakitique, en présence d'un résidu llherzolitique contenant 4% de grenat. La participation des liquides adakitiques semble plus importante qu'au Viejo Cayambe.

Andésites, dacites et rhyolites calco-alcalines hautement potassiques. Assemblage à plagioclase + othopyroxène + clinopyroxène ± olivine. Laves riches en éléments incompatibles.

3% de fusion partielle d'un manteau appauvri métasomatisé par 0,06% de fluides aqueux, en présence de grenat et probablement d'amphibole ou de rutile résiduels. Andésites et dacites calco-acalines, moyennement à hautement

potassiques. Assemblage à plagiocase + clinopyroxène + orthopyroxène. Pas d'olivine, ni d'amphibole. Laves riches en LILE, pauvres en HREE et Y. L'empreinte adakitique est plus ou moins marquée selon les laves.

2-0,8% de fusion partielle d'un manteau métasomatisé par des liquides adakitiques, en présence d'un résidu à grenat ± amphibole.

Mojanda: andésites et dacites calco-alcalines moyennement potassiques. Fuya Fuya: andésites, dacites et rhyolites moyennement potassiques à affinité adakitique. Assemblage à plagioclase + clinopyroxène + orthopy- roxène ± olivine ± biotite ± amphibole pour les deux édifices. L'empreinte adakitique est plus marquée pour l'édifice Fuya Fuya.

Mojanda: fusion partielle d'un manteau métasomatisé par des fluides aqueux.

Fuya Fuya: fusion partielle d'une source mantellique enrichie par 3% de liquide adakitique.

Téphrites, basanites et phonolites alcalines. Assemblage à plagioclase + clinopyroxène (augite sodique) + haüyne ± olivine ± apatite. Laves riches en LILE et LREE, pauvres en silice (42-55%), enrichies en HFSE comparé aux laves de l'arc principal.

2% de fusion partielle d'un manteau appauvri, avec une contribution négligeable des fluides issus de la déshydratation de la plaque subductée.

Absarokites et shoshonites hautement potassiques à ultrapotassiques, sous-saturées en silice (jusqu'à 23% de néphéline normative). Assemblage à clinopyroxène sodique (fassaïte) ± plagioclase ± haüyne ± olivine ± apatite ± Ti-amphibole. Pas d'orthopyroxène. Laves riches en sodium et potassium, en LILE et LREE. Laves enrichies en HFSE et légèrement en HREE, comparé aux laves de l'arc principal.

2% de fusion partielle d'un manteau métasomatisé par 10% de liquide adakitique, en présence d'un résidu à phlogopite (4%) ± grenat.

Série 1: basaltes et andésites, à hypersthène ou à néphéline normative. Assemblage à clinopyroxène (augite et wollastonite) + plagioclase ± olivine ± apatite ± amphibole. Pas d'orthopyroxène.

Série 2: absarokites et shoshonites ultrapotassiques, avec 0,5-15% de néphéline normative. Assemblage à clinopyroxène (augite et wollastonite) + plagioclase ± olivine ± apatite ± amphibole ± haüyne. Pas d'orthopyroxène. Les deux séries présentent des laves riches en LILE et LREE, enrichies en HFSE, MREE et légèrement en HREE, comparé aux laves de l'arc principal.

1-4% de fusion partielle d'un manteau métasomatisé par 3-5% de liquide adakitique, en présence d'un résidu lherzolitique à grenat (2-6%) et à phlogopite (2-4%).

Absarokites ultrapotassiques sous-saturées en silice (jusqu'à 2% de néphéline normative). Assemblage à olivine + clinopyroxène (diopside) ± phlogopite.

Andésites moyennement à hautement potassiques, à hypersthène normatif (14-20%). Assemblage à olivine + clinopyroxène (augite). Les deux formations sont enrichies en HFSE et REE comparé aux laves de l'arc principal. Les absarokites de Puyo présentent des teneurs très élevées en LILE.

1-4% de fusion partielle d'un manteau métasomatisé par 3-5% de liquide adakitique, en présence d'un résidu lherzolitique à grenat (2-6%) et à phlogopite (2-4%).

Tableau 6.1

Tableau récapitulatif des édifices volcaniques de l’arc principal et de l’arrière-arc équatorien qui ont déja été étudiés, avec les caractéristiques des produits éruptifs et les

Le tableau 6.1 présente les études réalisées auparavant sur les volcans de l’arc principal et de l’arrière-arc équatorien. D’après les différents auteurs, les magmas émis dans les deux arcs sont engendrés par la fusion partielle d’un manteau métasomatisé par des liquides adakitiques et/ou par des fluides aqueux, suivant un degré de fusion modéré à faible (0,8-15% pour l’arc principal ; 1-4% pour l’arrière-arc).

6) Approche expérimentale

Les produits des volcans de l’arc principal sont pour l’essentiel des andésites et des dacites calco-alcalines possédant une empreinte adakitique plus ou moins marquée, alors que les édifices de l’arrière-arc ont émis des basaltes-absarokites et des andésites-shoshonites alcalines sous- saturées en silice (jusqu’à 23% de néphéline normative). Comme toutes les laves d’arc, les laves équatoriennes contiennent une quantité non négligeable d’H2O, amenée au coin de manteau par

les fluides et/ou les liquides silicatés issus de la plaque plongeante (0,5-2% d’H2O selon Stolper

et Newman, 1994).

Les expériences de fusion partielle devaient donc réunir trois paramètres :

1) des conditions de pression et de température applicables à la fusion du manteau supérieur équatorien (> 50 km) ;

2) un degré de fusion partielle faible à modéré (1-15% maximum) ; 3) des conditions sous-saturées en H2O.

De faibles degrés de fusion partielle et la présence d’H2O augmentent fortement les difficultés

expérimentales, notamment pour préserver le liquide des modifications dues à la trempe. Par conséquent, cette étude expérimentale s’est effectuée en deux étapes :

1) la mise au point d’une stratégie expérimentale permettant de déterminer la composition du liquide pour des faibles degrés de fusion partielle et dans des conditions sous-saturées en H2O ;

2) l’application au problème équatorien, pour vérifier le modèle pétrogénétique selon lequel la fusion partielle d’une lherzolite fertile métasomatisée par un liquide adakitique, à des degrés de fusion faibles voire modérés (≤ 15%), génère des liquides semblables au magmas de l’arc principal et/ou de l’arrière-arc équatorien.

6.1.1) Faibles degrés de fusion d’un manteau hydraté : difficultés expérimentales

Les expériences de fusion partielle directe ont pour objectif de déterminer la composition du liquide en équilibre avec un assemblage mantellique, pour un degré de fusion et des conditions de pression, température et ƒO2 donnés. De nombreux problèmes inhérents aux techniques

expérimentales empêchent parfois la détermination de la composition du liquide et des réactions de fusion. Dans le cas des expériences réalisées au cours de ce travail de thèse, qui cumulaient deux difficultés majeures (faibles degrés de fusion partielle et conditions hydratées), trois problèmes principaux peuvent être rencontrés :

- perte en fer et en H2O § 6.1.1.1

- non atteinte de l’équilibre § 6.1.1.2 - modifications dues à la trempe § 6.1.1.3

6) Approche expérimentale

6.1.1.1) Perte en fer et en H2O

La perte en fer de l’échantillon vers le conteneur varie suivant la matière de la capsule et est fréquemment observée lors de l’utilisation de métaux précieux (e.g. platine ; Stern et Wyllie, 1975). Les vitesses de diffusion du fer étant différentes pour chaque phase, le fer est tout d’abord perdu par le liquide, puis par les olivines et finalement par les pyroxènes et la phase alumineuse. Une des principales conséquences de ce phénomène est l’éloignement des KDmin-liq et KDmin-min,

par rapport aux valeurs d’équilibre.

Un de moyens de limiter la perte en fer est d’utiliser des conteneurs en graphite, mais ils ne peuvent malheureusement pas être employés en conditions hydratées. Une autre alternative est l’utilisation de conteneurs en or ou en alliage AuPd (Kawamoto et Hirose, 1994 ; Hall et al., 2004 ; Schmidt et al., 2004). L’alliage AuPd présente notamment l’avantage d’avoir un point de fusion plus élevé que l’or pur. En effet, la température de fusion de l’alliage Au80Pd20 à 1 atm est

de ~1350°C, contre 1064° pour l’or pur (Mirwald et Kennedy, 1979). La perte en fer vers des conteneurs formés de différents alliages (Au90Pd10, Au80Pd20 et Au75Pd25) est ≤ 4% relatif après

24 heures d’expérience (0,5-1,5 GPa et 1225-1400°C; Kawamoto et Hirose, 1994 ; Hall et al., 2004 ; Schmidt et al., 2004). Ces auteurs ont également démontré que la perte en fer dépend non seulement de la température et de la durée des expériences, mais également de la ƒO2. En effet,

Gaetani et Grove (1998) ont observé une perte en fer nettement plus importante que Kawamoto et Hirose (1994), à savoir 38% relatif pour des capsules Au80Pd20 après 24 heures d’expérience

(1,2 GPa et 1200°C). Ces auteurs attribuent cette différence à la faible ƒO2 qui régnait dans leurs

expériences, comparativement à celles de Kawamoto et Hirose (1994). Il apparaît ainsi que les pertes en fer sont fortement diminuées par des conditions oxydantes.

La perte en H2O qui se produit en conditions hydratées est le résultat de la diffusion de H2

(Hirose et Kawamoto, 1995) ou d’H2O (Patiño Douce et Beard, 1994) à travers les parois de la

capsule. C’est un problème important qui peut provoquer des modifications de la composition de la charge et des relations de phases (Hirose et Kawamoto, 1995). La diffusion de H2 peut

également entraîner des changements de la ƒO2 et augmenter par conséquent la proportion de

Fe3+ dans les minéraux et le liquide (e.g. Patiño Douce et Beard, 1994). Le choix du conteneur se

révèle donc crucial et les capsules en alliage AuPd semblent à nouveau être de bonnes candidates. Ainsi, Hirose et Kawamoto (1995) ont observé que la diffusion de H2 à travers les parois de

capsules Au75Pd25 et Au70Pd30 était minimale. Cependant, les expériences de Hall et al. (2004)

indiquent que la perte en H2O lors de l’utilisation de capsules Au80Pd20 est variable (9-32%

relatif) et est corrélée avec la fugacité d’oxygène du matériel de départ. Pour minimiser la perte en H2O, il est important que le matériel de départ soit relativement oxydé.

Fe-Mg Fe-Mg

6) Approche expérimentale

6.1.1.2) Non atteinte de l’équilibre

L’atteinte de l’équilibre entre le liquide et les minéraux résiduels se manifeste notamment par l’obtention de phases minérales ayant des compositions homogènes du cœur vers la bordure. L’équilibre est favorisé par a) des durées d’expériences > 24 heures (Fujii et Scarfe, 1985 ; Johnson et Kushiro, 1992 ; Hirose et Kushiro, 1993 ; Falloon et al., 1999) ; b) un matériel de départ finement broyé et consciencieusement homogénéisé (Laporte et al., 2004).

a) Durées des expériences

De nombreux auteurs ont examiné les variations de composition des phases en fonction de la durée des expériences (Fujii et Scarfe, 1985 ; Johnson et Kushiro, 1992 ; Hirose et Kushiro, 1993 ; Falloon et al., 1999). Ils ont établi que l’évolution de la composition du liquide se stabilise après 24 heures d’expérience. En revanche, des compositions reliques peuvent persister plusieurs jours aux cœurs des grands minéraux (principalement les pyroxènes), indiquant que l’équilibre n’est pas complètement atteint. Ce phénomène est d’autant plus important que la température de l’expérience est basse. D’après ces auteurs, la durée moyenne d’une expérience de fusion partielle, permettant d’approcher l’équilibre dans la totalité de la charge, se situe entre 48 et 72 heures.

b) Granulométrie du matériel de départ

La persistance de compositions reliques au cœur des minéraux est liée à la lente vitesse d’équilibrage de certaines phases, comme par exemple les clinopyroxènes (Cherniak, 2001). Un moyen d’éviter ces déséquilibres est d’utiliser un mélange de départ composé de grains mesurant quelques microns (Laporte et al., 2004). En effet, des minéraux petits et fins favorisent l’équilibrage entre le liquide interstitiel et les minéraux résiduels, en augmentant la vitesse de diffusion chimique à l’état solide et le phénomène de dissolution-précipitation.

6.1.1.3) Modifications durant la trempe

Même avec une vitesse de refroidissement relativement rapide (de l’ordre de 100°C/s en piston-cylindre), la croissance de minéraux métastables dans la phase liquide peut se produire durant la trempe de la charge. Les cristaux de trempe se présentent sous des formes variées : bordures étroites autour de l’olivine et de l’orthopyroxène résiduels, larges cristaux (2-5 μm) ou fines dendrites dans le verre (Jaques et Green, 1979). Ce phénomème provoque des erreurs dans la détermination de la composition du liquide et du degré de fusion partielle (Green, 1973 ; Cawthorn et al., 1973). En effet, la cristallisation de matériel de trempe diminue le volume de liquide, ce qui résulte en une augmentation de la teneur des éléments les plus incompatibles dans le liquide résiduel. Ces problèmes sont d’autant plus importants pour de faibles degrés de fusion partielle, pour une pression élevée et en présence de volatils (Green, 1973).