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Chapitre 2 Les acteurs du milieu hospitalier montpelliérain

2.2 Personnel soignant

2.2.2 Médecins, chirurgiens et apothicaires

On l’a vu, l’hôpital médiéval se veut avant tout un lieu d’accueil et de repos où les soins prodigués par les membres du personnel hospitalier, ne possédant pas de formation médicale, sont d’ordre essentiellement palliatifs. C’est du moins le cas pour une bonne partie du Moyen Âge à Montpellier. Avec l’implication accrue des pouvoirs publics dans la sphère des services d’assis- tance, la porte est ouverte à une plus grande intervention des praticiens de la santé au sein des institutions hospitalières. Graduellement, on assiste à une lente médicalisation des structures d’as- sistance47. À partir du XIVe siècle, mais surtout au cours du XVe siècle, des médecins, chirurgiens et apothicaires investissent graduellement le domaine des soins. Le phénomène se produit sur l’en- semble de l’Occident, en observant une chronologie très variable48. En comparaison avec d’autres

44 Ibid. p. 833. 45 Ibid. p. 867.

46 C’était probablement le cas de Dame Perrine, hospitalière de Sainte Marthe. AMM, Thalamus des Ouvriers de la Commune-Clôture, fol. 199.

47 On reviendra sur la question de la médicalisation de l’assistance dans la dernière partie du chapitre 3. 48 Certaines régions montrent beaucoup plus de précocité que d’autres. C’est le cas des communes italiennes. Marylin Nicoud, « Médecine et prévention de la santé à Milan à la fin du Moyen Âge », dans Jean Louis Biget, Patrick Boucheron et Jacques Chiffoleau (dir.), Religion et société urbaine au Moyen-Âge : études offertes à Jean Louis Biget par ses anciens élèves, Paris, Publications de la Sorbonne, 2000, p.483-498.

régions, l’arrivée des intervenants médicaux dans les structures d’assistance se présente à Mont- pellier de manière assez tardive49. Plusieurs communes italiennes embauchent des médecins mu- nicipaux afin de procurer des soins aux pauvres dès le début du XIVe siècle50. Plus près, dans la région méridionale, la ville de Marseille sollicite les services d’un médecin dès 132551. À l’instar de Montpellier, la plupart des villes françaises n’embauchent des intervenants médicaux qu’un peu plus tard, à la suite des premières vagues de peste52. Aux médecins, les villes semblent souvent préférer les chirurgiens, dont les honoraires sont généralement moindres53.

Dans le but de fournir des médicaments aux malades des hôpitaux, le consulat a également recours aux services d’apothicaires qui se chargent de la livraison et de la préparation de remèdes. Parmi ceux qui approvisionnent régulièrement les hôpitaux figurent le couple formé d’Antoine et Marguerite de Fabrègues. Entre 1490 et 1500, Fabrègues et ses héritiers sont remboursés à quatre

49 Pour une synthèse sur le rôle des médecins dans le milieu hospitalier, voir Mirko D. Grmek, « Le médecin au service de l’hôpital médiéval en Europe Occidentale ». History and philosophy of the life sciences, vol. 4, no. 1 (1982), p. 25- 64.

50 C’est le cas de Milan qui embauche un medicus pauperum, qui procure des soins gratuits aux malades des hôpitaux. Marilyn Nicoud, « Médecine, prévention et santé publique», p. 496. Sur ces medici condotti, on verra Vivian Nutton, « Continuity or Rediscovery? The City Physician in Classical Antiquity and Mediaeval Italy », dans A.W. Russel (dir.), The Town and State Physician in Europe from the Middle Ages to the Enlightment, Wolfenbütteler Forschungen, 17 (1981), p. 9-46. Sur les médecins pensionnaires des hôpitaux, voir aussi l’étude d’Anne Carmichael, Plague and the Poor in Renaissance Florence, Cambridge University Press, 1986, 180p.

51 Ernest Wickersheimer, Dictionnaire biographique des médecins en France au Moyen Âge, Paris, Droz, 1936, p. 630.

52 C’est notamment le cas des hôpitaux du Bas-Rhône, où la médecine hospitalière ne se développe qu’à partir du milieu du XVe siècle. Le Blévec, La part du pauvre, p. 805.

53 Cela pourrait également être expliqué par le fait que les contrats de praticien municipal, peu payants et monopoli- sants comportaient peu d’attrait pour les médecins. Geneviève Dumas, Santé et et société, p. 257.

reprises pour avoir approvisionné les hôpitaux en médicaments54. On sait par l’entremise des in- ventaires que l’hôpital Saint-Éloi était pourvu d’un alambic, ce qui laisse présager que la prépara- tion des médecines pouvait avoir lieu au sein de l’hôpital55.

Il existe deux comptes concernant les hôpitaux Saint-Jacques et Saint-Éloi datés de 1492 et de 1494 qui s’avèrent particulièrement éclairants dans la perspective d’entrevoir le rôle exercé par les praticiens dans le cadre hospitalier56. Le compte de 1492 nous apprend que 248 prescrip- tions visant 111 patients auraient été rédigées par deux médecins, Jean Garsin et Jean Gontier. Le compte de 1494 fait état de 226 prescriptions pour une période de trois mois. Le document ne mentionne pas les médecins qui ont prescrit les médicaments. Il n’y figure qu’une mention du chirurgien Jean Lamors, qui aurait rédigé une prescription. Les médicaments prescrits dans le compte daté de 1494 sont commandés en recette, ce qui semble confirmer l’hypothèse que la pré- paration des médicaments avait lieu au sein même de l’hôpital. Un flou entoure l’identité de ceux qui ont visité les patients et de ceux qui ont prescrit les médicaments. Rien ne permet d’affirmer que les médecins aient rédigé toutes les prescriptions, encore moins qu’ils aient visité tous les patients57. Dans le contexte particulier d’une épidémie de peste, il est probable que ces différents praticiens de la santé aient à l’occasion empiété sur les champs de pratique les uns des autres et aient accompli des tâches qui soient plus ou moins assignées à leur profession. En effet, lors d’im-

54 AMM Joffre, no. 574 à 582. Après la mort d’Antoine Fabrègues, sa femme Marguerite semble prendre le relais des activités. En tout, six autres fournisseurs de médicaments ont pu être identifiés dans les comptes pour cette pé- riode.

55AMM, joffre

56 AMM BB 190. Ces deux comptes ont fait l’objet d’une étude approfondie par Geneviève Dumas. Santé et société,

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portantes vagues de peste à Montpellier, les comptes de la ville révèlent que les différents prati- ciens de la ville s’échangent parfois les rôles. À titre d’exemple, un chirurgien est rémunéré pour une livraison de médicaments et un apothicaire est payé pour des soins qu’il aurait donnés aux malades des hôpitaux58. Selon Geneviève Dumas, ces écarts visaient avant tout à favoriser le bien- être des patients59.