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Métacognition et conscience

PARTIE I CONCEPTS

II. Le sujet comme acteur Métacognitif

1) Métacognition et conscience

La métacognition possède un lien évident avec la conscience, elle-même liée à l’attention et aux émotions, ce qui explique en partie la relation qu’entretient la métacognition avec ces domaines (relation sur laquelle nous reviendrons plus loin). Romainville (2007, p.109) exprime fort bien le rapport entre métacognition et conscience :

« On dira donc que l’élève exerce sa métacognition, soit quand il fait état de connaissances explicites de son fonctionnement cognitif, soit quand il contrôle et adapte intentionnellement ce dernier en vue d’atteindre un objectif d’apprentissage. Cette façon de poser la métacognition met clairement l’accent sur l’importance de la conscience dans cette opération : un changement de stratégie, opéré par un élève à la suite d’un processus

contraire, une modification de stratégie résultant d’une prise de conscience de ses propres opérations cognitives sera, quant à elle, considérée comme métacognitive. »

La distinction entre adaptation consciente et non consciente est ici très explicite. Nous retrouvons dans ce passage le fait que la métacognition n’est pas impliquée dans toute situation d’apprentissage, tout comme la conscience. En effet, la conscience réflexive, impliquée dans la métacognition et qui constitue un arrêt attentif sur l’expérience subjective en cours n’est pas nécessaire à tout apprentissage et peut même en entraver le déroulement (notamment pour les apprentissages moteurs). L’apprenant – ou plus largement la personne en situation d’adaptation métacognitive – n’aura pas conscience des moindres détails de son action (autant du côté du suivi que du côté du contrôle), mais pourra initier et analyser ses actions en fonction d’objectifs précis. On voit également ici que le seul accès possible pour le chercheur au contenu de cette métacognition réside dans le discours du sujet. Nous avions déjà souligné ce fait dans notre partie sur les mesures de la métacognition (voir V, p.31). Nous reviendrons sur cet aspect lorsque nous traiterons des expériences conscientes, un peu plus loin dans cette partie de synthèse.

Baars (1993) insiste quant à lui sur le fait que la définition opérationnelle de la conscience est inévitablement métacognitive à l’heure actuelle, la métacognition consistant selon lui à prendre connaissance de ses propres processus mentaux. Cette dernière semble donc irrémédiablement faire appel à la conscience par le biais de l’attention, en permettant de rendre certains contenus, processus mentaux ou encore certaines actions conscients. Baars parle à ce sujet d’ « accès métacognitif » (1993, p.382) :

« Accès métacognitif : la capacité de récupérer ses propres contenus conscients. Il existe des cas clairs d’expériences conscientes qui sont difficiles à récupérer, comme le phénomène de Sperling [mémoire iconique]. Cependant, l’accès métacognitif est indispensable à la définition opérationnelle de la conscience communément utilisée. »

devenir conscients se situent dans le vécu de l’action. Ce sont notamment des éléments qui sont devenus automatiques grâce à l’apprentissage, et qui peuvent être amenés en conscience (Vermersch, 2006). Les éléments non conscientisables sont ceux qui se déroulent lorsque la conscience est absente, ou encore une grande part des processus physiologiques du sujet. Afin de mieux saisir ce que représentent ces expériences conscientes et conscientisables, nous pouvons les regrouper sous le terme de vécu. Ce vécu constitue l’expérience du sujet, de l’aspect central de la conscience (l’objet principal de la conscience à un moment donné) aux éléments qui ne sont pas traités consciemment par le sujet (certains de ces éléments étant conscientisables), en passant par l’aspect périphérique de la conscience (éléments qui se situent autour du centre de la conscience ou à la limite de la perception consciente). Le vécu est donc constitué d’éléments plus ou moins distinctement expérimentés et rappelés, et qui peuvent posséder un aspect plus durable ou très fugace. Par ailleurs ce vécu accompagne toute expérience consciente (il ne saurait y avoir d’expérience consciente sans vécu). Cependant il peut y avoir vécu sans expérience consciente. Ainsi, « le sommeil profond est aussi bien un vécu qu’un moment de conscience réfléchie » (Vermersch, 2006, p.220). Celui-ci permet aux opérations cognitives de prendre place en intégrant et reliant les différentes informations du système cognitif, que celles-ci soient des perceptions, le produit de raisonnements, des émotions aux d’autres cognitions. Si la conscience consiste en une diffusion globale de l’information (Baars, 1993), le vécu comporte et intègre cette information au contexte interne et externe contemporain à cette dernière. Enfin, le flux de conscience dont les divers éléments changent au cours du temps est constitué du vécu conscient du sujet.

En situation métacognitive, une partie des expériences du sujet est ainsi consciemment vécue, ressentie et suivie (nous faisons ici référence au terme anglais de monitoring) par ce dernier. Cet aspect de la métacognition est qualifié d’expérience métacognitive. En effet, il nous faut souligner la différence qui existe entre le fait de vivre une expérience consciemment et le fait d’avoir conscience de vivre cette expérience en tant que personne douée de conscience. Cela signifie que le sentiment de soi (Soi central de Damasio ou Système-Soi de Baars, voir II.5) p.82 et II.4) p.75) accompagne toujours l’expérience consciente (le « Je » qui « vit » les

pouvons effectuer un suivi de notre vécu, et non plus rester au stade de l’expérience directe de ce vécu. Cette prise de distance, ce retour réflexif conscient peut s’effectuer sur différents niveaux de ce dernier (sur un détail précis ou la situation de manière plus globale), simultanément ou postérieurement à celui-ci. Il est alors possible de prendre conscience que l’on est en train de vivre et d’expérimenter des choses consciemment (conscience réflexive). La notion de « Moi » (Soi autobiographique de Damasio ou Concept de Soi de Baars, voir II.5) p.82 et II.4) p.75) est alors activée consciemment et constitue l’aspect de notre subjectivité sur lequel nous sommes susceptibles d’effectuer un retour, une métacognition. Ce « Moi » est d’ailleurs générateur de connaissances métacognitives qui vont à leur tour l’influencer. La métacognition ne porte pas nécessairement exclusivement sur le « Moi », qui ne constitue qu’un objet de métacognition parmi tant d’autres. Cependant ce type précis de métacognition nous permet de nous ajuster et d’engranger des connaissances sur notre propre personne. La métacognition peut s’effectuer sur des cognitions, ainsi que sur des métacognitions (prendre conscience de la manière dont on prend conscience de ses cognitions), et ainsi de suite. Cependant, quel que soit le niveau de réflexivité auquel le sujet se trouve, cela restera une partie de son vécu, intégré à l’ensemble du vécu du sujet. Si le vécu peut varier dans son aspect conscient, la réflexivité sur une partie de celui-ci ne constituera jamais un « méta-vécu » mais tout simplement une part de ce vécu. La métacognition fait donc appel à une conscience réflexive et non pas une simple conscience des éléments de l’environnement (ou « conscience de »). Si la notion de « Moi » ne rentre en conscience que lorsqu’il y a métacognition, elle n’en reste pas pour autant activée non consciemment la plupart du temps. Le « Moi » contient en effet des éléments autobiographiques qui sont à l’origine de motivations et d’activités conscientes ou la conscience réflexive n’est pas pour autant activée. Cependant des éléments du « Moi » ne deviennent objets de la conscience que dans les moments de conscience réflexive.

Le vécu du sujet peut donc être plus ou moins distinctement conscient, se rapprochant plus d’une conscience simple de l’instant présent ou d’une conscience plus élaborée impliquant la notion de « Moi » (conscience-noyau et conscience-

train d’être expérimenté. Il nous arrive en effet plus souvent d’expérimenter et d’être conscient de notre vécu quotidien de manière directe, « spontanée », sans expérimenter simultanément ce qu’il représente pour nous ou ce qui constitue et implique la situation que nous sommes en train de vivre, c’est-à-dire sans être réellement présent en tant que sujet. Cela ne signifie pas une absence de subjectivité (« Je »), mais souligne la non activation d’une subjectivité réfléchie (« Moi »).

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