• Aucun résultat trouvé

L’acide alpha-lipoïque (ALA), ou l’acide thioctique, est un puissant anti- oxydant qui possède un potentiel Redox plus élevé que les vitamine C et E et il intervient dans la régénération de ces vitamines anti-oxydantes (Biewenga, Haenen, et Bast 1997). La forme oxydée, lipoic acid (LA), et sa forme réduite, dihydrolipoic acid (DHLA), constituent un couple Redox avec un potentiel d’oxydoréduction plus élevé que tous les autres antioxydants. En effet, le couple DHLA/LA présente un potentiel Redox de -320mV alors que celui du couple GSH/GSSG ne s’élève qu’à -240mV. Cette différence, encore plus marquée avec les autres couples Redox, souligne l’importance du couple DHLA/LA dans le statut Redox et a fortiori dans la protection des dommages oxydatifs. Ces effets sont dépendants des réactions d’échange des composés organiques Thiol/Disulfure qui modulent l’état Redox du microenvironnement cellulaire (en partie caractérisé par le couple Cystéine/Cystine) en agissant sur la prolifération et l’apoptose cellulaire et les voies de signalisation de l’inflammation (Packer et al. 2010; Rochette et al. 2015). En d’autres termes, le couple Redox DHLA/LA, plus globalement l’ALA, régule l’expression et l’activité transcriptionnelle de nombreux facteurs de transcription via la modulation des réactions chimiques de groupements thiol/disulfure impliquées dans le statut Redox. L’ALA joue son rôle de chélateur d’ions et d’antioxydant exerçant ainsi deux effets qui diminuent le stress oxydant. L’ALA interagit avec plusieurs kinases et phosphatases affectant leurs résidus cystéines et induit de cette manière un changement de conformation de ces enzymes en causant ainsi soit leur activation soit leur répression. Par exemple, la régulation bien établie de l’absorption du glucose musculaire par la contraction du muscle en passant par la voie AMPK est améliorée par l’apport en ALA via la phosphorylation de l’IRS1 Ser789, l’activation de PI3K et la translocation de GLUT4 (cf.5.2.2).

Figure 27 issue de Rochette et al. 2015 : Implication du couple Redox DHLA/LA dans la régénération des antioxydants. Explication : LA et DHLA augmentent l’efficacité du cycle de recyclage de la vitamine C et active celui de la vitamine E. Abréviations : DHLA, dihydrolipoic acid ; GSH, glutathione LA, lipoic acid ; LH, unsaturated lipid ; LOOH, lipid hydroperoxides ; LOO•, peroxyl radical.

L’ALA peut provenir de sources exogènes et particulièrement des aliments tels que les épinards, les brocolis, les rognons et le foie (entre 0,6 et 0,9x10-3 g de lipoyllysine/g du poids sec). Sa biodisponibilité varie en fonction de sa forme chimique. Il existe deux énantiomères, les formes R et S, avec des propriétés pharmacocinétiques singulières (Hermann et al. 2014). La forme R-ALA témoigne une biodisponibilité deux fois supérieure à celle de la forme S. Cependant pour ces deux formes il a été rapporté une faible demi-vie plasmatique de trente minutes (Teichert et al. 1998).

L’alimentation apporte qu’une très faible quantité d’ALA et la biodisponibilité est dépendante d’une multitude de facteurs (e.g., âge, compétition des substrats, mécanismes post-traductionnels, tractus gastro-intestinal avec notamment la sécrétion d’enzymes digestives) (Salehi et al. 2019). Ces analyses ont donc mis en avant l’intérêt notable de supplémenter les patients, à une dose et une durée précise (Vajdi et Abbasalizad Farhangi 2020), pour relever un effet positif et spécifique de l’ALA. Une supplémentation en ALA représente généralement une dose environ mille fois supérieure à celle apportée naturellement par l’alimentation (AFSSA 2008, saisine n°2007-SA-0231).

De nombreuses études ont eu recours à des doses journalières différentes dans un intervalle compris entre 200mg/j et 1800mg/j (Namazi, Larijani, et Azadbakht 2018). L’étude de la clairance plasmatique post-ingestion de l’ALA n’a montré aucune toxicité pour les doses de 200mg à 600mg/j (Teichert 1998). En revanche, concernant des doses de 1200mg à 1800mg/j, il a été signalé différents effets indésirables mineurs chez l’Homme comme la présence de démangeaisons, d’urticaires, et de troubles gastriques avec ou sans pyrosis (Koh et al. 2011). A ce jour il existe un effet indésirable majeur lié à l’utilisation de l’ALA à forte dose journalière : le syndrome auto-immun insulinique (IAS, Hirata Disease). L’IAS est caractérisé par une hypoglycémie spontanée anormale étant associée à l’augmentation exacerbée de l’insulinémie liée à la sécrétion d’anticorps dirigés contre l’insuline endogène ou le récepteur à l’insuline (Gullo et al. 2014). Deux principaux polymorphismes sont décrits comme susceptiblement à risque d’IAS : HLA-DRB1*04 :06 et HLA-DRB1*04 :03 qui sont exprimés respectivement chez les populations d’origine asiatique et caucasienne.

L’ALA est effectivement une substance trouvée dans de plus en plus de compléments alimentaires ayant fait preuve d’utilisation à visée thérapeutique avec des effets pertinents sur différentes pathologies (figure 28). L’ALA agit comme cofacteur des enzymes mitochondriales impliquées dans la régulation du métabolisme et ipso facto de la glycémie et de l’oxydation des lipides, rendant son apport intéressant dans le traitement de l’obésité.

Dans un contexte d’obésité, quels sont les mécanismes moléculaires impliqués dans ces effets bénéfiques ? A des doses inférieures à 1200mg/j, il n’a pas été recensé d’effets délétères et cela pour une administration longue avoisinant les 12 mois (Namazi, Larijani, et Azadbakht 2018). Il a été montré que la plupart des effets liés à l’utilisation de l’ALA comme complément alimentaire seraient sur le plan :

❖ Anthropométrique : une réduction significative du poids corporel, de l’IMC et du tour de taille pour une dose comprise entre 600mg et 1200mg/j sur huit semaines (Li et al. 2017; Namazi, Larijani, et Azadbakht 2018).

❖ Biochimique : chez le modèle murin il a été montré une amélioration de la stéatose hépatique avec une réduction du taux de TNFα circulant et hépatique capital dans la pathogenèse de la NAFLD liée à l’inflammation issue de l’obésité. Cette inflammation est aussi étroitement impliquée dans l’apparition de maladies cardiovasculaires. L’administration de 300mg/j a réduit différents marqueurs biologiques contribuant à ces pathologies à l’instar de la CRP, IL-6, TNFα et PAI-1 (Plaminogen Activator Inhibitor-1 ou Serpin E1) (Huerta et al. 2017) et l’augmentation de eNOS préservant la fonction endothéliale de l’inflammation liée au stress oxydatif (C. Sena et al. 2008; Shay et al. 2009). ❖ Métabolique : les effets de l’ALA sont majoritairement associés à ses capacités

anti-oxydantes en augmentant la synthèse de glutathion et l’activité du facteur de transcription Nrf2 impliqué dans l’équilibre Redox (cf. 5.2.3). L’ALA réduit la sécrétion de métabolites lipotoxiques tels que les céramides en optimisant l’efficacité des capacités oxydolipidiques (i.e., activité de l’AMPK) et anti- oxydantes. De part ces différents mécanismes, l’ALA induit une meilleure régulation de la glycémie caractérisée par une diminution du taux d’HbA1c, de la glycémie à jeun et une amélioration de l’insulinosensibilité liée à l’augmentation de la translocation de GLUT4 (Kucukgoncu et al. 2017; Akbari et al. 2018). De plus le maintien de l’intégrité cellulaire par l’ALA favorise la préservation de la flexibilité métabolique de la cellule en limitant l’activité des voies de signalisations inflammatoires (i.e., NF-κB et JNK).

❖ Comportemental : une diminution de la prise alimentaire pourrait être induite par une augmentation des hormones anorexigènes comme la leptine et une élévation de la dépense énergétique musculaire selon la dose et le mode d’administration (Y. Wang et al. 2010; Huerta et al. 2017).

Ces différents effets, décrits comme bénéfiques, associés à l’apport en ALA passent en partie par les voies présentées ci-dessous (figure 29) que nous allons détailler au paragraphe suivant.

Figure 29 issue de Pershadsingh et al. 2007 : Modulation de l’activité AMPK, activation doublée de PPARα/γ et diminution du stress oxydatif, entraînent des effets systémiques conduisant à une amélioration des composants du syndrome métabolique par l’acide alpha- lipoïque (i.e., suppression de l'inflammation systémique, amélioration de l’insulinosensibilité et prévention de la lipotoxicité tissulaire).

Les effets de l’ALA semblent être différentiels selon si nous nous focalisons sur ceux induits par l’ALA endogène ou ceux de l’ALA exogène. L’ALA endogène et exogène interviennent dans l’activité du facteur de transcription Nrf2 impliqué dans l’équilibre Redox et dans la synthèse du glutathion. Les études montrent que les apports en ALA, dans le contexte de l’obésité, améliore la régulation de la glycémie. Ces apports réduisent différents marqueurs biologiques de l’inflammation contribuant au développement de maladies métaboliques. Ces différents effets de l’apport exogène en ALA répondent à une relation dose-réponse et dépendent du