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2.3 Immunométabolisme : interface entre l’immunité et le métabolisme

2.3.2 Métabolisme des lymphocytes T

Dès leur activation, les LT subissent un changement métabolique ayant une répercussion cellulaire majeure par l’engagement d’une voie métabolique spécifique. Ils passent d’un état de quiescence avec un profil métabolique bas à un état métabolique hautement actif au cours de leur activation puis prolifération. Ce changement métabolique est marqué par le passage à une glycolyse aérobie, c’est-à- dire, à une fermentation d’acide lactique malgré la présence d’oxygène dans le cytosol pour permettre aux LT d’augmenter rapidement leurs biomasses (effet Warburg). Cette étape requiert l’expression de GLUT1 et l’activation des voies de signalisations Akt-PI3K (Phosphoinositide 3-Kinase) et mTOR (mammalian Target Of Rapamycin), étant impliquées dans la glycolyse.

Les LT naïfs arrivent ensuite à maturité et sortent du thymus en s'appuyant sur le processus OXPHOS pour leurs besoins métaboliques, bien qu'ils augmentent le métabolisme glycolytique pendant les périodes de prolifération en suivant l’expression du gène TCR. Dans les organes lymphoïdes secondaires, l’expression du TCR, la costimulation et les signaux du microenvironnement induisent une expansion clonale et une reprogrammation métabolique des LT. Cette conversion des LT naïfs en LT effecteurs (Th1, Th2, Th17 et Th22) et régulateurs (Tregs) est marquée par l'engagement de la glycolyse aérobie et l’augmentation de l'activité OXPHOS (Pearce et Pearce 2013; Buck et al. 2017).

Les LT helper pro-inflammatoires, Th1 et Th17, utilisent préférentiellement la glycolyse aérobie ainsi que les Th2 anti-inflammatoires. Contrairement à ces sous- populations de LT, les Tregs anti-inflammatoires ont recours préférentiellement au métabolisme oxydolipidique (Beier et al. 2015) pour assurer leur fonction immunosuppressive (Pearce et Pearce 2013; Buck et al. 2017; O’Neill, Kishton, et Rathmell 2016).

Les Th1 et Th2 augmentent la glycolyse aérobie au cours de leur polarisation comme il est sensiblement visible pour les Th17. Cependant, les Th17 dépendent également de la synthèse des acides gras de novo (Fatty Acid Synthesis, FAS). Une inhibition de l’Acetyl-CoA Carboxylase 1 (ACC1), enzyme clé de la FAS, perturbera la synthèse des Th17 (Berod et al. 2014; Ma et al. 2017).

La phosphorylation oxydative et l’activité de la chaîne respiratoire mitochondriale sont associées à un phénotype lymphocytaire anti-inflammatoire. C’est un consensus factuel uniquement pour les phases de différenciation et de maintien de leur fonction immunosuppressive. Cette correspondance entre le métabolisme et le phénotype lymphocytaire n’est plus le cas quand nous nous plaçons aux phases d’activation et de prolifération (figure 12). Par exemple, les Tregs peuvent utiliser la glycolyse et ainsi souligner que cette voie métabolique n’est pas seulement assignée à la fonction cellulaire de type pro-inflammatoire (De Rosa et al. 2015). La délétion spécifique de CPT1a dans les LT montre que l’utilisation de la β-oxydation par les Tregs semblerait ne pas être indispensable pour leur prolifération (Raud et al. 2018). Nombre d’études ont démontré le rôle de la protéine kinase AMPK, impliquée dans le métabolisme oxydolipique, dans la différenciation des LT CD4+ activés en Tregs. L’AMPKα est activée de façon allostérique par l’AMP et inhibée par l’ATP par compétition. Une fois activée, l’AMPKα participe au maintien de l’homéostasie énergétique cellulaire en jouant un rôle important dans le contrôle du métabolisme lipidique par la phosphorylation de l’ACC et donc son inhibition. L’ACC catalyse la transformation de l’acétyl-CoA en malonyl-CoA, inhibiteur de l’oxydation des AGL, constituant la première réaction de la biosynthèse des acides gras. Dans le contexte d’obésité, les niveaux de phosphorylations de l’AMPKα et de CPT1a sont réduits. Ces réductions sont corrélées à une diminution du pourcentage de Tregs ainsi qu’à une augmentation de l’expression des gènes pro-inflammatoires (Raval 2013).

Une autre étude chez l’animal a montré une augmentation de la phosphorylation de l’AMPKα sur thréonine 172 et une réduction de l’activité de mTOR étant associées à une moindre glycolyse dans les Tregs directement corrélée à l’augmentation de la prévalence de ces cellules anti-inflammatoires (Michalek et al. 2011). En effet, l’activité de mTOR joue un rôle primordial dans les LT effecteurs (i.e., Th1, Th2 et Th17) en promouvant la glycolyse aérobie. La suppression de cette activité in vitro par l’utilisation de rapamycine et donc du métabolisme glycolytique ont conduit à l’augmentation du pourcentage de Tregs exprimant FoxP3 (Kopf et al. 2007). Une délétion génétique de mTOR, spécifiquement dans les LT, augmente la production des Tregs et non des LT effecteurs (Delgoffe et al. 2009).

En somme, le métabolisme glycolytique induit préférentiellement la différenciation des LT naïfs en Th1, Th2 ou Th17. En revanche, le métabolisme oxydolipidique oriente les LT vers la sous-population lymphocytaire anti- inflammatoire Tregs (figure 13). La régulation des Tregs par le métabolisme cellulaire est en partie modulée par l’activité de l’AMPKα sur la phosphorylation de l’ACC et sur la réduction de l’activité de mTOR (Ma et al. 2017).

Figure 13 : Métabolisme des sous-populations des lymphocytes T (cf. O’Neill 2016 et Pearce 2013). Explication : Les lymphocytes T effecteurs, TH1 et TH17, utilisent la glycolyse, la synthèse des AG et le métabolisme des acides aminés pour favoriser la prolifération et la production de cytokines. Les Tregs utilisent le cycle TCA et l'oxydation des AGL.

Outre l’effet important du métabolisme énergétique sur le devenir des LT, la plasticité des LT est sensible à l’expression dynamique des facteurs de transcriptions. Il a été discuté l’existence d’une co-expression de ces facteurs de transcriptions au sein des LT. Prenons l’exemple des Tregs et son facteur de transcription sélectif, FoxP3, les Tregs sont également en mesure d’exprimer RORγt. Celui-ci diminue l’activité transcriptionnelle de FoxP3 et ces Tregs acquièrent un phénotype pro-inflammatoire (Fang et Zhu 2017). Ce processus dépend du microenvironnement cellulaire avec pour exemple notable les cytokines avoisinantes et le statut Redox. En effet, la reprogrammation des LT activés engage la machinerie mitochondriale. La signalisation par les espèces oxygénées réactives (ROS) provenant de la chaîne respiratoire mitochondriale intervient dans l’orientation de cette polarisation.

La réponse immunitaire et la régulation métabolique sont étroitement intriquées, c’est l’immunométabolisme, représentant un mécanisme central pour l’homéostasie de l’organisme. Elle est altérée au cours d’un excès alimentaire chronique aboutissant in fine à un ensemble de complications métaboliques et inflammatoires chroniques. L’immunométabolisme étudie d’une part les différentes fonctions des cellules immunitaires étant associées à des configurations métaboliques distinctes. D’autre part, le statut métabolique des cellules immunitaires peut subir une reprogrammation et ainsi entraîner des changements de la sécrétion cytokinique de ces cellules. Les LT helper pro-inflammatoires, Th1 et Th17, sont dépendants de la glycolyse aérobie ainsi que les Th2 anti-inflammatoires. Contrairement à ces sous- populations de LT, les Tregs anti-inflammatoires dépendent préférentiellement du métabolisme oxydolipidique. En effet, la phosphorylation oxydative et l’activité de la chaîne respiratoire mitochondriale sont souvent associées à un phénotype lymphocytaire anti-inflammatoire. L’AMPKα, impliquée dans le métabolisme

2.4 LYMPHOCYTE T : implication du stress-oxydant et du statut Redox