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Chapitre 2 Les acteurs du milieu hospitalier montpelliérain

2.1 Administration des hôpitaux

2.1.3 Les Dames du Dimècre

Ce panorama de la gestion hospitalière à Montpellier ne saurait être complet sans une pré- sentation de l’oeuvre des Dames du Dimècre. Il s’agit d’un groupe de femmes, principalement recrutées auprès de la bourgeoisie marchande26, dont l’action principale est de parcourir la ville chaque mercredi, d’où leur nom, dans le but de récolter des fonds destinés à financer les hôpitaux

municipalisés ainsi que de procurer des soins et de l’assistance à domicile aux personnes qui en

24 On observe un tel fonctionnement à Viviers et Avignon, ainsi que dans plusieurs villages languedociens. Un

membre du chapitre ou un magistrat municipal se voit attribuer le titre de commandeur. Celui-ci est alors libre de nommer un hospitalier qui sera responsable de la bonne marche de l’établissement. Le Blévec, La part du pauvre, p. 689.

25 AMM BB3, fol. 34-34vo, no. 614-615.

ont besoin. Si on retrouve des oeuvres charitables s’acquittant d’un mandat similaire dans d’autres villes, le cas des Dames du Dimècre de Montpellier présente ses originalités qui ont déjà suscité l’intérêt de quelques chercheurs27. Plutôt éparse et sporadique, la documentation parvenue jusqu’à nous ne permet pas de retracer du début à la fin les activités de l’oeuvre. Quelques actes procurent toutefois des pistes intéressantes nous permettant d’entrevoir quel pouvait être le fonctionnement et le rôle de l’organisation.

La plus ancienne trace témoignant de l’existence de l’oeuvre remonte à 128828. Son activité semble se poursuivre au delà du XVIe siècle. Chaque mercredi, les membres de l’oeuvre se réu- nissent d’abord dans l’église de l’hôpital Saint-Éloi et assistent à une messe célébrée par l’aumô- nier rattaché à l’oeuvre. C’est par la suite que les Dames du Dimècre quittent l’église afin de parcourir les rues de la ville dans le but de récolter des dons pour les hôpitaux patronnés par le consulat. Par la même occasion, elles offrent des secours à domicile aux pauvres et aux malades. L’activité des Dames du Dimècre semble se concentrer en périphérie des institutions hospitalières. S’il n’existe aucune mention de leur présence auprès des patients de l’hôpital, il n’est pas exclu qu’elles les visitent occasionnellement. Parce qu’elles sillonnaient la ville chaque semaine, le vi- sage de ces femmes était nécessairement connu des habitants de la ville.

Les Dames du Dimècre sont également les administratrices de leur oeuvre. Sous la super- vision des consuls, elles sont responsables de la répartition des fonds récoltés entre les différents

27 La première étude faisant mention de l’organisation est celle d’Alexandre-Charles Germain. « De la charité pu-

blique et hospitalière », p. 535. Daniel le Blévec s’y intéresse également dans un article portant sur les femmes et l’assistance dans la région méridionale. «Le rôle des femmes dans l’assistance et la charité», Cahiers de Fanjeaux, no. 23, (1988), p. 171-190. Plus récemment, Geneviève Dumas y consacre une section dans son livre Santé et société à Montpellier à la fin du Moyen Âge, Leyde, Brill, 2015, p. 270.

28 Il s’agit d’un acte concernant la vente d’une maison. Les deux femmes mentionnées par l’acte, Marie Aibran et

hôpitaux selon leurs besoins. À titre d’exemple, plusieurs paiements sont versés à des hospitalières afin de défrayer des dépenses effectuées pour des denrées alimentaires29. Les Dames du Dimècre possèdent aussi la capacité juridique d’acquérir et de vendre des possessions immobilières ainsi que de contracter et de recevoir des dons30. Cela tend à changer au courant du XVe siècle alors que des officiers nommés par le consulat commencent à encadrer l’activité des Dames du Dimècre. Un clavaire intègre d’abord le groupe. Celui-ci est chargé d’inscrire toutes les dépenses dans un livre de comptes qui sera remis au receveur des usages de l’oeuvre. Des procureurs sont également nommés par le consulat afin de représenter l’oeuvre en justice31. La création de cet intermédiaire ne brime en aucun cas la liberté des Dames du Dimècre de répartir les dons comme bon leur semble32.

Les consuls reconnaissent leur expertise en matière de questions d’assistance publique et n’hésitent pas à y avoir recours. Chaque année, lors du jour de l’Ascension, la ville organisait une manifestation charitable de grande envergure, au cours de laquelle avait lieu une importante dis- tribution de pains aux indigents. Les célébrations comportaient un aspect cérémonial important et mobilisaient plusieurs milliers de personnes33. Tous les corps de métiers participaient à une pro- cession qui menait à la distribution des pains, au nombre de plusieurs milliers. Un événement d’une telle ampleur faisant l’objet d’importants préparatifs, la ville choisit de consulter les Dames du

29 « per carn per los dos espitals Sant Jaume et Sant Aloy, 9s. 9d .» « per comprar de vin per l’espital Sant Jaume, 2s. » Livre de comptes des années 1495 et 1496, AMM, série GG.

30 Dumas, Santé et société, p. 270. AMM, Armoire dorée, liasse K, no. 7.

31 Un acte daté de 1493 mentionne deux hommes comme étant les « recteurs » de l’œuvre. AMM, série GG. 32 « …ay bailat a dona Bradeta Castela, en presensia de sas companhieiras donas dels dimecres, al consolat, comptant 2ll. … per mandament de lasditas donas à l’espitalieira de Sant Aloy, 35ll. » Livre de compte de l’année 1303. AMM, série GG.

Dimècre lors de l’organisation de l’événement, en raison de leur connaissance des besoins des

pauvres34.

En plus de gérer un fonds important, ce groupe de femmes incarne une figure importante du milieu de l’assistance montpelliérain. En déambulant dans la ville chaque semaine, en procurant de l’assistance à domicile ou encore en agissant comme conseillères auprès du consulat, les Dames du Dimècre sont activement impliquées au sein de leur communauté. Ces femmes étaient certai- nement visibles, connues et estimées des habitants de la ville. Les nombreux legs qui leur sont adressés témoignent de la reconnaissance dont elles bénéficiaient de la part de la population.