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Émotion, conscience et métacognition

PARTIE I CONCEPTS

II. Le sujet comme acteur Métacognitif

2) Émotion, conscience et métacognition

Qu’en est-il alors du rapport entre l’émotion et la conscience ? Nous l’avons souligné dans notre partie consacrée à la conscience, celle-ci est en lien direct avec l’émotion, puisque lorsque la forme la plus simple de la conscience disparaît (« conscience de »), l’émotion est également absente (Damasio, 1999). Le sentiment, qui constitue l’expérience subjective de l’émotion, est en lien avec le sentiment de Soi (Rolls, 2007), relatif à l’aspect subjectif à toute expérience consciente et permet de s’adapter au mieux aux situations complexes. Ainsi, l’émotion est indissociable de la conscience à son niveau le plus basique, et le sentiment est indissociable de la subjectivité qui définit et « cadre » toute expérience consciente. Nous l’avons déjà évoqué : c’est l’émotion qui constitue le premier mode de contact avec l’environnement et qui participe en premier lieu à l’élaboration de la notion de Soi (Wallon, 1941/2002). L’enfant passera d’ailleurs, comme le montre le modèle de la conscience de Damasio, par un stade où son vécu sera uniquement présent (Wallon, 1945/1989), et n’intégrera que la notion de « Je » et pas la notion de « Moi », c’est-à-dire pas de conscience réflexive. L’évolution sera bien entendu progressive et permettra finalement l’émergence du « Moi ». L’émotion permet donc la construction de la conscience et influence par là même ses contenus. Elle restera toujours liée à cette dernière tout en étant diluée dans l’ensemble des modes de connaissance dont dispose le sujet.

La métacognition qui constitue un retour conscient sur notre vécu, est donc irrémédiablement influencée par l’émotion, puisqu’elle s’exerce dans le cadre même de la conscience. Les émotions ressenties (sentiments) avant et pendant une tâche vont donc interagir avec la métacognition, influençant la qualité du monitoring et du

métacognitives. L’émotion possède comme nous venons de le voir une influence importante et très souvent implicite sur la métacognition, et va ainsi orienter l’action. Cependant, cette relation entre métacognition et émotions n’est pas à sens unique : la métacognition peut modifier les sentiments ressentis en cours de tâche sans pour autant les réguler directement. L’interprétation des stimuli constituant l’émotion et les émotions elles-mêmes peuvent évoluer en fonction de l’activité métacognitive. Cet impact spontané (c’est-à-dire non consciemment contrôlé) de la métacognition va bien sûr se produire au moment de la réalisation d’une tâche, mais également plus tard, en agissant sur la formation de souvenirs et de connaissances métacognitives. En regard des éléments que nous venons d’exposer, il est clair que la métacognition des émotions est un passage indispensable pour optimiser les conditions et les résultats d’un apprentissage, afin d’effectuer une autoévaluation et d’activer des connaissances métacognitives plus proches de la réalité et donc plus efficaces. Comme nous l’avons souligné dans la partie précédente, les émotions peuvent ainsi être inhibées, amplifiées ou modifiées dans leur expression. Cette régulation se fait sur les trois versants constituant l’émotion, c’est-à-dire le plan comportemental et expressif, sur le plan du ressenti (sentiment) ou même au niveau physiologique dans une certaine mesure et dans certains cas précis de régulation métacognitive.

Soulignons au passage que la conscience s’appuie avant tout sur les expériences sensorielles et motrices, la plupart du temps sociales. Les interactions sociales, en se basant dans un premier temps sur un mode de communication émotionnel, vont permettre de constituer le vécu et l’expérience consciente du sujet. Influençant par là même les vécus futurs, la conscience de soi, et la conscience des autres en tant qu’individus doués de conscience et d’une volonté propre (théorie de l’esprit). Nous insistons sur cet aspect social pour souligner l’aspect incarné de la conscience et de la métacognition évoqué plus haut (Briñol, et al., 2009). C’est à travers des actes et des perceptions que celles-ci se constituent.

L’expérience consciente et les notions complexes de « Je » et de « Moi » (c’est-à-dire de sujet), émergent d’un réseau de relations qui implique le cerveau, le corps et l’environnement. Le cerveau reste bien entendu le centre dans ce réseau,

l’orchestration du réseau relationnel (Adolphs, 2007). Pour Adolphs, il faut donc, pour comprendre la conscience, s’intéresser aux propriétés relationnelles entre le cerveau et l’environnement social et non pas aux seules propriétés intrinsèques du cerveau. Cela renforce l’idée selon laquelle la métacognition est belle et bien intégrée dans des situations, ou encore énactée, pour reprendre les termes de Francisco Varela (1993). Le fait qu’elle constitue un retour sur son propre vécu, nous l’avons vu, ne la situe pas en dehors de l’environnement ou même d’un vécu : elle travaille sur ce dernier tout en le modifiant partiellement, l’expérience du sujet « en métacognition » différant bien évidemment de l’expérience du sujet « en cognition ».

Le découpage de la métacognition en compétences et en connaissances effectué au début de notre travail s’articule autour d’expériences métacognitives qui constituent l’aspect purement conscient de la métacognition (Efklides, 2009). En effet les compétences métacognitives ne sont pas pleinement conscientes (on a par exemple pas conscience de l’ensemble des processus nécessaires au suivi d’une tâche impliquant la métacognition). Il en va de même pour les connaissances métacognitives, activées partiellement et participant en partie au contexte dans lequel l’expérience consciente se déroule, sans pour autant en être l’objet. Ainsi, les expériences métacognitives constituent une partie spécifique d’un vécu conscient. Les expériences métacognitives constituent un retour réflexif sur une partie du vécu sans pour autant prendre place en dehors de ses frontières.

Afin de resituer les divers éléments évoqués ici, nous proposons la schématisation suivante (fig.3.1, p.123).

Figure 3.1 – Flux de conscience

Nous retrouvons ici le flux de conscience continu qui repose sur la sphère émotionnelle et la subjectivité pour se maintenir. Ce dernier peut varier d’un moment à l’autre de manière importante ou subtile, ce qui caractérise le changement d’états de conscience. Précisons d’ores et déjà que nous n’avons pas ici représenté de changements importants d’état de conscience, qui impliquent des modifications sur l’ensemble des paramètres signifiés sur ce schéma. Grâce à l’attention, la

Contexte et ressources non conscients

Flux de conscience

Variation des états de conscience

Émotions

émotions, objectifs, motivations, perceptions, concepts, produits de raisonnements ou de réflexions

Subjectivité

Éléments nécessaires à l’émergence de la conscience Focalisation de l’attention Conscience réflexive (consciousness) Légende Vécu « Conscience de » (awareness) Engagement de l’attention

quant à elle représentée par les deux traits en pointillés situés à l’intérieur de l’espace de la « conscience de ». On constate par ailleurs que le vécu du sujet n’est pas nécessairement conscient et que la conscience des divers éléments qui le constituent se dégrade lorsque l’on s’éloigne du centre du flux de conscience. Nous retrouvons également l’engagement endogène et exogène de l’attention sur ce schéma pour signifier que les éléments non conscients peuvent entrer dans le flux de conscience (au centre ou en périphérie de celui-ci) de manière volontaire ou automatique. Les épisodes impliquant une conscience réflexive où le « Moi » (une part de la sphère de la subjectivité) devient conscient ne sont pas permanents (sphère grise). Les expériences métacognitives correspondent à des phases de conscience réflexive.

3)

Les différents états de conscience et leur impact sur la métacognition

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